Plan de relance : la France trop faible pour s’en sortir ?

La perte de richesse due à la désindustralisation a plombé notre économie car il a fallu que l’État intervienne pour soutenir le niveau de vie de la population. Impôts et dette explosent donc.

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Plan de relance : la France trop faible pour s’en sortir ?

Publié le 6 juin 2020
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Par Claude Sicard.

Notre ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, prépare un plan de relance pour la rentrée, mais on est certain, d’ores et déjà, que les moyens financiers dont il pourra disposer seront tout à fait insuffisants.

La France est, en effet, une économie vulnérable : parmi les pays européens, elle est l’un de ceux qui va avoir le plus de difficultés à sortir indemne de la crise du Covid-19 que nous venons de traverser.

Avant même cette crise, l’économie française était à la peine. En Europe, il faut le rappeler, notre pays, en matière de PIB/tête, ne se situe qu’en onzième position seulement :

Depuis  bien des années, tous les clignotants de l’économie sont au rouge : le taux de croissance du PIB est en moyenne inférieur à celui des autres pays européens, le budget de l’État est régulièrement en déficit, les prélèvements obligatoires sont bien plus élevés que partout ailleurs, la balance commerciale du pays est chaque  année négative, et le taux de chômage est anormalement élevé. Pour faire face à toutes ces difficultés, l’État a eu sans cesse recours à l’endettement, si bien  que la dette extérieure du pays a fini par se hisser à la hauteur du PIB.

Si donc l’économie française se trouvait en difficulté, avant même la crise actuelle, cela résultait d’un phénomène dont on ne mesure que seulement aujourd’hui toute la gravité : la fonte régulière, d’année en année, du secteur industriel du pays.

Les Français n’en prennent conscience que seulement aujourd’hui, avec la crise du coronavirus qui a servi de révélateur. À la fin des Trente Glorieuses le secteur industriel de la France était puissant : il employait 6,5 millions de personnes et représentait 28 % du PIB.

Aujourd’hui, les effectifs industriels se sont considérablement réduits : ils ne sont plus que de 2,7 millions de personnes, et le secteur industriel ne contribue plus que pour 10 % seulement à la  formation du PIB.

Normalement, il devrait s’agir de 20 %, et l’on sait que des pays comme l’Allemagne ou la Suisse se situent bien au-dessus. Actuellement, la France est donc le pays le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part.

La France étant un pays où l’on aime bien raisonner en théoricien et non pas d’une manière pragmatique, nos dirigeants, et avec eux leurs conseillers, se sont fondés sur la théorie dite des « trois secteurs de l’économie » qui voudrait qu’une économie moderne soit une société « post industrielle », c’est-à-dire sans industrie, en sorte que le déclin de notre industrie a été considéré comme le signe normal de la modernisation du pays.

En fait, la théorie des trois secteurs de l’économie que Jean Fourastié avait dégagée de ses travaux, en 1946, a été caricaturée. Un pays moderne n’est pas un pays sans industrie, mais bien, plutôt, un pays doté d’un secteur « hyper-industriel », c’est-à-dire un secteur ayant, certes, des effectifs qui se sont réduits mais où les emplois sont à très forte valeur ajoutée. Jean Fourastié avait raisonné en termes d’effectifs, mais non pas de  valeurs ajoutées.

Lorsque l’on établit, en effet, une corrélation entre la production industrielle des pays (calculée par habitant), et les PIB per capita de ces pays, on note un coefficient de corrélation étonnamment élevé, supérieur à 0,93. Cela signifie que la production industrielle des pays est bien la variable explicative de leur richesse. C’est ce que montre le graphique ci-dessous :

(Source BIRD : prod. indus yc construction)

La France a une production industrielle par habitant faible, et il en résulte donc un PIB/capita limité. C’est la Suisse qui se trouve en tête, dans ces comparaisons internationales, avec une production industrielle par habitant extrêmement élevée et un PIB/capita double du nôtre : un peu plus de 80 000 dollars, alors que nous en sommes à 41 460 dollars seulement.

Le secteur industriel français est, aujourd’hui, à la moitié de ce qu’il devrait être : il lui manque environ 1,8 million de travailleurs. Si ces emplois existaient, ils induiraient, dans le secteur tertiaire, pour le moins 3,6 millions d’emplois : il n’y aurait donc plus de chômage, et l’économie du pays serait très prospère.

Grâce aux techniques de l’économétrie, il est aisé de calculer la richesse dont la France s’est privée en abaissant à 10 % du PIB la contribution de son secteur industriel, au lieu de 20 % qui serait le bon niveau. Le calcul auquel nous avons procédé aboutit à la conclusion que la perte de richesse due à l’affaissement très important de notre secteur industriel se monte à la somme de 268 milliards d’euros.

On peut tenter de recouper ce chiffre par une approche plus empirique fondée sur une estimation des emplois  manquants : on arrive, alors, au chiffre de 423 milliards d’euros. Il parait donc possible de retenir de ces deux approches le chiffre moyen de 350 milliards d’euros.

Cette perte de richesse a complètement plombé notre économie car il a fallu que l’État intervienne pour soutenir le niveau de vie de la population. La compensation s’est faite d’une part par de l’endettement, chaque année, et, de l’autre, par une montée inexorable de la pression fiscale. La dette extérieure du pays n’a donc pas cessé de croitre, et les prélèvements obligatoires, de leur côté, sont peu à peu devenus les plus élevés de tous les pays de l’OCDE.

Si notre industrie n’avait pas fondu comme elle l’a fait, le pays n’aurait pas eu à augmenter sa dette de quelque 80 à 100 milliards d’euros chaque année, et les prélèvements obligatoires se situeraient à la hauteur de ce qu’ils sont dans les autres pays européens. Les 350 milliards manquants ont été compensés par 100 milliards de dette de plus, ces dernières années, et 250 milliards de prélèvements obligatoires de trop.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis une trentaine d’années ont été coupables d’avoir laissé fondre notre secteur industriel, et nous en payons très cher, aujourd’hui, les conséquences.

Déjà la révolte des Gilets jaunes avait été la traduction de la grave désindustrialisation du pays : dans l’urgence, Emmanuel Macron avait du lâcher 17 milliards d’euros, mais cette somme n’était rien en regard de la privation de richesse résultant de la désindustrialisation du pays. Aussi, les Gilets jaunes n’ont-ils nullement mis fin à leur jacquerie, car le compte n’y était pas.

On n’a jamais expliqué au peuple français que du fait de la fonte de notre secteur industriel, l’économie du pays se trouve privée de 350 milliards d’euros, chaque année, et le pays veut vivre, néanmoins, comme si ce phénomène ne s’était pas produit.

Il s’agit pour la France d’un problème structurel, et le plan de relance que notre ministre de l’Économie va présenter à la rentrée risque fort de se trouver tout à fait insuffisant au regard des 350 milliards d’euros manquant à l’appel.

La crise que nous traversons est d’une gravité extrême. Aux États-Unis, Donald  Trump a lancé un plan massif pour « sauver l’économie », un plan « audacieux et plus important que ce qui n’a jamais encore été fait », a dit le président américain. Et Steve Mnuchin, le Secrétaire d’État au Trésor, a laissé entendre qu’il pourrait s’agir de 1000 milliards de dollars.

En Europe, la Présidente de la Commission Ursula von Leyen fait de même, « pour aider le continent à sortir d’une récession sans précédent ». Elle a annoncé le  chiffre de 750 milliards d’euros. Ce plan qui sera financé par un grand emprunt européen est donc l’équivalent du plan américain.

La France serait  le quatrième bénéficiaire du plan d’aide européen, avec une somme de 38,7 milliards d’euros, composée à la fois de subventions et de prêts. Nous sommes dans une situation exceptionnelle et des dispositions « exceptionnelles » sont donc adoptées ; mais la somme octroyée par Bruxelles à notre pays parait particulièrement faible. Puissent donc les chiffrages que nous présentons, ici, servir d’argument à notre ministre pour obtenir de l’Union européenne bien plus que ce qui est actuellement prévu.

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  • Les plans de relance finissent par l’augmentation des prélèvements!
    L’augmentation des prélèvements affecte les prix , les prix aiguillent
    le client vers des produits importés(moins chers) qui déstabilisent la balance des payements, et en plus créent du chomage en france..

    Conclusion les aides sociales favorisent la consommation de produits importés( moins chers) et créent du chomage!
    et les plans de relance c’est pareil.. Mais l’etat s’en fout puisque seule la TVA est son objectif..

  • un pays qui base son économie sur les services , le tourisme et l’argent gratuit déversé à tombeau ouvert finit toujours par s’écrouler ;

  • Il y a deux sortes de « services » : ceux qui sont consommés par des producteurs primaires et ceux qui sont consommés par l’homme. Il est bien évident que les premiers n’existent que si la production primaire existe et il est tout aussi évident que les services consommés par le consommateur humain doivent être payés par une production primaire quelque part. C’est la production primaire qui entraine le reste. Seul le tourisme peut sortir de ce schéma mais les pays qui ne vivent que du tourisme ne sont pas les plus enviables. L’importance du tourisme pour la France signe d’ailleurs son coté sous-développé.

  •  » obtenir de la CEE bien plus que ce qui est actuellement prévu.  »

    Pour en faire quoi ?

    Transformer l’eau en vin ? Ce n’est pas un concept pour notre république laïque…

    La seule chose que savent faire nos bras cassés, c’est acheter des clopes et des tickets à gratter avec ce pognon, en promettant éventuellement une obole sur un ticket gagnant.

  • oui la menace écologique, inspirée par l’allemagne , nous taille des croupieres

    • Et le fameux « sauvetage de la planète » nous donnera certainement l’occasion de gaspiller encore un peu plus…

  • Pour les gilets jaunes Macron n’a pas « lâché » 17 milliards ,ce sont des taxes et prélèvements à venir qui n’ont pas été activés.

    • Merci de rétablir ce fait. Ne pas voler quelqu’un ne signifie pas lui donner quelque chose.
      De la même manière, ne pas dépenser un argent que l’on a pas ne signifie pas que l’on a des économies à dépenser…
      C’est ce qui est pénible à la fois dans les médias et dans les articles qui fleurissent un peu partout. L’argumentation se base sur des chiffres qui circulent, dont ceux qui les utilisent ne se donne pas la peine de comprendre comment ils ont été calculés et sur quelles hypothèses, et qui deviennent des vérités incontournables.
      Il serait bon que tout ce petit monde travaille un peu avant de s’exprimer, par écrit ou par oral.
      L’histoire récente nous a encore donné un exemple avec les « 300 ou 400 00 morts en France si on ne confine pas » ou encore les « vies sauvées grâce au confinement ». Personne ne s’est donné la peine d’aller lire le papier de l’Imperial College et encore moins de regarder les hypothèses plus que discutables prises (en particulier que l’intégralité de la population mondiale serait infectée… ce qui ne s’est jamais vu de mémoire d’épidémie)…
      Un chiffre n’est jamais faux par contre la manière dont on y arrive est souvent discutable. Dites-moi le résultat que vous voulez et je me fais fort de trouver la méthodologie pour y arriver.

    • Un grand classique. Par exemple, dans les dépenses fiscales, il y a les taux réduits de TVA, une TVA qui n’est pas au taux maximal, c’est une anomalie. Chez ces gens là, quand on ne prélève pas 100%, on fait un cadeau.

    • oui ! De toutes façons, l’Etat ne possède que nos impôts.

  • Et après avoir démoli notre économie ils s’attaquent à l’agriculture, dernier secteur, à part le luxe, où la France exporte! Déjà l’Allemagne et les Pays-Bas nous ont dépassé. Mais avec les conneries écologistes: interdiction des pesticides, bio, ferme des mille vaches, etc… ils sont en train de le détruire!

  • C’est la destruction-création,concept souvent mis en avant sauf que chez nous on s’arrête à destruction!

  • Si l’industrie fuit la France c’est parce que les impôts et réglementations en tous genres ne lui permettent plus d’être compétitive.
    La solution n’est donc pas un plan de relance qui aggraverait encore notre dette, mais un plan de liberté: moins d’Etat, davantage de liberté.
    Et en plus cela ne coûterait rien.

  • L’économie française s’est désindustrialisée par l’effet de deux facteurs principaux: l’introduction de l’euro en 2000 ,simultanément à celle des 35 heures.
    Les subventions ne seront qu’une aggravation de la situation car subventions = impôts + dette, comme on le constate depuis 20 ans

  • oui, et malheureusement, nos dirigeants semblent persuadés que tout est affaire d’argent. Il y au contraire une politique qui ne coûte rien et qui est très efficace, c’est celle qui consisterait à abattre des pans entiers de réglementation. C’est amusant de constater qu’on a souvent introduit de la réglementation et des contraintes en évoquant les emplois créés (écologie, contrôles de toutes sortes).

  • je ne suis pas certain que la france ait été un des champion industriel de l’europe… reste qu’en france il ya bien eu un discours les usines c’est dépassé..

  • La perte de richesse due à la désindustrialisation a plombé notre économie car il a fallu que l’État intervienne pour soutenir le niveau de vie de la population.

    Tout est faux dans cette introduction et le reste n’est pas meilleur.
    Une régulation et une fiscalité aussi stupide que punitive ont engendrée la désindustrialisation et l’état n’est en rien un soutien, mais l’origine du problème. Les dirigeants n’ont pas « laissé fondre » l’industrie, ils l’ont tuées !
    .
    On ne parle même pas de la conclusion qui invite l’état le plus obèse au monde à encore plus de dépenses. Je me demande ce que vient faire cet article sur Contrepoints !?

    • merci de redresser les choses.
      la désindustrialisation est dû d’abord à l’action de l’Etat qui a tout fait pour plomber ce secteur à coup de normes et une fiscalité confiscatoire du capital. Or l’industrie est le secteur qui nécessite le plus de capital.

  • Le sous-titre de cet article (repris un peu plus loin) est une perle : « La perte de richesse due à la désindustrialisation a plombé notre économie car il a fallu que l’État intervienne pour soutenir le niveau de vie de la population. »
    Si « l’État » a le pouvoir magique de « soutenir le niveau de vie de la population », pourquoi donc se soucier de désindustrialisation ?
    Les hommes de l’État ne sont pas ce pouvoir. Le seul pouvoir dont ils disposent n’a rien de magique : grâce au monopole de la violence légale, la seule chose qu’ils peuvent faire c’est de prendre aux uns pour distribuer aux autres, en se servant largement au passage. Ce faisant ils abaissent déjà le niveau de vie de ceux à qui ils prennent mais pas seulement.
    En effet, la redistribution étatique ne peut se faire qu’au détriment des individus les plus productifs de la société (exemple : producteurs de pétrole), au profit d’individus ou de groupes d’individus moins productifs (exemple : producteurs d’électricité photovoltaïque ou éolienne), pas productifs du tout (exemple : bénéficiaires de minimas sociaux qui ne travaillent pas au noir), et contre-productifs (exemple : agents de l’État dont le travail consiste à produire et faire appliquer des réglementations qui empêchent les individus productifs de produire). Ce faisant, les hommes de l’État favorisent les producteurs médiocres, les non producteurs et les contre producteurs au détriment des producteurs efficaces (ceux qui satisfont au mieux les demandes volontairement exprimées de leurs clients). En provoquant nécessairement une baisse de la production de biens et services utiles à la population par rapport à ce qu’elle serait sans leurs interventions, les hommes de l’État ne peuvent que baisser le niveau de vie de la population en général.
    La conclusion qui s’impose est inverse de celle de l’article. Si on veut que l’industrie renaisse dans notre pays, il faut réduire drastiquement les interventions des hommes de l’État. Il ne faut surtout pas de « plan de relance », qui ne fera qu’amplifier les effets ci-dessus décrits.

  • @ange te démon
    Entièrement d’accord sur le 1er paragraphe.
    Sur le 2e, le président Trump a eu deux actions contradictoires, l’une bénéfique (la baisse des impôts et la suppression de règlementations), l’autre néfaste (la poursuite de la création monétaire, qui est aussi un impôt, soit disant pour « soutenir » l’économie, mais qui ne contribue qu’à la couler).

  • bonjour,
    pourquoi ne pas avoir placé l’irlande le luxembourg et la norvege sur le second graphique?

  • Les commentaires sont fermés.

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