Ensauvagement : la perte de légitimité de l’État ?

Cette polémique autour de l’ensauvagement de la société française traduit une perte de la légitimité de l’État.

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Ensauvagement : la perte de légitimité de l’État ?

Publié le 7 septembre 2020
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Par PABerryer. 

La semaine dernière Jean Castex a cherché à siffler la fin de la polémique entre Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Éric Dupond-Morreti, ministre de la Justice, à propos de l’ensauvagement ou non de la société française.

Au-delà de la question sémantique, les deux ministres incarnent des postures politiques éculées traduisant l’échec consommé de la garantie de sécurité en France, échec qui remet en cause la légitimité même de l’État.

La question de la sécurité fait partie de ces sujets régulièrement traités par les médias depuis plus de vingt années. Elle a contribué à l’échec de Jospin en 2002, et au succès de Sarkozy cinq ans plus tard. Elle a également contribué à souligner les échecs des deux présidents suivants.

 

Polémique autour de l’ensauvagement et postures ministérielles

Il y a désormais un jeu de rôle établi entre la gauche qui dénonce un « sentiment d’insécurité » qui ferait le jeu de l’extrême droite, et la droite qui dénonce cette même insécurité pour réclamer des peines de plus en plus fortes.

La question de l’ensauvagement n’est que le dernier acte de cette pièce qui n’a été que trop jouée. Elle traduit surtout l’aggravation de ce sujet à travers l’émergence d’un nouveau vocable qui reflète la sidération de la société française face à une violence de moins en moins contenue.

Notre société est passée des « incivilités » à la sauvagerie, des rixes à l’émeute, du pétard au mortier et du coup de couteau à la fusillade à coups d’AK-47.

Si la réalité vécue par les Français semble donner raison au ministre de l’Intérieur, Darmanin et Dupond-Moretti ne sont pourtant que les derniers avatars d’une succession de politiques qui ont préféré la posture médiatique à la résolution du problème de la violence. Et l’un et l’autre sont les deux faces de la même faillite du politique.

Si le ministre de la Justice joue les vierges effarouchées à propos du terme ensauvagement c’est qu’il reprend les postures habituelles de la gauche en matière de politique pénale. Cette dernière vise à limiter au maximum les peines de prison au profit d’alternatives (travaux d’intérêt général, bracelet électronique, sursis multiples, etc.).

 

La justice et la police en état de délabrement

Ceci est couplé, et en partie motivé, par l’état de délabrement de la justice pénale en France.

Entre 80 000 et 100 000 peines sont en attente d’exécution (délai s’ajoutant à celui entre la commission de l’infraction et le prononcé de la peine qui demande facilement plusieurs années), pas d’incarcération pour les peines allant jusqu’à deux ans ferme (mais recours aux alternatives), prisons délabrées et surpeuplées.

Or, il est raisonnablement établi que le succès d’une politique pénale ne se fonde pas sur des quantum de peines élevés, mais sur la certitude du châtiment. Autant dire qu’en la matière la France fait preuve d’une belle constance dans l’erreur.

Le ministre de l’Intérieur a beau nommer les choses de façon plus juste, il n’a pas de quoi célébrer quoi que ce soit car l’échec de ce ministère est également patent. Les ministres peuvent facilement se tailler une image de durs à renfort de postures médiatiques et de coups de menton autoritaires. Derrière ces apparences, la politique suivie depuis longtemps consiste à éviter à tout prix les morts dans le camp d’en face.

Depuis l’affaire Malik Oussekine à celle de Rémi Fraisse, les politiques refusent d’avoir à assumer le décès d’un manifestant ou d’un délinquant. Le résultat est que les forces de l’ordre doivent avoir cela en tête, et que la protection de l’ordre public passe en second. Ainsi, le pillage des Champs-Élysées à la suite de la défaite du PSG n’est en rien une surprise mais le résultat prévisible d’un choix politique.

Cette faillite de la chaine pénale, des forces de l’ordre à l’exécution des peines, a des conséquences de plus en plus néfastes pour la société française. La violence va en augmentant, car ce qui pourrait la mettre en échec, d’un meilleur usage des forces de police à l’exécution systématique des peines, est volontairement saboté par les politiques.

Ce petit jeu de posture ne devrait plus pouvoir durer très longtemps du fait de la société française. Cette dernière reste très moutonnière et les honnêtes gens respectueux de l’autorité.

Toutefois, la période estivale a montré que cela est en train de changer. La vague d’incident de l’été, des bandes de jeunes de la Grande-Motte au pillage des Champs-Élysées, a engendré un ras-le-bol rarement vu et la constitution de groupes de citoyens cherchant à lutter contre cette violence.

Nous sommes encore loin des milices armées des États-Unis et la société française, désarmée par tous les gouvernements depuis 1939, a perdu l’habitude d’utiliser des armes mais cette hypothèse n’est plus à ignorer.

 

L’État en perte de légitimité

Le plus grave avec cette polémique autour de l’ensauvagement de la société française n’est pas tant la possibilité, encore faible, de voir apparaître des milices armées d’honnêtes gens avec tous les risques que cela comporte, mais ce que cela traduit comme perte de légitimité de l’État et des politiques.

L’État français est construit sur le mythe du contrat social par lequel les individus ont renoncé à se faire justice eux-mêmes et à la guerre pour se défendre contre les autres, au profit de l’État : charge pour ce dernier d’assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que la bonne administration de la justice.

Il s’agit des fonctions régaliennes de l’État, la justification de son existence, sa légitimité. Il est malheureux de constater que ce sont précisément ces missions qui sont depuis trop longtemps négligées ; et le retour à l’état de nature, de la guerre de tous contre tous, est la conséquence logique de cet abandon.

La suite est que l’État est en train de perdre sa légitimité et ce qui justifie son existence. Dès lors, chacun d’entre nous est en train de récupérer les droits qu’il lui avait abandonnés : se protéger comme bon lui semble et se faire justice lui-même.

Une telle situation ne sera pas souhaitable, mais au moins les Français pourraient assurer leur propre défense, celle de leurs proches et de leurs biens, là où aujourd’hui ils doivent assister, impuissants, à la destruction de leurs vies sans que les pouvoirs publics ne réagissent autrement que par des communiqués sans effets.

L’hypothèse présentée n’est pas encore d’actualité. Ce qui est par contre certain, c’est que la violence va continuer à progresser tant que les politiques répondront seulement par des lois inutiles et une réduction supplémentaire des libertés individuelles. Il conviendra donc de mettre au goût du jour, pour chacun d’entre nous, ce vieux proverbe romain :

« Si vis pacem, para bellum.
Si vis bellum, arma para »

« Si tu veux la paix, prépare la guerre.
Si tu veux la guerre, prépare tes armes ».

 

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  • darmanin et la schiappa veulent publier chaque mois les chiffres de la sécurité ….la belle affaire …il suffit d’aller fouiner sur internet pour savoir à quoi s’en tenir sur la délinquance dans ce pays ; on nous prend vraiment pour des billes ;

  • Aux états-unis :
    Alors que Kenosha et Minneapolis brûlent, des millions d’Américains achètent des armes
    https://www.libland.be/North-America/apres-Kenosha-Minneapolis-les-americains-s-arment

    • @Vincent04
      Bonjour,
      Les americains achetent des armes chaque fois que des lois empietent sur leur 2nd Amendement.
      Depuis la crise du covid, ceux qui achetent des armes sont surtout ceux qui n’en avaient pas avant la crise. En Californie, état très restrictif, cuex qui étaient anti armes la semaine précédente ont fait la queue.

      Pour citer quelques commentaires lus ci et là :
      Antifa et BLM : « Pourquoi vous avez des armes ? Nous sommes des manifestants pacifiques !
      Citoyens armés : C’est parce que nous sommes armés que vous étes pacifiques. »

      J’ajoutenque CNN a osé parler desmanifestations pacifiques quznd son reporter sur le terrain était devant un bàtiment en flammes.

  • « se protéger comme bon lui semble et se faire justice lui-même ».

    Attention: se défendre n’implique aucun jugement!

    • En France si, car la légitime défense est tellement encadrée qu’il vaut mieux ne pas riposter (et peut être mourir), au risque d’avoir une plus lourde peine de prison que le pauvre délinquant…

      • Contre tout pillage et sauf empêchement (prise d’otage, pillard émargeant à Bercy …) j’entends neutraliser l’intrus avec le minimum de force nécessaire, puis je confie le reliquat au SAMU et lui souhaite bonne chance. J’aimerais savoir ce que la « Justice » peut me reprocher.

  • Deja je me felicite quand des dealers s expliquent a coups d AK47. Ca fait ce que la police/justice n est pas capable de faire 🙂
    Et en plus c est gratuit !

    L auteur a raison sur le fait de dire que ce qui dissuade n est pas une sanction dure mais la certitude d etre condamné.
    Par contre son ideologie l aveugle. Des manifestants (oussekine ou fraisse) n ont rien a voir avec des delinquants. Et la police francaise c est illustre avec les gilets jaunes de facon assez brutale.
    On pourrait tres bien avoir une police plus efficace mais vu que la justice est encombree, ca ne servirai pas a grand chose.
    ET comme l auteur l a lui meme dit, sans la certitude de la sanction, ca ne sert a rien

    PS: je ne crois pas en une reaction de cioyen francais se defendant car:
    – il est plus facile pour la police de sanctionner ceux ci (faire une descente et trouver un fusil c est facile). De plus une snaction judiciaire est plus penalisante si vous travaillez que si vous etes deja un criminel
    – le francais moyen veillit et est de plus en plus mou. autrement dit en cas d affrontement, je suis pas sur qu il soit vainqueur. Il faut du courage pour enfoncer un couteau dans le ventre de quelqu un et le regarder mourir

    • En fait, face aux manifestants de type oussekine ou fraisse, la police a bien réagi et fait en quelque sorte son job (même si malheureusement ça s’est soldé par des morts) : celui de faire respecter l’état de droit.
      Par contre, comme vous le dites, la police ne réagit pas de la même manière face à une personne qui travaille et une personne déjà criminelle, et c’est ça qui pose problème ! Combien de casseurs des champs élysées vont être condamnés ? Par contre, si un gars anti mariage pour tous se promène avec ses potes avec un tshirt du mouvement, ou un groupe identitaire qui déploient une banderole, c’est direct garde à vue voir condamnation !
      Perso, je vote en bon citoyen, je ne vais pas prendre le risque de riposter face à ces minorités et délinquants, car 1. ils ne seront pas condamnés, 2. si même j’y arrive, je risque plus que ledit délinquant… Donc je préfère rester tranquillement chez moi (mon territoire), et faire en sorte qu’on ne m’y embête pas.

    • @cdg
      Bonjour,
      « Il faut du courage pour enfoncer un couteau dans le ventre de quelqu’un et le regarder mourir. »
      Ah bon vous trouvez ?
      Il faut du courage pour se défendre.
      La plupart des agresseurs ne regardent leurs victimes mourir : ils les laissent gisantes sur le sol. Qu’ils les aient plantées, battues, descendues, ils les laissent pour mortes.

      Vous avez raison : la police peut faire une descente et trouver un ou des fusils (c’est arrivé à Pierre Cassen). C’est facile car les dits fusils sont répertoriés dans un fichier. Ceux des délinquants ne le sont pas.

      La Justice est encombrée, submergée, voire noyéee, sous des tomberaux de nouvelles lois créant de nouvelles infractions. On pourrait croire que c’est fait exprès.

  • « … se protéger contre bon lui semble et se faire justice lui-méme. »
    Xavier Raufer parlant des groupes d’individus formant une tribu ou un clan explique que sans Justice visible (institution, sanctions) les groupes livrés à eux-mêmes et ne possédant pas de cellules pour y enfermer les malotrus, leur justice consistait à coller une raclée en première instance. En cas de récidive,

  • Comme je l’ai rappelé dans l’autre article sur ce sujet, l’ensauvagement est l’action qui consiste à rendre une ou des personne(s) sauvage(s). La naissance de milices relève bien de l’ensauvagement, l’État en étant le principal responsable, par défaillance dans sa mission de maintien de l’ordre.

    • @Marigal
      Bonjour,
      Vouloir se défendre est naturel, inné. En être capable, en avoir les moyens sont une autre affaire. Ce n’est pas de l’ensauvagement.
      La part civilisée de la population qui veut vivre tranquille ne s’ensauvage pas quand elle prend les armes ou qu’elle se constitue en milice ou en comité de surveillance de quartier.
      Comme vous dites, l’Etat est responsable car il est chargé de veiller à notre « sécurité », qu’il se déclare seul apte à le faire et qu’il se troue depuis un long moment déjà (milieu des annés 70).

      Peu importe le terme utilisé pour définir la flambée d’actes brutaux et violents, le terme ne plaira pas aux bien-pensants car ils savent ce que cela implique et quelle partie de la population commet ces actes. Et cela ne convient pas à leur rhétorique.
      Aux States, les démocrates tentent de rendre Trump responsable des troubles en jetant encore plus d’huile sur le feu qu’ils ont allumé.

  • Petite anecdote : Ce lundi, 10h du matin, station Nation, là où se diffusent les voyageurs entre le RER A et les lignes de métro niveau des touniquets. 15 policiers (pas des agents RATP ni la sûreté RATP mais la POLICE NATIONALE) par paquet de 3 cachés dans chacun des virages des couloirs pour gauler par surprise ceux qui n’avaient pas de masque ou le portaient « mal ». QUINZE… C’est sûr que les laskars qui braquent au couteau n’importe qui dans les rues peuvent être tranquilles.

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