Hong Kong : quand des multinationales défendent la démocratie

La résistance de Twitter, Facebook et Google contre les prétentions des communistes chinois à surveiller leurs utilisateurs représentent un bastion de la liberté face aux exigences d’un État despotique.

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Hong Kong : quand des multinationales défendent la démocratie

Publié le 14 juillet 2020
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Par Lionel Chanel.

Facebook, Twitter et Google se sont érigés contre le pouvoir communiste chinois en défenseurs de la liberté d’expression à Hong Kong.

« Il n’y a pas de liberté politique sans liberté économique. » Jean-François Revel

La loi sur la sécurité nationale qui s’est abattue sur Hong Kong la semaine dernière s’est heurtée à la résistance de quelques géants mondiaux de l’économie, Facebook, Google et Twitter. En effet, suite à l’entrée en vigueur des mesures liberticides de Pékin ces entreprises ont décidé qu’elles « ne répondaient plus aux demandes d’informations sur leurs utilisateurs émanant du gouvernement et des autorités de Hong Kong », nous apprenait le journal 20 minutes. L’enjeu ? La défense de la liberté d’expression.

Les origines léninistes de la haine chinoise pour la liberté d’expression

C’est une banalité confondante d’affirmer que toute dictature déteste la liberté d’expression. Dans le cas chinois, cette aversion pour la parole d’autrui tire son origine dans la nature même du régime, qui est resté léniniste à certains égards.

On le sait, la Chine de Xi Jinping se caractérise par son parti unique, son idéologie officielle, sa direction unique et sa censure, auxquels s’ajoute, différence par rapport au léninisme pur, un nationalisme décomplexé qui prend pour cible l’Occident et envisage la conquête de territoires qu’il convoite : Hong Kong, bien évidemment, mais aussi Taïwan.

Il faut donc se référer à Lénine et à son Que faire ? paru en 1902 pour comprendre la haine de Pékin pour la liberté d’expression. Dans cet ouvrage, le théoricien russe de la révolution marxiste proclamait que l’avant-garde du prolétariat, constituée en parti, détenait la Vérité qu’il devait se charger de répandre dans la classe ouvrière.

Or, dans cette optique, puisque le parti détient le Savoir absolu, toute critique est non seulement inutile mais représente aussi une hérésie. La parole de l’autre n’a aucune valeur. Le dialogue avec un pouvoir communiste est inconcevable. C’est Lénine qui déclara un jour :

« Les mencheviks me disent : “Permettez-nous de dialoguer avec vous” et moi je leur dis : “Permettez-nous de vous coller au mur.” »

Aussi, le joug que la dictature communiste inflige à Hong Kong s’accompagne d’une tentative de juguler les critiques et les protestations exprimées sur les réseaux sociaux, à laquelle se sont opposés Facebook, Twitter et Google.

Il faut dire que Hong Kong autorise les critiques du régime néo-léniniste à se faire entendre : la liberté d’expression qui y a cours ne permet donc pas de renvoyer une image flatteuse du pouvoir chinois.

En 2011, par exemple, c’est dans un quotidien hongkongais que l’avocat Jiang Tianyong put relater le martyre qu’il endura en raison de son activisme en faveur des droits de l’Homme : torture psychologique, menaces sur sa famille et ses activités, rupture de ses relations professionnelles…

L’entreprise privée, alliée de la démocratie

En principe, la communauté internationale, les pays occidentaux en tête, aurait dû s’indigner vivement contre ce que certains n’hésitent pas à qualifier de coup d’État. Les condamnations furent bien timides.

Ici, il faut souligner que ce sont des entreprises privées — Google, Facebook et Twitter — qui agissent, dans la mesure de leurs moyens, pour la préservation des droits humains. Autrement dit, la liberté économique — dont l’un des critères essentiels est l’indépendance totale des entrepreneurs à l’égard du pouvoir politique — se fait l’alliée de la démocratie.

En réponse à cette assertion scandaleuse, les antilibéraux objecteront certainement que l’adhésion de la Chine au capitalisme, couronnée par son entrée à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, n’a nullement apporté la démocratie dans le pays. C’est oublier que capitalisme n’est pas synonyme de libéralisme.

En Chine règne un capitalisme d’État, caractérisé par une mainmise du parti sur une très grande partie du secteur privé, des entraves de toutes sortes aux entrepreneurs étrangers, des mesures protectionnistes adoptées au mépris des règles édictées par l’OMC, la direction de puissantes entreprises publiques par des nomenklaturistes du régime, la soumission des petits entrepreneurs à une association professionnelle acquise au régime, l’interdiction des syndicats et on en passe.

Voilà pourquoi la prétendue libéralisation économique de la Chine n’a pas démocratisé le régime : ce dernier s’appuie sur un capitalisme antilibéral, où le secteur privé est étroitement corseté et surveillé par le parti.

Ce dernier est bien conscient que l’entreprise privée et l’économie de marché est l’une des facettes de l’autonomie de la société civile à l’égard de l’État. Un entrepreneur, c’est d’abord et avant tout un individu libre, autrement dit la hantise de toute dictature.

La résistance de Twitter, Facebook et Google contre les prétentions des communistes chinois à surveiller leurs utilisateurs reflètent cette autonomie, qui représente ainsi un bastion de la liberté face aux exigences d’un État despotique.

Ouverture versus fermeture

La Chine communiste, malgré son intégration aux circuits mondiaux des échanges, demeure l’incarnation de la fermeture — elle n’a entrepris d’entrer dans la mondialisation que pour servir ses propres intérêts, c’est-à-dire ceux du parti, tout en empêchant ses partenaires de bénéficier en retour d’une vraie liberté économique sur son territoire.

Hong Kong, au contraire, incarne un îlot d’ouverture sur le monde, aussi bien économique que politique, cependant mis à mal depuis au moins une décennie par la Chine. Les Hongkongais sont fortement attachés à l’État de droit, au suffrage universel et aux libertés publiques.

Ce qui se passe, finalement, entre la Chine et Hong Kong, est une illustration du conflit pluriséculaire analysé par Karl Popper entre société ouverte et société close.

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  • c est a mourir de rire de lire que facebook twitter et google defendent la liberte d expression a hong kong quand dans le meme temps en france par exemple, la censure des memes tourne en mode turbo.
    il va aussi falloir surtout prendre des cours d histoire, hong kong n est pas independant, et ne la jamais ete, hong kong c est la chine, un ilot qui suite au traite infamant de nankin de 1842, suite a la 1ere guerre de l opium remportée par les anglais sur la chine, ou quand des dealers font plier un etat, comme si les narcos trafiquants colombiens faisaient la guerre a la france soutenus par leur pays, et reclamaient l ile de noirmoutier en guise de tete de pont pour submerger la france de cocaine. cette tete de pont hong kongaise sert maintenant a la cia pour mettre la pression sur la chine redevenue entre temps 1ere puissance mondiale. la chine communiste ne fait qu aplliquer un des principes du liberalisme, le droit de propriete, hong kong c est la chine, en france il y a longtemps que l on ne sait plus ce qu est le droit de propriete, le pays est ouvert aux 4 vents, envahis de gens qui n y viennent que pour reclamer de l argent

    • Combattre Xi tout en promouvant BLM c’est tellement bisou. Cela se comprend mieux si l’on considère que ces megacorps ne font pas ou peu de business en Chine: courageux mais pas téméraires.
      Accessoirement, en bien ou en mal, on peut douter que ce soit l’objet d’une entreprise de faire de la politique (par opposition à ses actionnaires qui en sont bien sûr libres.)

    • Hong Kong n’est pas la Chine, ce n’est pas la propriété de la Chine ( comme Noirmoutier n’est pas la propriété de la France).
      Le pilier du libéralisme, c’est le respect de la liberté et de la propriété. On ne peut pas dire que la Chine soit exemplaire (comme la France).
      Le libéralisme c’est aussi le respect des contrats (un pays deux systèmes).

      • Les dizaines de milliardaires Chinois et leurs familles ont été remplacés par des apparatchiks du parti, bizarrement plus rien ne prouve qu’ils aient existé un jour.

      • Bah si depuis les années 2000, Hong Kong est la Chine, tout comme Mayotte est devenue la France il y a peu de temps.
        Même si la méthode peut se discuter, il est normal que la Chine cherche à se positionner dans ce nouveau District.

    • Sauf que la prohibition de la drogue c’est déjà une forme de tyrannie.

    • « guerre de l opium remportée par les anglais sur la chine »

      Ce qui est infamant, c’est de perdre la guerre, pas le traité. Væ Victis.

  • Les multinationales cherchent d’abord leur intérêt. Mais il est de bon ton, en Occident, d’affirmer qu’on défend la liberté et la démocratie.
    Ces dernières, cependant, ne cessent de reculer.

  • La Chine « un État despotique » ? C’est un euphémisme! Plutôt une dictature totalitaire communiste digne de 1984 d’Orwell

  • Il faut quand meme relativiser
    Google avit prevu de lancer un moteur de recherche en chine qui censure ce que le gouvernement demande (une bronca des employes en coulé le projet)
    Apple collabore sans probleme avec le gouvernement chinois
    Le patron de facebook s est deja illustre par des propos pro gouvernement chinois et si facebook n est pas uatorisé en chine c est que le gouvernement chinois craint l espionnage US
    zoom n a pas hesiter a clore le compte de militant pro democratie quand le gouvernement chinois lui a demandé (ils ont du faire marcher arriere apres etant donne le scandale)

  • il serait bon de revoir l’Histoire chinoise et en particulier la guerre de l’opium.
    l’occident a oublié mais pas les Chinois..

    • La Chine a une culture millénaire qui nous échappe surtout quand on ne l’a pas vraiment pratiquée (ex. les petits c..s qui nous gouvernent). La pratique du mensonge y est normale et très large. L’escroquerie est la règle et a lieu dès qu’elle est possible. L’échange est avec arrière-pensée toujours dans le sens de ses intérêts (« un chinois n’a pas d’amis, seulement des intérêts »). La Chine ne montre jamais ses pensées. La Chine veut se venger du passé : on y parle encore et avec haine du bombardement anglo-français du Palais Impérial en 1850, de l’humiliation du trafic de l’opium, des Boxers, de la séquestration de Hongkong pendant 100 ans, etc.
      Sur fonds de communisme très anticapitaliste/ antiaméricain/ anti-occidental.
      Sur fond de nationalisme de plus en plus exacerbé.
      La Chine prépare la 3e guerre mondiale et s’arme massivement pour une guerre technologique avec du conventionnel mais surtout de la cyberguerre y compris sur les réseaux télécoms et y compris dans l’espace.
      Des Macron tellement creux, Merkel utopique et focalisée sur son commerce extérieur ne voient rien.
      Trump a compris mais est bloqué par la Russie. Le UK … trop tôt pour Bojo et les britishs masquent toujours leur jeu.
      Il ne s’agit pas de décider si notre système est le bon ou pas. Il s’agit de comprendre que la Chine a déjà déclaré la 3e guerre mondiale et qu’on ferait bien de s’y préparer.
      Elle sait qu’elle nous a rendus hyper dépendants d’elle, et qu’elle peut nous étouffer quand elle veut. Alors encore besoin d’un peu de temps pour être au top (Huawei, etc.).
      Ce qui va ou doit changer c’est qu’on ne doit plus du tout dépendre d’elle.
      Et il faut se rappeler de la phrase de Lénine : « les capitalistes nous vendront eux-mêmes la corde avec laquelle nous les pendrons ».
      Cupidité et aveuglement, c’est exactement Macron.

      • curieusement c’est surtout votre requisitoire qui transpire la haine

      • Un État, pas un Chinois… « Un État n’a pas d’amis, seulement des intérêts. » De Gaulle paraphrasant Lord Palmerston.

        Serais très intéressé par votre expérience personnelle de la vie au contact des Chinois, dont vous maîtrisez tous les codes culturels pour les résumer en si peu de mots?

        Vos idées géopolitiques ne sont pas forcément absurdes, juste extrêmes. Il y a bien un côté revanchard, mais il ne s’exprimera pas forcément par la guerre – à moins que l’Amérique ne rejoue le coup de la guerre du Pacifique en tentant de couper l’accès chinois aux ressources extérieures.
        Je pense néanmoins que vous faites un raisonnement à l’extrême. Quand on fait sienne lamaxime citée ci-dessus, l’on s’indigne moins facilement que les concurrents en fassent autant…
        Si vis pacem, para bellum, et les cochons seront bien gardés, en somme.
        Enfin au moins on est d’accord pour se moquer de Macron. Finalement ce type est un grand rassembleur 🙂

      • la Chine a aussi besoin du monde et des échanges libres. Son raidissement communiste ne peut que lui coûter à terme.

        • Raidissement coûteux ? C’est surtout son déraidissement d’après 89 qui donne aux Chinois l’impression d’avoir produit tous ses fruits et de ne rien avoir laissé à gagner à continuer (ou de présenter plus de risques que d’avantages). L’idéal de la démocratie étant ce qu’il est devenu en Occident, il ne peut plus servir d’exemple, et il faut être bien naïf pour le promouvoir en Orient.

  • Et que pense l’auteur lorsque ces mêmes multinationales bannissent des comptes de personnes « non bien pensantes » ? Sont-elles du coup au service aussi de la démocratie dans ce cas ?

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