« Mignonnes » ? Ce qu’une polémique idiote a masqué

Le propos que dénonce le film « Mignonnes » mérite plus que la campagne de calomnie dont il fait l’objet par les ligues de vertu.

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« Mignonnes » ? Ce qu’une polémique idiote a masqué

Publié le 13 octobre 2020
- A +

Par David Monnier.

J’ai vu deux ou trois cents films sur la danse similaires à celui-ci. Le scénario au cahier des charges immuable présente la danse comme forme d’expression d’un malaise lancinant et moyen d’émancipation d’une oppression.

Chaque nouvelle danse dans l’air du temps, du charleston au hip-hop, en passant par le be-bop et le jerk électronique, suscite son lot de produits dérivés, 45 tours ou mp3, téléfilms, clips, panoplies, accessoires, pour ne pas dire dommages collatéraux. Mignonnes ne déroge pas à la règle conventionnelle.

Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, ni lapider une femme en place publique comme ici ou là ces jours-ci dans l’indifférence quasi générale. Je ne me serais pas attardé sur cet objet de consommation courante culturelle s’il n’avait été couvert d’opprobre et livré à la vindicte populaire par quelques ligues de vertu américaines et leurs affidés.

Hypersexualisation des corps ?

Sur quoi porte la polémique ? Si j’ai bien compris, ces personnes lui reprochent de mettre en scène une « hypersexualisation du corps », comme disent les journalistes peu avares de truismes. Évidemment qu’un corps est sexuel. Si le corps n’est pas sexuel, qu’est-ce qui l’est ? Comment pourrait-il alors l’être davantage, à une puissance seconde ?

De même, la danse ne fonde-t-elle pas son origine d’un sexuel à sublimer, sur fond de parade nuptiale ou fusion tribale ? On dirait que ces gens viennent de le découvrir et qu’ils veulent aussitôt recouvrir ce qu’ils ne sauraient voir sans de coupables pensées. Personne ne les force à regarder.

Dès lors, toutes choses égales par ailleurs, j’ai l’impression que le seuil de tolérance a baissé. Ce qui serait passé allègrement il y a encore peu de temps n’est plus accepté par un certain ordre moral. Hélas, pas toujours à juste titre. En l’occurrence, cette nouvelle bien-pensance progressiste se retrouve dramatiquement dans la même position que celle des régressistes, conservatistes, rigoristes et autres puristes.

Et si justement tel était le propos subtil du film que de dénoncer ce background idéologique ; le sort des danseuses n’étant alors qu’un divertissement, qu’une habile diversion ? J’eusse aimé que les bien-pensants condamnent le milieu mortifère qui étouffe ces danseuses plutôt que leurs velléités à s’en sortir, leurs tentatives plus ou moins maladroites et abouties d’exister.

Ce qu’on passe sous silence

Ne serait-ce que compatir au lieu de cette complaisance sordide, ce silence complice. J’espère me tromper mais je n’ai pas entendu beaucoup de monde s’offusquer de ce qui est pourtant au premier plan. En effet, le film montre des femmes africaines quasiment réduites à l’esclavage par des hommes africains absents de l’image mais omniprésents par leur discours religieux.

Le film parle des femmes maltraitées, excisées, immigrées, polygamées, mariées de force. Ce n’est même pas qu’elles doivent se marier afin d’avoir des relations sexuelles mais avant de subir celles-ci, leur sexualité ne venant même pas à l’esprit.

Là, que je sache, personne ne moufte guère. Au contraire, tout se passe comme si les néo bien-pensants s’allient désormais de fait aux traditionalistes pour s’en prendre aux danseuses et bien au-delà d’elles, faisant ainsi front commun pour aliéner les femmes. Chacun bien sûr avec ses bonnes raisons et ses bons sentiments.

Ensuite, on s’étonne que ces danseuses soient au bord de la crise de nerfs ! Le titre est ironique : elles ne sont pas soumises, dociles, mignonnes, pas même entre elles, et c’est souvent tant mieux. Parfois, mieux vaut être victime de la mode que victime de l’obscurantisme. Free your ass and the rest will follow1.

  1. Allusion à une maxime célèbre de George Clinton dont la musique, voire la philosophie, a inspiré tout un pan de la danse contemporaine depuis les années 1970.
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  • Billet qui n’échappe pas à la médiocrité actuelle qui veut que les mots n’ont plus de sens.
    Ce monsieur est dans une cours de récréation, sa posture se limitant à un affligeant « je suis plus libérale que toi ».
    Pseudo analyse aussi vulgaire que le sujet qu’il veut défendre.

    Quant à son analyse politique et aux clivages qu’il croit discerner autour du film, là cela devient grotesque et pitoyable.

    • Au contraire je pense que ce film et cet article sont au cœur de la réalité de la nature humaine, c’est-à-dire une nature sexuée.
      Je citerai Molière pour répondre à Yves81 : « Madame, cachez ce sein que je ne saurai voir »

      • Personne ne conteste cette nature, même si « votre exemple est un mauvais exemple » (comme dirait Coluche), car les personnages de la pièce de Molière ne sont pas de jeunes enfants.
        La question porte évidemment sur autre chose et notamment sur la façon dont il est souhaitable de découvrir la sexualité pour un enfant.
        Souhaitable au titre de son propre épanouissement, tant sexuel qu’affectif.
        Écoutez, je ne me mêlerais jamais de la façon dont vous avez éduqué votre fille, même si c’est pour lui laisser flirter avec des postures qui, pour moi, relève d’une forme de pornographie et, en tout état de cause, d’une vulgarité certaine.
        Si vous faisiez la promotion de ce modèle, je commencerais à faire entendre ma voix. C’est pour cela que j’ai réagi à ce billet.
        Ma liberté (si résiduelle dans ce fichu pays) m’a conduit à enseigner d’autres valeurs à ma fille qu’un exhibitionnisme malsain (le twerk) pour découvrir le miracle de la sexualité et de l’amour.
        Je regarde la jeunesse de près. Ce que je vois, c’est 10 fois plus d’aliénation aujourd’hui qu’hier et le drame absolu qui aboutit à ne plus savoir ce qu’est l’amour.
        Le film en question traîne tous les poncifs de la médiocrité de l’Empire du Bien.

        • Non seulement Dorine est une adulte dans la pièce de Molière, mais, de plus, elle ne dansait pas le twerk.
          Cette danse qui consiste à cambrer autant que possible ses fesses vers LES autreS, tout en mimant des mouvements d’aller et venu. Avec, en même temps, un doigt suggestif dans la bouche.
          Je souhaite une autre sexualité pour ma fille (et ma femme aussi d’ailleurs).

        • Merci de ce commentaire qui fait du bien à lire.

          Vous mettez le doigt sur le point central lorsque vous dite: « […]Si vous faisiez la promotion de ce modèle, je commencerais à faire entendre ma voix. »

          De nos jours, c’est un ressenti, j’ai l’impression que la vulgarité à remplacer le charme. Votre exemple du twerk est parlant sur ce point. Et ce remplacement de valeur se veut être normal, que pour séduire, il faut être vulgaire (tant pour les femmes que pour les hommes).

  • le corps est sexuel c’est un fait un petite fille reste une petite femme et un petit garçon reste un petit homme, mais dans l’idée de sexualisation il y a l’idée de seduction ..
    cachez donc ses gamines aguicheuses.. en partie à mon opinion car les sociétés savent que les filles sont matures sexuellement plus jeune que l’âge de majorité..
    ce qui est rigolo est qu’on a par contre des cris quand un lycéenne ne peut pas s’habiller…d’une façon TRES sexualisée au nom de la liberté..
    au vu des photos..on est dans le « trop jeune »…

    je n’ai pas vu le truc…juste les inévitables photos dans les articles qui en parlent.
    à mon opinion nos sociétés amoureuses de règles font une erreur en pensant que le passage de mineur à majeur peut être réduit à un age..et grosso modo..

    on pense tous qu’il y a un age trop jeune et inacceptable pour le sexe ..mais quel age???..on va le lier et à la maturité sexuelle mais aussi à un forme de maturité intellectuelle..

    les sociétés primitives avaient souvent des tests à passer pour devenir un homme.. controle de ses émotions ou de a douleur..pour les filles souvent les premières règles…

    • en plus…ça dérange parce que on pense aux parents..on a envie de leur dire mais vous vous rendez compte que la sexualisation est une forme d’admission que votre gamin est prêt « pour l’acte sexuel ou la séduction ? vous ne croyez pas qu’ils ont trop jeunes?

      la sexualisation du corps c’est autre chose que de constaté que le corps est sexué!!!

      oui il ya une zone floue…

      mais ces gamines ne sont pas dans la zone floue//

      • se balade t on nus? non..
        pourquoi? parce que c’est dans les codes de nos sociétés..
        il ya des codes..
        quand on a plus les codes de langages pour parler aux autres..il y a incomprehension et parfois violence.

    • Jacques, légalement parlant il faut bien tracer une ligne rouge. C’est peut-être arbitraire, mais ça permet quand même de protéger les enfants. Pour le reste la morale est affaire de famille.

  • Quel est le public visé par ce film ? Les ados
    Les adultes ne sont pas invités à voir ce genre de niaiserie.. Mais ils s’invitent comme ils vont voir des dessins animés ou lisent des bd pour adultes j’espère.

  • Facepalm. Le mot « enfant » est absent de l’article.
    Le problème n’est pas la sexualisation des « corps » ou des femmes, c’est la sexualisation des enfants.

    • Exactement. Merci.

    • A part les anges tout le monde est sexué.. Et s’intéresse à la chose…. Même nos petits anges.

      • Tout à fait, après de là à montrer ceci de manière exagérée, il y a un pas que je ne souhaite pas franchir.

        Que les enfants découvrent leur sexualité c’est normal et sain, mais qu’on leur colle une image de ce que la sexualité doit être (cf. certains artistes, filmes, etc.), non. Laissons les grandir tranquillement.

        • C’est une vue d’adultes. Quand je me replonge dans ma jeunesse je ne vois pas les choses de la même façon, la découverte du sexe opposé, 100% de mes pensées comme sa conquête.

  • La bien pensance idiote, inculte, primaire, a encore frappé avec cette polémique. Les artistes n’ont plus droit au 2ème degré. D’ailleurs bien peu de gens le comprendrait vu la baisse vertigineuse de l’intelligence ou du simple bon sens. Nous sommes dans un monde binaire. On ne réfléchit plus, on choisit entre A (bien) et B (mal). Ceux qui proposent ce choix sont incapables d’en imaginer d’autres.

  • Bonjour,

    Je n’ai pas vu le film mais entre ce qu’en disent les soit-disantes « ligues de vertu » américaines et Mr Monnier, je sens que je ne vais pas pouvoir m’en faire une image fidèle.

    Apparemment cela a échappé à l’auteur de l’article, les critiques suscités en Amérique du Nord ne portent pas sur l’hypersexualisation des corps ou sur les danses suggestives en tant que telles MAIS sur le fait que ce sont des enfants qui font l’objet d’une telle hypersexualisation. Les acteurs ont tous l’air d’avoir l’âge d’aller au collège.

    Ceci est totalement occulté par l’auteur à moins qu’après avoir vu 200 ou 300 films comme celui-là, Mr Monnier soit complètement désensibilisé…

    Dès lors tout l’article est ridicule au mieux ou minable au pire par ces attaques envers ces fameuses « ligues de vertu »: « calomnies », « opprobes », « vindicte populaire », « affidés », « bien-pensance », « régressiste », « rigoristes », « puristes ».

    L’auteur ne lésine pas sur les qualificatifs. C’est totalement partial et on a l’impression que Mr Monnier qui se sent sans doute très libre d’esprit et très ouvert supporte mal qu’on ose critiquer ce « petit bijou » cinématographique et de dire que peut-être la barre de la tolérance a été effectivement poussée trop haute.

    Je pense que le plus hilarant est encore la qualification de « bien-pensance progressiste » qu’on utilise apparemment à toutes les sauces maintenant.

    Sans blague. C’est le pitch tout entier du film qui est progressiste: femmes exploitées, libéralisation par la sexualisation, en plus elles sont noires et africaines.

    Je répète. Je n’ai pas vu le film. J’aurais aimé et n’aurais rien eu contre un article pour le défendre à la place de ce torchon qui ne m’a rien appris sur le film.

    Très mauvais.

    • J’oubliais un autre élément qui a fait hurler est le choix marketing de Netflix pour l’affiche du film sur sa plateforme de visionnage en ligne. On y voit effectivement des petites filles en tenue de danse très courtes en mouvement suggestif.

      J’avoue! En la voyant j’ai mal pensé parce que l’aspect dénonciateur du film je ne l’avais pas vu!

  • Le dernier paragraphe de l’article ne suscite pas beaucoup de réaction alors que c’est le cœur de l’article.
    Cette « libération », certes outrancière fait face aux oppressions liberticides de la femme dans les sociétés africaines installées en France.
    Il est amusant de voir que cet étalage de ce que ces société ont de pire ne rencontre aucune réaction chez les « progressistes » parce que le film coche les q

    • Accident de touche… 🙂
      … »le film coche les » quelques cases pavlovienne qui leur sert de centre de réflexion: diversité, gens de couleurs, femmes, art etc. etc.
      La pédophilie n’a jamais dérangé la gauche.

  • « la danse comme forme d’expression d’un malaise lancinant et moyen d’émancipation d’une oppression. »

    ?!?

    J’aime la danse : le ballet, la danse moderne, le hip-hop, le Lindy-hop, le moonwalk, le haka …

    Je me pose souvent la question de la part de grâce, de sensualité, de sexualité, de puissance, d’hypnose, d’allégresse, d’expression dramatique … qui peut unifier toutes ces formes.

    Mais jamais encore je n’y avait vu l’expression d’un « malaise lancinant et moyen d’émancipation » (Même pas dans le hip-hop ou la Capoeira). Ni les péripéties d’une guerre du bien contre le bien. (Sujet très à la mode par les temps qui courent.)

    • Dit autrement : pour moi la danse est un art. L’art s’adresse aux émotions. Il peut transmettre des messages mais ne doit pas être « intellectualisé » et surtout pas réduit à des mots.

      Je me demande si ceux qui veulent réduire l’art à des messages n’ont pas un déficit de sensibilité. Enfin ce n’est qu’un opinion.

  • @alan
    Vous aimez la danse et vous dites n’y avoir jamais vu l’expression d’un « malaise lancinant et moyen d’émancipation ». Pourtant la danse peut exprimer toutes les émotions, y compris un malaise, et elle peut être un manifeste très parlant pour se libérer d’une oppression.

    La bande annonce du film donne le spectacle d’une auto-sexualisation entre jeunes filles pubères (il ne s’agit pas d’enfants) qui s’entraînent mutuellement à se construire un corps de plaisir. C’est initiatique et libérateur. Une histoire de filles qui éprouvent le plaisir de se créer comme femmes indépendamment de relations avec des hommes. De ce point de vue, l’article me semble juste et pertinent.

    Le coté exhibitionniste, qui gênent certains commentateurs, peut paraître indécent parce qu’elles sont encore trop jeunes pour ne pas être maladroites. Ce sont des débutantes. Il faut comprendre qu’il est bon qu’elles osent en passer par là. C’est leurs corps qu’elles s’approprient et c’est leurs vies.

    Comme le dit un commentateur, ce n’est pas un film pour adultes ; Il devrait être interdit aux plus de 18 ans.

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