Comprendre le Lightning Network (1)

Le Lightning Network est un protocole informatique destiné à faciliter l’utilisation courante de bitcoins en rendant les transactions plus rapides, plus anonymes et moins coûteuses. Quels sont ses principes généraux ?

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Comprendre le Lightning Network (1)

Publié le 1 juillet 2020
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Par Yorick de Mombynes1.

Comme l’avaient pressenti ses premiers utilisateurs, les caractéristiques techniques du système Bitcoin font qu’il peut difficilement servir de réseau de paiement universel. Il est davantage un protocole d’enregistrement décentralisé de transactions qu’un moyen de paiement.

Le Lightning Network est un protocole qui complète celui de Bitcoin pour lui permettre de dépasser ses limitations. C’est un dispositif qui rend possibles des transactions instantanées, anonymes, de montants éventuellement très réduits, pour des frais négligeables, et sans consommation additionnelle d’énergie.

Il fonctionne normalement depuis 2018. Son développement informatique comme sa facilité d’utilisation ont connu une nette accélération depuis mi-2019. Il a le potentiel de transformer radicalement l’industrie du paiement et même une partie du secteur financier, tout en contribuant à la diffusion et à la massification du système Bitcoin.

Concept de Lightning Network

Lightning est un protocole open source qui assure le passage à l’échelle (« scalabilité ») de Bitcoin. Il permet d’augmenter le nombre de transactions possibles par seconde, pour des montants transférés éventuellement très faibles, pour un coût réduit pour les utilisateurs, de manière plus confidentielle et sans dégrader excessivement le niveau de sécurité du système. Cette technologie est aussi utilisable pour certaines autres cryptomonnaies mais c’est seulement Bitcoin qui est ici évoqué.

Le réseau Lightning permet de réaliser des transactions en bitcoins mais en dehors de la blockchain (off-chain). Après une mise sous séquestre initiale de fonds sur la blockchain (on-chain), n’est enregistré ponctuellement sur cette dernière que le solde des transactions ajoutées les unes aux autres. Ce réseau fonctionne comme une accumulation de chambres de compensation, en agrégeant différentes positions d’achat et de vente de bitcoins.

Le fait d’effectuer ces transactions hors de la blockchain permet d’éviter les lourdeurs que cette dernière implique (vérification par tous les nœuds, temps de confirmation, frais de transaction, dépense énergétique du minage). Et le fait d’enregistrer sur Bitcoin le solde des transactions entre elles permet de bénéficier de l’inviolabilité de la blockchain. Ce sont ces deux avantages qui sont recherchés dans le même dispositif.

Lightning est donc un réseau de paiement qui se superpose à Bitcoin tout en lui étant relié. On le décrit comme une « surcouche », une « couche secondaire », un layer 2 (Bitcoin étant le layer 1).

Cette surcouche ne fait pas peser de risque technique supplémentaire à Bitcoin et à ses utilisateurs. Si le réseau Lightning rencontrait un problème systémique insurmontable, ses utilisateurs pourraient récupérer tous leurs fonds immédiatement et facilement en publiant sur la blockchain Bitcoin la dernière mise à jour de leurs transactions Lightning.

Enfin, Lightning permet un passage à l’échelle de Bitcoin sans augmenter sa consommation énergétique. En effet, les transactions qu’il permet ne nécessitent pas de minage par la preuve de travail, qui est la composante du système Bitcoin nécessitant des calculs informatiques massifs et une forte consommation d’électricité.

Tout l’objet du protocole Lightning est de de faire fonctionner ce système de paiement novateur de manière satisfaisante, notamment en préservant la confidentialité de ses utilisateurs et en limitant tout risque de vol.

Historique du Lightning Network

Hal Finney, l’un des premiers interlocuteurs de Satoshi Nakamoto, évoquait dès 2010 la nécessité d’un layer 2 pour assurer la scalabilité de Bitcoin. Et Nakamoto avait théorisé la brique de base qui a ensuite conduit au Lightning. Diverses idées de réseau de paiement hors-chaîne ont circulé à partir de 2011.

En 2015, deux jeunes chercheurs, Joseph Poon et Thaddeus Dryja, ont présenté le concept théorique du Lightning Network avant d’en publier une version plus aboutie en 2016, pendant qu’un développeur, Rusty Russel proposait des modalités de mise en œuvre concrète.

Dans les années qui ont suivi, trois startups se sont attelées au développement du protocole : Acinq (société française dont l’un des actionnaires est BPI France), Lightning Labs et Blockstream.

En janvier 2018, après une phase de tests, le réseau a été ouvert au public et la première transaction en bitcoins a eu lieu sur Lightning. Une frise chronologique détaille les étapes de ce protocole à la fois récent et déjà relativement ancien.

Gouvernance

Si Bitcoin et Lightning sont tous deux des protocoles open source, le premier a été développé exclusivement par des individus bénévoles, alors que le second l’a été à la fois par quelques particuliers et par des entreprises commerciales. Pour éviter une dispersion du projet entre plusieurs réseaux incompatibles, ces dernières se sont mises d’accord dès 2016 sur une dizaine de spécifications techniques. Encore aujourd’hui, elles se coordonnent régulièrement et publient leurs interactions.

Écrites dans des langages informatiques différents et ne proposant pas exactement les mêmes fonctionnalités, ces différentes implémentations restent interopérables et donnent accès au même réseau, tout comme des navigateurs différents donnent accès au même Internet.

Ces entreprises se sont engagées dans ce projet parce qu’elles espèrent jouer un rôle dans la nouvelle économie qui pourrait naître de cette technologie, même si leur futur modèle d’affaires n’est pas toujours totalement identifié à l’heure actuelle. Le fait que le protocole soit open source garantit en tout cas qu’aucune d’entre elles ne pourra en prendre le contrôle. Et le fait que plusieurs implémentations aient été lancées diminue le risque de faille technique majeure sur l’ensemble du réseau et réduit fortement tout risque de monopole.

Le réseau fonctionne sans anicroche depuis 2018. Son développement est toutefois loin d’être terminé et de nombreuses étapes restent à franchir pour améliorer ses performances et surmonter certains défis techniques redoutables. Les entreprises qui y contribuent ont récemment vu leurs moyens renforcés à travers de nouvelles levées de fonds : 7 millions d’euros en octobre 2019 pour Acinq et 10 millions en février 2020 pour Lightning Labs.

État du réseau et écosystème

Depuis son ouverture au public au début de l’année 2018, le réseau s’est développé à très grande vitesse. Trois indicateurs permettent d’en mesurer l’étendue actuelle : le nombre de nœuds, le nombre de « canaux de paiements » (notion présentée dans la partie II) et la somme des bitcoins circulant sur le réseau.

Le réseau Lightning est composé de 12 799 nœuds, reliés par 36 633 canaux de paiements abritant une somme total d’environ 948 bitcoins (14 juin 2020). Ces chiffres sont actualisés en temps réel ; des séries temporelles sont aussi disponibles.

Il convient toutefois de souligner que le nombre de nœuds, de canaux de paiement et de bitcoins engagés réellement sur le réseau est plus élevé que ces chiffres car un certain nombre d’acteurs n’ont techniquement pas besoin de révéler leur existence au réseau. S’agissant des canaux publics, il n’existe pas de données précises mais ils pourraient représenter environ 72 % de l’ensemble des canaux, selon une estimation en janvier 2020. En tout cas l’étendue du réseau est nécessairement plus grande que celle qui est visible et mesurée. Cela permet de relativiser certains interprétations parfois alarmistes des évolutions de court terme de ces paramètres.

Enfin, tout un écosystème d’entreprises, d’analystes et de chercheurs est en train de se mettre en place autour de Lightning. Le développement de cet écosystème est décrit notamment ici et ici. Par exemple, de plus en plus d’applications conçues spécifiquement pour fonctionner sur Lightning sont lancées.

L’une d’entre elles, Tipping.me, permet au lecteur magnanime d’envoyer un pourboire à l’auteur de cet article en utilisant le réseau Lightning.

  1. Cet article est le deuxième chapitre de la note publiée le 23 juin 2020 par l’Institut Sapiens.

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