Ne laissons pas la crise du Covid instaurer un climat de censure

Opinion : le danger du renforcement du contrôle sur ce qui se dit dans la sphère publique d’internet est la censure des débats et des critiques s’appuyant sur des arguments un minimum sérieux.

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Ne laissons pas la crise du Covid instaurer un climat de censure

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 mai 2020
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Par Michel Kelly-Gagnon et Alexandre Massaux1.

Une crise peut en cacher une autre. Celle de la censure idéologique. Sous prétexte de lutter contre la désinformation médicale, les entreprises de réseaux sociaux et certains experts ont décidé de renforcer le contrôle sur ce qui se dit dans la sphère publique d’internet. Néanmoins, l’histoire d’Aaron Ginn démontre le danger d’une telle stratégie : celui de bloquer des débats et des critiques s’appuyant sur des arguments un minimum sérieux.

L’histoire d’Aaron Ginn : une compilation d’informations officielles censurée

L’article du Wall Street Journal d’Allysia Finley décrit l’histoire d’Aaron Ginn, un entrepreneur de la Silicon Valley qui a publié un essai intitulé Evidence over hysteria—COVID-19, le 20 mars 2020 sur le site Medium. Ce travail a été supprimé du site au motif qu’il contenait du contenu suspect, controversé ou extrême. Pourtant, la production d’Aaron Ginn est loin d’être fantaisiste : elle s’appuie avant tout sur des recherches universitaires et des données gouvernementales.

De plus comme le rappelle le Wall Street Journal, Aaron Ginn est entouré de scientifiques comme Michael Levitt (biologiste de Stanford et lauréat du prix Nobel de chimie 2013), John Ioannidis et Jay Bhattacharya (tous deux professeurs de médecine à Stanford), Joel Hay (professeur de pharmacie et d’économie de la santé à l’Université de Californie du Sud) et Neeraj Sood (USC économiste de la santé).

Ayant des origines chinoises, Ginn s’est montré méfiant vis-à-vis de l’utilisation par les Occidentaux des sources venant de la Chine et a décidé de mettre en avant des données officielles qui plaident pour une approche moins liberticide en termes de lutte contre le Covid-19. Cela a suffi à déclencher une levée de bouclier de la part « d’experts » et médias partisans du confinement, certains allant jusqu’à classer Quinn avec de vrais complotistes comme Alex Jones.

Ginn a été censuré car il manquait de sérieux selon ses détracteurs. Mais à l’heure où on remarque que le modèle dominant ayant guidé la stratégie du confinement a lui aussi ses failles, on doit se poser la question du modèle du débat public.

Il ne s’agit pas de prendre parti pour savoir si Aaron Gin a raison ou pas. Mais il est dangereux que le débat sur des mesures qui touchent toute la population soit refusé et que la censure soit pratiquée quand les informations ne vont pas dans le sens voulu. Une censure d’autant plus contreproductive car internet n’oublie rien : l’article de Ginn bien que supprimé peut être retrouvé et il a eu une influence chez certains politiques américains pour le déconfinement.

Le débat public plutôt que la censure

De manière générale, il est inquiétant que la censure devienne une norme dans nos démocraties. On critique celle du gouvernement chinois qui a empêché la population de Chine et le reste du monde de réagir de manière adéquate. On  critique aussi quand la démocratie illibérale hongroise de Viktor Orban profite de la crise du Covid-19 pour mettre en place des dispositifs visant à limiter la liberté d’expression.

Les censeurs dans nos démocraties réalisent-ils que ce sont ces modèles qu’ils copient ? Contrairement à ce que certains médias ou experts  affirment, la critique de la gestion de la crise coronavirus vient de tout horizon. Un certain nombre d’intellectuels comme le philosophe français Bernard-Henri Levy, ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que la santé devienne la valeur suprême et que les libertés soient restreintes au nom d’un pouvoir médical.

Nos sociétés se sont développées grâce à la confrontation des idées. Empêcher celle-ci ralentira la sortie de crise et laissera le champ libre à des personnes idéologues ou démagogues animées par des intentions liberticides et peu démocratiques.

De plus, le fait de refuser tout discours argumenté et sourcé contredisant le confinement n’aura comme résultat que de renforcer les vrais complotistes. Une censure totale sur internet étant en effet impossible, les partisans de la censure doivent choisir : accepter des critiques fondées ou les censurer et avoir la montée en puissance des complotistes extrémistes qui sont habitués à la contourner .

  1. Michel Kelly-Gagnon et Alexandre Massaux sont respectivement président-directeur général et chercheur associé à l’IEDM
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  • Coïncidence ? J’ai eu la très déplaisante surprise de voir Contrepoints censurer un commentaire à l’article sur Sanofi hier – trop ironique, peut-être ? ou jugé mal informé ? Dans les deux cas, une réponse argumentée aurait été plus à sa place que la censure.

  • la censure est affaire gouvernementale ; il faut trouver un nouveau mot pour qualifier ce qui se passe sur you tube ou autre, qui n’est pas une censure mais qui en a les effets..

    • Une censure peut être exercée par n’importe quel détenteur d’un pouvoir qu’il soit gouvernemental ou privé. Il me semble qu’il n’y a pas d’autre mot à trouver pour remplacer le terme de censure ; il y a seulement un adjectif à lui ajouter en fonction de celui qui a le pouvoir de l’imposer (à ceux qui reconnaissent ou subissent ce pouvoir).

      • Plus ils censureront, plus il y aura de complotistes extrémistes : la défiance (des gouvernants envers la population = censure) entraîne la défiance (dans le sens inverse = risque de complotisme)…

  • Ce qui est à craindre, c’est nos gouvernants misent sur la montée en puissance des complotistes extrémistes, justifiant et permettant de resserrer la vis à chaque cycle du manège infernal.
    Il y aura de moins en moins de liberté, la caste au sommet s’arrogeant tous les droits pour ne pas en descendre.

  • Très juste. Et comme il apparaît que cette épidémie n’est guère très mortelle (0,3%) ni extraordinaire (j’ai connu au moins deux épidémies du même genre dans ma vie sans qu’il y ait une telle surréaction, bien au contraire) qui nous garantit que désormais l’Etat d’Urgence Sanitaire qui paraît vraiment antidémocratique jusque dans son intitulé, ne s’appliquera pas à la grippe saisonnière, à la méningite etc… pretextes à attenter aux droits fondamentaux des citoyens et à créer une surveillance « sanitaire  » (pour notre bien évidemment!) permanente et intrusive? Orwell n’est pas loin!

    • Vous avez raison on pourrait le craindre, mais le marché heureusement, dicte encore sa loi.
      Mais que se passera-t-il lorsqu’une crise financière va suivre ?

    • Au-delà du seul taux de létalité du Covid-19 (dont je pense qu’il est un peu supérieur à 0,3%), nous avons un grand avantage dans notre malheur avec ce virus : nous connaissons précisément sa population-cible privilégiée : les personnes âgées + les personnes à facteurs de risques. Ce qui offre « l’avantage » de pouvoir les protéger en priorité, et de laisser les autres, qui courent moins de danger qu’avec la grippe saisonnière, vivre normalement. Surtout en y ajoutant un dépistage large. Tout cela permettant d’éviter la surréaction en question, dont le caractère d’aubaine pour les antidémocratiques de tout poil (pour imposer leurs mesures liberticides) saute aux yeux.

      • Ce qui devrait être un avantage se révèle une énorme vulnérabilité dans l’approche simpliste qui risque de conquérir la faveur de l’opinion publique. Vivre normalement, pour la majorité, c’est se moquer pas mal des vulnérables dont ce serait le rôle de l’Etat — enfin des autres — d’assurer la protection au cas improbable où ils ne pourraient pas le faire eux-mêmes. Le résultat est ce qu’on constate en France : les jeunes ne craignent rien, et c’est aux autres, ceux qui par leurs impôts et leur savoir entretiennent cette génération d’assistés, de se débrouiller pour se protéger.
        Que chacun se sente bien responsable de la mort de ceux qu’il aura contaminés, voilà la manière dont le dépistage agit en pratique contre l’épidémie, et voilà ce qui couperait l’herbe sous le pied aux apprentis dictateurs. Mais tant que les personnes à faible risque s’exclameront que les fragiles n’ont qu’à se confiner et les laisser dépenser sans compter ce qu’elles avaient gagné et économisé, voire qu’à crever bien vite pour libérer les places à l’hôpital, cela ouvrira un boulevard à ceux qui proposent une dictature pour l’empêcher. Les dictatures viennent quand les populations ne se montrent pas assez responsables pour ne pas empiéter sur la vie des autres.

        • L’exemple de la Suède, voire des Pays-bas, et sans doute d’autres pays, notamment asiatiques, montre pourtant que c’est possible, avec peu de victimes à l’arrivée, sans parler d’une crise économique bien moins grave, donc aussi moins de victimes à terme.
          Il me semble que vous sous-estimez l’esprit de responsabilité de beaucoup de gens. Lors d’une épidémie de grippe saisonnière, dont la « population-cible privilégiée » est peu ou prou la même que celle du Covid, les gens, dans leur grande majorité, ne redoublent-ils pas d’attention, pour eux-mêmes mais aussi pour les autres (« je ne te serre pas la main, j’ai la crève » par exemple) ?
          Et si beaucoup de gens attrapent la maladie, ce sont autant de barrières à la propagation du virus, ensuite. D’où probablement la fin des épidémies de grippe (même si on ne sait pas à partir de quel % de la population e fameux R0 passe sous la barre de 1,0).

          « c’est aux autres, ceux qui par leurs impôts et leur savoir entretiennent cette génération d’assistés, de se débrouiller pour se protéger. »
          Les vulnérables étant pour la grande majorité en retraite, je crois que vous faites un contresens.

          • Ah, l’esprit de responsabilité ! Je suis conscient que 95% des gens le montrent en effet, mais entre mes amis suédois et les Français que je croise dans la rue, il y a une grande différence : en Suède, les 5% restants sont l’objet de la condamnation générale, on les montre du doigt et on les ostracise. En France, les 5% en question ont le champ libre, et d’expérience vécue, si vous leur faites la remarque, ce sont eux qui obtiendront le soutien des autres passants. L’esprit de responsabilité, quand on a eu et qu’on a encore de nombreux amis japonais, coréens, suédois, norvégiens, britanniques même, etc., on voit que ça ne sont pas les 95% qui l’ont qui comptent, mais les 5% restants. Mais peut-être suis-je resté traumatisé par le « Si vous avez peur qu’on vous refile le virus, vous n’avez qu’à rester chez vous ! » d’une jeune irresponsable en soutien de sa voisine collante dans la queue de la poste… Et R0 n’est sans doute pas un bon modèle pour 95% de responsables qui ne contamineront personne et 5% d’irresponsables qui en contamineront 15 chacun.

  • La censure frappe en premier lieu et très lourdement ceux qui véhiculent l’information cad les médias.
    Aucun média ne va prendre le risque d’être condamné au vue de la lourdeur des sanctions.
    Comment se fait-il qu’on ne les pas entendu se rebeller énergiquement ?
    Le coeur même de la liberté de la presse est visé, la vocation même du journalisme est bafouée.
    Qui a protesté ? Personne ou tout juste quelques atermoiements ou quelques résistances timides de quelques-uns. L’unique geste barrière pour reprendre un mot à la mode face à la dictature, c’est une presse libre, mais elle est bien timorée et complaisante face au pouvoir en place.
    Il faudra dorénavant bien choisir ses mots pour donner son opinion car les algorithmes sont à l’oeuvre.
    Une presse muselée est le déclin de la liberté. Il n’y a qu’a voir ce qui arrive à celui qui ose défier la pensée unique.
    La presse se trahit, et les journalistes sont des perroquets.
    On voit toujours les mêmes qui nous ramènent leur science, leur vérité. Je ne les supporte plus et l’épidémie en cours nous donne une illustration parfaite de gens qui ne sont plus là que pour eux même avec le doigt sur la couture.
    Encore un peu de temps nous aurons bientôt le journalisme déontologique de la Corée du Nord sur nos écrans.
    Une fois de plus dans l’indifférence presque généralisée.

    • Vous savez, les médias étant subventionnés comme ils le sont, concentrés en peu de mains comme ils le sont (leurs patrons étant souvent les amis des politiciens), depuis quelques années ils disent touts plus ou moins la même chose sur les grands sujets de société – ne pas oublier non plus l’AFP, difficile de faire plus monopolistique ; il n’est donc pas étonnant que, devenus peu ou prou les valets du pouvoir, les grands médias n’aient pas protesté. Cette censure qui se met en place les arrange même bien : moins de voix s’aventureront à dénoncer leurs fake news

      • ils disent plus ou moins la même chose sur beaucoup de sujets en effet,étatisme, environnement, moeurs…mais comme pour le consensus sur le rca, il y a du flou; el le passage à l’action va mettre en évidence des failles.

    • C’est très bien ce que vous dites, mais ce n’est qu’un constat banal de quelqu’un qui, volens nolens, subit. Vous pestez, vous énoncez des choses vraies, mais ça n’avance as les choses.
      – d’abord, il y a une presse libre, des blogs libres, des écrivains libres, des éditeurs libres, vous ne les trouverez pas à la FNAC, il faut chercher, se battre.
      – ensuite, il y a des cercles de pensée libres: sans doute, n’y traite t-on pas de la tarte aux abricots, et flirte-t-on avec la pensée correcte. Ces gens-là existent.
      – il y a des groupes politiques très forts, discrets aussi qui placent leurs membres à des postes stratégiques.
      – enfin, il y a des groupes de combat, qui ne se commettent pas avec les manifs jaunes ou rouges, mais connaissent et pratiquent la technique de la maîtrise de rue. Certains événements récents dans les manifes pourraient éveiller votre attention.
      L’essentiel n’est pas de crier au loup, mais de travailler avec le loup, bien le connaître.
      Cela dit, les politiciens-financiers actuels sont très forts, immensément puissants: seul un désastre mondial pourrait les déstabiliser. Pourrait………

      • Vous avez raison mais que faire ?
        Des pétitions en ligne, s’informer en cachette, une vie de résistants ?
        Votre conclusion est tout aussi impuissante que mon constat malheureusement.
        Seul une désastre pourrait……. comme vous dites.

  • Empêcher celle-ci [la confrontation des idées] ralentira la sortie de crise et laissera le champ libre à des personnes idéologues ou démagogues animées par des intentions liberticides et peu démocratiques.

    À moins que le fait d’empêcher la confrontation des idées ne soit justement le signe que nous sommes déjà en présence de « personnes idéologues ou démagogues animées par des intentions liberticides et peu démocratiques » ? J’en ai pour ma part la furieuse impression.

    Excellent article, au demeurant.

  • citer BHL ça m’a donné en vie de vomir …vous perdez en crédibilité selon moi.

  • Un coup c’est Ginn, un coup Gin, puis Quinn… Il faut prendre le temps de se relire (je m’efforce de le faire, même lorsque je suis pressé par le temps)

    • Je ne sais pas comment s’appelle (exactement) ce monsieur, mais quand vous avez en face de vous un chinois qui a un document occidental indiquant son nom  » Qin « , appelez le ‘monsieur Djinng’….

  • Alexis de Tocqueville nous dirait que la France est passée de l’état démocratie à l’état démocrature. Les dirigeants actuels sont en train de faire le lit d’une future dictature populiste. Je suis stupéfait par l’incompétence de ceux qui nous dirigent. Quand je compare la gouvernance allemande à la gouvernance française c’est à pleurer !!!

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