Déboulonnage de statues : où s’arrêter ?

Ce que les déboulonneurs nous proposent aujourd’hui, c’est cela : de refaire encore de l’histoire un outil politique. C’était malsain à l’époque. C’est encore malsain aujourd’hui.

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Statue 1of3 By: Gordon Wrigley - CC BY 2.0

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Déboulonnage de statues : où s’arrêter ?

Publié le 23 juin 2020
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Par Xavier Chambolle.

Passionné d’histoire, je trouve ces déboulonnages de statues très préoccupants.

Nous cédons à une vision binaire et passionnée de l’histoire, parfois à une sorte de révisionnisme. Personne n’en sortira grandi.

Il est essentiel de toujours replacer un monument dans son contexte. Et même lorsque le verdict est négatif, il y a moyen de le garder en place et de le transformer.

Pas d’apologie de l’esclavage

L’esclavage a été la norme dans presque toutes les sociétés et à presque toutes les époques. Des statues incriminées, aucune ne fait pourtant l’apologie de l’esclavage et toutes représentent autre chose :

  • une contribution historique importante pour une ville, une région, un pays ;
  • une contribution dans un mouvement historique majeur.

Gandhi est un symbole de la résistance non-violente et de l’anti-colonialisme, mais il semblerait avoir été raciste. Sa statue a donc été retirée en 2018 au Ghana.

Si Gandhi se fait déboulonner, autant dire que tous les personnages historiques le seront !

À commencer par Behanzin, héros national du Bénin, qui était pourtant esclavagiste. Celui-ci nous donnera l’occasion d’observer la cohérence des déboulonneurs.

Nous ne cherchons plus à accepter la complexité du passé, ni à comprendre le contexte d’un monument : nous cherchons des personnages historiques parfaits qui correspondent à une vision Disneyland.

Et pourquoi pas Turenne ?

En tant qu’Alsacien, si j’adoptais la logique des déboulonneurs, je déboulonnerais un paquet de statues en Alsace.

Je commencerais par le monument de Turenne à Turckheim (qui est certes un monument et pas une statue…) : nous honorons là un criminel de guerre sur les lieux de son crime en plus de réviser l’histoire de l’Alsace sous le prisme franco-français. C’est ajouter l’insulte à l’injure (ou plutôt l’insulte à la blessure).

Difficile de trouver pire, non ? La statue d’un criminel de guerre là où il a massacré hommes, femmes et enfants, puis le massacre est ignoré.

Et pourtant, je ne souhaite pas que ce monument soit retiré, ni vandalisé. D’abord parce que juger Turenne comme criminel de guerre, c’est utiliser nos standards contemporains pour juger le passé. Cela n’a absolument aucun sens.

Le monument en tant que tel n’est pas là pour faire l’apologie du massacre, mais pour souligner une victoire française : c’est le contexte.

Ensuite parce que la présence de ce monument pourrait tout de même rappeler le massacre en question. Il ne manque qu’un panneau explicatif qui mentionnerait la victoire, ainsi que la tragédie vécue par les civils.

Il pourrait d’ailleurs être utile d’en profiter pour mentionner que ce monument matérialise le révisionnisme de l’histoire alsacienne par la République française à des fins de propagande dans les années 1930 notamment. Constat malheureusement encore d’actualité aujourd’hui.

Ce monument de Turenne nous rappelle la manière dont nous concevions l’histoire à l’époque : un outil politique.

Ce que les déboulonneurs nous proposent aujourd’hui, c’est cela : de refaire encore de l’histoire un outil politique. C’était malsain à l’époque. C’est encore malsain aujourd’hui.

Le retour de balancier

Cela ne veut pas dire qu’il faut tout conserver tel quel. Il y a la piste du panneau explicatif. Il y a celle de l’œuvre d’art qui réoriente un monument. Il y a aussi la modification. Comme par exemple modifier les monuments aux morts alsaco-mosellans pour inscrire les noms originaux des feldgrauen, plutôt que leur version francisée.

Nous assistons peut-être en ce moment au mouvement d’un balancier. Il va dans un sens, il monte, il monte, puis il commence à aller dans l’autre sens. Et cela ira encore loin dans l’autre sens. Puis ça reviendra. Et ainsi de suite. Chaque époque jugeant les excès du passé et y répondant par ses propres excès.

Serait-il possible de stopper ce mouvement, de ne pas céder aux modes du moment ni aux analyses historiques binaires, de ne pas sombrer dans la vertu ostentatoire ?

La solution est excessivement simple : il suffit d’adopter une position rationnelle, nuancée et dépassionnée. Il suffit de juger l’intention derrière le monument, quitte à rappeler certains faits afin d’éviter de faire l’apologie d’actes que nous jugeons aujourd’hui immoraux ou criminels.

Sans cela, dans un futur lointain où l’humanité sera végétarienne, les citoyens déboulonneront les statues des omnivores du passé. Tandis que les musées seront reconvertis en maisons hantées avec toutes ces statues de monstres abominables, ces hommes des temps obscurs, ces barbares, ces démons. Tandis que les humanoïdes du lointain futur seront bien entendu l’innocence et la pureté incarnées.

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  • Et maintenant trop de Blancs et d’Asiatiques dans les concerts de musique classique, pas assez de représentants de la diversité dans les orchestres. C’est le nouveau combat des militants pro-noirs.
    Personne n’interdit aux Noirs d’apprendre la musique classique.
    Cela suffit d’invoquer sa couleur de peau pour excuser sa propre médiocrité!!!
    Je connais des chanteurs de musique classique comme Barbara Hendricks, Pretty Yende, Jessye Norman, Simon Estes que j’ai entendu à Bayreuth dans le Vaisseau fantôme, une voix magnifique
    https://www.francemusique.fr/…/black-divas-3-4-tout…
    Der Fliegende Hollander Bayreuth 1985

    Et c’est bien là qu’on voit que tous ces mouvements de revendications des racialistes, indigénistes ne sont le fait de l’extrême gauche en guerre contre les libéraux, le capitalisme. Ils veulent détruire tout simplement la civilisation occidentale, gréco-judéo-chrétienne. Ils prennent pour technique les accusations de racisme, d’esclavage, pour nous faire baisser la garde.
    Nous devons résister car :
    – je ne m’excuserai jamais d’être de couleur blanche aux yeux clairs, d’être catholique, d’être auvergnate, du pays de Vercingétorix, du pape Urbain II, de Pascal, de Teilhard de Chardin, de Michelin. Je suis fière d’être ce que je suis.
    – Je ne m’excuserai pas de mes ancêtres, de mon père, ancien PDG de la COMILOG au Gabon, ancien directeur général des charbonnages du Maroc, ancien directeur des mines de plombe, zinc, argent de la compagnie royale asturienne des mines.
    – Je ne m’excuserai jamais d’avoir un doctorat de mathématiques, personne ne me l’a donné, j’ai étudié, fait math sup et math spé au lycée Fennelon à Paris, ce fut difficile, prenant
    – je ne m’excuserai pas d’avoir la culture que j’ai, elle ne m’est pas « tombée du ciel », j’ai lu et je lis, je suis allée et vais dans les musées, je suis allée et vais aux concerts, dans les festivals, Aix en Provence, les Chorégies d’Orange, Bayreuth, Vérone, je suis allée et vais au théâtre. J’emmène mes petites filles découvrir le monde, visite des châteaux de la Loire, festival de musique sacrée de la Chaise Dieu, Venise, Vérone et son festival, Turandot, mise en scène de Zeffirelli dans les arènes de Vérone, les Chorégies d’Orange, etc..

    Et si les Noirs ne sont pas contents, qu’ils retournent dans les terres de leurs aïeux, l’Afrique!!!

    • « Personne n’interdit aux Noirs d’apprendre la musique classique. »

      Si on voulait être aussi bête et méchant que la gauche on pourrait parler « d’appropriation culturelle »…

  • les déboulonneurs sont des gens incultes qui fonctionnent avec des œillères ; ce qui se passe en ce moment , ça leur permet d’exister ; pauvre monde ;

    • En même temps, ils sont le fruit d’un système éducatif le plus souvent totalement hors de prix, acquis à la cause de l’Internationale et d’une nullité de plus en plus criante. Pas certains que les générations futures comprennent quoi que ce soit à l’Histoire, à la Philosophie, aux Maths, à la Physique ou même à l’Informatique…

  • On appelle les habitants de Turckheim les  » Lochschlupfer  » (ceux qui se glissent dans les trous), car seul ceux qui ont pu faire cela on survécu à un massacre pendant 3 jours des hommes, femmes, enfants et vieillards…

    Le monument dédié à Turenne a autant sa place à Turckheim qu’un monument à la division « Das Reich » a Oradour…

    Hoppla, Elsass frei !

    • Au contraire, c’est un monument à la mémoire de ce qui se reproduit constamment: des massacres avec la célébration par les vainqueurs du massacreur sur le tas de cadavre.
      Je n’aurais jamais entendu parler de cette histoire sans ce monument et une plaque/ ou internet.
      Il faut garder à tout prix ces témoignages, enlever ce monument c’est faire aussi disparaitre des mémoires la souffrance des « Lochschlupfer ».

    • Puisqu’on parle de l’Histoire alsacienne, à quand un procès par la Vendée de la ville de Strasbourg, qui commémore un boucher sur une de ses places centrales – avec statue en prime, bon dieu !
      D’ailleurs, il faudra aussi penser à purger notre histoire de Napoléon (le premier), après tout ce monstre a rétabli l’esclavage dans les Antilles.
      Dans le fond, je suis d’accord avec l’article, ce mouvement est consternant…

      • Ce « mouvement » a pour but d’ajouter des arguments à la mendicité intrinséque de ses participants.

      • Contexte: la statue de Kléber à Strasbourg ne fait pas l’apologie du massacre de Vendéens.

        Il a à ses pieds un sphinx pour mettre l’emphase sur son rôle en Égypte, tandis qu’il tient la lettre de Keith le sommant de quitter le pays.

        Il y a deux bas-reliefs:
        – un pour la bataille de Heliopolis,
        – l’autre pour la bataille d’Altenkirchen.

        Enfin il faut rappeler que la guerre de Vendée… c’est une guerre. Mais que Kléber propose un plan alternatif aux colonnes infernales, qui consiste à n’attaquer que les rebelles et à gagner la confiance des Vendéens.

        Donc on ne peut simplement qualifier Kléber de boucher de la Vendée.

      • Napoléon c’était surtout autant de victimes française que la Première Guerre mondiale proportionnellement, au total plus de 3 millions de morts dans toute l’Europe.
        C’était le premier massacre à grande échelle du continent et un « détail » totalement et complètement effacé oublié de l’histoire.
        .
        Dans les Antilles la situation bien qu’horrible pour une partie des esclaves était loin d’être aussi dramatique, ils représentaient un investissement et une production, et après les indépendances les anciens esclaves ne faisaient souvent que changer de maître avec des chaînes juridiques ou une pauvreté effrayante.

    • Votre comparaison n’est pas bonne:
      – il ne s’agit pas de placer aujourd’hui un monument de Turenne à Turckheim,
      – il n’y a pas de monument « Das Reich » à Oradour-sur-Glane.

      La question c’est de savoir ce qu’on fait d’un monument qui a bientôt un siècle: je suggère de rappeler le contexte, de le détourner, plutôt que de simplement détruire ce qui nous dérange.

  • « refaire encore de l’histoire un outil politique »

    La démarche des marxistes déboulonneurs porte une vision de l’histoire à la fois téléologique et anachronique, deux crimes contre la pensée justifiant de les envoyer au gnouf quand on les prend sur le fait.

    S’il faut vraiment nettoyer le passé de ses scories, rappelons qu’il n’y a pas eu de Nuremberg du communisme et qu’il est toujours temps d’instruire ce procès avec les antifas puisqu’on les a sous la main.

  • Je n’ai pas vu qu’il s’agissait de déboulonnage (https://www.cnrtl.fr/definition/d%C3%A9boulonner)
    plutôt d’atteintes matérielles par projection de matières diverses et de coups de massues et marteaux, dans une rage de détruire. Les mots qui accompagnent ces actes de destruction des effigies sont les mêmes qui nous sont adressés en tant que notre identité est d’être « français » en général c’est à dire PAS musulmans, PAS noirs.
    Il suffit de pas grand chose, juste un mot d’ordre, pour que les machettes fassent un quart de tour, en direction de nos corps.
    Il n’est plus temps de disserter sur ce à quoi débouchera le « déboulonnage » d’effigies dans un lointain futur. Il faut être prêt à parer à quelque chose de bien plus concret. Croyez-vous que Macron and Co ne sont pas prêts, eux, à s’exfiltrer en vitesse ?

    • Il s’agit d’une conquête d’un nouveau genre. On arrive avec ses malheurs et plutôt que de tenter de les résoudre chez soi, on file et on importe sa souffrance chez les autres. D’autant que les autres avec leurs sacro-saints Droits de l’Homme, leur bienveillance, leurs principes de charité, sont tous prêts à nous écouter et nous aider ! Voyant leur crédulité on commence à salir, décrédibiliser, puis attaquer sur des faits que la justice qualifierait en droit français de : tardifs ! au minimum !
      A remarquer que les pays qui ont fait pire mais qui sont insolvables et répondraient aux jérémiades des plaignants par les geoles, passent à travers les trous de la raquette, même si les faits sont plus longs dans le temps, plus durs dans les faits, voire actuels dans certains pays…
      On ne s’attaque que là où cela peut rapporter gros !
      Ainsi peut-on se donner bonne conscience, se justifier par avance des actes de malveillance que l’on projette ! On cassera, on incendiera, on pillera, on dévastera en attendant de passer à des actes plus sordides encore !
      « nous étions légitimes à agir ainsi car autrefois on nous a fait ça ! »
      oeil pour oeil, c’est leur mentalité.
      En sélectionnant bien sa proie, particulièrement bridée par des lois qui leur donne tous pouvoirs ! (Droits de l’Homme) un regard de travers ? vite ! il m’a insulté ! Droits de l’Homme !
      Et nous, stupides que nous sommes, nous ne cessons de battre notre coulpe et de donner subsides après subsides pour nous « racheter ». Pourquoi se priveraient-ils de cet horrible chantage qui rapporte tant ? Puisque ces blancs sont riches et stupides, profitons en !

  • Tous les révolutionnaires ont cherché à abolir le passé ou à le réécrire puisque, par définition, le monde commence avec eux. On sait où cela a déjà conduit…
    Ceux qui prétendent détenir la vérité – historique, politique, scientifique…- et refusent les nuances et la complexité de la réalité sont de dangereux criminels.

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