Aux prises avec une crise du Covid-19 dure à maîtriser et une popularité déclinante, le président ressort la recette anti-immigration utilisée pour son accession à la présidence.
Trump veut suspendre l’immigration > https://t.co/YAe22QixZ4 pic.twitter.com/zT5S7O990t
— Dessins de Chappatte (@chappatte) April 21, 2020
Lundi le 20 avril, à 22 h 06, le président Donald Trump a créé la surprise en annonçant sut Twitter qu’il s’apprêtait à signer un décret exécutif suspendant pour deux mois l’émission de green cards aux immigrants pour ne pas créer d’entrave à l’embauche de citoyens américains.
In light of the attack from the Invisible Enemy, as well as the need to protect the jobs of our GREAT American Citizens, I will be signing an Executive Order to temporarily suspend immigration into the United States!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 21, 2020
Quelle mouche a bien pu piquer Donald Trump, comme ça, un lundi, en fin de soirée ? Le président a peut-être médité un peu sur les événements des derniers jours, qui n’avaient rien de réjouissants pour lui.
Le 16 avril, un sondage Gallup a indiqué que son taux de popularité a piqué du nez de la mi-mars à la mi-avril, passant de 49 % à 43 %.
Un sondage Gallup du 16 avril révèle que le taux de popularité de Donald Trump a décliné de six points en un mois, pour passer de 49 % à 43 %. Il s’agit de la baisse d’approbation la plus abrupte de sa présidence. En janvier et février, il avait aussi atteint la barre de 49 % pic.twitter.com/gq1DBETxCq
— Daniel Girard (@DanielGGirard) April 22, 2020
Il s’agit d’une chute considérable considérant que les présidents américains jouissent généralement d’un appui accru du public en temps de crise.
L’exemple le plus flagrant est celui de George W Bush, dont le taux de popularité est passé de 51 % le 10 septembre 2001, soit la veille de l’attentat du World Trade Center, à 90 % les 21-22 septembre 2001.
Trump et la gestion du Covid-19 : un fort appui initial qui s’effrite
Si l’appui du président Trump était élevé lorsqu’il s’est adressé aux Américains le 11 mars et qu’il a obtenu leur collaboration pour le confinement et la distanciation sociale, il n’est pas surprenant que la grogne du public se soit développée par la suite.
La population a pu constater avec horreur le nombre croissant des contaminations et de housses mortuaires sortant des hôpitaux.
En même temps, plusieurs gouverneurs et maires se sont plaints à répétition de la lenteur du dépistage du virus et de la pénurie généralisée d’équipements de protection pour les professionnels de la santé.
Confinés avec Netflix et CNN
Confinés à la maison d’où ils ne pouvaient sortir que pour les courses, les Américains se sont retrouvés le nez collé sur leur téléviseur pour écouter Netflix ou voir Donald Trump répondre avec agacement aux questions essentiellement hostiles et souvent biaisées des journalistes de CNN.
Ceux-ci ne se gênent pas pour montrer leur haine du président américain avant, pendant, et après les points presse.
Delicious. CNN-activism-posing-as-journalism has never been funnier. Meltdown indeed. https://t.co/CQLWLyHFM4
— Rita Panahi (@RitaPanahi) April 14, 2020
L’impatience des Américains se sent aussi chez Donald Trump qui signale à ses partisans qu’il partage leur désir de secouer la torpeur du confinement.
Et plusieurs de ces partisans se trouvent précisément dans les États du rust belt qui ont permis au milliardaire de triompher d’Hillary Clinton : la Pennsylvanie, l’Ohio et le Michigan.
L’importance du Michigan
Le Michigan est un État particulièrement crucial car Donald Trump l’a remporté par seulement 11 000 voix en 2016 et Joe Biden y a terrassé Bernie Sanders dans la primaire démocrate, lui assénant un coup fatal.
Le Michigan est aussi l’État où le confinement dans sa variante extrêmement draconienne a généré le plus de mécontentement de la population. Au point où 3000 résidents du Michigan ont sauté dans leur véhicule pour aller montrer leur colère à la gouverneure de l’État du Michigan au Capitole de Lansing.
Les manifestations des citoyens se sont déroulées de façon pacifique, mais il ne manquait que quelques citoyens avec des armes à feu pour que des journalistes parlent d’un climat menaçant.
Manifestation anti-confinement dans l’Etat du Michigan aux Etats-Unis : des conservateurs, certains lourdement armés, ont manifesté sous les fenêtres de la gouverneure démocrate, lui reprochant d’avoir prolongé le #confinement > https://t.co/5OjSlsqdYC pic.twitter.com/w0sb1Zdu9f
— Le Parisien (@le_Parisien) April 16, 2020
Donald Trump aura encore besoin des États du rust belt
Les thèmes qu’il a exploités et qu’il continue de mettre en évidence : les ouvriers de l’industrie sidérurgique du rust belt ont perdu des plumes à cause de la mondialisation et de la délocalisation, de la concurrence déloyale de la Chine et de l’immigration, légale et illégale.
Pour être réélu, Trump va faire valoir qu’il s’est battu pour ses électeurs contre la concurrence déloyale de la Chine, qu’il a renégocié l’accord de libre-échange nord-américain, qu’il a mis fin à l’immigration illégale et qu’il protège les emplois de ses électeurs par tous les moyens. C’est cela qu’il avait en tête lundi avant d’envoyer son tweet dans la nuit.
Excepté que…
Les immigrants ne posent aucun problème à l’économie des États-Unis, bien au contraire, en fait.
Des immigrants intégrés et productifs
Les États où les immigrants sont les plus présents, le Texas et l’Iowa, ont des taux de chômage plus bas que la moyenne. Ils sont particulièrement utiles dans l’industrie agricole, dans l’empaquetage des aliments et la préparation de repas. Ils représentent 3,8 millions d’ouvriers.
Dans le domaine de la santé, un sixième des médecins, des infirmières et des travailleurs sont nés ailleurs qu’aux États-Unis.
Pour Larry Hogan, le gouverneur du Maryland, le président Donald Trump vise les immigrants pour détourner l’attention de sa gestion défaillante du coronavirus.
Maryland GOP governor says Trump’s call to halt all immigration during coronavirus pandemic is “a distraction from what’s really going on » https://t.co/GaTnrobUC6 pic.twitter.com/s7d0uMdND8
— The Hill (@thehill) April 22, 2020
La Maison-Blanche a d’ailleurs reconnu qu’il lui faudra de la main-d’œuvre immigrante dans les fermes et les hôpitaux et qu’elle inscrira ces exceptions dans le décret présidentiel.
Les USA auront besoin de ces travailleurs pour relancer l’économie après la pandémie. Intégrer davantage de travailleurs compétents est plus judicieux que de les bloquer par calcul politique.
« Les USA auront besoin de ces travailleurs pour relancer l’économie après la pandémie. »
Peut-être.
Pour l’instant, la priorité sera de résorber la poussée de chômage engendrée par l’épidémie et surtout par le confinement partiel ou restrictif. Donc la priorité est de donner des emplois aux américains et (dans un 2è temps?) aux personnes en situation régulière.
Le piège est facile mais incontournable pour les démocrates. S’il s’opposent à cette « préférence nationale », ils signalent à une partie de leur électorat que leur dogmatisme pro-immigration même illégale est plus important que privilégier les américains pour l’accès à l’emploi!? Dogmatisme qui sera mal vécu et potentiellement couteux électoralement parlant.
Les démocrates peuvent s’époumoner à crier à la diversion mais les statistiques du nombre de contaminés ne sont pas en faveur des Etats démocrates. De plus, ce sont dans ces états que le confinement est le plus strict et le retentissement sur le chômage le plus élevé… Dans cette histoire, ceux ayant le plus besoin de diversion ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.
Trump oblige les démocrates à se prononcer sur un domaine sensible politiquement délicat pour eux dans ces circonstances. Et quelle que soit la réponse des démocrates, ce sera un avantage pour Trump.
D’autant qu’on sait très bien que si le besoin s’en fait sentir, Trump n’aura aucune arrière-pensée à rouvrir les frontières. Mais ce sera avec un chômage revenu à la normale ou presque.
Manœuvre politicienne donc mais sans risque pour Trump et piégeux pour ses opposants. Les démocrates commencent à boire la lie du calice…
« Dans le domaine de la santé, un sixième des médecins, des infirmières et des travailleurs sont nés ailleurs qu’aux États-Unis. »
Vous pouvez me citer un pays qui aurait un surplus de médecins, infirmières …, et dont l’émigration ne poserait pas un risque, surtout en ce moment ?
Il me semble que Trump parle d’arrêter l’immigration, mais pas de mettre les immigrés dehors. On peut penser que c’est une adaptation logique vu l’état de l’économie.
Logique peu-être, mais certainement pas libérale.
Dès que quelqu’un a sa carte verte, il est citoyen à part entière, peu importe la date où la carte a été obtenue. Il ne pourrait pas être expulsé.
Et comme au Royaume Unis ce sont des centaines de milliers de travailleurs qui vont manquer à l’appel car l’américain lambda n’est plus prêt à faire, les champs, du conditionnement alimentaire etc…
Aucune classe moyenne et populaire des pays développée n’acceptera de compenser la pénurie de main d’oeuvre étrangère dues au restrictions migratoires engendrées par les législations actuelles.
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