Faut-il avoir peur des néonicotinoïdes ?

Les activistes se dépêchés d’annoncer le retour généralisé des néonicotinoïdes et d’agiter tous les épouvantails possibles et imaginables.

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Faut-il avoir peur des néonicotinoïdes ?

Publié le 12 septembre 2020
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Par André Heitz.

L’angélisme écologique s’est fracassé contre le mur des réalités agronomiques, économiques et sociales avec la crise de la jaunisse sur les betteraves. Le gouvernement soumet une proposition de loi au Parlement en vue de permettre la délivrance de dérogations de 120 jours pour l’utilisation d’insecticides néonicotinoïdes l’année prochaine et le cas échéant les deux années suivantes.

Le texte est général pour éviter que le Conseil d’État ne le retoque pour violation du principe d’égalité, mais la seule application prévue concerne l’enrobage de semences de betterave, seule solution fonctionnelle à la jaunisse.

Les oppositions activistes et politiques se sont emparées de cette généralité pour annoncer le retour généralisé des néonicotinoïdes et agiter tous les épouvantails possibles et imaginables.

Ainsi, dans un merveilleux exemple de propagande goebbelsienne, un mouvement soi-disant né par génération spontanée et qui a pris une mauvaise herbe pour emblème proclame que « le gouvernement veut ré-autoriser TOUS les #néonics! » et que cela reviendrait à une « condamnation à mort des pollinisateurs », une « trahison de la loi Biodiversité » et un « enterrement de l’agriculture sous la chimie ».

Quelques évidences à propos des néonicotinoïdes

Répondre aux différents « arguments » exigerait de subir la loi de Brandolini. Exprimé poliment : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »

Posons dès lors quelques principes généraux.

Les notions de « danger » et de « risque »

Premièrement, le « débat », si on peut appeler ainsi les manœuvres et controverses, ignorent régulièrement la différence entre « danger » et « risque ».

Oui, les néonicotinoïdes sont dangereux pour les abeilles – à l’instar par exemple du spinosad, qui a le même mode d’action mais bénéficie de l’indulgence des activistes, étant classé comme utilisable en agriculture biologique…

Non, les néonicotinoïdes utilisés selon les préconisations d’emploi ne présentent pas de risques – ou de risques inacceptables dans un monde raisonnable – pour les abeilles et autres pollinisateurs.

C’est comme pour l’électricité… Le 220 volts est dangereux. Mais avec une installation domestique aux normes, il n’y a pas de risques, sauf si on veut réaligner une applique avec les pieds dans le bain…

Les théories du complot

Comment pourrait-il en être autrement ? Ce serait sous-entendre que les institutions d’évaluation et de réglementation du monde entier se seraient trompées pendant quelque trois décennies, qu’elles auraient été trompées ou, pire, qu’elles sont toutes corrompues de manière aussi systémique que le sont les néonicotinoïdes eux-mêmes (ils pénètrent et se propagent dans la plante).

Ces hypothèses plaisent évidemment aux complotistes.

Elles ont été testées en France jusqu’au niveau de la Cour de cassation dans une affaire engagée par l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF). Le 4 janvier 2017, la Cour a rejeté un pourvoi contre une ordonnance de non-lieu exonérant Bayer et portant sur le Gaucho (imidaclopride, qui a eu son AMM en France en avril 1991)1.

On ne saurait prétendre que la justice dit aussi la science (sauf quand on s’appelle… chut, pas de noms pour ne pas faire de jaloux, et qu’on baratine le lecteur sur les procès états-uniens du glyphosate).

Mais on remarque qu’elle a écarté les allégations de mortalité des abeilles due à l’imidaclopride utilisée en particulier en enrobage des semences de tournesol (une plante très attractive pour les abeilles) ; des allégations d’un plaignant dont on peut penser qu’il a été particulièrement pugnace.

L’« écocide » de Mme Delphine Batho n’existe pas dans l’Ouest canadien ou en Australie

Les différentes théories du complot, de manipulations et de corruption sous-entendent aussi que les effets dévastateurs – l’« écocide » de Mme Delphine Batho – n’auraient pas été entrevus… ou ne se manifesteraient qu’en France à l’occasion de la réintroduction d’un ou plusieurs néonicotinoïdes en enrobage des semences de betteraves. Et que les 14 pays européens qui ont accordé des dérogations sont irresponsables.

Il n’y a pas qu’en France que les néonicotinoïdes ont fait l’objet d’intenses campagnes de dénigrement par des groupements d’apiculteurs (pas tous…) et d’autres activistes.

Au Canada, les coups sont partis de l’Ontario, où des mortalités ont été attribuées au printemps de 2012, apparemment à raison, à des poussières de néonicotinoïdes dispersées dans l’air lors du semis de maïs. Les apiculteurs de l’Ontario et du Québec ont donc commencé à demander un bannissement des néonicotinoïdes au niveau provincial et fédéral à partir de l’été 2013.

Remarquez qu’il y ont été fortement incités par une décision prise par l’Union européenne quelque temps auparavant de suspendre l’utilisation de la clothianidine, de l’imidaclopride et du thiametoxame sur les plantes attractives pour les abeilles… une illustration de l’empoisonnement du monde par le « principe de précaution » et la frilosité de l’Union européenne.

Pourquoi cette histoire ? Parce que les apiculteurs de l’Ouest canadien, particulièrement de l’Alberta, ont refusé de se joindre au mouvement. Pourtant, leurs abeilles butinent sur les immenses champs de canola (colza)… issu de semences enrobées. Et les apiculteurs font de très grosses récoltes.

Pour Santé Canada, « le traitement des semences a été jugé acceptable ». Mais l’institution a réduit le spectre d’applications, en partie sous la pression générées par l’hystérie européenne.

En bref, comme l’a écrit Terry Daynard, il n’y a pas de « bee Armageddon », d’apocalypse de l’abeille.

Il a également relevé que le premier communiqué de presse d’une association d’apiculteurs de l’Ontario a été publié en premier lieu sur le site du très décroissantiste Sierra Club.

La situation est similaire en Australie (où la principale cause de mortalité des abeilles, le si bien nommé acarien Varroa destructor, n’a pas pris pied). Pour l’Autorité australienne des pesticides et des médicaments vétérinaires, les néonicotinoïdes sont sûrs et efficaces, et il n’y a aucune preuve qu’ils détruisent les populations d’abeilles dans le pays. Mais des voix commencent à s’élever… L’Europe, l’Europe, l’Europe, et ils commencent à sauter comme des cabris…

La santé humaine

L’une des craintes exprimées par les producteurs de canola de l’Alberta a été qu’une éventuelle interdiction des néonicotinoïdes ne les oblige à recourir à des pesticides plus anciens, notamment des organophosphorés, bien plus nocifs pour la santé.

De fait, au-delà de leur efficacité et de la possibilité de les utiliser en enrobage des semences, les néonicotinoïdes ont été vantés pour leur  innocuité pour les animaux supérieurs, Homme compris (innocuité relative… tout est relatif et question de dose et d’exposition).

Relative pour les activistes ? Voyons, voyons ! Quelle n’a pas été la surprise de téléspectateurs attentifs qui ont vu dans un Cash Investigation d’octobre 2019 propageant l’hystérie anti-pesticides, collé à la fenêtre, un sticker anti-mouches… à base d’imidaclopride ?

Mieux encore, l’imidaclopride est utilisée comme anti-puces sur nos animaux de compagnie (on s’en met plein les doigts avec les pipettes, et on oublie bien souvent qu’il ne faut pas caresser Médor ou le greffier après application…).

Cela n’a pas empêché Libération de lancer une « Alerte sur les antipuces bourrés d’insecticides neurotoxiques » sur la base du retrait par une enseigne de jardinerie très écolo des produits à base de substances de synthèse pour recommander des « soins naturels » dont certains « contiennent des extraits de margosa (ou neem) »… un perturbateur endocrinien !

Ici se vérifie un phénomène répandu : les activistes – ici avec un objectif commercial – savent mieux que les agences d’évaluation et d’homologation…

Oui, mais les « études » ?

Le nombre d’études est impressionnant. Google Scholar retourne plus de 20 000 résultats pour « neonicotinoids », plus de 10 000 si ce mot est associé à bees. Avec le mot « néonicotinoïdes » on approche la barre des 1000, et 600 associés à « abeilles ». C’est sans compter les occurrences pour les différentes molécules.

Par contraste, « spinosad » retourne quelque 25 700 résultats, mais seulement quelque 3800 associés à « bees » et 200, associé à « abeilles ».

Nous sommes confrontés à un problème complexe impliquant plusieurs facteurs : les biais des choix de sujet de recherche et de publication (une recherche qui « ne trouve rien » a moins de chances d’être publiée qu’une recherche qui trouve un effet nocif) ; la qualité des études (bonnes ou « poubelle »), l’honnêteté ou l’objectivité de la recherche (ah, le militantisme…) ; le type de recherche (en laboratoire ou en conditions reflétant la réalité du terrain), etc.

Et c’est sans compter le problème de la médiatisation, à commencer par les auteurs eux-mêmes et les services de presse de leurs institutions.

Et de surcroît, il y a un problème de statistique : quand on établit des études avec un intervalle de confiance de 95 %, on risque d’avoir en moyenne cinq « faux positifs » sur 100 études bien faites.

Illustration pour les abeilles

En février 2019, une équipe de chercheurs essentiellement suédoise a trouvé par une étude de terrain que le traitement des semences de colza à la clothianidine n’a pas d’impact négatif détectable sur les colonies d’abeilles domestiques et leurs agents pathogènes (étude ici, petite analyse ici). Très professionnelle : on met des ruches dans des environnements similaires avec du colza soit traité en enrobage, soit non traité, et on analyse les ruches.

En avez-vous entendu parler ?

En avril 2012, une équipe française annonce qu’« un pesticide commun diminue le succès du butinage et la survie chez les abeilles ». Un travail de recherche ingénieux – on a équipé des abeilles d’une puce RFID pour monitorer leur retour à la ruche – suivi d’une simulation pour les conséquences sur les colonies.

Le CNRS publie un communiqué au titre neutre, « Les abeilles désorientées par une faible dose d’insecticide », mais au texte anxiogène (toutefois, au conditionnel de prudence) :

« Cette étude indique ainsi qu’une exposition des abeilles butineuses à un insecticide néonicotinoïde pourrait affecter à terme la survie de la colonie, même à des doses bien inférieures à celles qui conduisent à la mort des individus. »

Très rapidement, il est apparu à la vérification des données d’expérience qu’il y avait eu un surdosage de 30 % par rapport à l’objectif de l’essai. La quantité de thiaméthoxame administrée (« cul sec ») était aussi très élevée – de plus de six fois par rapport à la dose moyenne rencontrée – et ne se trouverait que très exceptionnellement en conditions réelles (où elle est « sirotée »).

L’étude fut taillée en pièces, notamment par M. Marcel Kuntz dans « Les abeilles, victimes de la course à l’audimat scientifique ? »  (la compétition entre Science et Nature) et, avec les formules de prudence habituelles, par l’ANSES et l’EFSA. Mais elle avait joué son rôle politique…

En septembre 2012, James E. Cresswell et Helen M. Thompson contestèrent le modèle mathématique de l’évolution des colonies dans un commentaire. Le Monde de M. Stéphane Foucart évacua l’objection par la classique fabrique du doute (vous savez, ce qu’on reproche aux « industriels »…) dans « Le chercheur, l’agrochimiste et les abeilles » :

« […] Banale dispute académique ou cas emblématique de l’influence discrète de l’industrie sur la science ?

 […]

Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Car le laboratoire de James Cresswell (université d’Exeter), premier auteur de la contestation, est soutenu par… l’agrochimiste Syngenta, propriétaire du Cruiser. Ce conflit d’intérêts n’a pas été déclaré par l’auteur, contre les règles d’usage. »

De même, pour un rapport du Humboldt Forum for Food and Agriculture sur la valeur des néonicotinoïdes en enrobage des semences, il nota qu’il avait été financé par Bayer et Syngenta… mais oublié de préciser qu’il avait été soutenu (« supported ») par le COPA-COGECA, l’ESA et l’ECPA, les organisations faitières européennes de l’agriculture et des coopératives, des semences et de la protection des plantes.

Les auteurs français finiront par manger leur chapeau en novembre 2015 (mais pas dans Science, la revue d’origine…) avec une concession de taille dans le résumé :

« Bien que les essais de laboratoire rapportent des effets délétères sur les abeilles à l’état de traces, les études sur le terrain ne révèlent aucune diminution de la performance des colonies d’abeilles dans le voisinage des champs traités. »

À quoi était-ce dû ? Ils avaient trouvé – ou plutôt inféré – que les ruches compensaient les pertes par une modification de la stratégie de production de couvain. Malgré des communiqués de l’ACTA, de l’INRA et du CNRS, il n’y eut qu’une très maigre médiatisation.

Le monde doit continuer à penser que les néonicotinoïdes sont des « tueurs d’abeilles »…

La « recherche » activiste

Il y a mieux encore, et cela a été relaté sur Contrepoints dans « Les insectes disparaissent… la déontologie aussi », avec une citation d’un rapport de réunion qui constitue un outrage fait à la science : un groupe s’est formé en juin 2010 – devenu la Task Force on Systemic Pesticides (groupe de travail sur les pesticides systémiques) dans le but spécifique et explicite d’obtenir l’interdiction des néonicotinoïdes et du fipronil (encore utilisé en Europe comme anti-puces). Le document sur la réunion constitutive est ici (extrait ci-dessous).

Ce groupe a bien travaillé… Terry Daynard, précité, note :

« Il existe des milliers de recherches contradictoires sur les néonics et les abeilles. Certains scientifiques européens (pour la plupart), très au fait des médias, ont élaboré un plan en 2010 pour en éliminer toute utilisation. Ils ont sélectionné 800 articles, interprété les résultats, rédigé des critiques et fait la promotion de leur message anti-néonics. Les « 800 études » sont référencées à l’infini par des journalistes qui n’en ont pas lu une seule. Un examen plus large et impartial de 1500 études à partir de 2012 par Tjeerd Blacquière, un chercheur de l’université néerlandaise de Wageningen, a été ignoré. Un examen différent, des conclusions différentes. »

Les instances d’évaluation, d’homologation et politiques sont évidemment tirées à hue et à dia, sans compter les « taupes ». Un article déjà cité donne un petit aperçu des petites intrigues.

Au niveau européen – en grande partie sur le fondement de l’hystérie française – le train fou est parti avec la suspension de certains usages de la clothianidine, de l’imidaclopride et du thiamétoxame en 2013, non pas pour protéger les abeilles, mais essentiellement pour s’assurer que la Commission était perçue comme faisant quelque chose. C’est ce qu’a admis un fonctionnaire dans un moment de relâchement (source originale). Le Commissaire Vytenis Andriukaitis l’a aussi admis à mots couverts dans une réponse à une question parlementaire :

« Les restrictions imposées au niveau de l’UE par le règlement (UE) n° 485/2013 pour les néonicotinoïdes étaient fondées sur la conclusion que les critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009 n’étaient plus satisfaits en ce qui concerne le risque pour les abeilles. La législation spécifique n’était à aucun moment basée sur un lien direct avec la mortalité des abeilles. »

La plus grosse est peut-être le fait qu’un groupe de travail de l’EFSA, infiltré et surtout fort imprudent, a pu élaborer un projet de document guide sur les abeilles (bee guidance document, toujours en souffrance) qui impose des conditions tellement exorbitantes aux études de terrain qu’elles ne peuvent jamais être prises en compte dans les évaluations… ne restent donc que les études de laboratoire ou en serre.

C’est ces conditions qui ont été imposées à l’EFSA par « quelqu’un » de la Commission. L’EFSA a du reste lancé un appel au secours codé.

Et la santé humaine ?

Illustration : le 3 septembre 2020, Libération a publié « Néonicotinoïdes: « La science dit clairement que ces pesticides sont à bannir » » (texte complet ici). L’article reproduit les propos d’un chercheur militant. La messe est dite avec par exemple :

« On balaie l’argumentation scientifique, les impacts sur l’environnement, la biodiversité, la santé, au profit d’une menace non avérée – puisqu’on n’a pas encore les chiffres définitifs de la production de betteraves pour 2020 – de baisse de rendement de 10 à 15 %. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Et c’est privilégier des intérêts privés de quelques firmes agrochimiques (Bayer-Monsanto, Syngenta, BASF, Dow Agroscience, etc.) et d’industriels du sucre au détriment de l’intérêt général. »

Une « menace non avérée » ? D’autres propos sont du même acabit. Mais passons à l’exemple « scientifique » :

« Les néonicotinoïdes peuvent entraîner des fausses couches et les enfants sont les premiers touchés. Une étude a prouvé que le premier pipi à la naissance de certains bébés japonais ayant des problèmes de neurodéveloppement (n’ayant pas tout à fait le bon poids ni le bon cerveau) contenait des néonicotinoïdes, alors que ces substances n’étaient pas censées passer la barrière placentaire. »

La première assertion est difficile à vérifier. « A review of the direct and indirect effects of neonicotinoids and fipronil on vertebrate wildlife » (un examen des effets directs et indirects des néonicotinoïdes et du fipronil sur la faune des vertébrés) de David Gibbons, Christy Morrissey et Pierre Mineau, article de synthèse rédigé dans le cadre du très militant Groupe de travail sur les pesticides systémiques (voir ci-dessus) est silencieux sur les fausses couches.

L’ensemble suggère que les néonicotinoïdes sont nocifs pour le neurodéveloppement. Pour l’étude (non référencée dans l’article), il doit s’agir de « LC-ESI/MS/MS analysis of neonicotinoids in urine of very low birth weight infants at birth » (analyse LC-ESI/MS/MS des néonicotinoïdes dans l’urine de nourrissons de très faible poids de naissance à la naissance) de Go Ichikawa et al. Comme l’indique le titre, il n’est pas question de « bon cerveau » mais uniquement de poids à la naissance.

Et pourquoi n’a-t-on pas fait de prélèvements d’urine sur des bébés de poids normal ? Mystère… Que dit le résumé (outre l’inévitable appel à d’autres études) ?

« Il n’y avait pas de corrélation entre le niveau de DMAP [un métabolite de l’acétamipride] et les indices physiques des nourrissons (longueur, taille, et scores SD de la circonférence de la tête). »

L’auteur des propos tenus à Libération est un des auteurs de l’étude…

Voici un autre exemple tiré d’un Wikipedia très critique sur les néonicotinoïdes en français (contrairement à l’allemand ou l’anglais) : « Une étude conduite sur des rats publiée en 2012 suggère que les néonicotinoïdes pourraient affecter défavorablement la santé humaine, spécialement le développement du cerveau. »

Non, l’étude a été menée sur des cellules in vitro, probablement avec une dose de cheval et sans que l’on sache ce qui se passe précisément in vivo. Et la conclusion de la conclusion (au conditionnel) est purement spéculative.

Mais ce genre de truc pollue le paysage médiatique.

Prenons le problème par l’autre bout. Le rapport de l’EFSA sur les résidus de pesticides détectés sur des échantillons d’aliments en 2015 a par exemple rapporté que sur 7572 échantillons analysés, 292 étaient positifs et deux seulement excédaient la limite maximale de résidus (fixée à des niveaux ultraprotecteurs).

Faut-il avoir peur ?

Bien sûr que non. Rappelons que le gouvernement n’envisage qu’une dérogation pour l’enrobage de semences de betteraves à sucre, lesquelles ont pour vocation principale de produire… du sucre… du saccharose. Il serait fort étonnant que l’on y trouvât des traces du néonicotinoïde utilisé pour l’enrobage des semences.

Ce serait du reste aussi supposer que les décideurs institutionnels sont prêts à sacrifier la santé publique sur l’autel des profits des betteraviers et des agrochimistes, et qu’ils sont irresponsables (ils l’ont certes été en Europe pour les interdictions…).

S’agissant de l’entomofaune, M. Henry Miller a écrit dans « L’interdiction des néonicotinoïdes par l’UE ne protégera pas les abeilles » :

« Cinq ans après l’interdiction temporaire des pesticides néonicotinoïdes par l’Union Européenne, un « comité d’experts » des États membres a finalement voté en faveur d’une interdiction permanente. Ce n’était pas une surprise. Le vote a suivi de peu la publication par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) de son avis consultatif selon lequel les néonics « posent un risque pour les abeilles sauvages et pour les abeilles domestiques », un résultat qui a fait la Une des journaux en Europe et aux États-Unis.

Cependant, tout journaliste qui aurait lu le rapport aurait découvert que l’EFSA n’avait rien trouvé de tel. Ce qu’elle a trouvé, c’est qu’il est très difficile dans le monde réel de la science de prouver un négatif, ce qui explique pourquoi la phrase la plus répétée dans les pages intérieures a été qu’un « risque faible n’a pas pu être démontré ».

La distance entre dire que quelque chose représente un risque et l’affirmation singulière selon laquelle un risque faible n’a pas pu être démontré est, bien sûr, très grande. En droit pénal, c’est la différence entre la façon dont nous faisons les choses dans les démocraties, où le gouvernement est tenu de prouver votre culpabilité, et la justice de style soviétique, où vous devez prouver votre innocence. »

S’agissant de la santé publique, le petit paragraphe de Wikipedia en français tend à montrer qu’on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Les néonicotinoïdes ont été salués par le passé comme peu toxiques pour les mammifères et les oiseaux. À preuve, l’imidaclopride est utilisée comme anti-mouches et anti-puces.

Comment faisait-on avant ?

Dans les temps anciens, on utilisait la nicotine contre les pucerons. DL50 (la dose qui tue 50 % des animaux d’expérience) : 3 mg/kg de poids corporel. Chez l’Homme, une source ancienne mentionne 60 mg, soit 1 mg/kg p.c. chez la petite crevette de référence. La DL50 de l’imidaclopride de 130 mg/kg p.c.

C’était mieux avant, non ?

Plus récemment (enfin…) un ouvrage de 1969 sur les ennemis des cultures indique qu’on utilisait par exemple du parathion (non approuvé aujourd’hui – DL50 = 5 mg/kg p.c. chez le rat le rat femelle et « peut-être cancérogène » selon le CIRC), du diméthoate (non approuvé – DL50 = 425) ou de l’endothion (non approuvé – DL50 = 30 mg/kg p.c.) en traitements foliaires. Rappelons que plus la valeur est basse, plus la substance est toxique.

Les substances actuellement autorisées sont le flonicamide (Teppeki, dangereux pour les abeilles) et le spirotétramate (Movento, autorisé dans le cadre de dérogations de 120 jours, dangereux pour les abeilles). Ils ont une DL50 supérieure à 2.000 mg/kg p.c. chez le rat. Mais ces substances ne sont pas efficaces.

Rappelons la différence entre danger et risque. Un tigre est un danger. Enfermé dans une cage, il n’y a plus de risque (sauf pour son soigneur). Les néonicotinoïdes sont plutôt peu dangereux. Et il est prévu d’enfermer celui ou ceux qui auront été retenus dans une cage : un enrobage.

  1. « Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors qu’elle a écarté l’existence, d’une part, de toute irrégularité intentionnelle lors des procédures d’homologation, d’autre part, d’un lien de causalité entre l’utilisation du produit et la mortalité des abeilles, la chambre de l’instruction qui, après avoir analysé l’ensemble des faits sur lesquels portait l’information et répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles, dont elle a déduit que l’information était complète et qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés ni toute autre infraction, a justifié sa décision ».
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  • nous voulons des coquelicots…dans la propriété du voisin..

    qu’est ce qui les empêche sinon d’avoir des coquelicots???
    ces gens sont abjects littéralement abjects..le problème est que leur stratégie marche parce qu’elle repose sur la popularité et la démocratie pas la vérité..

    un politicien ne connait pas la science…et de toute façon la science n’est pas son souci, c’est sa réélection ..

    si ils ont réussi à faire interdire le glyphosate ,je ne vois pas ce qui peut les empêcher de faire interdire à peu près tout ce qui leur déplaît..

    nous vivons désormais dan sun monde où la diffamation est permise, sinon populaire.. en route vers obscurantisme …vive le siècle des lumières éteintes.. ( y a pas de vent)

  • Et malgré tout ça , il y a toujours des abeilles, les rendements agricoles sont excellents, le kg de miel 6 à 7 euros le kg indique qu’il n’y a pas de pénurie en vue.

    • oui…on a pas de signe de catastrophe en cours..mais surtout
      interdire l’enrobage de semence de betteraves pour protéger les pollinisateurs… j’ai BEAUCOUP de mal à comprendre…

    • Le miel de chardon vaut-il le miel de tournesol ?

      • Pas amateur de miel mais je suppose qu’ils se valent avant de lui ajouter un arôme.

        • On ne leur ajoute pas d’arôme. On les récolte à la fin de la période de floraison des fleurs qu’ont butiné les abeilles, et donc ils ont naturellement des goûts différents. Si on favorise les chardons et autres mauvaises herbes au lieu du tournesol, comme le souhaitent les écolos, le miel lui-même en sera-t-il affecté, et la demande de la clientèle aussi ?

  • Bravo à l’auteur pour ce travail -difficile- de recherche sur le « problème » Néonicotinoïdes. Belle image que celle du tigrehors et dans la cage !

  • « sauf si on veut réaligner une applique avec les pieds dans le bain… »
    Il y en a qui ont essayé ils ont eu des problèmes…Alexandrie Alexendra…

  • Les commentaires sont fermés.

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