Brexit : à quoi joue Boris Johnson ?

La crise du coronavirus, qui a touché très sévèrement le Royaume-Uni, accentue l’incertitude et pourrait bien accélérer l’augmentation du rôle de l’État dans l’économie.

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Boris Johnson by BackBoris2012(CC BY-ND 2.0)

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Brexit : à quoi joue Boris Johnson ?

Publié le 28 octobre 2020
- A +

Par Jules Devie.
Un article de l’Iref-Europe

Alors que la période de transition avant la sortie définitive de l’Union européenne va bientôt toucher à sa fin, le récent clash entre Bruxelles et Londres complique davantage la situation. Boris Johnson ne proposant pas de projet politique et économique clair aux Britanniques, l’avenir du pays est aujourd’hui incertain.

Le 16 octobre, à la surprise générale des observateurs, le cabinet du Premier ministre britannique a annoncé la cessation des négociations avec l’UE. Cette déclaration intervient après la publication d’un communiqué du Conseil européen demandant à ce que toutes les prochaines concessions dans ces négociations viennent des Britanniques.

Une relation à l’australienne ?

Si les discussions ont très vite repris officieusement la semaine suivante, Boris Johnson a affirmé dans le même temps que son pays devait se préparer à la possibilité d’une relation commerciale « à l’australienne » avec l’UE, c’est-à-dire sur le modèle de l’Australie, qui n’a jamais établi d’accord commercial avec les 27.

Une relation « à l’australienne » implique donc l’imposition importante de droits de douane entre les deux parties d’une part ainsi qu’une limitation du transfert de services d’autre part.

L’annonce du 10 Downing Street a fait vivement réagir les représentants des entreprises britanniques. Le CBI (équivalent du Medef), ainsi que 70 autres organisations patronales, ont publié un communiqué affirmant qu’un accord commercial avec l’UE était crucial pour la survie de très nombreuses firmes, tous secteurs confondus, déjà lourdement affectées par la crise liée au coronavirus.

On peut évidemment déceler une grande part de communication dans ce bras de fer, les deux parties se devant de montrer qu’elles ne reculent devant rien pour défendre les intérêts de leurs citoyens.

La preuve est que les diplomates ont repris contact moins d’une semaine après la crise. Cependant le doute subsiste quant à l’issue souhaitée par Boris Johnson pour son pays.

Des négociations sur la bonne voie

Car malgré la crise, les négociations qui ont duré toute l’année étaient en réalité sur la bonne voie. Les deux parties sont tombées d’accord sur quasiment tout. Seuls 3 points de divergence subsistent : la délimitation des zones de pêche entre la France et l’Angleterre, le régime d’aide d’État à adopter, et les règles à mettre en place pour résoudre les litiges commerciaux.

Le premier point n’est que symbolique (la pêche ne représente que 0, 1 % du PIB britannique) et Emmanuel Macron a déjà déclaré que la France allait accepter un compromis. C’est la question des règles commerciales qui est au cœur de la dispute.

Elle est liée à la vision de Boris Johnson pour son pays. Durant sa carrière politique il s’est toujours battu pour le libéralisme économique, ce qui l’amenait d’ailleurs à souvent vilipender les trop importantes régulations européennes.

Il a présenté le Brexit comme une opportunité d’ouvrir la Grande-Bretagne au libre-échange en négociant ses propres traités avec le reste du monde et en dérégulant l’économie, sur le modèle de Singapour.

Ce projet fut totalement abandonné lorsqu’il a repris le pouvoir en 2019. Au cours de sa campagne électorale il a développé, avec une frange du parti conservateur, un discours beaucoup plus étatiste contredisant son engagement pour le marché libre.

Des mesures anti-libérales

Parmi les propositions du manifeste conservateur, on retrouve notamment une hausse du salaire minimum de 20 % ! Boris Johnson reprend aussi des mesures anti-libérales comme l’augmentation des aides d’États pour l’industrie, le financement à hauteur de 800 millions de pounds d’une nouvelle agence étatique pour les investissements industriels, la mise en place d’une « Buy British rule » qui impliquerait davantage de mesures protectionnistes.

Alors que le système de santé NHS subit de graves dysfonctionnements, les Tories ont préféré augmenter son financement de un milliard plutôt que d’effectuer des réformes structurelles. Cette stratégie électorale a été motivée par la montée du parti travailliste, qu’il a fallu contrer.

On comprend pourquoi la question des aides d’État suscite autant de controverses. D’un côté le patronat souhaite un accord commercial afin de rester intégré au marché européen avec un minimum de droits de douane, de l’autre Boris Johnson s’est engagé à prendre un virage étatiste (et donc user des aides d’État, ce que Bruxelles ne peut accepter) auprès d’une fraction de son électorat, ce qui annoncerait une relation « à l’australienne ».

La crise du coronavirus, qui a touché très sévèrement le Royaume-Uni, accentue l’incertitude et pourrait bien accélérer l’augmentation du rôle de l’État dans l’économie. Le gouvernement devait présenter son programme économique post-Brexit pour les trois prochaines années, mais a renoncé au vu de l’instabilité actuelle.

Il ne reste plus que deux mois à Boris Johnson pour faire un choix…

Sources :


https://iea.org.uk/boris-johnson-go …
https://iea.org.uk/media/iea-respon …
https://www.ft.com/content/e46f977e …
https://www.europe1.fr/emissions/L- …
https://www.ft.com/content/f0a48721 …
https://www.ft.com/content/865a86a1 …
https://www.ft.com/content/97b4763f …
https://www.ft.com/content/9bae0a3a …
https://www.conservatives.com/our-p …
https://www.wsj.com/articles/with-c …

Sur le web
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  • on dit « demander que » et non pas « demander à ce que »…

    That being said…et après cette première pierre,

    Boris et Ursula ont été dans la même école (école européenne) à Bruxelles et y ont acquis le même code génétique: plus d’état!
    La vison du brexit de Bojo consiste simplement à déplacer la bureaucratie/démagogie bruxelloise à Whithall pour pouvoir la mettre exclusivement à son service.

    Une fois de plus, la frange libérale du parti conservateur, qui a pourtant été instrumentale dans la réussite du brexit, s’est fait rouler dans dans la farine…

    • Ou plus simplement l’ambition (réussite politique et celle de plaire) est plus forte chez BoJo que les convictions. C’est un Trump bis en quelque sorte mais sans la brutalité du Betta splendens.

      Pour la conquête du pouvoir c’est utile et efficace mais après l’effet est stochastique.

      • C’est un Trump, peut être mais sans la puissance économique des US.
        Les Etats Unis peuvent se permettre de jouer solo (et encore…), tandis que le UK n’est qu’une économie moyenne. Pour s’en sortir, le UK devrait améliorer son attractivité économique et BoJo fait le contraire.

  • je ne vois pas forcément le rapport entre un no deal et plus d’étatisme chez les britanniques ?

  • Une crise économique créée par un facteur externe (la séparation avec l’Europe) sera probablement plus facile à gérer qu’une crise avec un facteur interne (les délires des instances européennes).

    Ce serait en tous les cas ma vision à long terme à la place d’un politicien anglais.

    • C’est pas plutôt l’inverse interne pour le brexit et externe pour l’UE. 😉

      La relation à l’australienne je veux bien sauf que l’Australie est à l’autre bout de la planète, le volume d’affaire échangé n’est pas le même et l’historique non plus. Et comme pour faire un deal il faut être deux.. mais rien n’est impossible.

      • interne/externe

        L’idée est que quand la séparation est effective on doit considérer la solution comme interne et la cause comme externe. Les discutions Angleterre / Europe sont un dialogue de sourds.

        L’Europe devient la « dernière roue du carrosse » (de la Reine). Les temps changent, le commerce est international, la production en Asie, le savoir-faire partout, la proximité linguistique et culturelle avec les US et l’Australie. L’Europe veut se replier sur elle-même en supprimant les transports, en réinventant le numérique et la technologie dans son coin, et en appliquant unilatéralement ses normes délirantes et ses théories économiques vaseuses.

        Mieux vaut avoir une situation difficile que l’on contrôle qu’une situation douteuse qu’on ne contrôle pas. Quand l’Europe explosera, les pays « du Nord » s’en sortiront mais les autres ne pourront pas payer la facture.

  • Dans le domaine Européens, j’ai apprécie les discours du Président Macron sur le Brexit et sa réaction sur les incertitudes de Johnson après son élection, sa politique a permit d’avoir une ligne plus dur des Européens face au premier ministre élus

    • Il peut avoir toutes les lignes « dures » qu’il veut avec Poutine, Erdogan, Trump, ou autres. Cela change quoi ?

      Il est un roitelet local face à un état souverain depuis le Brexit. Même l’Europe ne peut rien contre les US, la Russie, la Chine ou leurs alliés. L’Angleterre va nécessairement se rapprocher des US.

  • Les commentaires sont fermés.

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