Ce « pognon de dingue » déversé par milliards

Le pognon de dingue coule à flots jusqu’à la prochaine crise et les réformes attendront.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
14 juillet : je réponds aux questions de Léa Salamé et de Gilles Bouleau-Capture d'écran Youtube

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Ce « pognon de dingue » déversé par milliards

Publié le 17 juillet 2020
- A +

Par Nathalie MP. Meyer.

Il y a deux ans, dans un tweet très étudié publié dans la nuit par sa conseillère presse de l’époque, Emmanuel Macron jetait un énorme pavé dans les non-dits du modèle social dont nous tirons année après année une gloire grotesque :

« Moi, je fais un constat qui est de dire, tout le système social, on met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif. […] Regardez : on met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens, ils sont quand même pauvres, on n’en sort pas. »

En quelques mots simples, concis et frappeurs, mais seulement des mots hélas, Emmanuel Macron faisait LE constat de ce qui prive la France de la prospérité et de la compétitivité qui pourrait être la sienne : un modèle social non pas ultra-libéral comme on l’entend dire ultra-bêtement ultra-souvent, mais au contraire ultra-coûteux, ultra-déresponsabilisant et finalement ultra-inefficace pour réduire le chômage, augmenter le pouvoir d’achat et donc réactiver le fameux « ascenseur social » dont on se plaint qu’il ne fonctionne plus tout en chérissant les causes de la panne.

Seulement des mots, car à ce moment-là, en 2018, alors que nous étions à dix ans de la crise de 2008 et pas encore dans la crise économique consécutive au confinement anti Covid, alors donc que nous étions dans une période favorable aux réformes, rien de bien sérieux ne fut entrepris pour corriger les vices structurels qui pétrifient la France dans le chômage de masse, les dépenses publiques, les impôts et taxes, les déficits, la dette et une délirante inflation législative et réglementaire en cours d’être généreusement accentuée par la pression écologique.

Code du travail ? Il a été… modifié, oui, mais de façon tellement superficielle ! Ni la lancinante question des 35 heures (qui désorganisent complètement le travail et brise notre compétitivité) ni celle du salaire minimum (parmi les plus élevés de l’OCDE relativement au salaire médian, soit 62 % en 2018) n’ont été abordées1.

Suppression de l’ISF ? En partie, certes, mais relativement à la pression fiscale, ce ne fut jamais que l’épaisseur du trait comme en témoigne notre taux de prélèvements obligatoires qui, à plus de 46 % du PIB en 2018, persiste à faire de la France la championne du monde de la ponction fiscale.

À l’évidence, pour le gouvernement, il était alors tellement plus « courageux », urgent, structurant et important de ramener la vitesse maximum sur les routes secondaires de 90 à 80 km/h ! Il était tellement plus important d’augmenter les taxes déjà énormes sur les carburants (mesure finalement annulée devant la colère populaire), il était tellement plus impérieux de collectiviser encore plus notre système de retraite (malgré un alignement bienvenu des régimes spéciaux sur le régime général), etc.

Arrive 2020, arrive le Coronavirus, arrive le confinement généralisé (faute de masques, de gel hydro-alcoolique et de tests, redisons-le) qui met brutalement notre économie à l’arrêt, et arrive en conséquence une crise économique gravissime qui, selon les projections de l’OCDE, devrait entraîner un repli du PIB français de 11,4 % en 2020, soit, encore une fois, un record parmi les pays développés (chiffres sans seconde vague épidémique représentés par les bâtons rouges du graphique ci-dessous, cliquer pour agrandir) :

Comme rien de sérieux n’a été fait avant, comme nous partons dans la crise sans la moindre réserve budgétaire mais avec un déficit public qui fut encore de 3 % en 2019 et avec un taux de chômage (8,1 % en 2019) deux fois plus élevé que celui de nos voisins qui ont eu la bonne idée et la bonne volonté d’effectuer leurs indispensables réformes libérales (Pays-Bas, Allemagne), il ne nous reste plus que la solution française classique du « pognon de dingue » et son cortège de dette publique, qui ne trouvera son extinction que dans des impôts futurs et/ou de l’inflation, pour essayer d’adoucir la terrible crise sociale qui s’annonce.

La crise sanitaire du Covid-19 a mis en évidence tous les défauts criants de notre système de santé. Dans le débat qui a émergé sur la place publique, il fut question des salaires des soignants dont le niveau par rapport à ce qui se pratique dans les autres pays de l’OCDE est effectivement à la traîne.

Mais il fut également question d’organisation et d’allocation des ressources. On constate en effet que la France est avec l’Allemagne l’un des pays qui dépensent le plus pour leur santé (11,2 % du PIB en 2018) mais que le taux de personnel hospitalier non-soignant est également parmi les plus élevés.

pognon de dingue

Or le « Ségur » de la santé annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron vient de s’achever sous les louanges de ses promoteurs gouvernementaux et il n’a porté que sur les revalorisations de salaire à hauteur de 8,1 milliards d’euros, ce qui n’est pas peu dire. Le reste, qui est en rapport direct avec la qualité des soins, a été une fois de plus opportunément oublié. Le pognon de dingue coule à flots jusqu’à la prochaine crise et les réformes attendront.

De la même façon, dans son entretien télévisé du 14 juillet, Emmanuel Macron a annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros en plus de ce qui a déjà été mis sur la table jusqu’à présent (soit 450 milliards y compris les prêts garantis par l’État). Il a notamment détaillé la création imminente de 300 000 emplois aidés, 100 000 postes supplémentaires en service civique et 200 000 places de plus en formation pour les jeunes, notamment les moins qualifiés, afin de leur éviter les affres du chômage. S’y ajoutent les habituelles mesures de baisse de cotisations sociales pour les salaires inférieurs à 1,6 smic.

Le fait est que les perspectives de l’emploi ne sont guère réjouissantes. Dans ses projections de juin dernier, la Banque de France anticipait un pic de chômage à 11,5 % pour le printemps prochain contre 8,1 % à fin 2019. Selon les suivis mensuels de la DARES, à fin mai 2020, la crise avait déjà amplement manifesté ses effets destructeurs sur l’emploi.

Sur trois mois (mars, avril et mai 2020), la catégorie A des demandeurs d’emploi complètement sans emploi a bondi de presque 1 million de personnes, s’établissant à un niveau jamais atteint de 4,4 millions de chômeurs. Si l’on ajoute les catégories B,C,D et E (travail partiel, formations, emplois aidés), la hausse est de l’ordre de 450 000 et porte le nombre total de demandeurs d’emploi à 6,8 millions :

Demandeurs d’emploi en France entière (hors Mayotte) – Situation à fin mai 2020

pognon de dingueSources : DARES (mars 2020avril 2020, mai 2020)

Si l’on comprend fort bien que le gouvernement veuille atténuer « quoi qu’il en coûte » la catastrophe sociale qui se profile, on ne peut que déplorer le court-termisme  irréfléchi qui préside à tout ceci.

Prenons les allégements de charges. Si c’est l’une des solutions privilégiées pour redonner de l’allant à notre économie, pourquoi ne nous posons-nous pas plus de questions sur la lourdeur globale de notre modèle social ?

Si l’on craint de voir débouler en masse les jeunes les moins qualifiés à Pôle emploi, pourquoi distribuons-nous le Bac à tout le monde, cette année encore plus que d’habitude, sous le faux prétexte de l’égalité ?

À force de demander de la « bienveillance » aux correcteurs compte tenu de la situation sanitaire exceptionnelle, le taux de réussite est passé de 88 % en 2019 à… 96 % en 2020 ! Autrement dit, sur 746 000 candidats, environ 60 000 de plus que l’an dernier vont se retrouver à l’université et plus probablement au chômage. Quitte donc à créer sur fonds publics de nouvelles formations que l’Éducation nationale a complètement échoué à délivrer.

Quant à protéger les demandeurs d’emploi les moins qualifiés à coup de contrats aidés qui n’ont jamais favorisé par la suite l’entrée dans un emploi marchand – et c’est du reste la raison pour laquelle Emmanuel Macron les avait considérablement diminué après les pics atteints sous Hollande (de presque 200 000 en 2015 et 2016 à environ 80 000 en 2018) – pourquoi ne décidons-nous pas de baisser notre salaire minimum qui s’avère être l’un des plus élevés de l’OCDE relativement au salaire médian(*) des salariés à temps plein ?

pognon de dingue

Toutes les études sérieuses montrent en effet que loin de favoriser le pouvoir d’achat, un salaire minimum trop élevé tasse les revenus vers ce salaire minimum et exclut les personnels les moins qualifiés du marché du travail.

Notons enfin que l’idée très dirigiste qui circule actuellement devant l’adversité du coronavirus de réactiver un Commissariat au Plan participe pleinement de cette fatalité du pognon de dingue déversé à fonds perdus des contribuables dans l’économie.

Bref, on dirait bien que la crise de 2008 n’a rien appris à nos dirigeants successifs. Non seulement ils n’ont pas mis à profit les périodes d’alignement des planètes (taux, pétrole et dollar bas) pour engager des réformes de structures profondes et sérieuses, mais il s’apprêtent à recommencer à nouveau les mêmes erreurs. Tout surpris par l’urgence, ils ne connaissent qu’une seule méthode, celle du « pognon de dingue » déversé par milliards dans notre modèle social dont notre économie met ensuite des années à se remettre plus ou moins bien.

Sur le web

  1. Le salaire médian partage la population en deux groupes de même effectif.
Voir les commentaires (29)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (29)
  • et comme la France est pétée de thunes à ne plus savoir qu’en faire , une revalorisation  » exceptionnelle  » de 100 euros pour l’allocation de rentrée scolaire pour 3 millions de famille ; il n’y va pas de main morte avec le pognon des autres macron le dépensier ;

  • Comme disait mrs Thatcher, «  le socialisme s’arrêtera quand les autres n’auront plus d’argent ! »

    • The difference between a welfare state and a totalitarian state is a matter of time. Ayn Rand.

      En France 80 ans se sont écoulés depuis l’avènement de l’état providence : Lois Pétain-Laval puis CNR : la transition s’achève…

  • Le « SEGUR » de la santé pour 8,1 Mrds a aussi permis d’augmenter les salariés administratifs comme les soignants, il ne faut surtout pas oublier ceux qui ont été la cause de la déficience des stocks. Tout travail mérite salaire, n’ont-ils pas été confinés au moins pour partie comme d’ailleurs beaucoup d’agent de l’état?
    Ce sont leur abnégation et leur générosité pendant la crise sanitaire qui m’ont le plus touché…

  • Macron n’a certainement pas eu sous les yeux cet excellent argumentaire de Nathalie MP Meyer, on ne l’entend pas dire « Bon sang mais c’est bien sûr ! ». Le feu tricolore est à l’orange depuis un bon moment, va pas tarder à passer au rouge. Carton assuré !

    • @Bubille
      Il semble que le rouge est mis :
      Ce matin dans Challenges: « Le choc du Covid-19 va coûter 22 points de PIB à la France en 2020″…
      .
      Heureusement, le président des « lumières » a dit le 14 juillet: (sic)
      «  »…vous savez, nous sommes le pays des Lumières. Dans le pays des Lumières, moi, je crois à la rationalité et donc à la rationalité scientifique… » ».
      .
      On est rassuré par tant de clarté.

      • Ce type est complètement cinglé: la rationalité? Avec la politique économique la moins rationnelle au monde?

      • A voir le nombre de crétins qui portent un masque (non efficace pour se protéger des vorus, c’est marqué sur la boîte), on est au pays de l’obscurantisme.

        • ça voyez vous, cela ressemble plutôt au fabricant qui tire le parapluie pour ne pas manger des procès de consommateurs procéduriers. On porte un masque pour les autres.

    • Il s’en fout de la rationalité, seule compte la réélection et le pouvoir : il est dans la 4e case de la matrice de Friedman : il dépense l’argent d’autrui pour des biens et services dont il se fout : il achète n’importe quoi à n’importe quel prix ; seul compte le bénéfice politique.

  • Comme toujours Nathalie vos analyses sont justes et percutantes, mais vous le savez impropres pour la politique. Vous avez écouté le discours de politique générale de M. Jean Castex, c’est l' »Etat » tout le temps et partout (même décentralisé) et l’argent « MASSIF » de l’état. Le mot massif ayant été employé à plusieurs reprises, c’est donc un ETAT-MASSIF que nous allons voir avec une DÉPENSE MASSIVE…qui ne suffira pas. C’est dommage l’homme semble avoir de la carrure mais son défaut c’est de méconnaître le monde marchand sur lequel tout repose (même avec la baisse des impôts de production de 20 Mrds qui n’auraient pas été payés de toutes manières), et il est affublé d’un ministre de l’économie dont la nullité l’emporte sur tout, regardez en effet sa dernière démarche vis à vis de la rentabilité des concessions autoroutière, un vrai interventionniste comme en rêvent les gauchos-communistes-écolos, ça n’est pas gagné.

    • Rectification: ll s’agira en fait d’une diminution de 10 milliards d’euros qui sera ensuite pérennisée, a dit la ministre de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, sur BFM Business.
      Lé réindustrialisation ne vaut pas mieux que les revalorisations salariales du secteur de la santé.

    • Comprenez impôts, rackets et règlements massifs.

  • Cela fait plus de deux ans que ce président joue au flipper, et il rajoute sans arrêt des pièces dans la machine qui le remercie à chaque fois par un tilt sonore.
    Ce mec est un bon à rien, voilà. Il n’y a plus de questions à se poser à son sujet, il ne saura jamais jouer au flipper, ouste, dehors, va jouer aux billes.

    • Il nous fait surtout flipper…

      • En 2002 Chirac a fait un score de plus de 80% face à Le Pen père. En 2017 Macron a fait seulement 66% face à Le Pen fille. Avec un quinquennat aussi raté, la famille Le Pen (la niece?) renforce ses chances pour 2022.

        • La niece… Il paraît qu’elle ne vise pas la présidence en 2022 mais… Elle va œuvrer sur lci ou cnews à la rentrée… Les casseroles ne vont pas tarder à lui tomber sur la tête.
          C’est quand même un espoir elle est beaucoup moins à gauche que tous les autres.

  • Sait-il encore ou il est ce monsieur? Il a l’air perdu.
    Il me fait penser à la tortue sur le dos… Les pattes brassent le vide!

  • Et qui est responsable de ce pognon de dingue gaspillé sinon toi, Macron le baratineur!

  • La chanson de Dalida s’applique parfaitement: promesses, promesses…

  • le jour où les énarques paieront leurs bêtises, il y en aura moins !

  • Jamais l’expérience n’apprend quoi que ce soit à un idéologue…
    Mais la petite minorité de la population qui entend préserver sa liberté pourrait bien sortir de ses gonds.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Le Maroc est un pays dynamique, son économie est diversifiée, son système politique présente une certaine stabilité dans une région en proie à des crises à répétition. Ce pays a fait montre d’une résilience étonnante face aux chocs exogènes. La gestion remarquée de la pandémie de covid et la bonne prise en main du séisme survenu dans les environs de Marrakech sont les exemples les plus éclatants.

 

Pays dynamique

Sa diplomatie n’est pas en reste. La question du Sahara occidental, « la mère des batailles », continue à engran... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
Voir plus d'articles