La « nécessité » de sauver la Sécu a abouti au rationnement des soins

Bien des Français continuent à être émerveillés par la légende de notre meilleur système de santé du monde. Malheureusement la protection sociale est devenue une énorme machine uniquement préoccupée par sa survie.

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La « nécessité » de sauver la Sécu a abouti au rationnement des soins

Publié le 11 mai 2020
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Par Patrick de Casanove.

Le système de Sécurité sociale français date de la Libération. Il a été créé par l’ordonnance du 4 octobre 1945 complétée par les ordonnances du 19 octobre 1945.

Pour mettre sur pied la Sécurité sociale, l’État a détruit ce qui préexistait : charité gratuite, solidarités familiales, sociétés de secours mutuel, assurances.

« Quand l’État se charge d’un service, généralement il a soin de décréter que nul autre que lui ne le pourra rendre. » Frédéric BastiatServices privés, service public (1850)

En créant la Sécurité sociale, l’État assurait son pouvoir sur la population. Il obtenait sa soumission. Exactement ce qu’il reprochait aux patrons de chercher à obtenir avec le paternalisme :

« Plusieurs entreprises ont développé une forme paternaliste de management, en particulier au XIXe siècle, en accordant aux ouvriers un certain nombre d’avantages sociaux tels le logement, l’éducation, les soins médicaux, loisirs… En contrepartie, ceux-ci devaient respect et obéissance aux patrons. Le paternalisme a alors permis de fidéliser les ouvriers, d’encadrer la classe ouvrière et de légitimer le rapport salarial. »

La Sécurité sociale française, fortement inspirée du Rapport Beveridge, devait garantir les travailleurs contre les accidents de la vie.

« Le rapport, intitulé Report to the Parliament on Social Insurance and Allied Services (Rapport au Parlement sur la sécurité sociale et les prestations connexes), généralement connu sous le nom de rapport Beveridge, est rendu public en novembre 1942. C’est pour la Grande-Bretagne l’année la plus noire du conflit contre l’Axe. Ce rapport préconise que chaque citoyen en âge de travailler paye des cotisations sociales hebdomadaires, afin de profiter en retour de prestations en cas de maladie, chômage, retraite, etc. Beveridge pense que ce système permettra d’assurer un niveau de vie minimum en dessous duquel personne ne devrait tomber. Il s’agit de lutter contre ce que Beveridge appelle les « cinq grands maux » : pauvreté, insalubrité, maladie, ignorance et chômage. »

Aujourd’hui au sein de la Sécurité sociale nous avons la branche maladie, la branche accidents du travail/maladies professionnelles, la branche famille, la branche retraite. S’y ajoute la branche recouvrement. Le chômage est traité à part. Les deux premières branches constituent ce que les gens appellent familièrement la Sécu.

Avec la création de la Sécurité sociale la contrainte succédait au libre choix. Elle devint peu à peu une machine « policière » pour reprendre le mot de Frédéric Bastiat. Son fonctionnement est celui d’une pyramide de Ponzi, avec obligation d’entrer pour bénéficier des prestations. Cette obligation signifie le vol légal et obligatoire de la population ; et aussi la mise en coupe réglée de l’économie. Pour travailler il faut désormais payer. Tous ces vices restent ignorés du public.

Les problèmes

Les problèmes ont surgi dès la création de la Sécurité sociale. 

« Remarquons en passant qu’en 1952 […] Antoine Pinay […] avait déclaré qu’étant donné les grandes difficultés de la France, il avait préparé les textes d’une réforme de la Sécurité sociale […]. Il reste que face à l’augmentation – continue depuis l’origine – des « dépenses de maladie », le ministre des Affaires sociales de l’époque, M. Gazier, doit dès 1957 préparer un projet pour soi-disant les « maîtriser ». ( La Sécurité sociale et comment s’en sortir. George Lane, Éditions du Trident.)

Bien entendu ce premier plan n’a servi à rien.

Ses difficultés n’ont jamais été considérées comme liées à des défauts structurels, conceptuels, mais simplement comme des soucis dus à de la mauvaise gestion, à des gaspillages etc.

Pour les politiciens, pour les économistes de la santé, pour les médias, il suffirait de quelques mesures de bonne gestion pour que tout aille mieux. Des mesures gestionnaires et de contrainte ont été prises par tous les gouvernements successifs, sans aucun effet bénéfique. De 1967 à 2004 se sont succédé 21 plans de redressement. Tous ont été des échecs.

Depuis on ne les compte plus. Tous ces plans n’ont été que des réformes paramétriques que l’on peut synthétiser ainsi : davantage de prélèvements, moins de remboursements, plus de pénurie.

La Sécu prend en charge de plus en plus de personnes avec des moyens matériels et humains insuffisants, bien que les moyens financiers alloués à la protection sociale et en particulier à la santé aillent croissant : consommation de soins et biens médicaux en 2006 153,9 milliards d’euros, en 2017 199,3 milliards et 203 milliards en 2018.  C’est du mal-investissement. Les performances sanitaires ne sont plus au rendez-vous. La Sécurité sociale s’est installée dans la dette et le déficit chronique.

Dès lors, le but n’est plus de soigner chacun selon ses besoins mais de sauver la Sécu. fut-ce au détriment des patients : déremboursements, fermetures d’établissements, de lits etc. Le tout décidé par un pouvoir central sur des critères statistiques, administratifs, politiques.

En novlangue il s’agit de faire des économies. En français cela s’appelle du rationnement.

Les conséquences

Ces conséquences néfastes étaient inévitables.

La Sécurité sociale ne peut plus prendre les bonnes décisions concernant l’offre et la demande de soins puisque les informations fiables données par les prix libres n’existent pas.

Les incitations productives sont mises à mal, et avec elles la performance des soins. Performance au sens médical et « économique » à savoir investissements judicieux et sans gaspillages pour un résultat juste et efficace. Le contraire du mal-investissement.

La protection sociale ne peut pas suivre une politique d’initiative et d’innovation puisque les indications du marché (sanction en cas de mauvais choix, récompense en cas de bon choix) n’existent plus non plus. Cela favorise le conformisme. Les seuls indicateurs largement diffusés par la classe politico-médiatique sont politiques et administratifs : tant de dette, tant de déficit, tant de mesures de rationalisation, tant d’économies, tant de mesures pour « faire payer les riches ». Le tout complété par la « sondocratie » pour connaître les réactions et souhaits des Français.

Les Français sont privés de toute responsabilité et choix afférents à leur protection sociale.

Dans un monde routinier ces défauts sont masqués, la pénurie est ignorée. L’émotionnel noie toute critique :

« La France a le meilleur système de santé du monde. La France s’en sortira toujours mieux que les autres pays parce que l’État protège. La France a la chance extraordinaire d’avoir une société égalitariste et solidaire. »

Bercés par ce conte de fées les gouvernements ont pris le temps de délirer, de jeter l’argent par les fenêtres, de se lancer dans l’écologisme, la transition énergétique, le sauvetage de la planète, l’égalitarisme, les lois historiques et sociétales. La France se drogue à l’irrationnel, à la dette et au déficit. L’achat de voix, la routine et le conformisme administratif sont le B.A-BA de la politique sociale.

Bien des Français continuent à être émerveillés par la légende de notre meilleur système de santé du monde, protecteur et solidaire. Malheureusement la protection sociale est devenue une énorme machine peu efficace, contraignante, froide, lourde, conformiste, réglementaire, peu adaptative, uniquement préoccupée par sa survie. Ce qui lui confère une absence totale de réactivité face à l’imprévu. Bien peu de gens sont conscients de cette réalité et de ses dangers.

 

 

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  • Une seule solution : la privatisation .Cela marche en Suisse…

  • qu’on commence deja par réserver la secu a ceux qui la payent exclusivement et qu’on nettoie le fichier des cartes vitales avec une durée de validité de une année, renouvelable sur justificatifs!

    • c’est contraire au principe meme de la sécu…qui est de la redistribution..

      • non la secu c’est une assurance maladie , pas un centre de redistribution sociale

        • C’est toute la différence entre la théorie et la pratique…

        • non justement l’as sécu n’est PAS une assurance maladie…son principe directeur est à chacun selon ses besoin et chacun contribue nos pas selon ses besoins, mais ses moyens..c’est de la redistribution…alors bien il y a de l’habillage..

          • désolé
            « ameli, le site de » l’Assurance Maladie » , si la ss n’est ^plus une « assurance maladie » il faut en changer la définition

          • Et si quelqun n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins parce qu’il n’a pas le revenu qui correspond à sa condition physique de son travail ? Un manutentionnaire qui gagne moins tout en étant plus exposé devrait payer plus que le cadre intello qui a l’espérance de vie élevée. C’est seule différence entre une assurance privée ou publique. Pour le reste une assurance c’est une cotisation, une prestation.

            • une assurance repose sur l’appreciation du risque individuel..et un calcul de prime..

              et la simple existence de la redistribution par la sécu modifie la négociation des salaires..

              si on est un pays où un salarié ne peut pas s’offrir une assurance santé..on est mal…

              la sécu n’est pas une assurance..

    • « réserver la secu a ceux qui la payent » : donc si je ne paye pas, je peux choisir de m’assurer ailleurs ?

  • Le meilleur système que le monde entier nous envie a pris un coup sur la tête,alors que peu d’entre nous accepteraient de se faire soigner en Pologne,Bulgarie,Roumanie…ces pays ont un bilan bien meilleur en termes de décès liés au Covid-19 qui ramené à notre population fait que nous aurions du avoir 5 à 6000 morts.
    Aucun mot dans les JT ni les chaînes d’info continue dévouées au gvt.
    Eux au moins sont vraiment sortis du communisme!

    • Si on va par là, les chiffres de la Turquie, du Maghreb et de l’Afrique en général sont même meilleurs que la Corée ou l’Allemagne. Pourtant connaissant leur système de santé, j’ai des gros doutes sur leur supériorité.

      • Pour y avoir eu le besoin il s’avère qu’un médecin soigne la bas il ne se contente pas de faire du chiffre comme en France.

    • Le Maroc également

      • Je veux dire le Maroc également à fait mieux que la France gràce à l’utilisation de l’hydroxychloroquine et de l’azitromycine

  • Notre plus gros malheur, c’est que le perfectionnement de la santé se fait sans nous. Il faut avoir été soigné dans un hôpital aux USA ainsi que dans un hôpital en France pour toucher du doigt les différences : le matériel est très différent, les pratiques aussi.
    J’avais pensé que les séries télévisées comme « Urgences » ou « Grey’s anatomy » pourraient contribuer à faire prendre conscience aux gens de la réalité, mais ça ne semble malheureusement pas être le cas.
    On continue à faire croire aux gens que nous avons le meilleur système au monde. Heureusement, comme pour les masques, il se pourrait que ça se retourne rapidement…

  • Avec 60% de prélèvements fiscaux et sociaux aucun système de santé ne peut fonctionner durablement. La santé des français n’est plus qu’une machine à cash pour l’État et une machine électorale pour les politiciens locaux. Les soins sont accessoires…

  • La sécurité sociale c’est le pire de tous les régimes…sauf tous les autres.

  • Délibérément hors sujet, mais ce regard sur le déconfinement mérite d’être écouté, et comme, pour une fois, il n’y avait pas d’article sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=U3DEL9IdBlo&app=desktop

    • Oui, mais rendre le régime chinois responsable de ce qui nous arrive, alors que la cause essentielle est dans la réponse politico-bureaucratique à l’épidémie, est bien une réaction de politicien de l’ancien monde…

  • Cette augmentation des dépenses de santé n’est pas spécifique à la France elle s’observe dans tous les pays développés chttps://sagesseliberalehome.files.wordpress.com/2020/05/ressources-pour-la-santc3a9-dc3a9penses-de-santc3a9-ocde-data.pdf

    • La population vieillit il est normal que les dépenses augmentes.
      Sinon il faut relocaliser la production de Rivotril

  • L’important n’est pas la réalité, mais ce que les gens croient. Jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le mur…

  • Commençons par séparer assurance (pour le privé) et solidarité (pour l’état) , et on verra vite les progrès en efficacité!

  • « Bien peu de gens sont conscients de cette réalité » : éclairés par les derniers événements, quelques Français vont ouvrir les yeux.

  • L’origine de la Sécu ne serait-elle pas plus les lois Pétain-Laval? La légende du CNR ayant été promue par les socialistes et communistes pour faire oublier leur passé collaborationiste.

  • La Sécurité Sociale s’est transformée tout naturellement en Insécurité Sociale.

  • Article en phase avec notre épidémie !!!

  • On est recordman du monde de l’argent dépensé pour la santé par habitants. C’est l’inondation de fric qui nous a tué. Heureusement nos politiques, la haute fonction publiques, les administratifs de la santé, les migrants, les clandestins, les fausses cartes vitales, etc …. tout ce monde continue a sucer notre pognon.

  • Que vous ne citiez pas Ambroise Croizat en parlant de la naissance de la sécurité social je peux le concevoir. Mais que vous ne rappeliez pas que la dette sociale sera remboursée en 2024, soit 16 milliards par ans, moins!
    (sans parler des 5 milliards que Macron doit à la sécu (gilets jaunes))

  • Ce rappel historique n’intéresse pas les français
    Je ne vais pas faire un listing exhaustif dé toutes les charges indus du système
    Certificat de sport remboursé
    Accident de sport du dimanche maquillé le lundi en AT
    Les administrations peuvent si elles le désirent à l’initiative du chef de service faire contrôler les arrêts par un médecin assermenté. C’est efficace.
    Un exemple criant les adeptes de l’aviation se font rembourser les certificats d’aptitude par une consultation
    Je ne vais pas plus loin car la révolution gronderait
    Un dernier la biologie privée est refusée par les hôpitaux car un examen d’y est systématiquement refait lors de toute hospitalisation
    L’entreprise est grande, pourtant d’autres pays ont des budgets équilibrés !

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