La relance keynésienne n’empêchera pas faillites et plans sociaux 

Sauf à croire encore au mythe du multiplicateur keynésien, ce n’est pas en injectant de l’argent public qu’on stimulera efficacement et durablement la demande.

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La relance keynésienne n’empêchera pas faillites et plans sociaux 

Publié le 13 juillet 2020
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Par Florent Ly-Machabert.

Renault, Nokia, Airbus, Air France : le ministère du Travail a enregistré depuis le 1er mars près de 200 dépôts de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) et en recense même actuellement 30 par semaine, conduisant à ce jour à supprimer 27 000 postes contre moins de la moitié (13 000) l’an passé à la même époque ; sans compter les centaines de milliers d’intérimaires qui voient leurs contrats s’achever sans perspective de renouvellement, ni les licenciements de moins de 10 personnes, fort nombreux eux aussi, qui font l’objet d’un traitement statistique distinct.

On oublie souvent que le processus schumpétérien de destruction créatrice a de toute évidence des répercussions sur l’emploi et ce sont ainsi chaque jour en moyenne en France, hors période de récession, 10 000 emplois qui sont détruits pour 10 000 qui sont créés.

Premier trompe-l’œil : confiner pour mieux survivre

Il est cependant indéniable qu’actuellement le solde est négatif et que notre taux de chômage pourrait atteindre 13 % fin 2020, à la faveur d’une politique aveugle et systématique d’assignation à résidence du 17 mars au 11 mai, dont il est faux de dire qu’elle a répondu à un impératif moral plaçant la santé au-dessus de l’économie, comme en attestent les dernières statistiques disponibles : à mortalité égale, la France enregistre au premier trimestre 2020 une contraction de son PIB de près de 6 % contre, par exemple, -0,2 % en Suède ; à recul équivalent du PIB, la France enregistre 450 décès par million d’habitants imputables à la CoVid-19 contre, par exemple, 5 en Slovaquie…

Premier trompe-l’œil que cet argument éthique fallacieux prétendant mettre la survie biologique au-dessus de toutes les formes de vie, sociale, économique, spirituelle.

Le PGE, prêt garanti par l’État : un trompe-l’œil

Ce grand confinement a ensuite conduit l’exécutif à afficher une aide globale aux agents économiques – semble-t-il à peu près définitive cette fois – de 500 milliards d’euros, soit la bagatelle d’un cinquième du PIB de la France en 2019.

Ce chiffre est tout simplement erroné, pour ne pas dire mensonger, puisque l’étiage des injections budgétaires directes du gouvernement français s’élève plutôt à 13 % de cette somme (environ 70 milliards d’euros), soit un peu moins d’un septième de ce qui est, habilement, avancé par Bercy, Matignon et l’Élysée…

En effet, l’essentiel de l’effort budgétaire a consisté pour l’État à fournir aux entreprises son cautionnement à hauteur de 90 % d’un nouvel emprunt dit PGE (Prêt Garanti par l’État).

En principe. Car, comme pour la hausse de 100 euros du SMIC consentie aux Gilets jaunes en décembre 2018, la réalité du terrain est un peu différente : le PGE n’a d’abord rien d’automatique et concerne majoritairement les grands groupes et les ETI, les patrons de TPE et PME/PMI ayant toutes les peines du monde, surtout dans les secteurs les plus touchés (hôtellerie, restauration, événementiel, tourisme) à se voir attribuer ce prêt, ou alors sous condition d’une hausse de leurs fonds propres – effort qu’elles ne peuvent de toute évidence pas fournir par les temps qui courent –  pour garantir, en lieu et place de la banque qui ne supporte donc plus aucun risque – c’est pourtant son métier – les 10 % restants !

Ajoutons à cela que le PGE revient à proposer de sortir d’une mauvaise passe par un endettement supplémentaire pouvant atteindre 25 % du chiffre d’affaires, et surtout qui, en cas d’insolvabilité et de surendettement, vaut cession de votre entreprise à vos créanciers, c’est-à-dire à l’État, mais aussi aux banques devenues le nouveau bras armé de la BCE.

Deuxième trompe-l’œil que cette enveloppe d’un demi-billion d’euros qui n’est qu’un billet pour rejoindre Tintin chez les Soviets, qui n’offre qu’un maigre sursis estival, certainement pas la survie.

Le trompe-l’œil de l’injection d’argent public

Mais le pire des trompe-l’œil est que l’on s’offusque des plans sociaux, voire des faillites, au moment même où l’État consent toutes ces aides. Rappelons pour commencer qu’un plan social vise d’abord à sauvegarder l’emploi de ceux dont on ne supprime pas le poste, pour tenter justement d’éviter la faillite pour tous. Réduire les coûts dans le cadre d’accords de performance collective qui fleurissent aussi en ce moment répond à la même logique.

L’entrepreneur raisonne en termes de coût marginal, non de coût moyen et c’est ce qu’un manque cruel de pédagogie en économie ne permet pas toujours de faire comprendre à nos concitoyens encore choqués qu’une entreprise bénéficiaire puisse fermer un site non rentable.

Or, sauf à croire encore au mythe du multiplicateur keynésien, ce n’est pas en injectant de l’argent public qu’on stimulera efficacement et durablement la demande : en épargnant 70 milliards d’euros du chômage partiel qui leur était versé pendant le confinement, les Français ont vérifié le théorème de l’équivalence ricardienne1, au grand dam de Mme Pénicaud qui a osé sermonner : « Ce n’est pas d’épargne mais de consommation dont nous avons besoin en ce moment. »

Mais l’interventionnisme est un Janus, avec les gouvernements d’un côté et les banquiers centraux de l’autre : en maintenant trop bas les taux d’intérêt, et ce pour encore de longues années compte tenu du stock de dettes publiques qui rend impossible leur hausse, ces derniers empêchent le capital d’être alloué de façon optimale, pérennisant à coup de crédit « gratuit » – J Powell l’a dit très clairement – des entreprises zombies non rentables et administrant chaque jour davantage les marchés actions.

Notre temps économique est donc bien paradoxal : le système étatique dilapide des ressources pour « sauver l’emploi »2, mais il échoue à empêcher que 25 % de nos entreprises françaises soient au bord du dépôt de bilan. Fidèle à la tradition de l’École autrichienne, je ne me plaindrai pas qu’au final la régulation par la faillite chère à Jacques Rueff (à savoir l’élimination darwinienne des entreprises les moins profitables) finisse quand même par l’emporter sur les absurdes stimulations keynésiennes contracycliques, tant budgétaires que monétaires.

Mais pour purger le système de ses excès et en revenir à un cycle des affaires normal, assorti d’un taux d’intérêt supérieur de plusieurs points à ce qu’il est aujourd’hui, des politiques budgétaires procycliques eussent mieux fait l’affaire, débarrassées des effets pervers charriés par les potions keynésiennes : beaucoup plus soutenables, c’est-à-dire respectueuses notamment du niveau de dette publique légué à nos enfants, elles nous auraient laissé de réelles marges de manœuvre pour anticiper les crises à venir.

Combien les dizaines de milliards d’euros de cet interventionnisme économique contreproductif et profondément démagogique, eussent pu permettre de réellement préserver l’emploi en France, non en exigeant des relocalisations qui, en faisant exploser les coûts, ne manqueront pas d’envoyer lesdites sociétés au tapis, mais en investissant dans la formation, la reconversion et le reclassement de ceux des salariés dont les postes de travail disparaissent chaque jour par milliers !

Mais il en va ainsi de l’incertitude consubstantielle au capitalisme libéral. Il n’y a qu’une alternative : la planification communiste dont la rumeur dit que c’est à François Bayrou qu’il va bientôt revenir de la conduire.

 

  1. Théorie stipulant que les agents économiques, capables d’anticipations rationnelles, prennent en compte l’évolution des dépenses publiques dans leur prise de décision, et notamment qu’une hausse des prestations sociales financées par de la dette finira par devenir une hausse d’impôt, ce qui les encourage à épargner le surcroît de revenus issu des mécanismes redistributifs.
  2. Ont ainsi été alloués : 7 milliards d’euros d’aides pour Air France dont l’État détient 14 % du capital, 5 pour Renault dont l’État détient 15 %, 15 pour Airbus, sans jamais demander une quelconque contrepartie en matière d’emploi ni réinterroger le modèle économique de ces sociétés mais en s’ingérant en revanche dans la marche stratégique de l’entreprise (baisse des émissions de CO2 pour la compagnie aérienne nationale, création d’un « Airbus » de la batterie électrique pour la marque au losange, etc.).
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  • Curieuses critiques :

    – « le PGE n’a d’abord rien d’automatique » : il est là pour éviter les faillites liées à la trésorerie, et non pour relever les entreprises zombies.

    – « un plan social vise d’abord à sauvegarder l’emploi de ceux dont on ne supprime pas le poste » : le but du chômage partiel, c’est bien d’éviter le chômage définitif.

    Pourquoi critiquer ces mesures, qui pour une fois sont bien montées et efficaces ?

    • Sur le deuxième point. En parallèle à l’allocation de capital, il y a l’allocation de main d’oeuvre. Et la salarié en poste depuis longtemps, peu motivé et coûteux est un boulet pour l’entreprise. Sa réaffectation dans une autre entreprise qui irait de pair par son remplacement est un facteur puissant de productivité. Le maintien à leur poste de « salariés zombies » est donc bien une mesure funeste à moyen terme.

      • Tout en étant d’accord avec votre raisonnement théorique, je n’ai pas envie de virer tout mon personnel à intervalles réguliers, et me retaper les sélections d’embauche avec ce qu’elles ont d’aléatoire, ainsi que les formations nécessaires. Plus je les garde longtemps, mieux je me porte.

        • c’est pour cela qu’il est inutile de vouloir surprotéger les emploies existants. les entreprises ne se séparent pas de leurs employés qualifiés à la première difficultés. mais e carcan administratif à l’embauche et au licenciement exclu de fait toute une partie de la population comme on peut le voire avec les intérimaire et les CDDs. La liberté contractuelle entre employeur et salarié (incluant salaire et conditions de travail) est le seul moyen de garantir un chaumage minimal en toute circonstances.

      • Je voulais aussi souligner le fait que le chômage partiel, avec son coût important mais temporaire, évite le chômage définitif avec un coût aussi important mais une durée certainement plus longue.

        • regardez les US, le chaumage est un très bonne solution à la perte d’activité, c’est même la seule qui soit vraiment pertinente. la liberté contractuelle entre salarié et employeurs permet licenciement et embauche à la carte suivant les besoins ce qui fait que il est plus que probable que le chaumage aux US reviendra à son niveau d’avant crise beaucoup plus rapidement qu’en France. l’intervention étatique c’est de la pure déperdition d’énergie globale.

  • Aux échecs, en politique, en stratégie militaire et donc aussi en politique économique, il faut avoir analyser et préparer l’action avec plusieurs coups d’avance.

    Ils sont surement forts (ou ils le croient) en stratégie électorale. Pour le reste, j’ai un énorme doute.

    • et quand l’état va « hériter » d’une entreprise dont il ne sait rien, qui lui semble aussi étrange que possible, il va s’en débarrasser en vendant à n’importe qui, n’importe quoi, n’importe comment voire à la ferraille des outillages qui ont couté des millions d’€uros, j’ai hélas vu ce genre imbécillité crasse commise par des « liquidateurs pressés » d’empocher leurs 17% des 2500 €uros d’adjudication*, qu’importe la valeur initiale du produit . . .
      *même pas la valeur de la ferraille au poids

  • le gouvernement a tellement peur pour ses fesses via une révolte , que dis je , une explosion sociale , qu’il est prêt à ruiner le pays pour l’éviter ; ceci dit , c’est reculer pour mieux sauter….

  • Comparer la France et la Suède pour la covid 19 comme argument de preuve est fallacieux. Le Suède n’a pas de villes denses comme en France donc est moins susceptible à l’épidémie, et sa politique à mnémotechnique pays à être la paria de l’Europe, sa dynamique épidémique étant semblable à celle des États-Unis

    • Comparons à l’Allemagne alors…
      La vérité c’est que le confinement total était parfaitement inutile, il fallait juste confiner les gens les plus vulnérable, en un mot, les vieux (plus de 60 ans).

      • Il fallait juste appliquer dès le départ les mesures barrière, et pas avec des règles et normes de 60 pages, mais simplement avec bon sens. L’économie aurait très peu souffert. Confiner les vieux, avec le non-dit qu’ils n’auraient jamais été déconfinés, relève de la réforme des retraites…

  • Le keynésianisme n’a jamais fonctionné, bien au contraire il a ruiné la Grande-Bretagne après la guerre! Qui fut rapidement dépassée par l’Allemagne, puis la France et l’Italie et devint l’homme malade de l’Europe comme la France de nos jours. Jusqu’à ce que Thatcher la sauve! Le New Deal de Roosevelt n’avait pas fonctionné non plus, c’est la guerre qui a relevé l’Amérique et en fit la puissance n° 1.

    • L’histoire est écrite par nos gouvernants et le keynésianisme est un jouet trop précieux qui leur permet de satisfaire leur soif de pouvoir, il ne sera jamais remis en cause.

  • Hé bien laissons l’Etat (prêteur/créancier) récupérer l’ensemble des entreprises, du moins celles sur le territoire. Et on verra bien, après tous les échecs apportés par ses gros doigts boudinés et malhabiles, ce qu’il restera du tissu entrepreunarial pour amener des pépètes dans les caisses de l’Etat. Bon cela va être souffrant mais salutaire.

  • Les commentaires sont fermés.

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