Par Adnane Maalaoui1 et Mariem Brahim2.
Les business schools françaises, associations/privées/consulaires, sont à la recherche d’un renouveau économique via des transactions capitalistiques de grandes envergures. La crise vient impacter ces opérations et même les repousser.
L’enseignement supérieur français, et principalement les business schools membres de la conférence des grandes écoles (CGE), s’est vu profondément changer ces dix dernières années. Une multitude d’offres de formations, en physique, dématérialisée ou hybride, sont maintenant proposées aux apprenants.
À cela s’ajoutent les nombreux Bachelors, BBA, Masters, Masters spécialisés (MS), Master of Science, MBA, Executive MBA, ou autres DBA etc. Des produits pédagogiques qui sont présentés aux quatre coins du monde avec des investissements massifs aussi bien au niveau national qu’international en matière d’infrastructures et sites établis.
Pour tous ces programmes, les charges liées notamment aux rémunérations pour les recruteurs intermédiaires locaux mais aussi au personnel administratif, et enseignants/chercheurs restent élevées.
Par ailleurs, un des principaux KPI (indicateur clé de performance) des business schools n’est autre que le nombre d’étudiants recrutés dans les différents programmes. Le marché est également de plus en plus tendu et il existe des concours multiples : sur dossier, post-bac, post-prépa, master entrées parallèles, ambitions plus, sésame, Concours Commun BCE, Pass, Team, Accès etc.
Ajoutée à cela la course effrénée vers les accréditations (reconnaissances) nationales et internationales (Grade master, Bachelor, RNCP, VISA, BSIS, AMBA, EPAS, AACSB et EQUIS), vous imaginez la vie animée des Dean’s, leur avenir professionnel et celui des structures qu’ils (elles) dirigent.
Et cerise sur le gâteau, pour finir, les classements réalisés par les journaux et magazines (L’Étudiant, Le Figaro, Challenges, Le Point, Le Parisien, etc.) qui distillent et influencent les tendances de recrutement des étudiants, dits prospects. Un vrai écosystème, initialement tourné vers la pédagogie et la recherche, mais qui au fil du temps se retrouve au centre de tractations capitalistiques voulues ou tout bonnement par nécessité.
Les fonds de private equity et business school : mode d’emploi
Dans un contexte économique contraint, l’enseignement supérieur français voit la part de financements privés augmenter année après année. Rachat d’écoles par des fonds d’investissement, arrivée d’investisseurs étrangers et de sociétés de capital-risque sur le marché…
Depuis quelques années, les acteurs financiers se préoccupent de plus en plus du secteur de l’enseignement supérieur. Les fonds d’investissement ont déjà investi dans plusieurs groupes privés français, par des prises de participations minoritaires ou majoritaires. On peut citer plusieurs exemples d’acteurs détenant des écoles de commerce (Voir tableau)
Le monde de l’enseignement attire les fonds d’investissement pour plusieurs raisons : tout d’abord la croissance structurelle du marché de la formation initiale ou continue ; ensuite, c’est aussi un investissement peu risqué car les revenus sont prévisibles. Le secteur est réputé rentable.
Les fonds d’investissement privés qui misent sur l’éducation ne réclament pas de dividendes. Certaines business schools recherchent des relais de croissances externes en optant pour l’acquisition de structures préétablies et tendre vers la taille critique afin de valoriser et réaliser d’importantes plus-value capitalistiques au détriment de la qualité de la pédagogie.
D’autres business schools, davantage « green-pédagogie », vont chercher à se développer, investir sur de nouveaux sites en propre ou survivre, tout en maintenant une qualité élevée des enseignements. Leur objectif étant de voir leur établissement figurer parmi les meilleures business schools d’Europe en soutenant l’évolution de leur modèle éducatif vers l’innovation pédagogique et la digitalisation intelligente et l’internationalisation pour répondre à l’attente de ses apprenants.
Tableau : quelques exemples de relations capitalistiques entre Fonds de PE et business school en France3
EBITDA, pédagogie et crise : quel avenir des business schools ?
Les business schools françaises disposent pour la plupart d’un modèle économique quasi-identique. On y retrouve une offre redondante en absence d’innovation radicale, des partenaires très similaires, une structure des coûts et des flux de revenus assimilés.
La valorisation de ces dernières dépend exclusivement des marges réalisées et des perspectives de croissance (nouvelles accréditations, internationalisation, nombre d’étudiants et diversification des programmes). En temps de crise, et face à une chute drastique des indicateurs boursiers, les fonds de private equity peinent à retrouver leur performance d’autant plus que la pandémie s’installe dans la durée.
Cependant, si l’on compare la situation actuelle à la crise financière de 2008, et si le comportement bancaire se veut identique à ce que nous avons pu observer ex-ante, les investissements seront certainement impactés et les fonds de private equity mettront certainement en stand-by leurs investissements du fait de la quasi-impossibilité d’avoir recours à la dette bancaire pour les financer.
Les fonds ont appris du passé en mettant plus de moyens et de contrôles sur les entreprises dans lesquelles ils investissent en temps de crise. Effet d’apprentissage oblige, ils misent encore plus sur l’excellence opérationnelle : reporting, contrôle des coûts et des dépenses, comme c’est déjà le cas dans plusieurs business schools.
Il faut savoir que ces pourvoyeurs de fonds ambitionnent généralement une performance à 5-7 ans mais aussi un EBITDA important permettant de générer de la trésorerie grâce aux activités opérationnelles. Pour certains d’entre eux, cet indicateur peut même être prioritaire sur certains services fournis aux étudiants/clients (relation client, scolarité, pédagogie, qualité des enseignants, vie estudiantines, etc.).
Mais face à un marché des plus rentables, pourquoi freiner ses investissements ? D’autant plus que, même en cas de crise, la continuité pédagogique et académique est maintenue. Certaines institutions dans le monde ayant même débuté un processus de diplomation virtuelle !
. . . si tant est qu’il y ait toujours quelque chose à négocier . . .
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