Coronabonds ou la farce de l’appel à la « solidarité » dans l’Union européenne

Les riches paieront, aime-t-on à répéter en France. La complainte émotionnelle pour plus de « solidarité » européenne apparaît pour ce qu’elle est réellement : la triste farce de clowns politiques irresponsables.

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Poisson d'avril by Beer Bergman (CC BY-NC-ND 2.0)

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Coronabonds ou la farce de l’appel à la « solidarité » dans l’Union européenne

Publié le 1 avril 2020
- A +

Par Nathalie MP Meyer.

Publier le 1er avril, jour des farces et attrapes, ou repousser au lendemain eu égard au « sérieux » terriblement technocratique véhiculé par le terme Coronabonds ?

Je me décide finalement pour ce mercredi 1er avril car si la demande pour l’émission d’une dette européenne est effectivement en train d’atteindre un volume sonore non négligeable dans les débats entre les dirigeants de l’Union européenne, il est difficile de prendre totalement au sérieux cette exigence de « solidarité » exprimée surtout par les pays membres les plus enfiévrés d’interventionnisme étatique qui se révèlent pourtant être les moins armés pour encaisser la crise du coronavirus.

Que signifie « solidarité » pour nos dirigeants ?

La première remarque coule de source : si la dépense publique, l’inflation des services publics, les déficits et la dette étaient le baume indépassable de la justice sociale et de la prospérité, jamais la France, l’Espagne ou l’Italie, sans parler de la Grèce, n’auraient besoin de faire appel à la « solidarité » européenne pour se tirer d’affaire tant elles sont expertes en ce domaine, clientélisme et capitalisme de connivence inclus.

Car ne nous y trompons pas : il n’est nullement question pour ces pays de se montrer eux-mêmes « solidaires » avec les autres. Emmanuel Macron peut fanfaronner tant qu’il le veut sur les milliers de masques et de blouses que la France a envoyé à l’Italie, on se demande devant quel public de naïfs il s’imagine jouer les chefs de guerre avisés puisque tout le monde en France est à même de constater combien nous manquons cruellement nous-mêmes de tous ces équipements.

Non, dans la bouche d’un collectiviste invétéré, « solidarité » ne signifie qu’une seule chose : laissez-moi jouer au généreux, laissez-moi dépenser, laissez-moi distribuer des postes et des prébendes… bref, laissez-moi chanter à ma guise pendant plus de 45 étés (cas de la France) et ne venez surtout pas me dire « Eh bien ! Dansez maintenant. »

Au contraire, payez mes dettes avec vos surplus budgétaires, indemnisez mes chômeurs avec votre plein-emploi et ne posez pas de questions : ce serait à l’évidence la marque d’un égoïsme, ou d’une pingrerie, ou d’une sécheresse de cœur humainement inadmissibles alors qu’on compte les morts.

Les Pays-Bas et l’Allemagne, derniers de la classe « solidarité »

On voit la mauvaise foi du discours. Il est pourtant très en vogue actuellement et tend à faire des pays qui ont mené à terme des réformes de structures approfondies et qui se trouvent aujourd’hui – grâce à ces réformes, pas par hasard – au plein emploi et en possession d’excédents budgétaires appréciables, les mauvais élèves de la classe européenne, les Pays-Bas et l’Allemagne étant particulièrement visés.

Ce n’est pas nouveau. Dès son arrivée au pouvoir en mai 2017, Emmanuel Macron filait à Berlin pour tenter d’extorquer un peu de compréhension de la part de madame Merkel à propos d’un budget de la zone euro et d’une possible mutualisation de la dette. En filigrane, se profilaient déjà les surplus budgétaires allemands que les pays déficitaires comme la France n’ont aucun scrupule à vouloir mettre à contribution plutôt que de chercher à baisser leurs propres dépenses.

Un point de vue qu’il partage avec Christine Lagarde, la nouvelle Présidente de la Banque centrale européenne (BCE). Ou disons plutôt un point de vue que la serviable madame Lagarde partage opportunément avec celui qui l’a propulsée à ce poste.

Au moment d’entrer en fonction, elle s’offrait le luxe très socialiste (personnellement, je dirais plutôt la honte) de fustiger sévèrement des pays européens qui n’auraient « pas vraiment fait les efforts nécessaires » !

La France n’est pas un pays comme les autres !

Lesquels à votre avis ? La France, qui a été l’un des derniers pays à sortir de la procédure de déficit excessif ? Bien sûr que non ! Ne jamais oublier que selon les propres mots d’Emmanuel Macron sans sa Lettre aux Français :

La France n’est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs. L’exigence d’entraide et de solidarité plus forte.

Non, les fautifs, les mauvais élèves de la classe européenne, ce sont bien évidemment… les Pays-Bas et l’Allemagne ! Ils ont eu le culot de se réformer avec succès et maintenant ils ne veulent même pas aider ceux qui ne se sont surtout pas réformés au nom de leur sens très particulier de la solidarité !

Dieu sait pourtant qu’avec la crise d’abord sanitaire puis économique du coronavirus, les instances dirigeantes de l’Union européenne n’ont pas tardé à mettre fin aux principales contraintes macro-économiques qu’elles exigeaient des pays membres via le Pacte de stabilité et de croissance.

Qu’elles exigeaient assez mollement, osons le dire, comme en témoigne le temps qu’il aura fallu à la France pour revenir à un déficit public inférieur à 3 % après la crise de 2008, ainsi que son endettement proche de 100 % du PIB en 2019 alors qu’il devrait se limiter à 60 %.

Eh bien, il n’est même plus question de mollesse puisque ces digues ont purement et simplement sauté. Finis les 3 % et finie la limite d’endettement à 60 % du PIB ! Sachant que si un pays était en grande difficulté, il pourrait aussi se tourner vers le Mécanisme européen de stabilité (ou MES), sorte de FMI à l’échelle de l’Union européenne. Et sachant de plus que la BCE s’est mise à nous pondre de la monnaie de singe (Helicopter Money disait Friedman) par centaines de milliards.

Tout le monde est content, tout le monde fait mine de croire que l’argent pousse dans les arbres et qu’il suffit de faire tourner la planche à billets pour retrouver instantanément la prospérité. Ou balancer du Quantitative Easing (QE), c’est savant, c’est plus classe, mais c’est exactement la même idée. Comme si les citoyens n’allaient pas être mis in fine à rude épreuve sous leur triple casquette d’actifs, de contribuables, et d’épargnants.

Tout le monde est content ?

Tout le monde est content, donc, mais aux yeux des pays cigales, tout ceci ne suffit pas. Car jusque-là, les pays membres restent directement responsables de leurs comptes publics et l’on continuera à voir lesquels ont eu une gestion avisée et lesquels ont été incapables de répondre à la crise faute de marges de manœuvre. Avec le MES, il pourrait même être question de devoir prendre des engagements de réforme.

Franchement, parler de se réformer alors qu’il y a urgence sanitaire criante, quel manque d’empathie, quel manque de solidarité !

Tandis qu’avec un endettement réalisé au niveau européen, tous les pays, les prévoyants comme les imprévoyants, sont mis dans le même sac. Plus de risque de distinguer les bons des mauvais élèves au sens du Pacte de stabilité et de croissance, mais la certitude que les mauvais toucheront prioritairement le pactole puisqu’ils sont objectivement en difficulté. Ni vu ni connu.

Cette issue qui consacre hélas l’irresponsabilité crasse de certaines orientations politiques « solidaires » pourrait bien finir par s’imposer. Tous ces morts… qui pourrait rester insensible ?

Mais elle ressemble surtout à une sorte de chantage façon « too big too fail ».

Quelques pays, au rang desquels la France d’Emmanuel Macron tient incontestablement le haut du pavé, ont décidé depuis des années d’ignorer les conseils de prudence qu’ils ont pourtant abondamment reçus.

Au moment où le gouvernement français préparait le PLF 2020, la Cour des comptes ne le mettait-elle pas en garde en ces termes :

Compte tenu de ses niveaux élevés de dette et de déficit, la France disposerait de peu de marges de manœuvre pour faire face à un ralentissement conjoncturel ou un choc financier.

Eh bien nous y sommes : le choc, peu importe sa nature inédite, est arrivé, et la France, malgré les alertes, n’a pas de marges de manœuvre. Comme prévu. Les riches paieront, aime-t-on à répéter en France, qu’on parle d’Allemagne ou de Bernard Arnault.

Dès lors, la complainte émotionnelle pour plus de « solidarité » européenne apparaît pour ce qu’elle est réellement : la triste farce de clowns politiques irresponsables.


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Voir les commentaires (22)

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  • Superbe billet. Merci 🙂

  • dépenser l’argent que l’on n’a pas , ou l’argent des autres , c’est typiquement socialiste ça ;

  • Dans les médias franchouillards, Rutte est la nouvelle cible à abattre. Il a dû balancer ses 4 vérités budgétaires à Macron lors de la dernière réunion européenne et la digestion élyséenne s’avère ardue. Le cuistre n’a même pas pris la peine de confiner son pays à double tour, démontrant à cette occasion l’inutilité des confinements les plus sévères, puisque l’épidémie suit peu ou prou la même trajectoire dans les pays ultraconfinés et dans ceux qui le sont nettement moins. Permettre la comparaison des politiques publiques, faire jouer la concurrence entre Etats européens, quelle inélégance, quel manque de solidarité !

    La bave aux lèvres, les articles à charge s’accumulent, accompagnés de commentaires ouvertement racistes contre les habitants des Pays-Bas, commentaires étonnamment tolérés par des censeurs qu’on a connu plus réactifs pour dénoncer d’autres attaques contre d’autres populations. Dans le cas hollandais, dont on rappelle à longueur de colonnes qu’il s’agit d’un affreux paradis fiscal emplis d’égoïstes boutiquiers bas du front obsédés par leur fric, l’amalgame n’est pas seulement toléré par les censeurs, il est désormais encouragé. Comme quoi, tout arrive. Le vivrensemble européen est visiblement à sens unique, uniquement quand ça arrange.

    Peine perdue, il n’y aura pas d’eurobonds (du moins il faut l’espérer). Merci Rutte !

  • « la triste farce de clowns politiques irresponsables. »
    limpide et brillant

  • Merci à Nathalie pour nous préparer à l’après covid 19.
    Il semble évident que la France, désindustrialisée à outrance et ultra-fonctionnarisée, risque d’aborder l’une des phases les plus douloureuses de son histoire.
    Comment trouver des ressources monétaires suffisantes pour continuer à vivre à crédit afin de pouvoir continuer à importer des pays étrangers tout ce que nous ne produisons pas….

  • Voyons le bon côté des choses :

    Eurobonds = fin de partie pour l’Euro à moyenne échéance.

    Fin de partie pour l’Euro à moyenne échéance = retour à la réalité pour la France (fini de se financer aux taux allemands en se comportant comme des Grecs, malgré tout le respect que je dois aux Hellènes).

    Retour à la réalité, à la dure réalité. Il est certain qu’il y aura du sang sur les murs, mais (bientôt) 60 ans d’impéritie et d’irresponsabilité, à réclamer toujours plus d’état nounou, ça va se payer….

  • Une période de crise comme celle que nous vivons démasque une technocratie française et européenne qui gaspille des budgets énormes dans des institutions et subventions confortables sans se préoccuper des enjeux régaliens ou fondamentaux des états. Mais à quoi sert l’Europe si elle est absente en une telle période ? Nous obliger à mesurer les concombres ?

    • Elle ne sert à rien. La technocratie surplombante ne sert à rien. A part élargir l’UE et normer les crêpes bretonnes…
      L’UE est soviétoïde, il va falloir remettre au premier plan le principe de subsidiarité. Autrement dit, revenir sur les traités.

    • A masquer nos tares ?

  • Bravo pour cet article mais que Macron et sa bande de clowns politiques se rassurent. Aucun autre média ne le publiera, hélas !

  • Merci Madame Meyer pour cet excellent article qui devrait être beaucoup plus diffusé. Je trouve absolument insupportable de profiter de la situation difficile du moment pour extorquer de l’argent aux « vertueux ». Cela montre encore une fois que ce pays est ruiné et aux aboies pour rafler tout l’argent qui pourrait passer par là…
    On a intérêt à faire très attention une fois que la crise sanitaire sera passée et que la crise économique arrivera. La loi sapin2 du nom de cet illustre cretin pourrait bien nous ratisser les comptes. Comme le dit H16, ce pays est foutu!

    • Certains se posent la question: faut il quitter l’Europe ?

      Notre suffisance n’envisage même pas que la ligue hanséatique pourrait se demander: et si on virait la fRance ?

  • Voilà le genre d’article que la macronie aimerait bien pulvériser !
    Dire que cent ans plus tard on en est encore au slogan « l’Allemagne paiera » c’est dire la chimère que représente ce slogan: l’Europe (de Bruxelles) c’est la paix !

  • Il fut un temps bien lointain où je fumais des clopes ( dénomination de l’époque).
    Nous avions une vanne entre copains:
    ‘ d’abord on fume tes clopes, puis chacun les siennes ‘…
    Et là, la vanne, c’est au niveau européen qu’ils la font ! ( d’anciens fumeurs sans doutes)

  • « la triste farce de clowns politiques irresponsables »
    c est pour cela que depuis de nombreuses années à chaque élection je glisse alternativement dans l enveloppe un clown ou un gnignol que j ai imprimé…Merci ,cela fait du bien de ne pas se sentir trop seul!

  • J’ai eu l’occasion en 2019 de discuté avec un groupe de Néerlandais qui avait acheté un moulin dans le Périgord et nous avons pris une petite bière, (je précise que je connais très bien la langue de Vondel), le discours que tenait nos concitoyens Européens, n’étaient aussi glorieux, les problèmes socio/ économiques restent très importants, le triomphalisme n’est pas de rigueur

  • c est bien joli de dire que la France aurait du se reformer et equilibrer ses budgets. Mais qui a voté pour des presidents ou des deputes qui pensent qu a depenser plus ?
    Qui va refuser de se serrer la ceinture ? Car tous les francais sont pour des reformes tant que ca ne touche que le voisin !
    C est pour ca que l ISF est si populaire : 99 % des electeurs ne le paieront jamais.
    Par contre si on parle d economie qui touche tout le monde, il n y a plus personne. Regardez a la derniere presidentielle, Fillon parle de limiter les remboursement de la securite sociale lors de la primaire. Une fois designe canduadt (et avant ses problemes avec Penelope) hop , la proposition est evacuee ! Les nombreux retraités (coeur de cible elecotral des LR) ont fait comprendre qu il etait hors de question de les mettre a contribution…

    Et pourtant, si le paiment des pension de retraite est le premier poste de depense, la secu est le second. Et a eux 2 ils font 50 % des depenses!
    Comment reduire les depenses si on sanctuarise plsude la moitie d entre elle (surtout qu elles auront tendance a grossir simplement a cause de la demographie : vieillisement -> plus de retraités et plus de soins medicaux)

  • Rien à ajouter, pas une virgule à changer, analyse parfaitement juste et lucide. C’est facile de crier à la solidarité quand on n’a rien à offrir soi-même et qu’on attend tout des autres, de ceux qui savent gérer!

  • Les commentaires sont fermés.

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