États d’urgence : quand l’exception devient toujours la règle…

Par un simple calcul, depuis novembre 2015, nous avons passé 50 % de notre temps en état d’urgence ! 829 jours ! 27 mois ! 2 ans et 3 mois !

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États d’urgence : quand l’exception devient toujours la règle…

Publié le 31 mai 2020
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Par Florent Ly-Machabert.

C’est son visage que l’on voit sur les billets de 100 dollars. Benjamin Franklin. Cet Américain dont nous n’avons pas fini de ruminer l’une des réflexions les plus profondes du XVIIIe siècle et qui vaut encore aujourd’hui :

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

Nous oublions souvent la fin de cette citation. Or c’est bien cela qui pourrait attendre les Français, si prompts, pour leur part, à sacrifier beaucoup de liberté, pourtant mise en exergue dans leur devise républicaine, pour un peu de sécurité.

Contre des émeutes un jour, contre le terrorisme le lendemain, contre une pandémie aujourd’hui : à l’image des États totalitaires, mais dans une version douce dont Tocqueville avait pressenti qu’elle constituerait une inéluctable dérive de la démocratie, c’est à chaque fois pour notre Bien – la lutte contre le djihadisme, la science, que sais-je – qu’on nous confisque notre liberté, nos libertés fondamentales, et qu’on muselle les libertés publiques.

Ce totalitarisme est bel et bien doux, puisqu’il avance masqué et qu’il a fait siens deux concepts que nos gouvernants appliquent avec une sournoise détermination : d’abord, la technique du « grignotage », lente et presque invisible, mais qui réduit progressivement le champ des libertés individuelles, à la faveur d’une lutte pour des principes censément supérieurs ; ensuite, l’effet cliquet qui interdit tout retour en arrière une fois les pratiques ancrées dans le quotidien.

Par un simple calcul, depuis novembre 2015, nous avons passé 50 % de notre temps en état d’urgence ! 829 jours ! 27 mois ! 2 ans et 3 mois ! Quelle que soit la façon dont on l’exprime, on ne peut que s’étonner que cette forme d’état d’exception soit en fait devenue la règle.

Nous sommes en avril 1955 quand, à la demande du Président René Coty, le second Gouvernement d’Edgar Faure promulgue une « Loi relative à l’état d’urgence » permettant, sous certaines conditions, aux autorités administratives de restreindre certaines libertés, sans saisir l’autorité judiciaire donc.

Passons sur les trois épisodes d’activation de l’état d’urgence en lien avec la Guerre d’Algérie (« Toussaint rouge », le Mouvement du 13 mai 1958 et le Putsch des généraux) ou des évènements ultramarins (en 1985-1987), pour nous attarder sur les trois derniers états d’urgence.

État d’urgence en 2005

D’abord en 2005, en raison des émeutes qui enflamment nos banlieues, avec prorogation de trois mois à l’issue de son premier déclenchement. Étrangement, ce dispositif a été activé pour favoriser des couvre-feux alors même que les maires détiennent déjà ce pouvoir.

Contre la menace terroriste

Ensuite entre le 14 novembre 2015 et le 1er novembre 2017, moyennant six prorogations. Notons au passage qu’une proportion très significative des dispositions mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence pour lutter contre la menace terroriste est, depuis novembre 2017, entrée dans le droit commun, ce qui signifie que même après la levée de l’état d’urgence, nous étions pour ainsi dire encore sous ce régime d’exception : désormais, la loi met de facto à l’écart le juge judiciaire en matière d’outils de surveillance (bracelets géolocalisables) et de moyens de sécurité (assignations à résidence, parfois sur un simple soupçon), dont la décision et la mise en œuvre incombent à présent aux seuls ministre de l’Intérieur et préfets.

État d’urgence sanitaire

Enfin, depuis le 23 mars 2020 et jusqu’au 10 juillet prochain (au moins), nous vivons, en plus des dispositions ci-dessous résultant du précédent état d’urgence (logique du grignotage), en état d’urgence sanitaire, qui autorise un tracing relativement poussé des Français, à l’utilisation duquel il sera ensuite très difficile pour l’exécutif de renoncer (effet cliquet) : instauration d’un premier fichier « Contact Covid » par l’Assurance maladie, d’un second « SI-DEP » pour Service Intégré de Dépistage Et de Prévention et forte incitation des Français à télécharger une application dédiée, « StopCovid », aux contours encore flous et qui, dans le seul pays à l’avoir mise en œuvre, l’Australie, est très loin d’avoir fait ses preuves.

D’aucuns rétorqueront que le Conseil d’État, saisi en référé par des associations sur deux sujets distincts, a débouté le gouvernement le 18 mai dernier, faisant droit aux inquiétudes exprimées par la société civile devant des mesures manifestement disproportionnées (la surveillance des Parisiens par drones et l’interdiction du culte catholique en public).

Mais au moins l’une de ces deux décisions, celle concernant Paris, est en réalité une victoire en trompe-l’œil, puisque l’ordonnance du Conseil d’État est extrêmement révélatrice, en réalité, et du grignotage de nos libertés et de l’effet cliquet : à y regarder de plus près, l’Autorité administrative légitime en effet le double principe d’une surveillance collective et celui d’une identification possible des visages, c’est-à-dire d’une surveillance individuelle. En état d’urgence, même les bonnes nouvelles n’en sont plus…

À la faveur d’un petit virus, nous voilà donc en train de franchir, insensiblement, un pas de plus vers la « société liquide » chère à Zygmunt Bauman, qui emprisonne un nombre toujours plus grand d’individus, les privant de revenus, de liberté et d’énergie.

Voir les commentaires (32)

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  •  » une nation de moutons engendre toujours un gouvernement de loups  » ;

    • Mouais…

      A la limite des gros clebs bâtards

      Mais ils font autant sinon plus de dégâts que les loups, et contrairement à ces derniers, ils massacrent du mouton juste pour le plaisir…

  • Les hommes politiques aiment se gargariser de mots magiques genre état d’urgence.
    Ce ne sont que des mots, la dernière urgence, sanitaire, efficacité médiatique maximum sur le terrain.. Rien de spécial consernant la santé, seulement de la gêne maximum pour la population, l’action doit se voir. On vous compte même chaque soir le nombre de morts si jamais vous oubliez que vous souffrez pour rien.

  • çà fait belle lurette que les français ont renoncé a leur liberté , pour un « statut », des allocations , des primes et ce qu’ils pensent etre « gratuit » ou un droit alors qu’ils le payent plein pot

  • Très rigolo, c’est un service Google, votre ami pour la vie…..donc on nous a enfumé, la, c’est foutu. C’est entré de force dans tout ce qui est connecté à internet…. Je n’ose pas imaginer les choses cachées de cette application qui est sans doute totalement indeverrouillable même si on a l’impression que l’on peut… Même les bagnole je suppose !

    • Ça c’est pour Android, ma tablette est infecte, qu’en est il pour Apple et Microsoft et Huawei avec os chinois ?

      • Vous vous baladez avec un casque anti-onde en aluminium ?

        • C’est ainsi qu’on devient ce qu’on ne voudrait pas être, un troll, un type qui ne pense pas ce qu’il dit mais aime foutre la merde la où il passe.
          Un état qui fout sur la toile un virus, c’est comme ça qu’on appelle quelque chose qu’on ne veut pas et chat bleu dit que c’est beau, magnifique, fantastique, incroyable…jusqu’à traiter les gens de fous a lier….bah la belle vie ne dure u’un temps lorsqu’elle est au détriment des autres, bon bannissement de ce site.

  • La petite bête… sérieux…
    Que vous répandiez vos théories sur l’ordre mondial global machin, certes, mais que vous propagiez ces fadaises sur l’appli, c’est grave.
    Petit point : l’appli a été développé SANS Apple et Google (contrairement à l’Allemagne) mais selon votre site de désinformation, elle pourrait s’installer peinard, en toute illégalité et en violant une flopée de sécurités.. ben voyons. Mais comme c’est une appli sympa, elle ne se cache pas vraiment et il est tout facile de la désactiver.
    Bien sûr bien sûr.

    • Avant de causer tu fais un tour dans paramètre, applications et google et tu trouves cov quelque chose un truc qui ne devrait pas être la mais, comme tout le monde le sait, un service Google n’est jamais desinstallable et inactif même si on peut le faire, il se réinstalle automatiuement, il est au cœur d’android.

      • Je vérifie à l’instant sur mon téléphone, et vous oubliez un touuuut petit détail.. la phrase « Pour activez les notifications d’exposition au COVID-19, ouvrez une application disponible ».
        Ben oui.. pas d’application sur mon téléphone, c’est kon hein.. Et il demande en plus que, une fois l’appli installée, faut lui permettre d’échanger en bluetooth.
        Et svp, évitez de me tutoyer. On n’est pas une fête de l’Huma.

        • Et bien moi, franchement, je vous aime bien comme poil à gratter.

        • C’est vrai, il faut une application, ce n’est qu’une api. Disponible pour qui veut l’utiliser et pas forcement un idolâtre de la la vie privé il faut être croyant en notre dieu google.. Il filtre.

    • J’ai seulement constaté que j’avais un machin covid 19 sur min téléphone alor que je n’ai rien demandé, ni téléchargé.

  • L’interdiction des manifestations va être permanente.

  • C’est le propre des états totalitaires de toujours avoir une bonne raison de maintenir un état d’urgence !!!! mais quoi d’étonnant les français en redemandent !!!!

    • On est en vigie pirate depuis au moins 40 ans, l’urgence sanitaire existait deja avant sa déclaration donc on va devoir s’y habituer. Des que quelque chose ne va pas on déclare une urgence et en fait on ne fait rien.. Donc demain on est en urgence économique… 3 urgences simultanément, trop forte la france mais résistera t elle a L’urgence banlieue en flammes.?

      • @Avorton
        Bonsoir,
        +1
        La première mouture de Vigipirate remonte à 1978.
        « [Le plan Vigipirate] vise à associer tous les acteurs de la nation susceptibles de contribuer à la vigilance, à la prévention et à la protection contre la menace terroriste : l’État, les collectivités territoriales, les opérateurs, les citoyens. »
        Les opérateurs (?) et les citoyens ont été mis de côté.

    • @robin 35
      Bonsoir,
      « Dans la Liberté, Nécessité est le plaidoyer pour chauqe infraction aux libertés humaines. Cest l’argument des tyrans ; c’est le crédo des esclaves. » – William Pitt à la Chambre des Communes, 1873.

  • Oui tout çà pour rien, le résultat est catastrophique, c’est toujours le bordel dans le pays. On libère 14000 détenus et vous appelez çà une atteinte aux libertés. Les immigrés entrent comme si de rien été. Allons soyons sérieux, c’est un pays au bord du cataclysme, il va exploser.

  • décréter des états d’urgence est la seule chose qu’arrivent à faire nos politiques (pondre du texte).

  • Désactivez le bluetooth et basta. Il ne sert pas souvent, sauf écouteur.

  • Les commentaires sont fermés.

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