Emmanuel Macron ou la tyrannie du consensus bureaucratique

Choisir, c’est renoncer. Mais à quoi ? Emmanuel Macron cherche à concilier l’inconciliable.

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Macron President by Lorie Shaull(CC BY-SA 2.0)

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Emmanuel Macron ou la tyrannie du consensus bureaucratique

Publié le 17 octobre 2020
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Par Laurent Sailly.

L’Île-de-France et huit métropoles (Lille, Rouen, Lyon, Grenoble, Saint-Étienne, Aix-Marseille, Montpellier, Toulouse) vont retrouver les délices du confinement, de 21 heures à 6 heures du matin. Vingt millions de Français sous couvre-feu pour au moins quatre semaines. C’est ainsi que l’on peut résumer l’intervention d’Emmanuel Macron, ce mercredi soir.

Une bureaucratie « soviétique » de la santé : comment ça marche ?

Auprès du Premier ministre, le ministère des Solidarités et de la Santé élabore et met en œuvre les politiques de santé.

À la tête de ce ministère, on trouve un ministre titulaire accompagné d’un ministre délégué et d’un secrétaire d’État. Pour accomplir sa mission, le ministre titulaire dispose d’un cabinet de 12 membres dont un directeur de cabinet, un directeur adjoint de cabinet et un chef de cabinet.

De même, le ministre délégué et le secrétaire d’État peuvent se reposer sur un cabinet respectivement de 11 et 9 membres. N’oublions pas les deux conseillers santé qui siègent à Matignon auprès du Premier ministre, ainsi que le conseiller santé du président de la République.

Le ministère de la Santé est divisé en deux grandes directions, dont la célèbre Direction Générale de la Santé (plus de 300 agents répartis en 4 sous-directions, un secrétariat général, 4 « missions »), chargée de préparer la politique de santé publique et de contribuer à sa mise en œuvre.

Pour accompagner ses décisions, la DGS s’appuie sur des rapports scientifiques émanant de multiples structures, tel le Haut Conseil de la Santé Publique (dirigé par un collège d’une quinzaine de membres et comprenant 4 commissions spécialisées et 2 groupes de travail permanents), la Haute Autorité de Santé (dirigée par un collège de sept membres et composée de sept commissions), mais aussi de 14 agences ou instituts nationaux dont la fameuse agence nationale de santé publique (Santé Publique France).

Créée par la loi de modernisation du système de santé (dite «loi Santé) du 26 janvier 2016, l’agence nationale Santé publique France repose sur le regroupement de 3 agences sanitaires existantes : l’Institut de veille sanitaire (InVS) ; l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) ; et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Éprus).

Cette agence est composée d’un conseil d’administration de 32 membres, d’un conseil scientifique de 27 membres, d’un comité d’éthique de 7 membres, d’un comité d’orientation de 10 à 20 membres, d’une direction générale, de 10 directions scientifiques transversales, de 5 directions supports et d’une direction de soutien à l’activité. Le tout fait vivre plus de 600 agents au niveau national.

Pour mettre en œuvre ses missions en région, Santé Publique France dispose de 15 cellules régionales, cellules rattachées à une Direction des Régions.

Au niveau local, on trouve les Agences Régionales de Santé. Les ARS sont chargées de décliner et mettre en œuvre la politique de santé publique. Chaque ARS est gouvernée par un directeur général et est composé d’un conseil de surveillance, d’une conférence régionale de la santé et de l’autonomie et d’un comité de coordination divisé en deux commissions. Elles sont représentées dans chaque département par une délégation territoriale.

… et « en même temps »

Le gouvernement d’Emmanuel Macron a considéré que ce dispositif était insuffisant pour gérer la crise de la Covid-19. Le 11 mars 2020, Olivier Véran fonde le Conseil scientifique, chargé d’éclairer la décision publique pour lutter contre la pandémie.

Composé de 12 membres, il produit des avis publics (enjeux du confinement, scénarios pour le post-confinement, territoires d’outre-mer). Le 24 mars suivant, il est doublé d’un second conseil également de 12 membres, le Comité analyse recherche et expertise.

Face à cette surabondance d’experts, comment voulez-vous que cela fonctionne ? Cette bureaucratie politico-scientifique cherche, chacune à son niveau, à exister en émettant des avis qui aboutissent tous au chef suprême du bureau politique, Emmanuel Macron. Tout en se concurrençant, ces apparatchiks qui se connaissent de longue date se protègent mutuellement pour ne pas tomber en disgrâce.

Un consensus bureaucratique traduit dans l’intervention du président de la République du 14 octobre 2020

Choisir, c’est renoncer. Mais à quoi ? Emmanuel Macron cherche à concilier l’inconciliable. Et c’est bien là que le bât blesse marquant les limites de la théorie du « en même temps ».

Face à la situation, le président de la République se déclare « ni inactif, ni dans la panique. » Très bien. C’est presque rassurant… Puis il ajoute « on sait que [la Covid-19] tue » et en même temps « nous n’avons pas perdu le contrôle ». Ah ?

Alors certes on ne pourra plus aller chez les amis, en famille… mais « nous allons continuer à travailler » et en même temps on pourra partir en vacances.

Ensuite, nous ne pourrons pas être plus de six personnes à table ; et en même temps qu’on se rassure, les familles qui comptent plus de six personnes ne sont pas concernées par cette recommandation. Quid ?

Enfin, Emmanuel Macron concède que c’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ; en même temps, sûrement pas plus dur qu’en 1914 ou 1940… Mais bon.

Benjamin Franklin aurait (citation apocryphe) un jour écrit qu’« un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » Cette belle citation est objectivement fausse ! Dans tous les domaines ou presque, liberté et sécurité constituent deux aspirations en tension, et augmenter l’une revient presque toujours à diminuer l’autre.

Emmanuel Macron doit cesser de faire de la communication. Les Français ont besoin d’un arbitre, pas d’un conciliateur…

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  • C’est également la tyrannie des indicateurs.
    La recette pour faire bondir des « cas positifs »:
    1 – vous proposez à tout le monde de se faire tester gratuitement
    Certes, ça fait du volume mais ça devient vite le foutoir.
    2 – Comme il reste une certaine forme de lucidité reptilienne chez nos petits génies, on décrète (et c’est du bon sens) que les prioritaires sont ceux qui ont des symptômes.

    Bizarrement, entre 1 et 2, le nombre de cas supposément positif grimpe et on a un bel indicateur qui ne mesure pas la même chose mais sur lequel on peut s’appuyer…
    et on peut se faire plaisir, enfiler un uniforme toujours désespérément trop grand, jouer au chef de guerre avec un petit couvre-feu avec, en plus, l’assentiment des hypocondriaques pathologiques, des affolés de service, des champions de la cucuterie bienveillante et des porte-cotons de Cour.

  • L’excès de bureaucratie est bien ressorti lors de la commission d’enquête du sénat. Et ses conséquences parfois désastreuses également (ex : gestion des stocks de masques)
    Que vont-ils faire de ces infos ? À mon avis, pas grand chose pour dégraisser le mammouth. Seulement la création d’un énième comité pour étudier la question.
    Ce qui pourrait prêter à sourire si la situation n’était pas si catastrophique…

    • « quand les politiciens se comportent comme des fonctionnaires. »
      Mais les politiciens SONT TOUS DES FONCTIONNAIRES !!!
      Macron = ENA
      Castex = ENA
      Véran = Médecin hospitalier
      Philippe = ENA
      etc etc etc etc !!!

      • C’est clair, mais j’ai trouvé que venant d’un homme de terrain – pas spécialement militant libéral à ma connaissance – la remarque avait l’intérêt d’illustrer, une fois de plus, ce que les auteurs et les commentateurs de CP savent depuis un moment : la France est dirigée par des fonctionnaires – quand elle ne l’est pas par les technocrates bruxellois, soit dit en passant.

  • « Macron doit cesser de faire de la communication »… Le malheur est qu’en plus de faire de la com’, il prend aussi des décisions – qui impactent lourdement la vie des citoyens et n’ont aucune efficacité réelle.
    Cette administration plethorique (à laquelle on peut ajouter l’ANSM, l’INSERM…), centralisée et largement déconnectée du terrain, a fait la preuve au printemps dernier qu’elle était incapable de gérer une situation de crise. Et on est repartis pour une tournée générale cet hiver, avec les memes – car personne n’a jugé bon, au gré des formidables états de service de tous ces braves gens, de changer les responsables.

    • Elle est incapable de gérer tout court car pas de masques, pas de plan d’urgence ( création de lits de réanimation, utilisation des cliniques privées…), système débordé, pas de recours au moyen des labos vétérinaires, la liste est longue . Ils sont payés pour anticiper une fois pourtant prévisible (h1n1, grippe de Hong Kong..) et pourtant rien ne fonctionne) malgré des salaires plus que confortables. Bref on pourrait supprimer toutes ces administrations, elles ne servent à rien à part engloutir notre argent

  • De plus les chiffres sont facilement manipula les, le nombre de testés positifs dépend très fortement du nombre de cycles d’amplification , et les indicateurs changent sans cesse de même que leur valeur décrétée seuil. L’encombrement des urgences est passée récemment de 40% à30% et certajns sites du gouvernement comne celui des conseils pour cette maladie annonçait encore hier 40%

  •  » macron doit cesser de faire de la com « ….problème , c’est tout ce qu’il sait faire ….

  • Ça en fait une bande de bras casses pour prendre une banale décision qu’un homme seul sans trop être bête peut mettre en application en deux coups de telephone.
    Cela aurait pu être une banale communication audiovisuelle en grande pompe et mine attristée :
    limiter vos contacts au strict minimum, lavez vous les mains après avoir touché un objet, porter des gants en transport en commun et un masque même rudimentaire , l’épidémie risque de surcharger les hopitaux et vous ne pourrez pas être soigné à temps par manque de place de personnel et de médicament…. Et que votre dieu soit avec vous, amen.

    Sans doute trop simple pour des crânes d’œuf à l’ego sur dimensionné !

  • la libereté et la sécurité ne sont pas antinomiques contrairement à ce que dit l’auteur. Si l’on croit qu’on peut augmenter la sécurité en diminuant la liberté, c’est que l’on ne comprends le concept de Liberté, ou alors on le comprends à la sauce marxiste : le pouvoir de faire, ce que n’est pas la Liberté.

    Donc la citation de Franklin est juste et tout le temps vérifiée

  • Mais il ne peut même pas être un arbitre! C’est dramatique!

    • Mais si, mais, il y a les bons arbitres, les mauvais arbitres, les arbitres corrompus… Il ne fait pas pire que les belges ni de ce que feront bientôt tous les pays européens pour se protéger de la France !

  • Devant cette grande armada de ministres, de secrétaire d’état, directeur de cabinet, directeur adjoint, ARS, Invs etc.. etc, je suppose que tous ce petit monde utilise secrétaire, employé etc.. font il comme Mr Fillon qui utilisait sa famille

  • Une petite anecdote illustrant le climat de folie collective actuel : j’habite dans un département très peu touché par le Covid – au point que la mortalité totale des mois de mars, avril et mai derniers a été inférieure à la mortalité habituelle à pareille époque. Aujourd’hui encore, le virus circule si peu dans mon département que l’on y compte au total tout juste 10 personnes hospitalisées « Covid » (chiffre officiel S.P.France), en moyenne.
    L’autre jour, je me rends chez mon dentiste, où j’arrive 15 minutes avant mon RDV. La personne de l’accueil (masquée) : « pourriez-vous revenir dans 15 minutes, nous ne voulons personne en salle d’attente » – moi (masqué) : »… quoi ? c’est quand même exagéré » – elle : « sans doute, mais ce sont les dentistes qui l’exigent » – moi « ça vire à l’hystérie, cette affaire ». Je reviens 15 minutes plus tard, on me prend ma température, je suis dirigé directement vers le cabinet de mon dentiste. L’opération terminée, j’effectue le règlement au secrétariat. Je suis obligé de me pencher en avant et de tendre l’oreille plusieurs fois pour comprendre ce que me dit la secrétaire (masquée). Au moment de partir, je demande si je peux aller aux toilettes : la secrétaire « désolé, ce n’est pas possible, avec le Covid » – moi (masqué) : lève les yeux en l’air… salue et m’en vais.
    Voilà où on en est, pour un virus qui ne circule pratiquement pas, et qui, quand il infecte quelqu’un, ne tue pas plus que la grippe saisonnière. Bienvenue chez les fous. Et après, on s’étonne que ce pays soit foutu.

    • J’ai oublié de préciser que j’ai une très bonne ouïe !

      • la communication gouvernementale a rendu beaucoup de gens hystériques (incapables de lui résister en réfléchissant par eux-mêmes).

        • Le monde est dangereux à vivre, non pas tant à cause de ce qui font le mal mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.

          Albert Einstein

    • Oui, la comparaison entre cette année et l’année dernière est délirante : vous avez oublié le pédiluve, le double nettoyage des mains avant après avoir ôter le masque, les mains jointes à chaque déplacement, les affaires personnelles dans un bac, et la demi-heure de désinfection pour chaque rdv. Le cabinet devient l’équivalent d’une salle d’opération… Ah, j’oubliais aussi l’arrêt des climatiseurs. Le niveau d’hygiène a été poussé au max et si on pouvait tiquer qqfois sur le peu de changement des habitudes entre la saison grippale et le reste de l’année, on est passé à un niveau qui sera pénalisant pour les besoins en soins dentaires.

      Ce changement dans la parfaite continuité vertueuse aura forcément des résultats positifs, mais on entre de plus en plus dans le monde de Knoch.

  • ben oui, quand une Administration devient trop grosse, elle est incontrôlable et par essence, elle fonctionne d’abord pour elle-même (puisque payé par l’impôt, consenti ou non).

    l’Etat/Administration s’étant de force instillé partout, difficile de l’en retirer sans violence sauf effondrement.

  • C’est moi, ou je dois changer de lunettes :
    « La France doit être une charge pour tous¨
    Et si on l’appliquait À TOUS ❓

  • J’ai essayé de tirer un diagramme de ce bazar, ne serait-ce que pour y voir un peu plus clair, mais certains points de l’article manquent de précision.
    On y mentionne notamment que « le ministère de la Santé est divisé en 2 grandes directions », mais seule la « direction générale de la Santé » y est explicitée. La 2e serait-elle le « l’Agence Nationale Santé Publique France » ? Ou cette agence fait-elle « juste » partie de ces agences qui alimentent la Direction Générale de ses rapports ?

    Je partage les avis donnés avant le mien : c’est un véritable foutoir dans lequel un chat ne reconnaîtrait pas ses petits. Et le plus grave, c’est qu’il n’y aura jamais de simplification, au contraire toute tentative en ce sens se soldera par un « comité à la simplification administrative de la Santé » qui se contentera de s’ajouter aux précédents et qui fera peut-être des suggestions de bon sens… qui finiront de toute façon comme les rapports de la Cour des Comptes, à caler des armoires dans le ministère de tutelle…

  • bah…je passe dans la rue et je vois macron « la France doit être une chance pour tous » super, ça sonne bien, je vais voter pour ce gars, même si certes ça ne veut foutrement rien dire….. et lui donner le pouvoir d’invoquer l’interet supérieur du pays pour supprimer mes libertés ou saisir ce qui m’appartient..

  • Donc il y a des dizaines d’agences et de commissions santé permettant à des milliers de fonctionnaires de parasiter les français en vivant à leur crochet. Voila un bel exemple de République bananière ou les copains et les coquins des politiciens vivent en parasitant les contribuables. Le problème de la France c’est la corruption et le népotisme généralisé!

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