Décrochage de portraits de Confédérés : où s’arrêtera la réécriture de l’Histoire ?

Allons-nous réécrire en permanence l’histoire au gré des lubies ou des lobbies du moment ? Réflexion sur Washington avec un détour par Saint-Étienne !

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Confederate gravestone by Joseph Novak(CC BY 2.0)

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Décrochage de portraits de Confédérés : où s’arrêtera la réécriture de l’Histoire ?

Publié le 22 juin 2020
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Par Gérard-Michel Thermeau.

Ironie de l’histoire, les démocrates des années 2010 vilipendent les démocrates des années 1860. Nancy Pelosi, lumineuse étoile du parti démocrate, a fait décrocher quatre portraits de membres du parti démocrate installés dans les couloirs du Congrès. Après les statues renversées, voici les portraits décrochés. C’est la grande toilette de printemps.

À l’exception peut-être des Virginiens et des Géorgiens, et des historiens spécialisés, les noms ne doivent pas dire grand-chose à grand monde. Je l’avoue, je n’en connaissais aucun. À mon humble avis, les noms de ces obscurs Sudistes doivent figurer pour la première fois dans les médias français.

Et qui, d’ailleurs, prêtait attention à la galerie des présidents de la Chambre des représentants meublant les murs du Capitole ?

Cette affaire, d’un ridicule achevé, m’a inspiré quelques libres réflexions me conduisant de Washington à Saint-Étienne.

Quatre Confédérés décrochés

Leur point commun : ils avaient présidé la Chambre des représentants. Trois d’entre eux ont joué un rôle politique avant et pendant la guerre de Sécession (1861-1865). Le quatrième avait 20 ans à la fin de la Guerre civile et on lui reproche visiblement surtout de s’être battu dans le mauvais camp.

Robert Hunter, représentant puis sénateur de Virginie, était un ardent partisan de l’esclavage. Il a occupé d’importantes fonctions et devait être le secrétaire d’État des États confédérés.

Howell Cobb, ministre sous James Buchanan, a présidé le Congrès provisoire des États confédérés.

James Orr a siégé au Sénat de la Confédération. Ulysses Grant, par souci de réconciliation nationale, devait en faire un ambassadeur en Russie.

Le plus jeune, Crisp, a fait carrière bien après la guerre, pendant laquelle il s’est battu comme simple officier de la Confédération.

Où s’arrêter dans l’épuration ?

La question à se poser est où va s’arrêter cette épuration ? Après tout, George Washington, le père de la nation américaine, était un propriétaire d’esclaves. N’est-il pas ainsi l’incarnation d’un « racisme grotesque » selon les propos si subtils de Nancy Pelosi ? Faut-il effacer tous les esclavagistes de l’histoire américaine ? Il ne va pas rester grand monde.

J’avais souligné, dans un précédent article, pour ridiculiser la fixation sur Autant en emporte le Vent, que le cinéma hollywoodien avait fait la part belle aux Sudistes : faut-il pour autant censurer tous ces films ?

Et en France, où l’anti-américanisme se conjugue habituellement avec un suivisme moutonnier des pires modes états-uniennes, qui va être concerné ? Colbert en a déjà fait les frais mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Petit détour stéphanois

Mais, après tout, puisque les Américains nous infligent leurs disputes provinciales, je vais, moi aussi, me pencher sur ma province. Du Capitole de Washington, je vous propose de passer par Saint-Étienne, vous ne regretterez pas le voyage.

Toutes ces histoires de statues déboulonnées me faisaient penser que, pendant longtemps, Saint-Étienne fut une ville sans statue. Les premières n’ont été installées qu’à la fin du Second Empire. Stendhal avait suggéré qu’on statufie un « industriel héroïque s’il y en a ». On se contenta, plus prudemment, de célébrer sous forme allégorique la Rubanerie et la Métallurgie, les deux activités principales de la ville.

Il faut attendre la Troisième République pour voir fleurir les hommages aux « grands hommes ». Et c’est là que ça se complique, surtout dans une ville manquant cruellement de grands hommes.

En 1902, Waldeck-Rousseau, président du Conseil, à la tête d’un gouvernement réunissant toutes les gauches, vint inaugurer une statue à la gloire de Francis Garnier. Né par hasard à Saint-Étienne, cet officier de marine fut un pionnier de la colonisation de l’Indochine.

Ainsi donc, en 1902, toute la gauche républicaine (socialistes inclus) communiait dans le culte des héros colonisateurs. Installée d’abord au cœur de la ville puis reléguée sur une place secondaire, la statue disparut pendant la Seconde Guerre mondiale.

Une autre statue, plus modeste, fut réalisée et se trouve aujourd’hui à deux pas de l’Opéra de Saint-Étienne, dans une allée peu fréquentée. Plus personne ne sait qui c’est et nul n’est allé la renverser. Enfin, pour le moment.

Avant c’était différent

La gauche de 1902 n’est pas la gauche de 2020 pas plus que les démocrates de 1860 ne sont les démocrates de 2020. Ô surprise !

À l’exception des écrivains et musiciens et autres artistes, à condition qu’ils n’aient pas tenus des propos « fâcheux », il parait donc bien difficile de célébrer les « grands hommes ».

Faut-il, par exemple, débaptiser les innombrables établissements portant le nom de Jules Ferry au prétexte qu’il fut un chantre de la colonisation ?

Et allons même plus loin.

Faut-il condamner la Troisième République (et la République en général) pour avoir constitué un Empire colonial ?

Et déboulonner le Triomphe de la République place de la Nation ? Après tout, Marianne y pose son pied « blanc » sur le globe terrestre !

Allons-nous réécrire en permanence l’histoire au gré des lubies ou des lobbies du moment ?

En somme, devons-nous cesser d’être intelligents ?

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  • Piquant de voir une réapparition de Lénine ( sous forme de statue ) en Allemagne, avec l’autorisation des cours de justice.

    Théoricien et premier applicateur du « gouvernement par la terreur » ( avec l’aide de Dzerjzinski, qu’il avait nommé ), premier utilisateur des goulags et des quotas d’exécution, ce grand humaniste est donc statufiable…

    • La Terreur sous la Révolution française était une référence pour ce grand humaniste. C’est d’ailleurs la Marseillaise qui a été entonnée quand il est arrivé en Russie…

    • Camps d’internements britanniques en Afrique du Sud en 1901. Il semble que toutes les nations aient des choses pas jolies jolies dans leur passé, mais seule la France se flagelle au nauseam en public.

  •  » cesser d’être intelligents ?  »

    – C’est fait …

    Autre chose ?

  • La gauche et les progressistes dévoilent enfin leur vrai visage…ils avaient presque réussi à faire oublier à tout le monde que la radicalisation de leurs idées était à l’origine de nombre des régimes les plus sinistres de l’Histoire…

    Par ailleurs, certains conservateurs ont décidé de combattre le feu par le feu…quitte à renier certains des pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique, certains sont en train d’insufler avec malice aux démocrates le fait qu’il faille démanteler Yale, puisque plusieurs de ses pères fondateurs ont été à l’origine de certaines des lois sur la traite des esclaves…le pire ? C’est en train de prendre…il n’y a pas plus stupide qu’une personne endoctrinée par l’extrême gauche à part un politicien de centre gauche qui croit pouvoir s’attirer les faveurs de l’extrême gauche…

    En passant, il serait bien que les antitrucs soient reconnus pour ce qu’ils sont et que l’on accepte plus leur réthorique…ils ont détourné le sens du mot f******e pour l’attribuer à tout ce qui n’est pas dans leurs courant de pensée (aka le néant de la pensée progressiste).

    Par ailleurs, il est intéressant de noter que nombre d’antitrucs et les membres de la cancel culture sont des gens qui semblent être passés à côté de la révolution Internet de la fin des années 90 et qui n’ont connu qu’Internet à partir du moment ou certains réseaux sociaux comme FaceBook ou Twitter sont apparu…et ils semblent que ces personnes, souvent populaires au lycée et à la fac aient transféré leur besoin de reconnaissance d’une reconnaissance de leur groupe de proches à des groupes d’amis qu’ils ne connaissent que par leur pseudonyme. L’impossibilité de développer une pensée construite et intelligible sur des réseaux comme Twitter les a poussés à prendre des positions de plus en plus radicales pour essayer de gagner le plus de likes, leur permettant ainsi d’assouvir leur manque de reconnaissance dans la vraie vie…les personnes les plus populaires au lycée et à la fac n’étant généralement pas ceux qui réussissent le mieux par la suite, tant il est difficile de concilier études brillantes et soirées arrosées…

  • Normalement il devrait y a voir une statue de Robert Herbin devant Geoffroy Guichard 😉

  • Qui ne vout le lien avec ce qu’ont fait toutes les dictatures communistes?
    Mais il faut aller plus loin: les politiciens, qui n’ont de cesse de se repentir pour des actes que ni eux, ni nous, n’avons commis, sont symboliquement, des destructeurs de statues et décrocheurs de portraits. Aussi coupables que ceux qui passent à l’acte.

  • où s’arrêtera la réécriture de l’Histoire ?
    Aux Etats-unis , on s’en fout !
    Mais en France les saccageurs et destructeurs des minorités racialistes gauchistes, racistes doivent être mis hors d’état de nuire immédiatement et brutalement. Si ils ont des idées a formuler qu’ils les écrivent et les publient, on verra si ça se vends ! ? Et ce qu’en pense de vrais historiens qui ne soit pas des idéologues.

    • Vous pouvez consulter Herodote.net (articles sur l’esclavage).

      • J’a vu un documentaire tourné vers 1960, dans un pays musulman,nord-est africain proche moyen orient ou des enfants noirs capturés du coté du soudan étaient utilisés a la place des animaux attachés et tournant en rond pour pomper de l’eau ! ça c’est factuel. je ne supporte plus les donneurs de leçons idéologiques.

        • L’esclavage existe depuis des milliers d’années et sur tous les continents. Ce n’est pas parce qu’ils étaient noirs qu’ils sont devenus esclaves mais parce qu’ils étaient faibles. Revisiter l’histoire avec les mœurs actuels ne risque pas de faire avancer le schmilblick.

  • Sortir les événements de leurs contextes et de leurs époques pour les traiter comme des événements d’actualité du présent est une aberration.
    L’histoire est le fruit de beaucoup d’erreurs mais aussi de nombreux succès.
    L’Esclavage a été mais a été aboli. Pas chez tous certes… mais chez nous oui.
    Qu’ils s’occupent d’aller l’abolir là où il règne encore. Ça risque d’être plus dangereux que de hurler place de la République …
    Sommes nous racistes? La réponse est non. Qu’il y en ait encore une frange minimale dans notre pays, nous ne pourrons jamais rien y changer mais ce n’est pas notre lot commun.
    De plus quand nous observons ceux qui se montrent les plus agressifs dans ce domaine ce sont souvent ceux qui par leurs comportements, leurs incivilités, leur refus d’adopter nos lois se plaignent que nous puissions leur reprocher. Ils assimilent notre réprobation à du racisme alors que nous n’attendons que du respect pour nos institutions et nos traditions.
    Pour en revenir au plan historique, il n’y a que ceux qui n’ont jamais rien fait qui n’ont jamais commis d’erreur…

    • « ils assimilent notre réprobation à du racisme », oui ! c’est tellement plus facile de se victimiser que de s’améliorer.
      La plupart de ces gens qui défilent sont arrivés chez nous car victimes : de guerre, de famine, politique, homophobe, sexiste… mais arrivés dans un pays qu’ils ont convoité ils repétent ce schéma de victimes… c’est une victiméiologie !
      relaisant Tareq Oubrou, Gd recteur de la mosquée de Bordeaux : je lis page 165 – je résume : à propos du gilhab que « les femmes devaient porter pour sortir faire leur besoins naturels et se protéger des voyous (tiens !) ceci pour les femmes libres ou nobles, mais interdit aux esclaves.
      Interdit à qui ? aux esclaves !
      Tiens ! Je crains que les nouveaux liquidateurs des mauvaises moeurs n’aient un surcroît de travail, il va falloir retourner très loin pour nettoyer l’Histoire !
      Courage ! avec de la persévérance …

  • « En somme, devons-nous cesser d’être intelligents ? » En effet… Et d’urgence !

  • A la haine des statues beaucoup moins interessante que l’amour des statues appelé « amalgatophilie ».Elle évtera surtout d’entendfre l’abruti de la LDNA de vociferer des conneries lors d’un meeting tenu par ces tarés « appe’lant à déboulonner la statue de « ce gros fils de pute de Colbert ». Avec de pareils idiots la France est mal parti..

  • En Belgique, c’est aux statues de Léopold II qu’on s’attaque (pour l’instant). Ce roi a la mauvaise réputation d’avoir durement gouverné le Congo. Certes, la manière n’était pas celle que nous tolérons de nos jours. Tout cela s’est passé au XIX siècle. Sommes-nous vraiment responsables de ces faits du siècle passé ? On nous demande de présenter des excuses au peuple congolais. Quand on voit ce qui se passe encore, dans ce pays pourri jusqu’à la moëlle et continuellement en guerre entre ethnies. Ils avaient déjà commencé il y a quelques années avec « Tintin au Congo ». Pourquoi pas « Blondin et Cirage » une BD des années 50 ? Et le « serviteur » de Saint Nicolas ? Viré aussi ? En tous cas, ils le demandent. Doit-on vraiment répondre à ces attaques ridicules ? J’ai trouvé une interview d’une jeune noire. Je poste le lien.
    Et quid de Napoléon et Louis XIV ?

  • c’est le gros paradoxe…le fait qu’on voie l’esclavage comme un crime est la conséquence du succès des idées occidentales modernes et éclairées..

    moi je rappelle tout le temps que les gens qui ont aboli l’esclavage étaient souvent racistes..
    réussir à conclure que les valeurs modernes de la société occidentale sont pourries , essentiellement , l’individualisme et les droits des individus , en regardant l’esclavage est un foutu exploit.

    si on fait tomber ses idées..on aura le RETOUR des atteintes aux libertés individuelles façon grand patron..

    • le fait qu’un individu soit un raciste ne l’empêche pourtant pas de reconnaître l’égalité des droits à une personne qu’il juge inférieure.. FAUX PROBLÈME donc..

  • Etant stephanois et avec un nom très proche de l’auteur du texte …La seule statue qui restera vénérée à St-Etienne …Sera celle de Robert Herbin…!!!

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