Renaissance de la liberté religieuse aux États-Unis

La Cour suprême a jugé que bien que les 225 dernières années aient été passées à remplacer les règles privées qui marchaient par des règles étatiques absurdes, la Constitution s’applique toujours.

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The Bill of Rights by Ted Mielczarek(CC BY 2.0)

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Renaissance de la liberté religieuse aux États-Unis

Publié le 30 novembre 2020
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Par Philippe Lacoude.

« Même si la Constitution a pris des vacances pendant cette pandémie, ça ne peut pas devenir un congé sabbatique. » Juge Neil Gorsuch, 592 SCOTUS 20A87 (2020)

Petites cartes en couleur

Dans l’État de New York, le gouverneur démocrate, Andrew Cuomo, a adopté le même système de couleurs qu’en France avec des cartes aux zones rose, rouge, cardinal, pourpre, écarlate, rubicond, etc. selon la gravité prétendue de l’épidémie de covid-19 dans une zone donnée.

En tant qu’espèce d’envoyé permanent volontaire de Contrepoints aux États-Unis, je peux garantir à ses lecteurs que toute idée idiote adoptée d’un côté de l’Atlantique l’est immédiatement de l’autre par la même caste d’étatistes.

Ces derniers adorent les échelles de couleurs pour caractériser le risque de ceci-cela. Après les attentats du 11 septembre 2001, nous avions eu droit au Homeland Security Advisory System (vert, bleu, jaune, orange, rouge) aux États-Unis et aux niveaux d’alertes de Vigipirate (blanc, jaune, orange, rouge, écarlate) en France.

Comme pour la menace terroriste, la menace covid-19 n’utilise que les deux ou trois pires couleurs.

Ceci permet au gouverneur Cuomo, qui exploite à fond la crise sanitaire depuis le début et sans pudeur aucune, de montrer de belles cartes lors de ses fréquentes conférences de presse chorégraphiées au micron près – 115 épisodes à ce jour ! –, qui lui valent l’adoration ébahie des médias (de gauche) et même un Emmy Award – une récompense qui honore normalement les meilleures émissions et les meilleurs professionnels de la télévision.

Encore un petit effort pour transformer la réalité en spectacle burlesque et si vous passez par la gift shop, vous pourriez acheter la série en DVD Blu-ray UHD… Ce serait 199,99 dollars plus la sales tax pour tous les épisodes plus un special feature bonus avec une interview de son frère Chris Cuomo, un des présentateurs vedettes de la chaîne d’« informations » connue à droite sous le nom de Communist News Network, CNN.

Tout rouge foncé

Évidemment comme la série télévisée Cuomo est un « docu drama », tout est tout rouge. Très foncé. Heureusement Batman Cuomo veille sur New York depuis sa Batcave son sous-sol. Il explique donc à ses sujets citoyens médusés ce qu’ils doivent faire pour éviter le Joker les zones les plus crades et moisies cramoisies de la ville.

Pas de chances pour les catholiques et les juifs orthodoxes, ces zones ultra-rouges tombent pile poil sur les lieux de cultes. Zutalor ! comme on dit en dialecte yiddish New Yorkais.

Cuomo a donc interdit les rassemblements dans ces lieux en les limitant à 10 personnes ou 25 % de la capacité du bâtiment, la plus faible des deux valeurs ayant bien sûr force de loi.

Forcément, les magasins de vélos, les cafés Starbucks, les cabinets d’avocats, les débits de boissons et autres machins de gauche, eux, restent ouverts.

Premier amendement et liberté religieuse

Sauf qu’à New York, il y a une Constitution fédérale des États-Unis qui s’applique nonobstant les désideratas de son gouverneur.

Celle-ci contient un Bill of Rights – une déclaration des droits de l’Homme – dont le premier amendement est le suivant : « Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis ».

Libre exercice religieux sans entrave légale. Liberté de rassemblement.

Tout libéral de bonne foi comprend immédiatement que les édits du gouverneur Cuomo violent doublement cet amendement. Non seulement la liberté religieuse mais aussi la liberté de rassemblement.

Au passage, le gouverneur n’a jamais pensé à interdire les émeutes de cet été sur la base du covid-19. À ce moment-là quand des voyous d’extrême gauche profitaient des manifestations pour piller les magasins, le virus ne circulait pas.

Et, à ce sujet, CNN veut que vous sachiez que les manifestations (violentes) n’ont eu aucun impact sur la transmission du SARS-CoV-2. Je le crois bien volontiers.

Procès en série

Evidemment, tout ceci a conduit les populations new-yorkaises frustrées à intenter des procès. De première instance en cours d’appel, les cas ont finalement atteint la Cour suprême des Etats-Unis.

À minuit, la veille de la fête nationale de Thanksgiving, 5 juges contre 4 ont invalidé les règles de l’État de New York concernant les lieux de cultes.

En substance, ils ont décidé que, oui, la liberté religieuse s’applique ; oui, la liberté de rassemblement s’applique. Ce ne sont pas des droits subalternes qu’on suspendrait selon son bon vouloir.

Dans sa décision de concurrence, merveilleusement écrite dans un anglais à la fois châtié et limpide, le juge Neil Gorsuch, a déclaré que le gouverneur Cuomo avait traité les activités religieuses moins favorablement que les activités non religieuses :

« Il est temps – grand temps – de dire clairement que, bien que la pandémie pose de nombreux défis graves, il n’existe pas d’univers dans lequel la Constitution [américaine] tolèrerait des décrets exécutifs codés par couleur qui rouvriraient les magasins d’alcool et les magasins de vélos mais fermeraient les églises, les synagogues et les mosquées ». (page 9)

Même si elle rejette la plainte du diocèse catholique de Brooklyn, la juge Sotomayor rappelle dans sa conclusion que les « États ne peuvent pas discriminer les institutions religieuses, même lorsqu’ils sont confrontés à une crise aussi meurtrière que celle-ci. » (page 33).

Chief Justice Roberts

Le chef des neufs juges de la Cour suprême, John Roberts, s’est rangé du côté des trois juges « de gauche ».

Après avoir reconnu, je cite, que « les limites de capacité numérique de New York de 10 et 25 personnes semblent indûment restrictives [et… qu’]il se peut que de telles restrictions violent la clause de libre exercice » religieux, il rejette tout de même la plainte du diocèse catholique de Brooklyn.

Son argument, révélateur en soi, était que le pic de covid-19 avait disparu dans les zones où les plaignants pratiquent leurs religions respectives (page 20). Ainsi donc, la Cour suprême n’aurait pas eu à statuer, le problème ayant disparu grâce à la lenteur de la justice.

Une fois de plus, John Roberts montre trois choses.

La première est qu’il se moque éperdument de la liberté et des principes constitutionnels.

Deuxièmement, qu’il est toujours à la recherche de l’interprétation juridique la plus étroite possible des cas qu’on lui soumet de façon à faire la plus petite vaguelette possible avec chaque décision.

Et troisièmement, que comme beaucoup de (pseudo-)« conservateurs », il vit essentiellement pour ce qu’on dira de lui dans les éditoriaux du New York Times et du Washington Post.

Associate Justice Barrett

La décision principale, – écrite par les juges conservateurs Clarence Thomas, Samuel Alito, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett –, critique vivement la notion de « biens essentiels » et en montre l’arbitraire.

Les quatre juges notent que « dans une zone rouge, alors qu’une synagogue ou une église ne peuvent pas accueillir plus de 10 personnes, les entreprises classées comme « essentielles » peuvent admettre autant de personnes qu’elles le souhaitent. Et la liste des entreprises « essentielles » comprend des choses telles que les installations d’acupuncture, les terrains de camping, les garages » (page 3).

Bien évidemment, « ces catégorisations conduisent à des résultats troublants. Lors de l’audience devant le tribunal de [première instance], un responsable du département de la santé a témoigné au sujet d’un grand magasin à Brooklyn qui pourrait « littéralement accueillir des centaines de personnes y faisant leurs achats chaque jour » (page 3).

Dans un texte aux accents économiques parfois misésiens, les juges arrivent à la même conclusion que Marius-Joseph Marchetti dans son article de Contrepoints, à savoir que distinguer biens essentiels et non essentiels est arbitraire.

Comme cette décision est le premier jugement sérieux auquel prend part la nouvelle juge Amy Coney Barrett, c’est un signe très encourageant pour le futur.

Les libertariens Nick Gillespie et Jacob Sullum avaient peut-être raison de considérer que sa nomination était un pas de plus vers une Cour suprême plus libérale au sens français du terme.

Réactions de la gauche

Les gauchistes, qui adoraient la séparation de l’Église et de l’État jusqu’à ce que la Cour suprême juge que New York ne peut pas restreindre les services religieux à 10 personnes, sont sous le choc !

L’American Civil Liberties Union (ACLU), fermement ancrée à gauche de la gauche, et supposée être la première organisation de défense des libertés civiles, est immédiatement partie en guerre contre la décision de la Cour suprême.

Encore une fois, l’ACLU perd une occasion de défendre les libertés. Le directeur de son « ACLU Program of Freedom of Religion and Belief » a même déclaré que  « la liberté de culte est l’un de nos droits fondamentaux les plus chers, mais elle n’inclut pas l’autorisation de nuire à autrui ou de mettre en danger la santé publique » sans jamais expliquer pourquoi 10 personnes dans une église de 1000 places nuiraient plus que cinq personnes chez l’acupuncteur… A-t-il pris le temps de lire les attendus de la décision de la Cour suprême ? Mystère…

Évidemment, Paul Krugman, le roi new yorkais de l’hyperbole et l’économiste à temps partiel du New York Times, en a ajouté une couche : « La première décision majeure de la Cour remplie par Trump […] tuera des gens. […] La mauvaise logique est évidente. Supposons que j’adhère à une religion dont les rituels incluent le déversement de neurotoxines dans des réservoirs publics. Le principe de la liberté religieuse me donne-t-il le droit de le faire ? »

Et d’ajouter : « Ce qui est effrayant, c’est que cinq membres de la Cour semblent penser qu’ils vivent dans l’univers cinématographique de Fox, où les faits réels sur des choses comme la transmission de maladies n’ont pas d’importance ».

Ce qui est effrayant, c’est que des membres du comité Nobel semblent penser qu’il devait recevoir un prix en sciences économiques…

Notre histrion oublie que personne n’est obligé d’aller à l’église et qu’il n’y a aucune raison de confiner les gens bien-portants qui sont, jusqu’à preuve du contraire, beaucoup plus nombreux, de deux ordres de grandeur au moins, que les malades. En suivant son raisonnement, tout le monde resterait à la maison ad vitam aeternam.

L’amuseur oublie également qu’il ne s’agit pas de ne pas avoir de règle. Il s’agit bien évidemment de décider si les règles des églises sont décidées par l’État ou par le diocèse.

Et s’il était « logique » comme il le prétend, le comédien nous expliquerait pourquoi « le déversement de neurotoxines » ne concerne pas les magasins de vélos ?

Liberté

Utilisant la dérision, les juges n’hésitent pas à dénoncer le caractère absurde des règlements de l’État de New York : « Il est difficile de croire qu’admettre plus de 10 personnes dans une église de 1000 sièges ou une synagogue de 400 sièges créerait un risque sanitaire plus grave que les nombreuses autres activités autorisées par l’État » (page 5).

Dans sa décision de concurrence, le juge Neil Gorsuch se moque même ouvertement de l’anticléricalisme qui est derrière les règlements new-yorkais :

« Donc, du moins selon le gouverneur, il peut être dangereux d’aller à l’église, mais il est toujours bon de prendre une autre bouteille de vin, d’acheter un nouveau vélo ou de passer l’après-midi à explorer vos points distaux et vos méridiens. Qui aurait cru que la santé publique s’alignerait si parfaitement sur la commodité laïque ? » (page 9).

Il ajoute que « comme presque tout le monde à la Cour suprême le reconnaît aujourd’hui, concilier les décrets du gouverneur avec nos règles traditionnelles du premier amendement n’est pas une tâche facile.

Les gens peuvent se rassembler à l’intérieur pendant de longues périodes dans les gares routières et les aéroports, dans les laveries automatiques et les banques, dans les quincailleries et les magasins d’alcools.

Il n’existe aucune raison apparente pour laquelle les gens ne peuvent pas se rassembler, sous réserve de restrictions identiques, dans des églises ou des synagogues, en particulier lorsque les institutions religieuses ont clairement indiqué qu’elles étaient prêtes, capables et disposées à suivre toutes les précautions de sécurité requises pour les entreprises « essentielles » et peut-être plus d’ailleurs.

La seule explication pour traiter les lieux religieux différemment semble être un jugement selon lequel ce qui s’y passe n’est tout simplement pas aussi « essentiel » que ce qui se passe dans les espaces séculiers.

En effet, le gouverneur est remarquablement franc à ce sujet : à son avis, le linge sale et l’alcool, les voyages et les outils sont tous « essentiels » alors que les exercices religieux traditionnels ne le sont pas.

C’est exactement le genre de discrimination que le premier amendement interdit » (page 9).

La décision est intéressante dans le sens où elle reflète ce qui se passerait dans un monde plus libre : à charge pour les propriétaires d’un lieu (de culte) d’établir leurs propres règles sanitaires.

Les religions catholiques et juives mettent la valeur de la vie humaine au centre de leur préoccupations. Les évêques et les rabbins sont parfaitement capables d’appliquer la morale de leurs textes religieux et de trouver les bonnes règles pour protéger leurs ouailles.

Ce n’est pas comme si leurs textes religieux ne mettaient l’accent sur le sujet depuis 4000 ans : « Ils se laveront les mains et les pieds afin de ne pas mourir. Ce sera une prescription perpétuelle pour Aaron et pour ses descendants au fil des générations. » (Pentateuque & Torah, Exode 30:21)

Dix personnes au maximum pour une église de 1000 places ou une synagogue de 400 places n’est peut-être pas optimal ?

L’État a déjà assez de mal à s’occuper de tous les lieux publics qu’il prétend gérer – surtout à New York ! – sans aller mettre son nez dans une église, une synagogue ou une mosquée.

Finalement, la Cour suprême a jugé que bien que les 225 dernières années aient été passées à remplacer les règles privées qui marchaient par des règles étatiques absurdes, la Constitution s’applique toujours.

À partir de cette semaine, les évêques, les rabbins et les imams décideront des modalités de leurs services religieux. Les New Yorkais pourront y aller avec leurs nouveaux vélos…

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  • La justice aura été le seul véritable contrepouvoir pendant ce dramatique épisode. Face à des gouvernements qui ont accumulé les mesures liberticides, sans aucune rationalité sanitaire et dans le but évident de faire avancer leur agenda politico-idéologique, le pouvoir législatif aura été aux abonnés absents, la presse carrément collaborationniste. Seuls les juges auront parfois su rappeler qu’une épidémie ne justifie pas de balancer par dessus bord les principes de l’état de droit.

  •  » Supposons que j’adhère à une religion dont les rituels incluent le déversement de neurotoxines dans des réservoirs publics. Le principe de la liberté religieuse me donne-t-il le droit de le faire ? »
    Le pire c’est que cela a existé avec la secte d’Aum. La justice a fait son office et les dirigeants exécutés.

  • Il y a toutefois 4 juges qui ont penché pour les restrictions antilibérales… Comme quoi, ce n’est pas évident !

    Heureusement que Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett ont été nommés récemment !

    « et par qui, je te l’demande ? » dirait Fernand/Lino Ventura dans Les Tontons Flingueurs.

  • Depuis 1945 les ministres français copient systématiquement les idées, le travail Étasunien. La constitution US a été souvent foulé au pied par les flics, politiciens etc que de temps a autre la cour suprême se réveille

  • A noter que la liberté d’expression fait aussi parti du 1er Amendement et que la gauche américaine ne la respecte pas plus que les autres!

  • Le commentaire débile de Paul Krugman révèle l’imbécillité du personnage!

  • Article réjouissant !
    Toute lueur de bon sens est bonne à prendre.

  • Les commentaires sont fermés.

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