Baisse surprise du chômage aux États-Unis

Contre toute attente, les chiffres du chômage ont baissé aux États-Unis entre avril et mai.

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Baisse surprise du chômage aux États-Unis

Publié le 8 juin 2020
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Par Philippe Lacoude.

Selon certaines prévisions, le rapport mensuel sur l’emploi aux États-Unis devait montrer que le taux de chômage était passé à 19,7 % le mois dernier. Les employeurs devaient avoir supprimé 8,25 millions d’emplois.

Mais contre toute attente, selon le Bureau des Statistiques du Travail (BLS), l’emploi salarié non agricole total a augmenté de 2,5 millions et le taux de chômage a baissé de 14,7 % en avril à 13,3% en mai. En avril, l’économie américaine avait perdu le record de 20,5 millions d’emplois.

L’activité économique avait été réduite en mars et avril en raison de la pandémie du Covid-19 et des extrêmes mesures de confinement pour la contenir.

Ces améliorations du marché du travail reflètent quelques signes encourageants apparus ces dernières semaines dans le domaine de l’emploi, avec le retour d’une partie des travailleurs suite à la réouverture d’une partie des entreprises.

Si elles ne sont pas sans problèmes, les données du BLS sont relativement fiables car issues de deux enquêtes mensuelles. La première enquête auprès des ménages mesure la situation sur le marché du travail, y compris le chômage, en fonction des caractéristiques démographiques.

La seconde enquête auprès des établissements mesure l’emploi non agricole, les heures et les gains par industrie. Si on peut s’attendre aux habituelles révisions de données dans les mois à venir, il y a peu de chances que le BLS se soit trompé de signe.

Enquête sur les ménages

Selon l’enquête auprès des ménages, le nombre de chômeurs a diminué de 2,1 millions pour s’établir à 21,0 millions.

Même si ces chiffres sont extrêmement encourageants, il reste énormément de chemin à parcourir avant le retour au plein emploi : depuis les records du niveau de l’emploi en février, le nombre de chômeurs a augmenté de 15,2 millions.

Parmi les principaux groupes de travailleurs, le taux de chômage des hommes de plus de vingt ans passe de 12,4 à 10,7 %. Celui des femmes adultes chute de 15,0 à 13,1 %, celui des adolescents baisse de 31,2 à 28,3 %, celui hommes noirs décroît plus faiblement de 16,1 à 15,5 %.

Seuls les Américains d’origine asiatique subissent une hausse de leur taux de chômage de 14,5 à 15,0 %, probablement à cause des secteurs économiques et des régions géographiques dans lesquels ils évoluent.

Le chômage partiel a diminué de 2,7 millions en mai pour s’établir à 15,3 millions, après une forte augmentation de 16,2 millions en avril. En mai, le nombre de chômeurs sans emploi depuis moins de 5 semaines a diminué de 10,4 millions à 3,9 millions. Soixante-dix pour cent des chômeurs étaient sans emploi depuis 5 à 14 semaines.

Le chômage de longue durée, six mois et plus, ne représente que 5,6 % de tous les chômeurs, soit 1,2 million de personnes, en augmentation de 225 000 au cours du mois. Pour référence, en 2019, selon l’INSEE, 40 % des chômeurs français étaient sans emploi depuis au moins un an.

Fait à la fois triste et prometteur, seuls 295 000 licenciements ont eu lieu en mai, chiffre comparable aux pertes mensuelles d’emploi aux États-Unis en période de récession.

Enquête sur les établissements

Selon l’enquête sur les établissements, le nombre total d’emplois salariés non agricoles a augmenté de 2,5 millions en mai (laissant donc apparaitre un écart entre les deux types d’enquêtes).

En mai, plus de la moitié du gain dans l’emploi total non agricole vient des secteurs de la restauration, de l’alimentation et des débits de boissons qui ont (re-)créé environ 1,4 million d’emplois après les fortes baisses d’avril et de mars de 6,1 millions combinés.

Suivent les loisirs et l’hôtellerie avec 1,2 million d’emplois. Cette hausse fait suite à des pertes de 7,5 millions en avril et 743 000 en mars.

En revanche, l’emploi dans le secteur de l’hébergement a continué sa chute vertigineuse en mai, avec une perte de 148 000 emplois, soit 1,1 million depuis février.

L’emploi dans la construction a augmenté de 464 000 en mai, récupérant près de la moitié de la baisse d’avril, aussi bien dans le résidentiel que dans le non résidentiel.

Dans le secteur de la santé, l’emploi reprend chez les dentistes, +245 000, les médecins, +51000, et les autres praticiens, +73 000.

L’emploi a augmenté dans le secteur de l’aide sociale, reflétant l’augmentation des services de garde d’enfants et de soins aux personnes âgées.

Fait amusant, l’emploi dans l’enseignement privé a augmenté de 33 000 personnes au cours du mois : les écoles publiques ont, pour beaucoup, complètement échoué à fournir leurs services en ligne, et certains parents ont dû pallier le problème avec du tutorat privé. Le remplacement n’est, hélas, que partiel puisque l’enseignement public (local aux États-Unis) a perdu 310 000 emplois, suite aux fermetures d’écoles.

En mai, l’emploi dans le commerce de détail a augmenté de 368 000 personnes, après une perte de 2,3 millions en avril. Exception à cette règle, les pertes d’emplois se sont poursuivies dans les magasins d’électronique et d’électroménager et, sans surprise, dans les magasins de pièces automobiles, d’accessoires et de pneus.

Enfin, l’emploi a continué de reculer dans l’administration publique avec une perte de 585 000 postes en mai après une perte historique de 963 000 en avril.

Les salaires

Une autre excellente nouvelle est que le salaire horaire moyen de tous les salariés non agricoles n’a diminué que de 29 centimes à 29,75 dollars, en mai, après un gain de 1,35 dollar en avril. Les gains horaires moyens du secteur privé pour les non-cadres ont diminué de seulement 14 centimes pour s’établir à exactement 25 dollars.

Ceci est extrêmement important : la crise actuelle n’a pas (encore) entamé les revenus. Comme nous l’avions vu dans un précédent billet, la classe moyenne a bénéficié de gains de revenu conséquents sous le président Trump.

La famille médiane a enregistré un gain d’environ 5000 dollars annuels depuis son entrée en fonction. Le revenu familial américain médian est maintenant de 65 666 dollars en décembre 2019 contre 60 973 dollars en janvier 2017. Sous les présidents G. W. Bush et Obama, les gains de revenus du ménage médian avaient atteint 400 dollars et 1043 dollars, respectivement, en huit ans.

Quelques ombres au tableau

Toutefois, il faut bien comprendre que la situation est chaotique. Il est donc probable que les enquêtes du Bureau des Statistiques du Travail (BLS) sont sujettes à caution.

Je ne veux pas entrer dans la méthodologie mais les révisions des mois précédents sont substantielles : pour mars et avril, l’emploi salarié non agricole total a été révisée à la baisse de 492 000 et de 150 000 emplois, respectivement, soit à peu près le niveau mensuel des créations d’emploi aux États-Unis en période « normale ».

Ensuite, il y a sûrement des effets de calendriers. Dans l’enquête auprès des ménages, les individus sont classés comme employés ou sans emploi dans la population active en fonction de leurs réponses à une série de questions sur leurs activités pendant la semaine de référence de l’enquête – du 10 au 16 mai – alors qu’une grande partie de l’activité n’a repris que durant la seconde moitié du mois.

La reprise sera également plombée par les règles bureaucratiques sur l’indemnisation du chômage introduites par la loi CARES sur le Covid-19. En effet, pour de nombreuses catégories de bas salaires, il est financièrement plus intéressant de rester au chômage partiel que de reprendre le travail : les législateurs fédéraux, soucieux du fait que certains employés de plusieurs industries – tourisme, restauration – vivent non seulement d’un bas salaire mais surtout de pourboires, ont fait en sorte que les indemnités de chômage partiel dans le cadre de l’épidémie paient davantage que le salaire de base.

Du coup, il existe toute une catégorie de personnes pour qui retourner à la situation quo ante signifie une perte de pouvoir d’achat.

Ce n’est pas anecdotique : selon des économistes de l’Université de Chicago, plus des deux-tiers des travailleurs concernés par le chômage partiel gagnent davantage au chômage qu’en travaillant –  jusqu’à deux à trois fois plus. Dans certains États, la colère des petits patrons est telle que les autorités locales commencent à dire timidement que ceux qui refusent de reprendre le travail pourraient perdre leurs allocations.

Enfin, une partie de la reprise économique dépend évidemment de l’évolution de la maladie ainsi que des réponses comportementales à celle-ci. Nous pouvons tout à fait imaginer que le trafic aérien, l’hôtellerie, les parcs d’attraction et les croisières souffriront durablement du Covid-19 même si le SARS-CoV-2 et toutes les barrières étatiques à la reprise disparaissaient soudainement.

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  • en france on ne comprend pas le systeme des états unis..
    si çà plonge en 30 jours , ça repart en 25 jours..
    Si on laisse la liberté de licencier , on retrouve la capacité a embaucher..
    lais çà en france , c’est impossible a expliquer a un peuple dont l’ambition ultime c’est d’être fonctionnaire

    • Surtout une entreprise en difficulté, grâce à la possibilité de licencier très rapidement, n’épuise pas sa Trésorerie à payer des employés qui ne font plus rien, à payer une URSSAF avec des années de retard, à payer des indemnités de licenciement etc…
      Au total l’entreprise ne meurt pas, « sporule » en attendant la pluie salvatrice suite à une sécheresse délétère, et réapparait en pleine forme dès celle-ci arrivée.
      En France on épuise toutes les ressources financières de l’entreprise en favorisant sa disparition définitive. Ce n’est qu’une fois la graine définitivement stérile que l’on arrête de s’acharner sur elle.
      Par la suite notre état, nos régions, nos maires, pour des raisons électorales, cherchent des repreneurs à grand coups de subventions s’appuyant sur des promesses quasiment jamais tenues…

  • Aux USA, tant le licenciement ( lay-off ) que la suspension du contrat avec maintien des droits sociaux ( furlough ) font partie intégrante de la vie des entreprises et ont des règles claires et un effet immédiat, connu des travailleurs et des employeurs ( pas de preud’hommes intervenant deux ans après ). Aux USA toujours, la volonté de reprendre le travail fait partie de la culture – et d’une nécessité de faire face aux emprunts à rembourser -. Il en résulte un rebond beaucoup plus rapide de l’activité économique, sans beaucoup d’états d’âme sur la  » société-d’après-plus-écologiquement- socialement-juste-si-pas-carrément-moyennageuse ».

    • « la volonté de reprendre le travail » n’est pas uniquement liée à la « nature » des américains. L’absence d’édredon social est probablement la principale cause. Et cette absence est bien ancrée dans l’esprit de tout un chacun là-bas. Si on veut s’en sortir (légalement) il est IMPERATIF de travailler…

      • Peut-être aussi que l’absence d’édredon social vient de la volonté de la majorité des Américains de travailler, justement. Car l’édredon, quand il existe, n’existe pas de lui-même, mais il est le fruit de la volonté des hommes.

  • « Les données du BLS sont relativement fiables »
    « Il y a peu de chances que le BLS se soit trompé de signe »
    « Il est donc probable que les enquêtes du Bureau des Statistiques du Travail (BLS) sont sujettes à caution »

    A tort ou à raison, cette statistique est un des moteurs de l’évolution des marchés US. Si on s’aperçoit qu’elle n’est pas fiable, c’est la catastrophe.

    Quant au salaire moyen en hausse, c’est un effet statistique en trompe-l’œil, l’éviction des jobs les moins bien payés, plus affectés par les licenciements, poussant la moyenne à la hausse. Il ne faut pas y voir une tendance significative. Plutôt attendre un retour à la normale dans les prochains mois.

    • L’information est finalement tombée. A peine quelques heures après sa publication, la statistique a été corrigée d’une toute petite erreur de 5 millions de chômeurs malencontreusement comptés comme actifs.

      Bref, contrairement à ce qui avait été annoncé, l’emploi a continué à régresser en mai aux USA, le chômage passant de 14,7% en avril à pratiquement 17% en mai.

      Le BLS a démontré qu’il n’était pas fiable. La catastrophe a donc eu lieu.

  • Enfin, l’emploi a continué de reculer dans l’administration publique avec une perte de 585 000 postes en mai après une perte historique de 963 000 en avril.
    des chiffres qui font rêver…

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