Étrangers, sortez ! La France dispose de droits inapplicables

300 000 étrangers sont en situation irrégulière en France, et pour cause : la loi censée permettre leur régularisation est inapplicable. L’avocat Pierre Farge témoigne.

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Barrières et barbelés By: Frédéric BISSON - CC BY 2.0

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Étrangers, sortez ! La France dispose de droits inapplicables

Publié le 9 décembre 2020
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Par Pierre Farge et Louise Rieth1.

Un étranger en situation irrégulière en France encourt notamment deux mesures d’éloignement : l’expulsion ou l’obligation de quitter le territoire. Jusque-là, rien d’insolent.

Pour éviter cela, notre pays des droits de l’Homme autorise à régulariser sa situation aux articles L.313-14 et suivants du Code de l’entrée et séjour des étrangers (CESEDA). En théorie en tout cas. Car en pratique, c’est inapplicable.

Comme une image vaut mille mots, je vous donne un exemple. Un exemple qui témoigne de l’épuisement du service public, du fonctionnement kafkaïen d’une préfecture, symptomatique d’une politique migratoire à tomber à la renverse, nuisible aux étrangers, et finalement aux Français eux-mêmes.

Pour régulariser sa situation migratoire, un étranger sans papier peut effectuer une demande d’admission exceptionnelle au séjour pour raison professionnelle ou pour raison personnelle et familiale. Pour ce faire, il doit prendre rendez-vous à la Préfecture de Police ; dans notre cas, celle de Paris, mais le cas s’est aussi posé récemment à la Préfecture de Nanterre.

Crise sanitaire et modernité du service public oblige, ce rendez-vous ne peut qu’être pris en ligne « sur le site internet de la Préfecture ». Sauf que la prise de rendez-vous est en pratique impossible : « il n’existe plus de plage horaire libre pour votre demande de rendez-vous. Veuillez recommencer ultérieurement ».

« Ultérieurement » est alors à comprendre dans son acception infinie, indéfinie, incertaine : le lendemain, le surlendemain, tous les jours suivants durant un mois, deux mois, trois mois ; qu’ils soient de semaines ou de week-end, de jour ou de nuit.  Rien n’y fait : aucune plage horaire n’est jamais libre pour prendre rendez-vous.

J’essaye donc un courriel à la Préfecture témoignant du blocage.

En réponse, j’obtiendrai qu’il faut « attendre les mises à jour du site internet ».

Deux mois passent encore avant que je n’adresse cette fois un courrier recommandé au Préfet lui-même. Un mois plus tard, le Directeur de la police générale me répond cordialement, m’expliquant que la prise de rendez-vous en ligne sera accessible « à compter du 24 août ». Je m’espère alors sauvé pour mon client. En vain, puisque le 24 août, évidemment le dysfonctionnement demeure.

J’envoie donc un second courrier au Préfet, puis, faute de réponse, un troisième le mois suivant. Personne ne répondra jamais.

Je me rends donc en personne à la Préfecture, où l’on me refuse d’abord l’entrée faute d’un rendez-vous. Après une pénible négociation avec la sécurité, faisant preuve du plus de pédagogie possible avec l’officier de sécurité, il me laisse finalement entrer.

Et je ne suis pas au bout de mes peines : une fonctionnaire dans une boite en verre me répond ne pouvoir me donner de rendez-vous, mais m’invite à expliquer mon problème à une adresse e-mail qu’elle me donne.

Je ne perds pas une minute sur place pour envoyer ce courriel, veillant à bien rappeler toute la chronologie appuyée de mes courriers au Préfet. Cette fois la réponse intervient en quelques jours : « Nous n’avons pas accès au planning des rendez-vous. La prise de rendez-vous s’effectue uniquement sur le site de la Préfecture de Police de Paris ».

Las mais non moins déterminé, je décide donc de me rendre à nouveau rue de Lutèce. Même comédie des officiers de sécurité, même pédagogie, pièces à l’appui. Cette fois l’entrée m’est carrément refusée : j’ai déjà suivi toute la procédure en envoyant mon e-mail, plus personne ne peut m’aider.

C’est finalement la quatrième personne à qui je m’adresse dans le froid à l’extérieur de la Préfecture – nous sommes en décembre, plus de six mois depuis ma première diligence – qui m’offre ce qui s’apparente le plus à une réponse.

Le fonctionnaire m’explique qu’il sait très bien que ce service ne fonctionne pas : il n’y a que quatre rendez-vous disponibles par jour pour les régularisations et ils sont tous automatiquement réservés (sic), il ne sait pas pourquoi et il ne peut rien y faire. « Il n’y a pas de solution » finit-il par avouer.

À ce stade, mon client est donc en situation irrégulière depuis maintenant six mois, sans possibilité de régulariser sa situation. À sa première interpellation, il risque l’expulsion, même s’il explique tout avoir fait pour être en règle avec le droit de notre pays et les valeurs de la République.

Quel recours reste-t-il aux pauvres âmes comme lui qui demandent bénévolement mon conseil et éventuellement mon aide ? Engager la responsabilité de l’État pour déni de justice ? Ils n’en ont pas les moyens, et cela l’État le sait bien. Renoncer à leurs droits ? Il semblerait qu’ils doivent s’y résigner.

 

  1. Louise Rieth est stagiaire en droit, rattachée à l’Université Paris Saclay.
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  • Je me demande comment font les autres pays. Il serait intéressant de s’inspirer des meilleures pratiques.

  • Comme quoi, l’administration dans Asterix n’est pas une caricature…

    • La maison qui rend fou, dans Les 12 travaux d’Astérix.

      • Exactement ce qui m’est venu à l’esprit immédiatement.

        Quel cynisme et quelle hypocrisie du gouvernement : on (macron) déclare des principes inapplicables et on (qui ?) met en place un simulacre pour décourager les postulants de façon mesquine tout en détruisant l’état de droit.

        Dans ce pays, la loi, le droit et la justice s’apparentent de plus en plus à des paraboles.

    • Mitterrand ne s’était pas embarrassé de toutes ces procédures en régularisant massivement sans contrôle !!!!

  • Ce n’est même pas ça qui me choque..

    C’est l’ensemble… toute la cohérence..
    La « normalité de la présence non désirée d’un grand nombre d’étrangers sur le sol du pays sans que la question soit traitée avec des moyens adéquats ou à la façon shadok

    Il n’y pas de politique migratoire qui reposerait sur des principes clairs..

  • raison de plus pour ne pas continuer à laissez rentrer des étrangers ; mieux vaut d’abord s’occuper de ceux qui sont déjà sur le sol français ;

    • on a pas assez de médecins.. on fait quoi?

      il suffit d’arreter de jouer à ce jeu stupide.. de l’etranger autrement qu’un individu..

      non, un pays a le droit d’avoir une politique migratoire.. comme vous avez le droit de décider qui rentre chez vous..

      c’ets essentiellement question de valeur..
      vous avez envie d’une vie paisible vous voulez bosser ..plutôt bienvenue….
      la notion même de pays implique la notion de peuple…qui elle implique l’idée de communauté ..

  • Typique des politiques. Ne pas refuser l’entrée ou expulser des étrangers pour ne pas se faire traiter de fascistes. Ne pas régulariser pour ne pas perdre son electorat. Reste plus qu’à laisser moisir les gars ad vitam eternam en attente de régularisation.

  • C’est pas grave tant qu’on les expulse.

    • Mais ils n’expulsent personne voyons, et les droits de l’homme qu’en faites vous? La loi interdit le séjour clandestin mais qui s’en préoccupe? Les lois ne sont pas faites pour être respectées, surtout par les juges qui s’en contrefoutent.

  • LFI va régler ce problème en deux minutes, en engageant 500 fonctionnaires qui lorsqu’ils ne sont pas en grève , rtt ou autres excuses seront bloqués par l’absence de matériel pour travailler, ce que LFI n’a pas prévu…

  • j’ai le même témoignage de personnes en charge de l’accueil et protection juridique des migrants.
    C’est proprement hallucinant l’inertie (et la mauvaise foi) de l’administration française.
    des migrants qui ne rêvent d’ailleurs que de fuir vers des cieux plus cléments (UK, même si ce n’est plus ce que c’était) où ils pourraient bosser et ne pas dépendre de l’arbitraire administratif.
    Et une preuve de plus dans le je m’en foutisme de l’administration, porté à des niveaux jusque là inconnus:
    https://www.courrierinternational.com/article/integration-en-france-des-refugies-qui-suivent-un-stage-ou-le-pays-daccueil-est-denigre

  • Même pour les personnes en situation régulière c’est l’enfer. Je me suis marié en 2004 avec une étrangère qui est venue vivre en France avec moi. Pendant 4 ans, il a fallu renouveler une carte de séjour temporaire d’un an. Au passage, nous avons eu visite de la police pour vérifier que ce n’était pas un mariage blanc (ce que je ne remets pas du tout en question).
    Sur le titre de séjour il était indiqué de s’y prendre un mois à l’avance pour renouveler. Par sécurité j’ai décidé de m’y prendre 2 mois à l’avance. On débarque à la préfecture de Nanterre vers l’heure d’ouverture pour prendre rendez-vous (pas d’autres possibilité à l’époque). Et là surprise on découvre un file énorme. La sécurité nous informe que c’est complet pour aujourd’hui et que pour être sur d’avoir une place il faut venir 2 heures avant l’ouverture. Ce que l’on fait le lendemain (sympa en décembre). On est pas trop mal placé dans la file et l’on ne fait que 3 heures de queue avant d’arriver au guichet. Le fonctionnaire prends nos documents et nous fixe un rendez-vous pour 3 mois plus tard. Soit un mois après la fin de validité du titre de séjour. Pas grave on nous donne une feuille A4 tamponnée pour prolonger le titre. Le jour du rendez-vous l’accueil a été assez rapide et mon épouse a reçu le tire un peu plus tard avec une date de validité à la date anniversaire du premier titre.
    L’année suivante même topo mais l’administration avait pris du retard et le rendez-vous était plus loin. La quatrième année, nous avons eu la carte de séjour 8 mois après la fin de validité de la troisième, ceci en se rendant à la préfecture 3 mois avant l’expiration.
    La conclusion est que la France est un pays gravement malade de son administration. Pour limiter l’immigration on met des barrières administratives. Cela ne dissuade pas tout ceux qui viennent de pays invivable et qui sont prêt à endurer toutes les vexations pour ne pas quitter le territoire. Par contre pour ceux qui sont dans leur droit cela donne une mauvaise image de la France et ne participe pas à une intégration heureuse.
    C’est même très contreproductif d’un point de vue qualité d’immigration. Dans ma boite nous avons eu un ingénieur canadien très qualifié sur une technologie assez innovante. Il a fait la queue une fois à Nanterre. Il m’a annoncé que s’il n’obtenait pas un titre de séjour de 10 ans, il quittait la France. Avec ses qualifications on l’accueillerait à bras ouvert dans beaucoup d’autres pays. Je vous laisse deviner …l’année suivant il partait pour l’Angleterre.

  • Offrez « Les 12 travaux d’Astérix » ou « Astérix et le domaine des Dieux » à votre client.
    Rien n’a changé depuis.

  • La brillante administration française a montré toutes ses capacités dans le traitement du Covid. Il ne s’agit plus d’étrangers mais les ARS et Bercy (pour le commandes de masques) ont montré toute leur incompétence malgré (surtout) leur nombre excessif.
    Et c’est partout pareil: une palanquée d’imbéciles, cela n’a jamais donné un fonctionnement efficace.
    Rappelez-vous le génial roman « Les employés » de Balzac: la réforme Rabourdin est toujours valable. Réduire le nombre de ministères à trois, diminuer par 4 le nombre de ronds de cuir et mutiplier leur salaires par deux. Cela coûterait deux fois moins cher pour une efficacité double (au moins).

  • Et bien prenons l’exemple de l’Allemagne ou de la Pologne ou de la Russie…là bas vous arrivez sans papier , vous est fixé un délai de deux ou six mois ( Allemagne et Pologne)…votre situation est étudiée « sérieusement » , votre implication dans l’acquisition des bases de la langue et des lois du pays…votre instruction et votre métier..Si tout est OK et si du travail est possible vous pouvez rester ..sinon retour dans votre pays..vous êtes prévenu et tout est clair..En france les dossiers trainent avec nombre d’associations qui font tout pour que cela traine…Parfois plus de 5 ans et même 10 ans pour certains..Entre temps les enfants sont nés , français , leurs parents ne sont toujours pas « naturalisés » et cela devient ubuesque et malsain…L’administration n’a aucun « courage » ou tout du moins celui de dire que si cela ne va pas …au bout de six mois d’instruction du dossier retour au pays…Lamentable

  • je vais donc laisser un commentaire en espérant que l’auteur de l’article me répondra. Car, en général quand je laisse un commentaire, il ne se passe rien….
    Ma question : est-ce qu’une association ne pourrait pas mettre en cause la responsabilité de L’État pour déni de justice ? Est-ce que votre client et quelques uns des 300.000 « irréguliers » ne pourraient s’associer pour le faire avec le concours de quelques autres ?
    Merci de me répondre à « jcf@xmp-entrepreneur.fr »

  • après avoir lu tous les commentaires, je pose une question clé : si on supprimait cette bureaucratie inepte, que ce soit pour les titres de séjour ou les passeports, que ferait-on des fonctionnaires titulaires et syndiqués dont il faudrait se séparer ?…. L’exemple de la SNCF et/ou de la RATP où on ne peut s’en séparer qu’une fois qu’ils ont pris leur retraite sinon on obtient 3 mois de blocage des transports…..

    • Les Suisses ont résolu le problème en supprimant le statut de fonctionnaire. Tous les travailleurs sont maintenant égaux sous statut privé! Ce qui n’est que justice. Les privilèges de la fonction publique sont scandaleux dans une démocratie, et encore plus en France où ces privilégiés ne cessent d’invoquer l’égalité. Un comble!

      • çà ne règlerait qu’une partie du problème ; en effet pour être efficace il faut avoir le courage de licencier les incompétents et là j’ai comme un doute avec les recours aux prud’hommes , les recours administratifs et tous les moyens judiciaires légaux !!!! Quand ce ne seront plus les syndicats ce seront nos juges rouges qui empêcheront le licenciement !!!

  • Au consulat de mon pays à Paris, il m’a fallu moins d’une heure pour obtenir mon passeport !
    L’administration française est la meilleure du monde! D’ailleurs comme tout ce que fait la France. Bizarrement personne ne veut l’imiter, tout comme elle refuse énergiquement d’imiter ses voisins!

  • Avec la numérisation l’obtention d’un passeport ne nécessite aucun document puisqu’ils sont numérisés et donc ne devrait demander qu’une opération par internet suivie d’une livraison par courrier! Mais cela priverait les parents et copains de politiciens et d’élus de pouvoir croquer dans le gâteau des contribuables!

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