À quoi sert un ministre de la Santé ?

Un ministre de la Santé est utile, à condition de redéfinir son périmètre d’action et de simplifier la pléthore des agences de santé qui coûtent cher et paralysent les soins.

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Agnès Buzyn - screenshot de Crise sanitaire: les explications d'Agnès Buzyn devant la commission d'enquête - AFP

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À quoi sert un ministre de la Santé ?

Publié le 2 juillet 2020
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Par Bernard Kron.

« Vous ne pouvez pas dire qu’on n’a pas été réactifs », a martelé Agnès Buzyn devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’évaluer la réponse gouvernementale à l’épidémie de Covid-19.

Elle a peut-être été réactive pour interdire aux médecins de ville de soigner (« Je place l’hydroxychloroquine parmi les toxiques ») mais pas pour prendre les bonnes décisions. En particulier pour la gestion des masques et des tests.

À qui la faute ?

Quelques ministres de la Santé médecins ont marqué particulièrement leur ministère car ils avaient la capacité d’agir, même si c’était parfois en mal.

Léon Schwartzenberg, pour quelques jours : il a démissionné de son poste sous le gouvernement de Michel Rocard pour avoir proposé publiquement un dépistage systématique du sida chez les femmes enceintes et pour ses positions en faveur de la légalisation et de la mise en vente de la drogue, sous contrôle de l’État.

Michèle Barzach s’est fait remarquer par ses déclarations mal fondées après la catastrophe de Tchernobyl et le passage du nuage radioactif sur la France en 1986.
La contamination de certains territoires avaient été très importante dans l’est notamment conséquence des chutes de neige en montagne qui avaient concentré les particules radioactives. Le sud de la France, en particulier la Corse et les Alpes furent particulièrement touché.

Bernard Kouchner : le « French Doctor » a donné son nom à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. En supprimant le concours de l’Internat des hôpitaux qu’il avait raté, il sonnera le glas de ce qui faisait la qualité du système de santé, l’élitisme. Vouloir la même formation pour tous est une utopie. Le passage aux 35 heures sera l’une des causes principale de la pénurie de soignants à l’hôpital avec la sur-administration.

Philippe Douste-Blazy : il a été l’un des plus efficaces pour stopper cette évolution mais a été remplacé par des ministres qui se montreront antilibéraux comme Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot.

Marisol Touraine secondée par Olivier Véran et Jérôme Salomon ne renouvellera pas le stock de masques, chargeant les organismes locaux de leur gestion. Il y en avait plus d’un milliard, ils ont disparu sans être remplacés ou bien ont été détruits.

Agnès Buzyn a suivi la même ligne. Elle n’a pas anticipé la situation lorsqu’elle a pris le ministère alors que ses services et son directeur étaient informés de l’absence de masques en stock pensant que les agences allaient faire le nécessaire.

« Un chef ça doit cheffer »

C’est ce que disait Jacques Chirac. Notre système connaît donc la crise la plus profonde de son histoire. Il était le premier il y a 20 ans mais est passé au vingt-quatrième rang des pays de l’OCDE selon certains items, et l’espérance de vie recule pour la première fois de son histoire.

La grogne des médecins qui avait commencé en mars 2019 a rebondi violemment avec la pandémie de Covid-19. Ils ont été en première ligne sans aucune protection pour l’affronter.

51 sont morts, 5000 ont été contaminés comme plus de 40 % des internes. Et on leur interdisait de soigner. « N’allez pas chez votre médecin appelez le 15 en cas de symptômes. »

Pour réformer, un autre ministre est en charge pour le Ségur de la santé. Le nouveau ministre Olivier Véran était déjà à la manœuvre en 2014, avec Marisol Touraine, avec une loi qui était délétère car méprisant la médecine de ville. Il ne changera pas de cap malgré l’échec des plans santé précédents et les errances actuelles.

Cette absence de changement de cap de la politique menée depuis plus de vingt ans totalement hospitalo-centralisée est la raison principale de cette crise. Elle accélère le déclin de tout le système.

Nombre de services hospitaliers sont toujours à la pointe mais les soignants n’en peuvent plus. Les hôpitaux craquaient déjà de toutes parts avant cette pandémie, maintenant c’est pire. Pourquoi ? Parce que l’État intervient directement dans le financement et l’organisation de l’offre sanitaire et médico-sociale en multipliant les agences et les contraintes.

À ce titre, les ministères chargés des Solidarités et de la santé, de l’action et des comptes publics, assument un éventail de responsabilités toujours plus grand rendant impossible toute efficience. Alors il faut se poser la question, un ministre de la Santé est-il utile ?

Un ministre de la santé, est-ce utile ?

Oui, à condition de redéfinir son périmètre d’action et de simplifier la pléthore des agences de santé qui coûtent cher et paralysent les soins.

Le pilotage par les agences et la mise en œuvre des politiques de santé publique, de veille et de sécurité sanitaire dans le but de « protéger » les populations ont été d’une totale inefficacité face au Covid-19.

L’Institut national de veille sanitaire, L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’IGAS comme les directives européennes ont toutes été en retard pour réagir face à la crise.

Les ARS, agences régionales de santé

Elles sont censées assurer la coordination de la prévention et à veiller à une gestion cohérente des ressources. Elles ont été incapables de mettre la main sur le nombre de masques nécessaires pour éviter le confinement et se sont contentées de réquisitions, ce qui a eu l’effet inverse.

L’origine du mal

Notre pays dépense une part de sa richesse nationale plus élevée que la moyenne des autres pays développés (sur les 450 milliards d’euros dépensés pour le social, 270 milliards sont consacrés à la Santé). Avec l’épidémie de Covid-19, le déficit de la Sécu a explosé, dépassant cette année les 50 milliards d’euros.

La France bénéficie pourtant encore des meilleurs soignants, d’hôpitaux nombreux. Pour le Covid en France, ce fut un scénario catastrophe.

Le scandale du sang contaminé, de l’hormone de croissance et la pandémie de Covid-19 vont-ils enfin remettre en cause le centralisme étatique ? De « responsables mais pas coupables » cela sera-t-il « pas responsable, ce sont les agences, donc pas coupables » ?

Ce centralisme explique en grande partie le retard et l’insuffisance des mesures qui ont été prises pour la pandémie, tant pour la mise en quarantaine que pour les tests et la commande de masques. En l’absence de moyens thérapeutiques, seule une démarche rigoureuse de prévention pouvait permettre de réduire les risques et les conséquences de l’épidémie.

Cela n’a pas été fait pour le Covid-19. Pourquoi ? On ne sait plus qui décide entre Bercy, le ministère ou les ARS et les autres agences de santé.

« Il n’ y a pas de capitaine à la barre du Titanic de la santé. »

Les agences de « sécurité sanitaire »

Leur multiplication témoigne de leur incapacité à régler les problèmes. Les mesures pour éviter la propagation ont été inadaptées, insuffisantes et trop décalées dans le temps pour avoir la moindre efficacité.

Les touristes arrivés par des vols sanitaires pour les rapatrier depuis l’Asie ont certes été isolés et testés pour essayer de stopper l’épidémie, mais en vain car il n’y avait pas de masques ni de tests.

Les équipages navigants n’avaient pas été protégés ni isolés après leur arrivée et n’ont pas été testés.

Le port de gants et d’un masque FFP2 en cas de risques de contacts avec un porteur du virus aurait du être recommandé, mais la France n’en avait pas. Ils sont restés trop peu nombreux pour protéger ne serait-ce que les soignants.

Les corps de contrôle tels la Cour de comptes ou l’Inspection générale des Affaires Sociales vérifient l’exécution de la loi de financement de la Sécurité sociale, rendent des rapports souvent alarmants mais les rapports de la Haute Cour ne sont pas écoutés et les circulaires des agences non lues, non analysées ou restent lettre morte.

La quarantaine ou le confinement

Ce système a permis d’endiguer et de vaincre la plupart des épidémies dans le passé. Mais une quarantaine à l’échelle nationale voire planétaire peut à long terme être plus dangereuse que la propagation du Covid-19 lui-même.

La deuxième conséquence de la pandémie est économique avec cent milliards de dettes ou de déficits pour la Sécu et les hôpitaux en France.

Une troisième conséquence tout aussi gravissime est que de nombreux malades n’ont pas pu accéder aux soins pour des pathologies graves, cardiovasculaires et chirurgicales. La peur d’être contaminés faute de masque et la réquisition des cliniques ont fait retarder la prise en charge des soins, avec plus d’un million d’intervention à rattraper.

Alors oui, un ministre de la Santé c’est utile mais il doit être de plein emploi pour les soins et la prévention, il doit avoir des relais plus simples sous sa direction avec une totale autorité.

Une réforme de ce ministère s’impose avec un périmètre réduit à la santé et aux soins et un organigramme simplifié des agences. Ce serait une source d’économies et d’efficacité. On ne doit plus avoir un administratif derrière chaque soignant.

Le Ségur de la santé et cette crise seront l’objet d’un face à face avec André Bercoff sur SudRadio, ce 3 juillet à 12 heures 10.

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  • Un seul ministre dela santé ? Bande d’amateurs ! La Belgique en a huit ( ou neuf – je ne parviens plus à les compter, tellement ils vibrionnent )

  • J’ai écouté Mme bachelot, l’ex ministre de sarko, elle a donné des infos intéressantes sur les ars et ce que doit être un ministre, très convaincante , enfin, elle est remontée dans mon estime mais pas au sommet, l’affaire raoult, pas très claire sur ce sujet !

    • D’accord avec vous , mais le fait d’être à distance de la politique lui a probablement permis de parler sans trop de langue de bois..Son passage sur les médecins est eclairant de justesse…Quant à celui sur les directeurs d’hôpitaux et la nouvelle gouvernance qu’elle a souhaitée ..C’est une autre affaire et là …elle se trompe dans les grandes largeurs..!!!

    • Humm…
      Je pense le contraire, qu’elle a été la pire depuis 20 ans, avec sa campagne de vaccination qui a complètement évincé les médecins généralistes et les pharmaciens. Un flop total.
      Et le stock de masques disproportionné, alors qu’elle aurait organisé des stocks locaux pérennes avec un turn over des masques en fin de péremption.
      Ensuite elle critique les médecins libéraux qui se plaignaient du manque de masque, masques confisqués par l’état.
      Qu’elle retourne au grosses têtes.

  • Décidément tout est a réformer dans ce pays….
    Il faudrait commencer par réformer la Présidence de la République et le gouvernement.

  • Cher ami. Tu devrais savoir qu’un ministre a très peu de pouvoirs, et on ne lui demande aucune connaissance dans son ministère, ce qui fait qu’on peut en voir successivement à la santé, à la culture, aux affaires étrangères,.. Celui qui donne des ordres, c’est le Dir Cab, que le ministre ne choisit pas. J’ai le souvenir d’E Hubert, qui devant un problème de chir disait à son Dir Cab : « voyez avec Maudrux ». A ce Dir Cab que je connaissais un peu, j’ai dit un jour, qu’il allait enfin pouvoir séparer les 3 branches de la SS, lui qui l’avait mis dans plusieurs programmes de futurs Présidents. Réponse : »ce n’est pas pour demain ». Pourquoi ? Réponse : « à cause de l’Administration, avec un grand A ». Il n’était pas énarque, il était donc aussi aux ordres.
    Autre souvenir, de passage à Matignon pour un désaccord de taux de cotisation avec les Affaires Sociales, en fin de discussion (au passage gagné, les PL ont eu 8,6% pour le RB pendant 15 ans au lieu de 9,6%), mon interlocuteur me dit : ‘tiens, on est en train de choisir le futur Dir Cab du Ministre, qu’est-ce que vous en pensez », en me citant 3 noms totalement inconnus. C’est ce jour que j’ai compris que le Ministre ne choisissait pas son plus proche collaborateur. Ce n’est pas un tandem, mais un donneur d’ordres venant d’Elysée-Matignon, et un présentateur aux ordres.
    Véran et le Ségur ? Qui sait que pour l’occasion, on a changé son Dir Cab, pour mettre en place un SciencePo-ENA, la crème. Qui pilote à ton avis ?

  • retraite divisée par 2 !

  • Quelqu’un a mis récemment sur Contrepoints un lien vers l’organigramme de l’ARS Grand-Est; je me permets de le rappeler ici, car c’est hallucinant ( tant de monde pour un résultat final aussi médiocre dans la gestion de la santé ( dite publique!):
    https://www.grand-est.ars.sante.fr/system/files/2020-06/Organigramme_DM_DT_mai-2020_0.pdf

    • C’était mr. Maudrux.

    • C’est juste délirant cet organigramme. Je travaille dans une multinationale qui est l’un des plus gros contributeurs au budget Français, et je pense que toutes les directions monde réunies représentent moins de monde que l’ARS de l’Est !!!

  • A promouvoir la libre concurrence non faussée, entre les Labos, et les virus !

  • Un sinistre de la santé sert actuellement à encaisser le pognon…

  • A rien ou presque… Ce dont doit s’occuper la ministre de la santé, ce serait des choses liées à la santé et qui seraient plus efficaces si elles étaient centralisées. Des statistiques médicales, veille des risques épidémiologiques, des recommandations sur certaines pratiques peut être?
    Si les hôpitaux sont autonomes (ils fixent leur prix), le secteur 2 libre d’accès, la fonction publique hospitalière supprimée, il ne reste plus grand chose à contrôler.
    Et d’un point de vue libéral ça reste très timoré, cela ne remet pas en cause le système social français de financement par le vol.
    Ce genre de réforme est bloqué car certains perdraient leur privilèges.

  • « Ce système a permis d’endiguer et de vaincre la plupart des épidémies dans le passé. »

    Affirmation très discutable tant il est difficile de faire la part de l’évolution spontanée des épidémies.

  • Cette formulation est bien la vraie réplique, mais j’ai longtemps cru et pensé que ça aurait été mieux de lui faire diredire « je ne peux être QUE ministre, je ne sais rien faire »

  • Ce que je trouvais ignoble chez les staliniens, c’est qu’un cadre responsable était responsable de ses échecs, sur sa vie ou par un long séjour dans une colonie de vacances quelque part en Sibérie.
    J’étais jeune, bien formé à l’école socialo bisounours de notre France, plein d’illusions sur l’honnêteté des gouvernants, puisque c’est la démocratie (la nôtre) qui les avait choisis.
    Plus ça va, plus je me dis que je deviens stalinien…
    Peut-être ces inutiles se f.utraient-ils moins de notre gueule ?

  • problème..

    on s’imagine un truc qui marche…ou qui aurait un utilité… et cette utilité serait indéniable et acceptée par tout le monde, douteux, en outre … on veut le veut gérer par des gens élus….

    c’est un peu comme la politique energetique..ça pourrait être utile…

    non..donnez déjà des trucs que devrait faire un ministre de la santé, je suis certain qu’on pourrait avoir des reserves..

    donc pas de garantie..
    ce qu’il faut c’est un cadre pour donner les limites au dégât qu’un ministre peut faire….

    il vaut mieux penser qu’un idiot peut être ministre de la santé que d’esperer que par une espèce de miracle démocratique, les ministres sont compétents..

  • Beaucoup, beaucoup de choses à dire.. Néanmoins, le rapport Public/Privé me semble un point important pour l’avenir. Il faut Intégrer le Privé dans la politique publique : Ne pas évincer le privé (appeler le 15, n’allez pas chez votre Médecin, empêcher les établisements prvés etc ) mais aussi l’impliquer davantage avec d’avantage d’obligations de santé publique (gardes etc.). Car désolée en période de Corona 90% du secteur privé (Paris en tout cas) étaient aux abonnés absents (Partis à la campagne etc ..) Idem allez trouver un médecin pendant le week-end, les Ponts, le mois d’août ??? sans parler du temps normal ou cardiaque, on vous annonce le 1ER RV disponible dans 3 mois minimum (donc direct Hopital).. Alors certes il n’y a plus assez de médecins mais il y en a aussi beaucoup qui ont oublié (perdu) leurs obligations de Santé Publique alors que financés, quand même, par la sécurité sociale. Désolée ! Et pourtant je suis pour la sauvegarde du privé . Quant aux masques, j’estime qu’un médecin se doit d’avoir un stock et ce n’est pas à l’Etat de distribuer des masques dans chaque cabinet qu’il soit médicale, infirmier, kyné etc….

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