Pour une politique de « hauts de bilan » solides

Un haut de bilan solide renforce la valeur de l’entreprise lors d’une cession mais surtout cela lui permet de faire face plus facilement à des crises comme celle que nous traversons.

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Pour une politique de « hauts de bilan » solides

Publié le 23 mai 2020
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Par Patrick Renault.

La crise sanitaire que nous traversons sera bientôt une crise économique sans précèdent par temps de paix. Elle laissera durablement des traces dans les familles, dans des secteurs entiers de l’économie mais aussi dans certains métiers surexposés qui auront été les soldats de cette guerre sanitaire.

Une chose est certaine : le monde économique ne sortira pas indemne de cette crise brutale et violente à laquelle personne n’était préparé. Et quoi qu’en disent certains, nous étions et nous sommes tous débutants face à une telle situation inédite dont les impacts restent encore peu connus à moyen et long terme, tant au niveau économique que sociétal.

Mais nous pouvons déjà en tirer certaines conclusions relatives au monde de l’entreprise et constater que nos entreprises pour la plupart sont dans l’incapacité de faire face à une perte d’activité de plus 30 jours, soit 8 %…

L’une des raisons de cette incapacité, est la faiblesse de leurs « hauts de bilan », qu’elles soient petites ou grandes, puisque l’État sera intervenu quelle que soit leur taille pour apporter sa garantie lors du déblocage de prêts (PGE) en soutien de leur fonds de roulement et donc leur permettre de survivre.

Des entreprises fragilisées

Mais à pointer du doigt la défaisance du « haut de bilan », revient à remettre en cause un certain nombre de rouages du monde de l’entreprise.

— Son financement lors de l’amorçage ou lors de son développement : jamais je n’ai vu une seule banque demander à un dirigeant de modifier ses statuts avant un financement pour y intégrer statutairement la constitution de fonds propres de sécurité prenant en compte les risques et besoins de l’activité financée parfaitement connus et identifiés par le monde de la banque.

Pourtant cette sécurité serait bien plus pertinente pour un banquier financeur que de demander la caution personnelle du dirigeant que celui-ci signe tout en sachant qu’il sera dans l’incapacité de rembourser la dette en cas de défaillance de son business.

— La solidification de la structure bilancielle d’une entreprise : elle n’est possible qu’après avoir payé l’impôt sur les résultats de la société et éventuellement distribué des dividendes. Je n’entre pas dans la polémique de la distribution des dividendes, sachant que s’ils étaient considérés comme la juste rétribution d’un risque assumé par un financeur, la vision du grand public serait peut-être différente.

Toujours est-il qu’avec ou sans dividendes il apparait que l’incitation à la solidification de l’entreprise n’existe pas, alors qu’il est bien entendu évident qu’un haut de bilan solide renforce la valeur de l’entreprise lors d’une cession mais que surtout cela lui permettrait, tout en préservant sa valeur, de faire face plus facilement à des crises comme celle que nous traversons, sans en ressortir criblée de dettes, ce qui en condamneront un grand nombre à terme, une fois que le filet étatique sera retiré.

Ce volet aurait pu et aurait dû être inscrit dans l’agenda de la Loi Pacte, car l’incitation à une gestion prudentielle à long terme ne peut qu’être plébiscitée par l’ensemble des acteurs économiques de notre pays : banques, État, investisseurs et bien entendu l’ensemble des salariés… car in fine bien moins coûteuse pour la collectivité puisque que solidifiante.

Alors, comment inciter l’entrepreneur à ce renforcement du « haut de bilan » ? l’investisseur de ne pas réclamer des dividendes trop tôt ? à repousser les fonds vautours à l’affut d’une croissance feu de paille sans lendemain pour l’entreprise ?… et surtout permettre au chef d’entreprise d’avoir du temps long pour redéfinir une stratégie, un axe de développement ou une réorientation de son activité ?

L’incitation fiscale au secours

Comme souvent dans notre pays où l’État-providence est omniprésent, il faudra en passer par l’incitation fiscale. Il parait donc urgent qu’un groupe de réflexion puisse être lancé sur une réforme statutaire ayant pour objectif le renforcement des fonds propres des entreprises qui serait soutenu par une réforme proposant une fiscalité avantageuse de tout ou partie des résultats de l’entreprise affectés en capital ou réserves à long terme incitant ainsi chaque chef d’entreprise à se discipliner, soit par obligation statutaire, soit par anticipation prudentielle.

Si cette mesure peut paraitre coûteuse de prime abord pour les finances publiques à court terme, elle sera sur le long terme un formidable amortisseur aux changements mais aussi aux à-coups conjoncturels, permettant un pilotage plus serein mais aussi et surtout une meilleure agilité pour nos entreprises donc nos emplois et les finances publiques.

Au moment où il est question de la dette laissée à nos enfants, sachons dès à présent construire aujourd’hui un tissu économique structuré et solide fort de nos expériences pour leur léguer une économie en capacité de faire face à l’avenir.

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  • De vieux professeurs recommandaient la règle des trois tiers, quelle que soit l’activité, les FP ne devant jamais descendre sous le tiers du bilan. Mais c’était un autre temps, un temps où il n’y avait pas de monétisation et de taux zéro, un temps où on ne considérait pas les FP comme du capital inutilement stérilisé, un temps où une entreprise ne rachetait pas ses propres actions en s’endettant encore plus.

  • Les fonds propres d’une entreprise, sont en synthèse, le capital, les réserves, les primes (d’apport, de fusion, d’émission, etc.) et le report à nouveau.
    Or, ces fonds propres, peuvent représenter des sommes importantes sur le papier, mais ne correspondre à rien de sonnant et trébuchant. C’est le cas du capital social, dont seulement 10% doit être effectivement mis en réserve et des primes qui correspondent plus à un jeu d’écriture comptable qu’à des fonds. Aussi, plutôt que de « fonds propres », ne faudrait-il pas parler simplement de trésorerie?

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