Covid 19 : les entreprises mettent leurs talents dans la balance

C’est l’un des enseignements à tirer de la crise actuelle : les entreprises françaises font preuve de solidarité et jouent un rôle incontournable dans la résilience nationale à la pandémie.

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Covid 19 : les entreprises mettent leurs talents dans la balance

Publié le 19 avril 2020
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Par Valentin Martin.

C’est l’un des enseignements à tirer de la crise actuelle : les entreprises françaises font preuve de solidarité et jouent un rôle incontournable dans la résilience nationale à la pandémie, en apportant, à la mesure de leurs compétences et de leurs moyens, tout leur soutien aux soignants, personnel d’urgence et autres professionnels de santé.

Alors que la crise sanitaire met en lumière les besoins massifs et pressants des pouvoirs publics pour lutter contre le Covid-19, un nombre considérable d’entreprises ont sans hésiter mis leur outil de production à disposition des acteurs engagés en première ligne contre la pandémie.

Les industriels aux avant-postes

C’était l’une des premières marques de solidarité, et incontestablement l’une des plus emblématiques. Le 15 mars dernier, LVMH, le géant du luxe, annonçait que trois de ses usines ordinairement dédiées aux parfums et cosmétiques produiraient « le temps nécessaire » d’importantes quantités de gel hydroalcoolique pour faire face à la pénurie.

Des dizaines de tonnes ont été ainsi livrées gracieusement à l’AP-HP, l’établissement public de santé francilien, dont chacun des 39 hôpitaux consomme plusieurs centaines de litres de gel quotidiennement. Depuis cette annonce, plus un jour ne passe sans qu’une entreprise annonce mettre ses forces au service de la lutte contre la pandémie.

Dans le même temps, Tereos, troisième producteur mondial de sucre et numéro 2 européen de la production d’éthanol, a dès le 18 mars, réorienté cinq de ses usines françaises vers la production de solution hydroalcoolique, distribuée gratuitement aux Agences régionales de santé (ARS) des régions les plus touchées par l’épidémie.

Près de 80 mille litres de solution ont ainsi été distribués depuis, en priorité aux services de santé des Hauts-de-France et de la région Grand-Est. L’outil de production et la logistique ont été rapidement adaptés, pour faire face à ce nouveau front tout en continuant à honorer les commandes habituelles.

« Nous devons arbitrer quotidiennement entre nos engagements vis-à-vis de nos clients et notre responsabilité sociale et sanitaire envers les habitants des territoires où nous sommes implantés, confie Laurent Pou, directeur des usines amidonnières de Tereos en France. D’autant que beaucoup de nos produits entrent dans la composition d’éléments critiques, que ce soit le lait infantile ou certains produits pharmaceutiques et médicaux comme les désinfectants et les perfusions. »

D’autres entreprises détentrices d’importants stocks d’éthanol se sont ainsi mises à la production de solution hydroalcoolique ou aux dons de stocks d’alcool pur. Pernod-Ricard, deuxième entreprise mondiale dans son secteur, a annoncé faire un don de 70 000 litres d’alcool pur au laboratoire Cooper, leader français de la fourniture de gel hydroalcoolique en pharmacie. Mais les produits de désinfection ne sont pas les seuls à faire l’objet de cet effort.

Le groupe pharmaceutique Sanofi et le fonds d’investissement Tikehau Capital ont annoncé courant mars abonder des fonds pour soutenir l’effort de recherche de l’AP-HP contre le coronavirus. Aujourd’hui, les annonces portent principalement sur la production de matériel sanitaire destiné aux personnes en première ligne dans la lutte contre l’épidémie.

Même engagement du côté des entreprises du textile. 490 000 masques alternatifs doivent bientôt sortir quotidiennement des usines françaises, grâce à une réorientation de la production d’entreprises aussi diverses que Le Slip Français (sous-vêtements) ou 1083 (jeans). Une ombre au tableau subsiste toutefois : seulement quatre entreprises françaises fabriquent des masques FFP2 et chirurgicaux, avec une capacité de production en augmentation mais ne pouvant répondre à la demande actuelle.

Tout aussi urgent et encore plus complexe à mettre en œuvre : les respirateurs artificiels, utilisés pour traiter les cas les plus graves de coronavirus, et dont la France risque de manquer cruellement. À l’occasion d’un déplacement le 31 mars à l’entreprise Kolmi-Hopen, spécialisée dans la fabrication de matériel médical et chirurgical, le président Macron a annoncé la mise en place d’un consortium de quatre entreprises qui fabriqueront 10 000 respirateurs d’ici mi-mai. Mené par Air Liquide, ce consortium regroupe Schneider Electric, Valéo et PSA Peugeot-Citroën, qui réorientent pour la bonne cause une partie de leur outil industriel.

La French Tech sous tension mais solidaire

Les start-ups tricolores, fer de lance de la start-up nation vantée par le président de la République, ne sont pas en reste. Répondant à l’appel de Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique, les entreprises du numérique se mobilisent et assurent le support indispensable au désengorgement des services d’urgence.

La « licorne » Doctolib a ainsi mis en place la gratuité des téléconsultations, après qu’un décret du 10 mars a assoupli les conditions requises pour réaliser des actes de télémédecine. « La société financera intégralement les coûts d’équipement, de formation et de gestion de ce service » (habituellement facturé 79 euros par mois), a indiqué l’entreprise qui revendique 3500 médecins clients. Effort appréciable, alors que le gouvernement a annoncé des mesures fortes d’aides aux acteurs de la French Tech faisant face à des difficultés de trésorerie ou de levées de fonds, et faisant courir le risque de faillites en série.

Au-delà de l’aide directe aux services de l’État, les start-ups françaises sont mobilisées en deuxième rideau, et apportent une aide indispensable à l’adaptation du monde du travail au confinement. Outils de télétravail, plateformes collaboratives… les alternatives tricolores aux poids lourds américains de la tech ne manquent pas, et pourraient contribuer au développement d’une souveraineté numérique aussi indispensable en temps normal qu’en temps de crise, si l’élan se confirme après la fin de celle-ci.

Solidarité et souveraineté des entreprises

Alors que les initiatives de communication des entreprises font souvent l’objet d’accusation de « green washing » ou « social washing » selon l’enjeu, la situation actuelle montre que leur mobilisation s’inscrit en-dehors d’une campagne de relations publiques classique.

« En moyenne, un emploi au sein de notre groupe soutient dix emplois indirects dans les territoires où nous sommes implantés. C’est peu dire que nos équipes ont adhéré à notre décision de produire de la solution hydroalcoolique pour la mettre gratuitement à disposition des services de santé de la région. Les gens se connaissent, il n’est pas rare qu’un membre de la famille ait des amis dans le secteur médical, alors ils se sentent concernés et il n’y pas besoin d’expliquer longtemps les choses. », confie Olivier Leducq, directeur des activités Sucre de Tereos en France et en Europe.

« En complément, les équipes des sites initient d’autres actions sur le terrain, avec des dons de matériel de protection aux hôpitaux ou aux pompiers, comme par exemple à Chevrières (Oise), Lillebonne (Seine-Maritime), ou encore Marckolsheim (Bas-Rhin). »

L’élan solidaire des entreprises françaises est tout à la fois rassurant et révélateur de perspectives inquiétantes. Avec près de la moitié de l’humanité confinée et des chaînes d’approvisionnement au bord de la rupture, la compétition internationale pour l’accès aux produits de lutte contre la pandémie rend la perspective de pénuries de moins en moins hypothétique.

La désindustrialisation progressive de la France, accompagnée d’un déclassement socio-économique des territoires, rend le pays dépendant d’une fourniture extérieure dans nombre de domaines essentiels. Après les tensions sur la production de masques, gel hydroalcoolique et ventilateurs, ce sont maintenant les médicaments qui pourraient faire défaut dans les semaines à venir. Le spectre d’une rupture d’approvisionnement alimentaire a pour l’instant été écarté.

Mais si inédite qu’elle puisse paraître, la crise sanitaire actuelle peut se reproduire, et il est impossible de raviver dans l’urgence une industrie et des compétences abandonnées. La loi PACTE pour la transformation et la croissance des entreprises, promulguée le 22 mai 2019, prévoyait des dispositions spécifiques pour « redéfinir la raison d’être des entreprises ».

Les multiples actions concrètes de ces jours-ci montrent qu’elles ont répondu aux appels à la solidarité de manière exemplaire. Aux pouvoirs publics, maintenant, de penser l’après-crise. Et de traduire dans les faits, au bénéfice des entreprises françaises et de toute la société, la « souveraineté nationale et européenne » prônée par Emmanuel Macron.

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  • heureusement que toutes ses entreprises ont réagi ; parce que s’il avait fallu compter sur l’état…..il faut juste espérer que les pouvoirs publics seront un peu plus réactif et imaginatif pour  » l’après crise  » …. sans continuer à ruiner le pays….et ça , c’est pas gagné….

    • Ben quand on a pas d’imagination on laisse la main aux autres..pas facile pour l’orgueil étatico-administratif.

      • Ceci démontre les insuffisances criantes de l’État de par des besoins qu’il n’a pas su (ou voulu) satisfaire.

      • capable de reconnaître que les autres peuvent mieux faire est une marque d’intelligence.
        Ce n’est pas le cas pour nos gouvernants. Seulement, ils ne peuvent plus faire autrement. Et pour la suite, ils chercheront à reprendre la main et leurs entraves aux entreprises pour rappeler leur existence.

  • Ajoutons que Sanofi, dès les premiers essais prometteurs de D. Raoult, a proposé de mettre à disposition de la chloroquine pour 300 000 patients. Proposition à laquelle le gouvernement et son conseil « scientifique », empêtrés dans des conflits d’intérêts, n’ont pas daigné donner suite…

  • L’entreprise où travaille un de mes fils qui fabriquait des housses pour robot, fabrique des masques et ce depuis début mars.

  • moi quand je lis « solidarité » , je demande a voir des chiffres

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