Réformer l’État pour dynamiser l’Europe

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The european union flag in the european parliament in Strasbourg by European Parliament(CC BY-NC-ND 2.0)

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Réformer l’État pour dynamiser l’Europe

Publié le 26 novembre 2020
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Par Xavier Fontanet.

Il va bien falloir un jour rembourser les dettes fiscales et sociales qui ont été contractées pendant le Covid, bien sûr, mais aussi pendant les 40 dernières années. Il faut pour cela se sortir de la tête que les dettes sont finalement une nécessité de l’époque puisque des voisins comme la Suisse sont restés avec des endettements n’excédant pas 30 % du PIB, endettement que nous avions, rappelons-le à la mort de Pompidou.

Il est utile de rappeler à ce stade qu’aussi bien le Général de Gaulle que Georges Pompidou ne voulaient ni une sphère publique dépassant cette limite ni le moindre déficit, une gestion non tenue enlevant toute crédibilité à la parole de la France.

Pour rembourser la dette, c’est simple, on peut vendre des actifs, mais fondamentalement il faut des budgets publics en excédent. Quand vous faites le tour du monde beaucoup de pays y arrivent. Plus intéressant encore, beaucoup ont réussi à passer de déficits annuels importants à des excédents significatifs : Nouvelle-Zélande, Canada et Allemagne pour ne nommer qu’eux.

On va dire que la Suisse est un cas particulier ou que c’est un petit pays, ce qui n’est pas tout à fait vrai si on la mesure en PIB. Quant à la Nouvelle-Zélande on expliquera que les politiques drastiques de Roger Douglas, qui a privatisé il y a 25 ans les systèmes de retraite et les systèmes de santé en vendant les organisations qui les géraient à des assurances privées ne peuvent marcher qu’avec des mentalités anglo-saxonnes très éloignées des nôtres.

Sans aller jusque-là nous avons des pays beaucoup plus proches et de taille analogue au nôtre comme le Canada ou l’Allemagne que nous pouvons raisonnablement utiliser comme modèles.

Dans la sphère publique il y a deux blocs de nature totalement différente : une sphère régalienne et une sphère sociale.

La sphère régalienne est à périmètre variable puisqu’elle peut s’étendre sur l’éducation, l’équipement et la culture. Mais en général les deux ont à peu près la même taille soit 20/25 % du PIB.

La sphère sociale a trois grands postes de coût : la retraite, la santé et tout ce qui tourne autour de l’emploi et du chômage.

Le Canada est l’exemple d’un retournement réussi de la sphère régalienne : sous l’impulsion de Jean Chrétien et de son ministre des Finances Paul Martin, le pays a fermé des ministères entiers, privatisé tout ce qui touchait au transport, réduit les subventions visant à égaliser les prix sur tout le territoire, recouru aux concessions et aux associations bénévoles pour prendre le relais dans certains domaines détenus par la sphère publique.

Après maintenant 25 ans de recul les chiffres parlent d’eux mêmes. On a pu constater une baisse impressionnante de la dette. Les déficits ont disparu et l’économie n’a absolument pas souffert, démontrant la justesse des thèses de Frédéric Bastiat à savoir qu’une dépense publique évitée, c’est de l’impôt en moins et une dépense privée équivalente, automatiquement libérée.

Plus proche de nous, l’Allemagne. Le point intéressant c’est que les efforts de réforme ont porté exclusivement sur la sphère sociale sous l’influence de Gerhard Schroeder et de Peter Hartz.

C’est une approche complémentaire de celle du Canada. Ces deux dirigeants ont réussi à faire comprendre au peuple allemand que l’argent ne tombait pas du ciel et que la dette d’un pays ne pouvait dépasser les 60 % sauf à perdre à terme son indépendance et livrer un jour le pays aux financiers. À l’époque, au début des années 2000, la sphère publique allemande atteignait 57 % du PIB et le déficit 5 % du PIB c’est-à-dire 10 % des recettes publiques et sociales.

L’État n’ayant plus d’argent, Schroeder a annoncé que ce dernier ne pouvait plus combler le trou des caisses sociales ; c’était donc au patronat et aux syndicats de se débrouiller pour retrouver l’équilibre. Confrontés aux chiffres, ceux-ci ont très bien compris que le premier effort devait porter sur la retraite, de très loin la plus grosse dépense et qu’il n’y avait pas d’autres solutions que de passer l’âge de départ à 67 ans. L’allongement du temps de travail était rendu possible par l’amélioration de la santé.

L’effet de baisse des dépenses et de montée des recettes a été drastique et l’équilibre est revenu en quelques années. Un ticket modérateur a été institué dans les dépenses de santé, les caisses sont revenues là aussi rapidement à l’équilibre.

Le chantier le plus fondamental a été l’évolution du marché du travail.

On a fait le choix d’indemnités de chômage incitatives à la reprise du travail, avec le slogan : « il vaut mieux un travail pas tout à fait satisfaisant que l’horreur du chômage même bien payé à la maison ». Il y a eu ensuite une adaptation très importante aux contrats de travail dans les grandes entreprises et sous l’impulsion de Volkswagen dont Peter Hartz était l’ancien DRH, adaptations qui n’ont pas été suffisamment évoquées en France, comme le CDI à temps variable, à l’époque où en France étaient organisées les 35 heures !

Dans ce CDI, la durée de travail est variable chaque année, elle peut s’étendre de 4X7 = 28 à 5X9 = 45 heures suivant la charge de l’entreprise. En contrepartie de ce changement des contrats de travail traditionnels les employés sont éligibles à des intéressements extrêmement significatifs ; par exemple, 12 000 euros pour un ouvrier les bonnes années.

Il y a eu enfin ce que l’on a appelé, ici en France, les mini jobs ; il s’agissait d’une politique visant à éviter le travail au noir qui avait explosé. On n’a pas non plus communiqué en France sur leur succès volumétrique puisque 8 millions de jobs ont été ainsi créés, 3 millions de personnes en ayant deux ; avec du recul il s’agissait en fait de rationaliser le temps partiel. Au début, les rémunérations étaient faibles mais avec la croissance qui est repartie il a été possible de les augmenter. Au bout du bout le chômage a été totalement éradiqué.

Ces réformes ont fondamentalement coûté sa réélection à Schroeder mais Angela Merkel a eu la sagesse de poursuivre la politique de son prédécesseur. La prospérité allemande des dernières années provient en très grande partie des efforts consentis durant ces années 2005.

Cette fois-ci, il faut organiser en France ces réformes pour trois raisons :

  1. Pour garder la main et éviter de tomber sous le joug des banquiers. Les Français ayant travaillé à l’étranger ont vu ce qui se passe quand les choses vont mal comme par exemple en Argentine ou en Grèce et disent avec fermeté qu’il ne faut pas en arriver là.
  2. Parce que pour toute l’Europe du Nord, la crédibilité d’un pays dont les comptes ne sont pas en ordre est très affaiblie, c’est une affaire de culture.
  3. Parce que derrière les politiques de rigueur se dessine une évolution fondamentale des relations entre le droit et les devoirs. Le mot d’ordre conceptuel de la réforme allemande a été la notion de « solidarité exigeante ».

La solidarité est le ciment de la société mais la personne qui en est bénéficiaire, en particulier quand les temps sont durs, a le devoir de prendre sur elle pour participer à l’effort, c’est une affaire de dignité. Les Français ont tendance à placer les droits en avant mais en période de difficultés comme celle que nous allons connaître, les devoirs prennent le pas sur les droits.

Ceux qui connaissent bien la mentalité de l’Europe du Nord peuvent prédire que si les Français sont capables de faire leur cette hiérarchie des valeurs qui permettra un retour à des finances saines, alors ils gagneront très rapidement leur estime. L’Europe prendra alors le même élan que celui qu’ont donné de Gaulle et Konrad Adenauer en scellant, ensemble, en 1963, la réconciliation de la France et de l’Allemagne.

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  • Et on ne touche surtout pas au surnombre ahurissant de fonctionnaires de peur d’une grève générale. (1980 = 3,5 millions/2018 = 6,5 millions de fonctionnaires à 3,6 millions d’€uros en moyenne chacun pour la totalité de leur carrière, retraite et réversion.

  • réformer l’état en profondeur quitte à ne pas se faire réélire….mal barré en France , surtout quand le dirigeant ne pense qu à se faire réélire ….quoiqu’il en coûte ….

  • Cela fait 40 ans qu’on lit ce genre de prise de position, sans aucun résultat. Le système présidentiel actuel ne permet de proposer (cf Fillon) ni d’engager, la moindre réforme fondamentale (cf les retraites). De fait le système – profondément démagogique par nature – est irréformable. Ce sont les évènements, et non les politiques, qui feront la décision, et elle sera violente.

    • oui; pourtant avec une réforme du système de retraite (public et privé), il y a une marge de manoeuvre considérable.
      je suis toujours sidéré de voir que malgré les poids de nos charges, nous continuons à être présents, même si c’est de plus en plus dur et que nous ressemblons de plus en plus à une vieille famille aristo fauchée qui colmate les fuites du toit avec des bassines.
      Imaginons libérer les contraintes…

  • La sphère régalienne c’est la défense, la justice, la police, les affaires étrangère, le budget et rien d’autre. Laisser croire que l’éducation, l’équipement et la culture puissent en faire partie c’est ouvrir la porte au socialisme et au totalitarisme.

  • Très bon article, merci.
    Une donnée n’est pas rassurante, Suisse et Canada (ainsi que la Belgique) ont des minorités francophone qui sont dans le même état idéologique que la France, seul leurs majorités anglophone et germanophone et donc les systèmes politique nationaux ont empêché leurs territoires respectifs de descendre aussi bas socio-économiquement que la France.
    Il semble qu’Emmanuel Todd ait en partie raison quand il lie des systèmes familiaux si ce n’est des cultures avec des systèmes politique.
    Comment on en sort ? Aucune idée… L’effondrement économique va être total, comment un système politique traditionnellement jacobin et centralisateur peut-il tourner dans ce cas ?
    Mal ?

  • Au vue du résultat de l’année 2020, je dirais Mr Fontanet que vous ne devez pas vivre en France.
    Nous allons passer 10 mois sous couvre feu et autre conseil de défense et autre confinement sans aucune préparation, en déversant des milliard d’euros en social sans contrôle sans financement et sans investissement.
    Le réveil des entreprises en février 2021 va être catastrophique après 1 ans de chômage partiel pour certain, je vois pas trop comment les réformes seront engagés à 1 ans des élections .
    « Une ministre du travail qui demande l’embauche des saisonniers pour la mise en chômage. »

    Il est impossible en France de réalisé ne serait ce qu’une once de réforme permettant de sortir de cette engrenage mortifère avec si peu de culture économique .

    Je vous rappelle que tous trajet doit être accompagné d’un classeur de CERFA. Que certaine entreprise n’ont pas le droit de travailler , je répète travailler, ca va vite devenir compliqué pour les reformes que vous demandez , la porte risque d’être close au devoir après tant d’année de travail des indépendants Tpe et PME. On se dirige très lentement vers une confrontation plus que des réformes. Quand au personne que vous demandez d’avoir des devoirs, l’addiction ne sortira qu’avec une périodes de sevrages qui passera pas de longue souffrance de 50 ans d’histoire et d’une année complétè de mensonge et d’overdose.

    La France mon beau pays me rend bien triste

    • « je vois pas trop comment les réformes seront engagés à 1 ans des élections . »

      Il est très probable qu’elles seront autoritaires et administratives, les politiques vont demander des choses complètement stupides aux entreprises en échange d’oboles, voir de promesses creuses, l’idée étant comme d’habitude de gagner du temps et de cacher les problèmes.
      De facto l’état français qui atteint le poids de l’état soviétique d’avant la chute du mur va pratiquer plus ou moins directement une économie administrée « d’urgence » avec les mêmes résultats constatés dans les 36 pays communistes.
      Ça peut durer un moment surtout que la France est « too big to fail », les élites des autres pays n’ont aucun intérêt à la laisser couler sans « argent gratuit » quitte à détourner pudiquement les yeux sur toutes les graves violations des libertés et droits qui vont arriver.
      Je vois un Macron ou un clone en 2022 et aucun espoir d’une autre politique, même s’il y avait une « surprise » improbable au niveau des élections, la bureaucratie tiens tous les pouvoirs.

  • Pour réformer l’état il faudrait… Sortir du carcan européen mais en sortir avec nos dettes est impossible, nous sommes sous tutelle et sans doute mené tout doucement à la ruine.. Les pays du nord nous aiment bien pour passer des vacances et si en plus ce n’est pas cher….

    • Le Danemark, le Luxembourg arrivent à être libéraux et correctement gérés dans un cadre européen, la Hongrie arrive à gérer son immigration pareillement malgré les oukases (qui n’existeraient pas si le pays était plus gros, l’état français se moque royalement de nombre de directives).
      Il faudra s’occuper de la bureaucratie UE qui est illibérale et non démocratique, mais pour l’instant c’est juste un bouc émissaire commode pour les politiques français.
      La faillite du pays, cocoricoo, est bien 100% franco-française.

      • Être mauvais tout le temps n’est pas possible sauf si on vous oblige à être mauvais.rien que la politique énergétique.. Et si ce n’est pas l’Europe, c’est encore plus grave… Lu, aujourd’hui, par solidarité l’Allemagne veut qu’on ferme toutes les stations de ski parcequ’elle fermé les siennes…. C’est quoi ça ! L’Allemagne fermé ses centrales nucléaires, nous devons fermer les nôtres… Qui commande?

        • Sur le plan de la médiocrité, depuis 1870 les élites françaises n’ont de leçon à recevoir de personne. Arrogance, aveuglement, incompétence sont des constantes avec une brève parenthèse après guerre.
          L’URSS n’a pas commandé à la France de faire pareil, c’est la contagion des idéologies. Les gauchistes de tous les pays sont très semblables, leurs élites sont cosmopolites à l’image d’un Cohn Bendit ce sont donc les mêmes slogans partout. Ils sont même pérenne dans le temps, ils n’ont d’ailleurs pas variés depuis ma jeunesse gauchiste voici 30 ans.

  • On ne résoudra pas les problèmes avec ceux qui les ont créés et ceux qui en profitent.
    Et comme ils ne sont pas prêts de céder leurs places…

  • Un fait intéressant dans votre développement, celui qui a trait à l’indépendance. Notre pays ne l’est donc pas! Une évidence mais peut-être pas pour tout le monde.
    Un deuxième, à propos des retraites et caisses complémentaires de nos cousins germains, elles ne sont pas gérées par l’état. Chez nous, les nuls qui nous ont amenés là où nous sommes se sont appropriés la gestion de ces deux caisses. Pour en profiter bien sûr. Ce n’est donc pas l’état qui sera capable de régler le problème qui se pose puisqu’il en est à l’origine (Comme les 35 heures mais aussi l’âge de la retraite, la CMU, le RMI, le taux de remboursement de la SS, etc..) Ces réformes proposées ne se feront jamais chez nous parce que l’état est incapable de se réformer: Ce sont des administratifs qui appliquent les CERFA, pas des stratèges. Ce sont aussi des énarques qui ne peuvent pas se tromper: Si leur solution ne marche pas c’est qu’elle a été mal appliquée! C’est là notre problème et je ne vois pas de solution sans douleurs!

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