Le chômage grossit, Pôle Emploi aussi

Pour lutter contre le chômage, Pôle Emploi va employer massivement. Même si ce ne sera pas assez, c'est drôlement malin !
Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Mes aventures à Pôle Emploi by philippe leroyer(CC BY-NC-ND 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le chômage grossit, Pôle Emploi aussi

Publié le 2 septembre 2020
- A +

par h16

Bon, soyons clair : si la situation sanitaire est assez bof, la situation économique est, elle, plutôt pas top comme en témoignent les exhortations nerveuses de Bruno Le Maire envers les Français pour les pousser à cramer rapidement leur bas de laine. Il ne faudrait pas que ces citoyens aux compétences économiques médiocres en viennent à douter d’une fulgurante reprise pourtant garantie à la fois par l’actuel locataire de Bercy, véritable expert en matière de cramage d’argent des autres, et par le beau plan de relance à moult milliards qu’il concocte avec la finesse qui le caractérise.

L’assurance que l’économie française va rapidement retrouver ses niveaux d’avant-crise n’empêche cependant pas de préparer un peu le terrain en cas – fort improbable, convenons-en – de déconvenues, par exemple sur le plan de l’emploi. Car oui, il se pourrait, murmure-t-on de façon discrète dans les couloirs républicains, que le niveau d’emploi dans le pays pourrait subir quelques tensions passagères.

Heureusement, tout comme le pays a pu surmonter la crise sanitaire grâce au travail remarquable de toute son administration, à la justesse des analyses gouvernementales et à des prises de décisions rapides, déterminées et particulièrement bien pensées, on sait d’ores et déjà que le pays saura maîtriser ses petits problèmes temporaires de chômage par l’habile truchement de l’institution dédiée à la gestion de l’emploi : Pôle Emploi se prépare donc à accueillir comme il se doit les quelques chômeurs supplémentaires qui pourraient advenir dans ce petit moment délicat.

Et s’il y a bien une méthode avérée pour lutter contre le chômage, c’est bien… de créer de l’emploi, pardi !

Évidence que n’a pas manqué de comprendre et d’appliquer Pôle Emploi qui se prépare donc à cette nouvelle « vague »… en embauchant 3000 à 5000 employés en CDD. Et même si ce nombre est encore faible face au demi-million de nouveaux chômeurs enregistrés depuis le début de la crise sanitaire, on est sur le bon chemin : lorsque 400 000 CDD auront été contractés par Pôle Emploi pour lutter contre le chômage, pouf, la mission sera remplie puisqu’il n’y aura plus de nouveaux chômeurs. Malin.

Néanmoins et nonobstant cette judicieuse approche du problème, Pôle Emploi s’attend malgré tout à une hausse notable de la charge imposée à ses employés par la brusque montée du chômage français. Et là, une question s’imposera à tous les contribuables et les salariés dont les cotisations, obligatoires, financent cette institution : en quoi l’embauche de ces milliers d’employés garantira-t-elle un meilleur traitement des chômeurs ?

La question est d’autant plus légitime que Pôle Emploi s’illustre, ces dernières décennies, par son absolue nullité tant en matière de résultats obtenus qu’en matière de gestion des deniers et des dossiers qui lui sont confiés. Enfin, ici, « nullité » est un délicat euphémisme puisque, s’agissant d’argent public, le résultat est toujours une dépense qui, ne trouvant pas en face une concrétisation valable, se transforme donc en perte sèche pour le contribuable et le cotisant, sans parler des pauvres hères confrontés à la machine bureaucratique de gestion de l’emploi auxquels on propose régulièrement, avec une décontraction calibrée par d’intéressants cerfas et une assurance-qualité au taquet, des stages de charcutier lorsqu’ils ont une formation de menuisier, ou l’inverse.

Et ce constat n’est pas issu d’une simple observation ou par la collection taquine de coupures de presse sur les cas les plus grotesques, mais bien par la Cour des comptes notamment, qui a récemment rendu ses conclusions d’une étude de l’institution de 2012 à 2019 : absentéisme très élevé, primes à gogos, avantages indus des cadres et dirigeants, augmentations salariales trop rapides, à tel point que la Cour en vient même à préconiser de « réexaminer » l’affectation des conseillers supplémentaires de Pôle emploi pour tenir compte de l’afflux à venir de demandeurs d’emplois. Ouch.

Et sur le plan des résultats en termes d’emploi, le constat est aussi accablant : non seulement la fusion ASSEDIC – UNEDIC n’a pas permis d’améliorer quoi que ce soit (et les inscrits doivent toujours en passer par un parcours du combattant pour percevoir leurs indemnités et bénéficier des aides, formations et encadrement pour lesquels ils ont cotisé), mais les objectifs statistiques en termes d’emploi, pourtant fixés comme mission pour l’institution, ne sont pas du tout remplis ; le nombre de chômeurs continue d’augmenter, quelle que soit la catégorie observée ; les chômeurs de longue durée (depuis plus d’un an) ont vu leur nombre exploser de 153,7 % depuis la création de Pôle emploi ; en 10 ans, l’ancienneté moyenne au chômage a aussi bondi de près de 58 % pour atteindre… 610 jours ; sur la même période, on observe aussi un bond de près de 570 000 personnes âgées de plus de 50 ans. En bref, le bilan est désastreux.

Et surtout, il est extrêmement coûteux puisqu’en parallèle, force est de constater que le secteur privé de gestion des offres d’emploi s’en sort beaucoup mieux. Le nombre de sites consacrés à la recherche d’emplois n’a pas cessé de grandir, et les entreprises passent maintenant volontiers par LinkedIn, LeBonCoin, Monster ou d’autres pour leurs recrutements avec une efficacité qui n’est plus à démontrer. En pratique, ces entreprises obtiennent de bien meilleurs résultats que les armées d’employés d’un Pôle Emploi parfaitement englué dans une bureaucratie et une paperasserie aussi kafkaïennes que grotesquement inutiles.

Chaque année, des milliards d’euros sont consacrés, par les cotisations, à tenter d’aider les demandeurs à retrouver un emploi. Ces milliards actuellement dépensés au travers de Pôle Emploi, structure imposée et grossièrement inefficace, n’ont en réalité aucun besoin ni d’être dépensés dans ce mastodonte incompétent, ni même d’être prélevés alors que des entreprises privées fournissent le même travail pour une fraction du coût.

Et si la disparition de Pôle Emploi signerait inévitablement l’arrivée d’un nouveau contingent de chômeurs actuellement employés à pousser des papiers dans cette bureaucratie coûteuse, nul doute que les économies réalisées ensuite contribueraient amplement à relancer l’économie française, fort mal en point.

En attendant, les autorités ont donc choisi la tactique exactement inverse : grossir les rangs de Pôle Emploi et obésifier encore un peu plus l’entité. Mais cette fois-ci, c’est sûr, ça va marcher !


—-
Sur le web

Voir les commentaires (21)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (21)
  • Et bientôt Paul Emploi ne passera plus à travers les portes…

    • Oui, on est admiratifs devant les résultats exceptionnels de cette entreprise, qui malgré une concurrence intense et une politique salariale généreuse, parvient tout de même à augmenter très fortement sa fréquentation en clients (+157%), mais aussi leur fidélisation (+58%) et leur diversification (570 000 de plus de 50 ans).
      Nous sommes jaloux en face d’une telle réussite.

      • et il sosnt excessivement productifs quand il s’agit de radier à gogo pour dégonfler les chiffres déjà fortement tripotés..sont forts à Pôle emploi..

      • ils sont super doués pour radier par contre …pour dégonfler les chiffres déjà tripotés par le gouvernement histoire de ne pas faire de vagues..

    • Et bientôt une nouvelle réglementation pour obliger les architectes à élargir les portes.

  • Excellente l’image de fin d’article, elle m’a fait la journée ! Merci H16 ! 😀

  • Pôôole-emploi est un service social comme un autre.

    Il sert à expliquer aux plus démunis – de cervelle – que une annonce « recherche cariste » n’est pas une pub pour du dentifrice, qu’il ne faut pas insulter le recruteur et que celui-ci attend autre-chose de vous que des exigences.

    Si le besoin de personnel augmente, ce n’est pas que le chômage augmente mais que le nombre de nœud-nœud augmente.

    • Comme aurait pu dire le regretté Coluche: « Vous cherchez un emploi, venez donc à Pole Emploi, on vous expliquera comment vous en passer!
      On dit que les chômeurs cherchent un emploi, mais seul le salaire leur suffirait ( dixit Coluche encore!!!).

  • dans le même registre, on pourrait aussi parler de la formation professionnelle, confiée à des entreprises privées, souvent aux mains des syndicats (ou de leur dirigeants, mais de façon privée). Des milliards sont déversés pour des formations sinon bidons, souvent inutiles, ou à la mode. En tous cas ça ne profite pas ou peu aux chomeurs (sauf des stages pour apprendre à rédiger son CV : perso, quand je recrute un ouvrier, la forme de son CV m’importe peu, les fautes d’orthographe aussi, seule son attitude, sa façon de parler ou de se comporter et son expérience comptent)

    • Les emplois de pôle emploi ne laissent aucune place au double en effectifs dans le secteur privé (eux étant porteurs d’avenir), au fond P.E. est une fosse à la destruction du travail productif !

    • les fautes d’orthographe ne comptent pas pour vous? c’est dommage..:(

  • Bon, comment faire pour obtenir 100% de fonctionnaires dans ce pays? Vous avez 4 heures…

  • grossir les rangs de pole emploi et par le même occasion grossir les rangs des électeurs pour 2022 ; on ne mord pas la main qui vous nourrit….

  • Et pour éviter que de jeunes énarques viennent grossir les rangs de pôle emploi, on leur a créé une super fonction : sous-préfet à la relance. C’est vrai, le besoin était tellement criant!

  • Pole emploi est le premier employeur de France!Encore ce matin à la radio de nombreux employeurs se plaignaient de ne pas trouver de salariés même sans qualification particulière, ben oui mais des fois on travaile le we,il faut se lever tôt,on perd les aides… et ceux qui commencent ne restent pas …trop dur ,ils retournent à pole emploi …

    • 2 cas de figure :

      – ils passent leur demande à Popaul Emploi et ils ont tout faux,
      – ils rêvent et c’est leur problème.

      Le « système » français est une chose, le réalisme en est une autre.

  • Assurance Chômage… J’aime pas qu’on utilise le mot « assurance » pour un business qui n’a rien à voir, qui est quasi-monopole. Au lieu de cotisation, on devrait dire « impôt chaumage ». (même chose pour « assurance maladie »)

  • Je vais poser une question simple à tous les employeurs qui me lisent : « Est-ce que, lorsque vous avez besoin d’embaucher, vous pensez à contacter Pole Emploi ? ».

    CQFD.

  • Alors H16, on est pas content de Popaul Emploi ?

  • Le style jubilatoire de mon journaliste préféré « h16 » me réjouit particulièrement. Chaque papier est une nouvelle régalade, pour tant d’esprit et de lucidité … un grand merci !

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La nécessaire réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron suscite la colère.

Selon le dernier sondage Elabe pour BFM-TV les Français y sont opposés à 66 % et ce taux s’élève même à 75 % chez les 35-64 ans.

Cette réforme est pourtant nécessaire puisque le rapport entre actifs et inactifs est déséquilibré tandis que l’espérance de vie ne cesse de progresser. L’âge de départ à la retraite en France est de 62 ans ; de 65 ans en Italie et 67 ans au Danemark. Tous les leaders syndicaux se sont accordés pour s’opposer aux mesures ... Poursuivre la lecture

Le taux de chômage baisse enfin en France et les pouvoirs publics ne manquent pas de faire du triomphalisme.

Ainsi Bruno Le Maire interviewé le 18 février dernier par Ouest-France, a évoqué avec la plus grande satisfaction une « grande victoire  française ».

On lit sur le JDN, un site d’information très suivi :

« Du jamais vu depuis 2008 : le taux de chômage a atteint son plus bas niveau à 7,3 % de la population active au premier trimestre 2022 selon l’INSEE, contre 7,4 % au trimestre précédent. Le nombre de chômeurs au s... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article

Par Romain Delisle. Un article de l'Iref-Europe

 

Comme nous l’avons déjà exposé, les politiques publiques actives de l’emploi (assurance-chômage non comprise donc) ne brillent pas par leur efficacité. Une situation que la crise sanitaire n’a pas substantiellement modifiée, même si les dispositifs spéciaux mis en œuvre se doivent d’être étudiés à part.

Il s’agit surtout de savoir si des conséquences pérennes pourraient s’observer sur le marché du travail et d’examiner l’impact des politiques publiques anciennes et no... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles