Air France ou l’exception française du ciel

Comme pour le versement des dividendes, ce n’est pas à l’État de gérer en direct les entreprises privées au prétexte qu’il lui octroie des aides.

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Air France A380-861 F-HPJA By: Christopher Griner - CC BY 2.0

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Air France ou l’exception française du ciel

Publié le 24 juin 2020
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Par Michel Albouy.

En France on sait faire des exceptions, notamment dans le domaine culturel, mais pas que. Ces exceptions sont d’une façon générale motivées par notre volonté d’aller à l’encontre des forces du marché et la protection de notre modèle social avancé que tout le monde nous envie. Suite à la crise sanitaire liée au Covid-19, un nouveau secteur économique est en train d’entrer dans le monde merveilleux des exceptions françaises : celui du transport aérien.

Comme tout le monde le sait, les confinements décidés dans la plupart des pays ont conduit à clouer les avions au sol, plus personne ne pouvant voyager. La France et sa compagnie nationale n’a pas échappé à cette politique et à ses effets sur l’économie réelle. C’est ainsi qu’Air France qui était déjà fragilisée avec des coûts salariaux supérieurs à ses concurrents se retrouve dans une situation particulièrement difficile.

 

Intervention de l’État pompier

Chez Air France 8000 postes, voire plus, seraient menacés selon les syndicats. En même temps, l’État pompier (mais qui n’est pas le seul actionnaire de la compagnie) a décidé qu’il fallait sauver la compagnie qui porte le pavillon tricolore. C’est ainsi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a proposé de débloquer 7 milliards d’euros en faveur de la compagnie nationale.

Mais comme toujours avec l’État, cette aide est assortie d’une condition :

« Il y aura des ajustements nécessaires, mais je souhaite et je demande à Air France qu’il n’y ait pas de départs forcés. Je crois que c’est ça la ligne rouge importante, qu’il n’y ait pas de départs contraints » (France Inter, 18 juin 2020).

On retrouve bien ici la logique interventionniste de notre ministre. C’est au moins une constante chez lui. On l’avait déjà remarqué avec l’interdiction faite aux entreprises privées de verser des dividendes si celles-ci bénéficiaient du chômage technique.

 

De l’argent contre les licenciements

Ainsi, l’État (c’est-à-dire en fait les contribuables) va débloquer de l’argent et estime donc qu’il ne faut pas de licenciements, ou en langage administratif de « départs forcés ». La compagnie va devoir se conformer à cette exigence politique si elle veut bénéficier des aides de l’État. À noter que ce donnant-donnant, qui n’en est pourtant pas un, est très bien vu par nos concitoyens.

En effet, il parait évident et normal que si une entreprise est aidée par l’État elle doit se conformer à ses exigences. Mais cela n’est pas aussi simple. En effet, Air France n’a pas qu’un seul actionnaire.

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’État français n’est actionnaire qu’à hauteur de 14 %, comme l’État néerlandais. Le reste du capital, soit 72 % est aux mains d’actionnaires privés, dont 18 % à des compagnies aériennes étrangères.

Passons sur le fait que l’État ne pourra pas en faire autant pour toutes les entreprises privées touchées par sa gestion de la crise sanitaire du Covid-19 et que les autres actionnaires ne seront pas mis à contribution. La condition posée par l’État de ne pas recourir à des « départs forcés » aura un impact à long terme sur la viabilité de la compagnie aérienne. Et c’est cela le plus grave.

En ne permettant pas à l’entreprise de s’adapter à la nouvelle donne du transport aérien suite à la crise sanitaire, l’État poursuit une politique à très court terme, alors qu’il est censé être un acteur stratège à long terme ; c’est du moins ce qu’il prétend.

 

L’État va fragiliser Air France

En bloquant la variable de l’emploi, l’État va in fine fragiliser à moyen et long terme Air France qui est comparativement en sureffectifs par rapport à ses concurrents. Toutes les entreprises doivent s’adapter aux conditions des marchés, mais pas Air France. Telle est la leçon de notre ministre de l’Économie.

Or chez Air France, un sureffectif de 1800 postes a été identifié chez les hôtesses et stewards, selon le syndicat SNGAF, et environ 1800 postes seraient visés par la direction dans les fonctions supports, avait indiqué en mai un administrateur salarié d’Air France.

Enfin, chez Hop!, filiale régionale d’Air France particulièrement menacée par la refonte du réseau court-courrier du groupe, le secrétaire du comité social et économique (CSE), redoute la suppression de la moitié des 2700 postes actuels. Mais grâce à Bruno Le Maire et à l’argent du contribuable (qui ne vole pas uniquement sur Air France), tout cela n’arrivera pas !

Une chose est d’aider temporairement des entreprises, notamment par des emprunts garantis par l’État, voire des aides directes temporaires, et une autre est, sous prétexte du versement d’une aide financière de 7 milliards d’euros, de faire la politique industrielle d’une entreprise privée. En effet, la compagnie qui va bénéficier de ces subsides va devoir se conformer aux exigences de monsieur Le Maire, ce qui n’améliorera pas sa viabilité à long terme.

 

L’État mauvais gestionnaire

Comme pour le versement des dividendes, ce n’est pas à l’État de gérer en direct les entreprises privées au prétexte qu’il lui octroie des aides.

Du reste, ce dernier oublie un peu vite que les entreprises cotisent via leurs impôts et taxes diverses aux finances de l’État et qu’il est dans ses missions de protéger la nation et ses entreprises.

Mais dire cela ne signifie pas qu’il doive se substituer aux organes de direction des entreprises privées. Dans le cas d’Air France, l’État est déjà au conseil d’administration et c’est là qu’il doit faire entendre sa voix, pas à la radio sur France Inter.

Avec ses déclarations depuis le début de la crise sanitaire, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire signe une nouvelle fois sa logique interventionniste. Décidément le Covid-19 est un puissant révélateur de la pensée de nos dirigeants politiques.

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  • Quand le FMI prête de l’argent à un pays, ce prêt est accompagné de conditions destinées à supprimer les coûts inutiles et à relancer la compétitivité.

    L’état français prête de l’argent en imposant de conserver des coûts de personnel parfaitement inutiles tout en supprimant les vols intérieurs, rentables

    • les gens qui nous gouvernent n’ont aucune expérience du monde de l’entreprise (n’en ont jamais créé une viable et qui embauche).

  • l’illogisme dictatorial de cet homme n’en st pas à une stupidité près, le drame c’est que personne n’envisage de le débarquer……Y a t’il un commandant de bord dans ce gouvernement ?

    • @Le petit prince-Pendant la primaire des LR il avait été « plébiscité » par 2 % des votes, devant un tel succès, il se tourne vers la gauche et les verts, il a peut-être sa chance. Pensez quand même qu’il n’a que 51 ans il peut nuire encore pendant au moins 30 ans.

    • Non car ils sont tous aussi stupides et incompétents!

  • Le pire, c’est que ce même gouvernement veut remplacer tous les trajets aérien en France par le train quand celui-ci ne met « que » 2h30″ de plus que l’avion.
    On est en plein délire !!!

    https://www.ladepeche.fr/2020/06/19/imposer-le-train-a-la-place-de-lavion-sur-les-lignes-delaissees-par-air-france-letat-y-songe,8940111.php

    • Sauf qu’on ne considère que les vols depuis ou à destination de Paris. Ras le bol du jacobinisme.
      D’autre part, Paris Clermont Ferrand n’est desservi par le TGV et donc l’avion est plus rapide.

      Heureusement qu’il y a des vols comme Strasbourg Biarritz ou Bordeaux Lyon.

      De plus il est plus sécurisant de faire voyager des enfants non accompagnés en avion qu’en train!!! Je me suis souvent servie de ce service pour envoyer mes enfants en vacances chez leurs grand parents.

  • Quand je pense que certains ont voté pour Macron, pensant qu’il était libéral, en réalité l’immense majorité de ses choix prouve le contraire.

  • L’Etat va interdire les courts-courriers équivalents à moins de 2h30 de train non seulement pour Air France (ce qui est déjà scandaleux) mais pour toutes les compagnies low-cost qui auraient ainsi pu profiter du marché court-courrier français… Même si au départ c’est la stratégie de Ben Smith de réduire la voilure de 40% en France, ce n’est pas à l’Etat de faire du chantage avec de l’argent qui n’est pas le sien.

  • Et surtout de leur incommensurable bêtise. Je parie que Einstein pensait aux français quand il a sorti sa boutade!

  • Pendant longtemps, le train a bénéficié de l’interdiction des lignes régulières d’autobus entre les villes. Maintenant que les autobus sont autorisés, voilà qu’on reproduit la même politique absurde pour les avions.

    Le train a visiblement besoin de lois pour le protéger d’une saine concurrence. Cela prouve amplement, pour ceux qui en douteraient encore, que ce mode de transport est le moins efficient d’entre tous. C’était un mode de transport adapté au XIXe siècle, porteur à l’époque d’un extraordinaire progrès. Mais il n’est plus du tout adapté au XXIe siècle. Sans lois iniques et subventions à foison, ce mode de transport ferait faillite, tout simplement parce qu’il est incapable de satisfaire les besoins et les attentes de la clientèle.

    S’entêter obstinément à soutenir ce qui ne fonctionne pas est un autre facteur expliquant l’état du pays, en voie de tiers-mondisation.

    • En fait, le chemin de fer à été créé au XIX° pour le fret, charbon, minerai de fer etc.. et les rails posées, on a rajouté le transport des voyageurs. Mais ce n’était pas le but initial.
      Le développement du fret routier et de l’avion ont complètement rendu obsolète le rail, à part le périurbain des grandes métropoles, le métro.

      • Les camions, l’avion… et la voiture pour les distances courtes à moyennes, où elle est imbattable en porte à porte pour transporter plusieurs personnes : non seulement la voiture est incomparablement moins chère HT mais elle nécessite moins de temps de trajet que le train. Son avantage est tel que son succès ne se dément pas, malgré les tombereaux d’avanies fiscales et normatives qu’elle subit, en regard des subventions insensées qui financent le train en pure perte.

        La voiture a un autre avantage incomparable, en terme de développement du territoire. En effet, la voiture permet un développement harmonieux de l’ensemble du territoire alors que le train impose des concentrations absurdes de populations à proximité immédiate des gares, avec leur cortège de pollution, de mal-vivre, de déséquilibres économiques, de bulles de prix, de sécurité dégradée, de gestion impossible…

        Favoriser le train aujourd’hui est complètement absurde, le contraire du bon sens.

  • Il me semble que l’on fait un mauvais procès à Air France, en s’appuyant sur des arguments « écologiques » non fondés.
    Le transport aérien minimise l’empreinte humaine, puisqu’il ne demande qu’un terrain au départ et à l’arrivée, à la différence du transport ferroviaire et de la voiture, qui requièrent des infrastructures tout au long du trajet.

  • La question n’est pas nouvelle et n’a, je crois, jamais été résolue :

    La vieille bourgeoise :
    – tenez mon brave, voilà une petite pièce pour vous, mais attention, c’est pas pour boire, hein !?
    Le mendiant :
    – …

  • Bien, et que dit KLM qui a quand même des billes dans l’histoire? Que pense-t-elle des subventions de l’Etat français? Qu’envisage-t-elle de son côté? Quel avis a-t-elle sur la réduction des dessertes en France?
    J’ose espérer que KLM va vite reprendre ses pépètes devant un comportement typiquement soviétique de notre bon pays. Un aparté de Macron avec Rutte dans son meeting de « relance » de l’UE?

  • les 7 milliards, c’est notre argent ? Et ce n’est pas un prêt, comme pour Renault ? Donc pourquoi pas un référendum pour une fois ? Perso, j’aimerais qu’Air France crève pour qu’on puisse repartir sur de bonnes bases. Ras-le-bol de rempoter sans cesse les « fleurons » Français, SNCF, RATP, Air France, etc…

    • De toute façon grâce à la nouvelle théorie monétaire, les emprunts ne sont pas faits pour être remboursés (ceux de l’état, pas les vôtres…) et les intérêts sont à 0%, alors un prêt ou un don il n’y a plus beaucoup de différence…

  • Un petit calcul qui a du être fait chez Air France.
    2700/2+1800=3150 employés inutiles. 7 milliards pour payer ces emplois surnuméraires soit 2.2 M€ par emploi, soit 55k€ par an et par emploi sur 40 ans. Vu que ce sont surtout des hôtesses, ça devrait le faire.
    Mais l’état aurait pu dire « j’accorde 4000€/mois de pension à 3150 licenciés d’Air France », ça n’aurait pas couté plus cher, et je pense que les employés auraient préféré…

  • Bientôt hors du ciel si ça continue.

  • Interrogation iconoclaste : a-t-on vraiment besoin de conserver Air France ?

    Swissair a disparu : la Suisse n’est pas isolée du monde.
    La TWA a (hélas) disparu : les Etats-Unis ne sont pas isolés du monde.
    Varig a disparu : le Brésil n’est pas isolé du monde.
    Et que dire de la PanAm de ma jeunesse…

    De toute façon, KLM fait bien le job, et ses personnels navigant et au sol ne bénéficient pas des privilèges de leurs homologues d’Air France. Prendre Air Franc, puis KLM en deux vols successifs (par exemple pour se rendre au / revenir du / Canada) est révélateur de la différence. Laquelle n’est pas à porter au crédit de la compagnie française…

    Alors, pourquoi conserver Air France ?
    Si le gamin tient tant à dépenser notre pognon, ne serait-il pas mieux de reconsidérer le système hospitalier, par exemple ?

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