L’ONU juge la Loi de Sécurité globale incompatible avec les droits de l’Homme

Ce ne sont pas les articles 22 et 24 de la Loi Sécurité globale qu’il faut retravailler mais tout le texte de loi, qui ne respecte pas les droits de l’Homme.

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Michelle Bachelet President of Chile by Chatham House(CC BY 2.0)

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L’ONU juge la Loi de Sécurité globale incompatible avec les droits de l’Homme

Publié le 12 décembre 2020
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Par Laurent Sailly.

La Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Michelle Bachelet, ancienne présidente chilienne, a dressé une liste de sujets d’inquiétude et de recommandations aux autorités françaises :

« Nous exhortons les autorités françaises à éviter de prendre des mesures qui résultent dans la stigmatisation de groupes entiers et nous les exhortons à prendre activement des mesures pour que des groupes ne soient pas stigmatisés ou ne voient pas leurs droits de l’Homme violés parce que certains individus ont fait des choses qu’il ne fallait pas faire ».

Elle « encourage les autorités à mener des enquêtes rapides, complètes, indépendantes, impartiales et transparentes pour toute violation des droits de l’homme ». 

Elle a aussi rappelé qu’elle s’est déjà inquiétée depuis longtemps « du racisme et des contrôles aux faciès des forces de l’ordre qui doivent être traitées urgemment ». 

Des propos qui font écho au rapport d’un groupe de cinq experts indépendants mandatés par l’ONU ayant estimé le 3 décembre que la France se devait de réviser sa proposition de loi sur la sécurité, la jugeant « incompatible avec le droit international des droits de l’Homme ».

Ce ne sont pas les articles 22 et 24 de la Loi Sécurité globale qu’il faut retravailler mais tout le texte de loi, qui ne respecte pas les droits de l’Homme.

L’article 24 : la sécurité est la première des libertés

La plupart de ceux qui manifestent contre l’article 24 n’ont évidemment pas lu le texte et s’agitent sur la foi des slogans de certaines associations qui se réfugient derrière des grands principes des droits de l’Homme ou des libertés individuelles.

Naturellement, ces principes sont inaliénables, mais les agiter dans n’importe quelle circonstance et pour de mauvaises raisons est irresponsable et inutile.

L’interdiction de la diffusion des images non floutées d’interventions policières empêche l’identification des agents et leur évite de subir des représailles, pressions et menaces diverses. En aucun cas cette interdiction n’arrêtera les éventuelles procédures disciplinaires et judiciaires contre des membres des forces de l’ordre qui franchiront les limites.

Il n’est pas possible de justifier n’importe quel comportement au nom de la liberté de la presse. Car il ne s’agit pas d’empêcher de tourner des images mais de les diffuser sans certaines précautions.

Le raisonnement de ceux qui, au nom des libertés publiques, veulent pouvoir filmer et diffuser librement des images est incompréhensible et paradoxal. En effet, ce sont les mêmes qui dénoncent la captation par drone ou caméra piéton des manifestations et des interventions comme une atteinte aux libertés publiques.

On ne saurait se prévaloir de principes constitutionnels que l’on ne reconnaît pas aux forces de l’ordre. La captation systématique des interventions des forces de sécurité cherche simplement à protéger à la fois les forces de l’ordre et les Français contrôlés ou secourus.

Parce qu’en 2020, l’État est partout, il est perçu à juste titre comme un oppresseur destructeur des libertés, notamment avec la gestion désastreuse de la crise sanitaire. Or, pour une fois, le pouvoir intervient dans le domaine régalien, la sécurité du citoyen. Mais il intervient en retard (un comble pour Jupiter, « maître des horloges ») après des événements dramatiques, dans un contexte de défiance à l’égard de l’État et de ses agents.

L’article 24 : … mais la remise en question des libertés individuelles n’améliore en rien la sécurité collective

Chaque semaine, des commissariats de police sont attaqués au mortier d’artifice, des gendarmes sont contraints d’éviter les tirs jusque sur les logements de leurs familles. Plus de dix mille policiers et gendarmes ont été blessés en opération en 2018, un chiffre qui a plus que doublé en 15 ans. Aujourd’hui, l’uniforme suscite plus souvent l’insulte que le respect.

Ces violences sont le signe évident du sentiment d’impunité totale qui anime leurs auteurs face à un droit déjà existant, supposé réprimer fortement les outrages et la violence envers tout dépositaire de l’autorité publique, et qui n’est tout simplement pas appliqué.

Comme pour la crise sanitaire, le gouvernement s’agite et fait des discours martiaux. L’article 24 est le symbole d’une nouvelle fuite en avant de nos dirigeants.

L’urgence est au courage politique et à l’application sur l’ensemble du territoire des lois existantes. L’article 24 existe déjà dans la loi de 1881, qui sanctionne toute « provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité d’une personne ». L’article 24 va nourrir un droit déjà ventripotent et qui, parce qu’il a été mal rédigé, occupe notre vie démocratique.

La loi de 1881 sur la liberté de la presse représente à la fois la garantie de la liberté d’expression tout en réprimant ses excès. Depuis la loi Pleven de 1972, les délits limitant la liberté d’expression se sont multipliés.

L’article 24 constitue une nouvelle étape dans nos reculs démocratiques. La création d’un comité de réécriture est significative de ce dévoiement de nos institutions. Les précédentes étapes ont été : la Convention Citoyenne pour le climat, le Conseil Scientifique, le Conseil de Défense, la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 qui ajoute à l’article 16 de la Constitution un nouveau régime d’exception.

« Le débat sur l’article 24 de la loi relative à la sécurité globale est un symptôme de plus de la dérive que nous suivons. Une fois de plus, on voudrait opposer la liberté à la sécurité – comme si, pour assurer l’indispensable protection de nos policiers et gendarmes, il était urgent de revenir sur le droit de la presse…
Une fois de plus, nos gouvernants cèdent à la tentation d’un texte superflu et dangereux offert en cadeau peu coûteux à des forces de l’ordre épuisées, et qui sur le terrain manquent souvent de l’essentiel. Une loi de plus, destinée à rejoindre les milliers de pages d’un droit devenu bavard, redondant, incompréhensible, qui n’arrive plus à empêcher que ceux qui ne nuisent à personne. »
écrit François-Xavier Bellamy dans Le Figaro.

La France viole-t-elle les droits de l’Homme ?

Pour faire face à la pandémie, au terrorisme et aux violences urbaines, la France s’est engagée dans une course à la limitation des libertés individuelles et à l’extension incontrôlée des pouvoirs de l’exécutif. Les prétentions françaises à donner des leçons de liberté d’expression au monde, irritant depuis longtemps le concert des Nations, l’ONU, par la bouche de sa Haut-commissaire aux droits de l’Homme, nous invite à restaurer l’État de droit dans notre pays.

Il n’en fallait pas plus pour que les organisations contestataires brandissent les  grands principes droits-de-l’hommiste.

Il faut croire que Michelle Bachelet, membre du parti socialiste chilien, cède ainsi à l’idéologie progressiste dominante, notamment dans les médias (« dominant » ne veut pas dire majoritaire – NDLA).

Malheureusement, Emmanuel Macron a brouillé sa communication lorsque, dans son interview au média Brut, il a indiqué qu’il existerait un contrôle au faciès discriminant les non-Blancs et que les jeunes de l’immigration incarneraient « une chance ».

Non, il n’existe pas un contrôle policier au faciès qui serait établi pour discriminer délibérément les non-Blancs. Prétendre le contraire, c’est délibérément souscrire à la thèse erronée d’un racisme policier systémique.

SOS-Racisme (avec en arrière-plan les ambitions électorales du Parti socialiste) s’emploie, avec beaucoup de succès depuis le milieu des années 1980, à persuader une partie de la population immigrée que la majorité des Français, y compris sa police, est raciste. Rien de plus aisé que de persuader un individu qu’il est une victime. A fortiori quand ceux qui s’évertuent à l’en persuader appartiennent à la famille de ses prétendus tourmenteurs.

Si Emmanuel Macron a été convaincu de la thèse du racisme de la société française et des discriminations qu’elle sécréterait, comment voulez-vous que cette thèse d’un racisme policier discriminant à la mode outre-Atlantique, n’ait pas touché Michelle Bachelet ?

Conclusion

« Thomas Jefferson rappelait que « qui sacrifie un peu de liberté pour se sentir en sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre ». La France d’Emmanuel Macron prétend brider la liberté pour assurer la sécurité. Elle aura l’autoritarisme et la violence » écrivait Nicolas Baverez.

Pour autant, il ne faut pas oublier Saint-Just pour qui il n’y a « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

Alors, comment « assurer la sécurité sans sacrifier la liberté » ?

Pour Jean-Éric Schoettl, secrétaire général du Conseil constitutionnel de 1997 à 2007, « le fondamentalisme droits-de-l’hommiste imprègne la sphère juridictionnelle au point de paralyser en grande partie l’action publique. Pour desserrer ce corset, la République doit reconfigurer l’État de droit en opérant au sommet de la hiérarchie des normes : Constitution et traités internationaux ».

 

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  • « Inquiétude suite à l’élargissement du fichage pour «atteinte aux institutions de la République» »
    « la police et la gendarmerie pourront (..) recueillir des données personnelles sur toute «activité sur les réseaux sociaux», sur les «pratiques sportives» ou encore sur «la pratique et le comportement religieux». Seront également pris en compte les «facteurs de fragilité» tels que les addictions ou régimes de protection. Les «activités politiques», dont la surveillance était déjà en vigueur, seront à présent élargies aux «opinions politiques, philosophiques ou syndicales ». » ( Le Figaro 12.12.2020 )

    Et ça, par simple décret, sans la moindre discussion au parlement

  • les droits de l’homme commence par la sécurité des gens honnêtes et le surveillance de ceux qui ne le sont pas ; c’est tout le contraire de la politique de macron ; il emmerde les honnêtes gens et laisse la racaille leur pourrir la vie ;

  • La police française, en tant qu’institution n’est pas raciste. On n’est pas dans l’Afrique du sud de l’apartheid.
    Mais.
    Le contrôle au faciès est une réalité statistique : il y a 10 fois plus de « chances » d’être contrôlé quand on a une couleur de peau foncée.
    Il y a une solution simple : supprimer les contrôles d’identité. Ils ne servent en réalité à rien. Ce qui n’interdit pas les contrôles ciblés face à des soupçons de délit.
    L’article 24 (et probablement d’autres) qui ne sert à rien non plus (surtout avec la prochaine loi sur le séparatisme) pourra sans souci subir le même sort.

  • L’ONU, qui condamne Israël plus que tout autre pays (sans condamner l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord) est un organisme corrompu et totalement « irrelevant ».
    Que Madame Bachelet s’occupe d’abord de mettre de l’ordre dans ses écuries.

    • Écuries, non, sa porcherie, ce sont tous des gorets les onusiens, ils se goinfrent de corruption comme dans toutes organisations ne relevant d’aucune loi attachée à un pays.

  • Ah les « Droits de l’homme » nouveau point Godwin de toute discussion pour discréditer son adversaire.
    Au nom des droits de l’homme et des libertés individuelles on ne trace pas et n’isole pas les malades de Covid ,mais on s’en fout quand il s’agit de mettre à bas des secteurs entiers de l’économie et de mettre en difficulté financière,morale,physique des dizaines de milliers de commerçants,d’indépendants,d’artisans….

  • Et voilà comment Matamore ridiculise la France et donne des arguments aux partisans des droits de l’hommisme pour le plus grand malheur de notre sécurité basique!
    Le « en même temps »probablement, c’est-à-dire le n’importe quoi!

  • Rien ne distingue un CRS d’un autre CRS, c’est une armée. Et comme certains « oublient » de temps en temps de mettre en évidence leur matricule ou bien qu’il n’est pas visible, il est très difficile de les identifier en cas de litige ou plus grave. De plus, les Français ne sont pas tous égaux en droits : la parole du citoyen ordinaire ne vaut pas la parole d’un policier et ceci est une anomalie du droit Français.
    Enfin, les policiers ont une responsabilité envers ceux qui les paient, c’est à dire les Français. Ils sont censés défendre le droit et les lois constitutionnelles du pays. Quand le gouvernement abolie, comme en ce moment, ces droits, ils devraient se mettre du côté des 99,5% des gens qui les respectent et ne pas obéir aux ordres iniques des apprentis dictateurs.

    • Les Policiers, Gendarmes et CRS sont assermentés. Ce n’est certes pas une garantie absolue. Mais cela doit certainement peser, du moins pour la plupart d’entre eux.
      D’autre part, la parole policière n’est pas vérité insurmontable, la preuve du mensonge ou de l’erreur peut être apporté, le cas échéant. Et en cas de mensonge, les sanctions peuvent être plus lourdes que pour un simple citoyen.
      Sans compter que si la parole des citoyens ordinaires suffisait à neutraliser celle des Policiers, le travail de ces derniers serait impossible.

      • Bonjour. je pense le contraire, le problème de la police, c’est qu’elle est nationale donc monolithique, et qu’elle est assermentée donc s’imagine être dispensé d’apporter une preuve.
        Alors qu’à l’heure de GoPro, rien de plus facile, cela protège ceux qui font leur boulots, les autres devraient sautés.
        J’ai travaillé avec un enregistrement des conversations, c’est très protecteur, les gens qui se plaignent sont soit de mauvaises foi, soit approximatif.
        Les policiers sont des citoyens comme les autres, de biens des mauvais. Qu’ils fassent leur boulot au lieu de faire les cadors et les cow-boys devant des citoyens honnêtes et être aux abonnés absents quand il y a des vrais méchants.

  • « En France, il n’y a qu’une seule Cour Suprême, c’est le Peuple »

    (Général de Gaulle)

    • De Gaulle, contrairement à nos gouvernants actuels respectait le préambule de notre constitution qui stipule très clairement qu’il n’y a rien au-dessus de la souveraineté du peuple. Tout organisme international ne doit donc être écouté que quand cela nous arrange et tout traité est révisable quand la nation le souhaite. Et j’ajoute qu’une majorité des états membres de l’ONU violent gravement les droits de l’homme. L’ONU est totalement disqualifiée pour parler d’un tel sujet.

  • L’onu….. Sa fin est proche, elle agonise et pourquoi donc s’inquiète t elle d’un petit pays en ruine comme la France ?

  • Bien joli, tout ça, mais 3 phrases ne font pas une étude juridique étayée de l’ensemble du texte.

  • Quel crédit accorder à cette organisation ? L’Arabie membre de la Commission de la condition des femmes… On touche le fond ? Pas sûr.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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