Le crime d’écocide justifiera-t-il nos prochaines interventions militaires ?

Cette décennie sera-t-elle celle de l’interventionnisme occidental au nom de l’écologie ou de l’urgence climatique ?

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U.S., French military partner during Djibouti exercise By: US Army Africa - CC BY 2.0

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Le crime d’écocide justifiera-t-il nos prochaines interventions militaires ?

Publié le 22 juin 2020
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Par Frédéric Mas. 

Parmi les trouvailles de la convention citoyenne sur le climat, ce nouveau comité Théodule poussé par l’exécutif pour défendre son agenda idéologique en prenant soin d’éviter la consultation des citoyens, on retrouve le « crime d’écocide », l’idée que les atteintes « graves » portées à l’environnement doivent être sanctionnées plus durement qu’elles ne le sont jusqu’à présent.

Aujourd’hui, les pénalités sont essentiellement destinées aux entreprises qui ne respecteraient pas les sacro-saintes normes écolos édictées par le régulateur lui-même, mais demain, rien ne dit que de tels crimes pourraient servir aux gouvernements pour justifier toutes les entreprises impérialistes à l’étranger.

Une exagération ? De la paranoïa ? Quelques rappels peuvent être formulés ici.

Certains politiques, théoriciens et intellectuels travaillent, depuis des années parfois, à faire du crime contre la nature une raison suffisante pour abaisser le principe d’indépendance des nations et du droit des peuples à l’autodétermination et justifier l’impérialisme occidental au nom de la protection de la nature.

Emmanuel Macron n’est, quant à lui, pas à sa première tentative d’élever l’écocide au rang de crime susceptible de justifier l’intervention militaire. Revenons quelques mois en arrière.

Les criminels contre le climat

Dans une tribune parue dans Libération le 10 décembre dernier, un « collectif de responsables politiques et d’intellectuels » a appelé à mettre l’écocide au même rang que le crime contre l’humanité.

Face à l’urgence climatique qui dégrade la planète, il devient urgent d’incriminer ses responsables et d’inventer une nouvelle catégorie de criminels.

L’écocide se définit, toujours à la lecture du texte, comme :

« l’ensemble des crimes les plus graves commis contre l’environnement en temps de paix comme en temps de conflits et qui portent directement atteinte à la sûreté de la planète ».

La tribune a été écrite pour soutenir une proposition de loi en discussion le 12 décembre.

Ce n’est pourtant pas la première fois que l’écocide est évoqué au sein des chambres. En mai 2019 déjà, le Sénat avait rejeté une demande d’inscription de l’écocide dans le droit pénal français portée par des sénateurs socialistes. Déjà à l’époque, la répression exigeait, selon ses défenseurs, une mise sur le même plan moral des « crimes » contre l’environnement que ceux contre l’Humanité.

À l’époque, la proposition surfait sur la panique climatique créée par une pétition intitulée « L’affaire du siècle ». Aujourd’hui, c’est la popularité de personnages comme Greta Thunberg, désignée personnalité de l’année par le Time, qui font de l’urgence climatique le nouveau discours politique à la mode.

Internationaliser l’Amazonie

En septembre 2019, Emmanuel Macron s’en prend à son homologue brésilien Bolsonaro pour son inaction supposée en matière de feux de forêt en Amazonie. Le président français propose d’« internationaliser » l’Amazonie, c’est-à-dire de la soustraire à la souveraineté de l’État brésilien pour la placer sous tutelle internationale.

La déclaration n’a pas vraiment entraîné l’enthousiasme des Brésiliens, qu’ils soient pro ou anti Bolsonaro. Comme l’a rappelé Renault Lambert dans Le Monde diplomatique, les tentatives d’intervention visant à « internationaliser » la zone masquent mal la compétition que se livrent les États pour s’approprier les ressources de la région, et toutes les raisons sont bonnes pour se les accaparer :

« Monsieur Macron, considérant que la destruction de l’Amazonie est un « problème mondial » et interdisant à quiconque de prétendre que « ça le concerne seul » (Twitter, 26 août 2019), projette de présenter à la conférence de Santiago de 2019 sur les changements climatiques (COP25) une « stratégie de long terme » visant à assurer le « bien-être des populations » amazoniennes et à garantir « un développement durable et écologique » dans la région. De sorte que réémerge l’idée d’un droit d’ingérence climatique calqué sur celui, humanitaire, qui avait justifié les interventions militaires occidentales en Somalie (1992), en Haïti (1994), en ex-Yougoslavie (1999) … »

Au sein de l’opinion publique européenne, c’était plutôt l’inverse. Les réactions positives se sont multipliées, en particulier en France, où le président de la République est encensé pour sa posture internationale contre un « méchant » idéal, d’extrême droite, trumpiste et climatosceptique.

Pour Nicolas Hulot par exemple :

« Quand on menace ou agit pour détruire la forêt amazonienne, quand on est complice de ça comme l’est Bolsonaro, on est complice d’un crime contre l’humanité »

et de fait, on est justifié à faire de l’Amazonie un bien commun de l’humanité.

Dans une tribune publiée dans Le Monde le 28 août 2019, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, le directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire, appuie lui aussi le propos du président, en suggérant une redéfinition de la souveraineté étatique, pour contraindre les États à sauvegarder certains biens communs de l’humanité.

En cas de défaillance, la communauté internationale aurait ainsi la responsabilité d’intervenir sous supervision onusienne. Là encore, l’écocide, désigné comme « crime contre l’humanité » commanderait la mise sous tutelle des récalcitrants. M. Vilmer propose plusieurs options possibles pour contraindre.

Sans surprise l’intervention militaire est évoquée, même si repoussée à un avenir plus ou moins proche :

« Si l’usage de la force – une intervention militaire pour établir un périmètre de protection et empêcher la déforestation par exemple – semble farfelue et dangereuse car certainement improductive, on ne peut exclure que, dans une situation similaire d’ici 10 ou 20 ans, si l’enjeu est perçu comme vital, la question finisse par se poser. »

La nouvelle guerre humanitaire

Résumons-nous donc.

Au nom du réchauffement climatique et de la nécessité de protéger la planète, aux yeux de certains, il pourrait être légitime de passer au-dessus de la souveraineté des États et de transformer, une nouvelle fois, l’Occident en gendarme du monde.

Une telle perspective, si elle devait un jour se concrétiser, est vertigineuse. Tout comme les discours sur la guerre humanitaire ou démocratique, la criminalisation au nom de l’urgence climatique promet de justifier la guerre perpétuelle au nom de la morale occidentale, et d’exclure de l’humanité et donc de toute négociation possible, les criminels climatiques de demain.

Non seulement les populations locales sont considérées comme éternellement mineures, mais les gouvernements devront se plier aux désirs d’autres États dont les intentions ne sont pas du tout désintéressées.

Isabel Paterson nommait « Humanitarisme avec la guillotine » ce genre de moralisme guerrier, cherchant à reformater le monde par la conquête.

Il semblerait que chaque décennie, le parti de la guerre change de discours idéologique pour justifier les entreprises militaires les plus absurdes, les plus coûteuses à la fois en hommes, en argent public, et surtout en matière de stabilité internationale.

Dans les années 1990, le « devoir d’ingérence » professé par les démocraties occidentales reposait sur des justifications humanitaires. La décennie suivante fut celle de la guerre contre le terrorisme poussée par les « néoconservateurs ».

En démocratie, la nécessité de convaincre les populations pour partir en guerre a toujours suscité une intense propagande dont les ressorts reposent en général sur les thèmes qui occupent l’actualité médiatique du moment.

Cette décennie sera-t-elle celle de l’interventionnisme occidental au nom de l’écologie ou de l’urgence climatique ? Veillons à ce que ce que la tyrannie ne triomphe pas derrière le paravent des bonnes intentions.

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  • Très bon article, merci.
    L’ingérence occidentale ne s’encombre d’ailleurs pas des contradictions: porter la démocratie à coups de bombes n’est pas un problème, ni défendre les droits de l’homme en affamant des peuples…
    Le problème de fond est bien celui de l’indépendance des nations…

  • « droit d’ingérence climatique » ils sont forts quand même, il fallait y penser.

  • Ce qui est désolant, c’est qu’on se sente obligé de parler de suggestions toutes aussi débiles les unes que les autres. Dans mon cercle de connaissances, ces 150 propositions ont généré un cri unanime: ah, les cons!

  • Tous les moyens sont bons pour divertir le bon peuple.
    C’est un retour aux combats des arènes romaines.
    Décidément, quand il s’agit de rester au pouvoir, les neurones s »agitent, et trop souvent pour le pire.

  • Toute activité ayant par définition un impact sur l’environnement, l’écocide est le paralysant ultime de l’action humaine. En poussant le raisonnement à son terme logique, faire naître un enfant est écocide.

    Rarement une idée a pu être plus anti-humaniste. C’est sans doute ce qui a retenu le bras des législateurs depuis plus de 80 ans que cette idée criminelle a germé dans des esprits nécrosés, fascinés par le mal absolu.

  • Si ça passe, pas sûr que le recrutement suive.
    Bizarrement ce ne sont pas les bobos écolo-sensibles qu’on retrouve le plus dans les armées.
    L’idée que des hommes risquent volontairement leurs vies pour satisfaire les caprices de quelques cuistres en quête de sens et de reconnaissance, est un doux rêve.

    • Vous avez raison, ça paraît fou. Mais l’obéissance au pouvoir élu est inscrite profondément dans les gènes de l’Armée, qui n’est plus composée d’appelés mais de soldats professionnels. Si le pouvoir politique tombe dans les dérives pointées par l’article, l’outil militaire suivra, soyez en sûr.
      Et si la force de frappe médiatique est là aussi, l’opinion suivra probablement aussi.

      • Vous avez également raison mais je pense que ce sont plutôt les hautes sphères militaires qui suivraient. Les MDR ou sous-officiers moins déjà. Et les candidats encore moins. J’ose espérer.

        Le problème c’est qu’au final ce n’est jamais bon quand l’armée n’est pas en accord avec la politique. C’est ce qui s’est passé dans les années 30 en France: un pouvoir politique républicain et laïcard, et les hautes sphères militaires plutôt royalistes et catholiques. Ce qui fait que le pouvoir politique n’avait aucune confiance en l’armée et vivait ainsi plus dans la crainte d’un coup d’état de l’armée française que d’une invasion allemande.

      • Exactement comme les bonnes âmes qui prônent un retour à la terre -Dominique Bourg, par exemple, un philosophe paraît il- en annonçant 20 à 30 % de la population aux champs.
        Qu’il montre l’exemple. Nous l’avons vu pendant le confinement, la main d’oeuvre ne se pressait pas au portillon pour les travaux des champs pour les fruits et légumes.
        Il se passera la même chose dans les villes, nous manquerons de personnel d’entretien pour biner les mauvaises herbes, faute de désherbants de synthèse. Par contre, sûr que vous trouverez du personnel pour le RSE (responsabilité sociale et environnementale) dans les mairies, qui plus est, catégorie A dans la fonction publique.

  • Le type qui a réussi à se faire élire en 2017 au nez et à la barbe des deux partis politiques traditionnels est dangereux.

    • Au nez et à la barbe ?
      Macron était encarté PS ministre de François « l’état c’est gratuit » Hollande, Castaner « crève les yeux » est un ex-UNEF, encarté au PS aussi comme les 2/3 de LREM.

  • Il reste à espérer qu’il y ait encore des électeurs suffisamment intelligents et sensés pour ne pas souscrire à ces idioties!

  • vu l’état des armées françaises…

    Au fait l’intervention, comment se fait-elle ? A pied puis à la nage ?

  • Merci de pointer les « signaux faibles », « ballons d’essai » et autres, qui indiquent les tendances de fond avant qu’elles ne se matérialisent par des changements de grande ampleur!
    Article très intéressant, qui met en lien des événements qui, pris isolément, peuvent sembler anodins mais qui, dans leur globalité, en disent peut-être long. En tout cas, assez pour éveiller notre vigilance.

  • Bah, ce ne sont que des mots pour asservir les foules, le Japon chasse toujours la baleine, on puise partout du pétrole, le bûcheron n’en finit pas de couper les arbres et les footeux roulent toujours à fond la caisse à en perdre les quelques neurones restantes après les abus de produits illicites… Attaquer le Brésil pour quelques arbres… Y a peu de candidats à se porter volontaire à une telle imbecilite… Hulo… Et ma mise en pli je fais comment en Amazonie ?

    • Au début ce ne sont que des mots. Pour qui sait les manier les mots sont des moyens puissants de mobilisation de masse.

  • La colonisation de la fin du xixe siècle ne fut-elle pas également justifiée par l’argument de la lutte contre l’esclavage que l’Europe venait d’abolir ? L’enfer est pavé de bonnes intentions.

  • On attend donc les expéditions militaires vertes avec des engins utilisant des énergies propres: sous-marins à éoliennes; tanks à moteur 100% électrique avec autonomie de 40 kms; avions de chasse actionnés par le vent; mitrailleuses à pédale; fantassins en trottinette etc…De quoi faire « trembler les ennemis de la verdure »

  • bon article, c’est ce que je me disais aussi..

    notez une chose; toute action humaine a un impact sur l’environnement et le « dégrade ».. donc tout est crime, ensuite l’ecocide st le crime le plus grave..comment définir l’échelle..???

    il est abyssalement inquiétant que des gens aient eu le mou tellement bourré qu’ils acceptent qu’on sanctionne un crime qu’il sont incapables de définir…

    • il y a encore moins d’un an quand on disait que l’écologisme avait ce qu’il fallait pour faire un totalitarisme, on avait des protestations…

  • Avant de régler le sort de l’Amazonie brésilienne, M. Macron pourrait peut-être se pencher sur celui de l’Amazonie guyanaise française dont l’état semble tout aussi problématique, à l’exception apparente du Centre Spatial de Kourou (et encore??)

  • Le crime d’écocide justifiera-t-il nos prochaines interventions militaires ?
    Il est conçu pour ça il serait étonnant qu’il ne soit pas utilisé. Plus généralement Les marionnettistes qui agitent Macron, ont prévu de contrôler le monde dans sa totalité en dehors, et au dessus de toutes notions d’histoire de Nation etc. Ils ne tarderont pas a débuter des procès staliniens avec la Greta comme procureur pour éliminer de la planète les esprits libres , les populistes, avoir une histoire et une culture sera bientôt, aussi, criminalisé !

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