Dépenses publiques : pourquoi tant de divergences en Europe ?

La gestion de la crise économique par l’UE met encore une fois en avant les divisions entre les États.

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Face au Brexit, repenser une Europe à la carte By: OLGA LEDNICHENKO - CC BY 2.0

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Dépenses publiques : pourquoi tant de divergences en Europe ?

Publié le 18 avril 2020
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Par Alexandre Massaux.

La gestion de la crise économique par l’UE met encore une fois en avant les divisions entre les États. Si les ministres des Finances des 27 États membres se sont mis d’accord le 9 avril pour débloquer 550 milliards d’euros, l’opposition entre les pays d’Europe du Nord et ceux d’Europe du Sud persiste sur d’autres sujets comme les coronabonds.

L’Italie et la France souhaitent une politique plus dépensière de la part de l’UE tandis que les Pays-Bas et l’Allemagne veulent conserver une gestion plus équilibrée de la dépense publique. Toutefois, on peut se demander d’où viennent ces divisions et pourquoi elles sont si profondes. La réponse se trouve dans les mentalités nationales.

La fenêtre d’Overton : les politiques, prisonniers des opinions publiques et des institutions sociales

Pour comprendre comment les politiques se forment dans des sociétés démocratiques (et même certaines sociétés autoritaires), il faut se tourner vers le concept de la fenêtre d’Overton : Joseph P. Overton, senior vice-président du think tank Mackinac Center for Public Policy, a théorisé le fait que les politiciens sont limités dans les idées politiques qu’ils peuvent soutenir et mettre en place. Ils ne poursuivent généralement que celles qui sont largement acceptées dans la société comme options politiques légitimes. Ces dernières sont considérées comme étant dans la fenêtre d’Overton. À l’inverse, si un politicien soutient une idée en dehors de cette fenêtre, il risque de perdre le support populaire et donc ses chances d’être réélu (ce qui est souvent le but d’un politicien) voire de subir des troubles sociaux importants.

Cette fenêtre de politiques acceptables peut toutefois être modifiée par divers facteurs changeant et façonnant l’opinion publique et la mentalité des populations. Ainsi les institutions sociales (comme les familles, lieux de travail, amis, médias, églises, associations bénévoles, groupes de réflexion, écoles, associations caritatives et bien d’autres) ont un rôle plus important sur la détermination des politiques que les politiciens en eux-mêmes. Certes, il peut arriver qu’un politicien suffisamment charismatique arrive à influer sur la fenêtre d’Overton mais cela reste un phénomène rare.

Des fenêtres d’Overton différentes dans les pays européens

Dans le cas de l’UE, les mentalités et les institutions sont différentes d’un pays à un autre. Dès lors, la fenêtre d’Overton n’est pas la même en France, en Italie, en Allemagne ou aux Pays-Bas. L’histoire contribue, en outre, à forger une mentalité nationale qui amène des différences entre les États européens.

À cet effet, il est intéressant de comparer les programmes des partis des droites radicales (comme le RN en France, l’Afd en Allemagne) dans les différents pays où ils montent en force. Ces partis étant des forces politiques tirant leur puissance de la population, ils sont assez instructifs sur la mentalité des pays.

On peut constater que là où le RN de Marine Le Pen souhaite une augmentation des dépenses nationales, l’Afd souhaite une rigueur budgétaire et critique les autres pays d’Europe pour cela. Là où le programme de l’Afd prône le marché libre, celui du RN critique le laissez-faire. Bien qu’ils soient alliés au niveau européen, on se rend compte que leur vision de l’économie n’est pas la même.

Dès lors, les divisions sur les questions économiques, politiques et sociales ne sont pas juste liées aux politiques des gouvernants mais sont plus profondes. Uniformiser les décisions européennes quand les populations des États membres pensent de manières différentes, voire s’opposent entre elles, est un exercice difficile et périlleux.

 

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  • excellent article qui démontre si il en était besoin que ce sont les idéologies qui forgent le destin des politiques , et pas leurs projets,,
    par exemple en france le « socialisme » distillé par l’enseignement fait désormais partie de l’idéologie dominante,, s’en éloigner c’est ne pas etre élu, c’est dans ce sens que le libéralisme n’a aucune chance dans le mécanisme électoral

  • « exercice difficile et périlleux », d’autant plus que la politique de l’union doit être approuvée à l’unanimité des pays membres et non à la majorité simple

    • A défaut l’ « europe » aurait explosé depuis longtemps car les mesures auraient été prises sans même l’assentiment des dirigeants.
      L’erreur originelle consiste à vouloir donner un système politique commun à des peuples dont les « fenêtres d’Overton » ne correspondent pas du tout.
      C’est impossible ou excessivement réducteur pour la « fenêtre » commune : aligner les trous de plusieurs tranches d’emmental (non contigües bien sur).
      Echec déjà acquis.

  • Des désaccords fondamentaux sur les objectifs et les moyens, cela démontre que l’UE fondées sur la libre circulation du Fric et une « Libre concurrence non faussée », est un grossière imposture dont il faut se défaire d’urgence.

  • Nos journalopes ne doutent vraiment de rien, Habitués qu’ils sont a prendre les gens du peuple pour abrutis, Ils estiment que cela doit être institutionnalisé par des taxes et impôts. Suprême officialisation.

  • Vouloir uniformiser, mutualiser est une gageure. D’ailleurs, ce n’est même pas souhaitable sauf à viser le collectivisme avec toutes les défaillances qu’il entraîne!

  • Puisque tout le monde nous envie notre système social je ne comprend pas ces différences entre européens 🙂

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