L’augmentation de l’impôt sur les sociétés nuit aux salariés

Si les États s’assemblent en cartel pour décider des taux d’impôt, ils ne seront plus freinés dans leur rage taxatrice par le risque de voir les entreprises s’installer dans un pays voisin.

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L’augmentation de l’impôt sur les sociétés nuit aux salariés

Publié le 7 mars 2020
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe

L’OCDE poursuit ses projets d’uniformisation de l’impôt sur les sociétés dans le monde. Selon de récentes informations, les études en cours devraient l’amener à proposer que les profits des multinationales soient partiellement réaffectés aux pays où elles ont des activités et qu’elles soient toutes assujetties à un taux d’imposition minimum de 12,5 %.

Ces réformes feraient supporter aux 27 000 entreprises concernées dans le monde, 100 milliards de dollars d’impôt en plus chaque année, soit 4 % de recettes d’impôts sur les sociétés en sus pour les États. Les grandes entreprises numériques – GAFA- pourraient être particulièrement visées en les imposant là où elles ont leurs clients.

L’OCDE prône ses réformes au nom de la justice fiscale, mais celle-ci est sans doute aussi un prétexte pour augmenter la charge fiscale qui pèse sur les entreprises. Les gouvernements aiment les taxer parce qu’électoralement, c’est moins pénalisant que de taxer les particuliers, ça paraît plus indolore.

Pourtant, ce sont les salariés qui pourraient en pâtir le plus. Et il n’est pas certain que les États y gagnent : les 100 milliards de recette espérés pourraient ressembler à un mirage.

L’impôt sur les sociétés nuit aux salariés

Selon une étude récente de juillet 2019 (https://europa.eu/!NB43bP ) commandée par le Comité économique et social européen (CESE) à la demande du groupe des employeurs, la charge de l’augmentation de l’impôt sur les sociétés pèse plus sur les salariés que sur les actionnaires ou les fournisseurs et les clients (De Mooij and Keen, 2015).

L’Institute for Fiscal Studies considère que l’impôt sur les sociétés conduit à réduire les salaires (IFS, 2011). Une étude de l’OCDE1 a fait la synthèse de nombreuses autres études empiriques qui montrent que le poids de l’impôt sur les sociétés est en définitive supporté par les employés dans des proportions variables de 30 % à 400 %2.

Aux États-Unis, depuis 2012, le Congressional Budget Office et le Trésor prennent désormais en compte dans leurs analyses d’impact le fait que l’impôt sur les sociétés a des effets sur les salaires. Le Congressional Budget Office a considéré que « le poids de l’impôt sur les sociétés retombe largement sur les foyers » et « n’est pas supporté entièrement par les actionnaires, mais plutôt est partagé entre les propriétaires du capital et les employés » (Joint Committee on Taxation, 2013).

L’impôt sur les sociétés nuit à la croissance

Et si l’impact sur les rémunérations salariales de l’impôt sur les sociétés peut dans certains cas dépasser 100 % de son montant (jusqu’à 400 % selon une étude), c’est parce que cet impôt attente à la croissance économique, réduit l’innovation et la productivité (Mckenzie, 2017 ; Arulmapalam et.al 2010). Les salariés les moins mobiles peuvent être les plus impactés (Felix, 2007 ; Fuest et.al 2017).

L’impôt sur les sociétés pourrait constituer la forme d’imposition la plus préjudiciable à la croissance économique. Selon divers chercheurs, un taux élevé d’imposition des sociétés serait susceptible d’entraver l’activité des entreprises en compromettant la rentabilité de certains projets d’investissement. Cela réduirait l’assiette fiscale et, par conséquent, les recettes issues de l’impôt sur les sociétés.

Ils estiment que l’impôt sur les bénéfices des sociétés est celui qui est le plus dommageable à l’économie. Ils mentionnent une étude de l’OCDE de 2008 montrant qu’une augmentation du taux d’imposition des investissements étrangers directs (FDI) fait baisser ceux-ci de 3,7 %. Et inversement, par exemple, selon l’étude de Lee et Gordon (2005) la baisse de 10 % du taux de cet impôt peut conduire à une augmentation de la croissance de 1 à 2 points de pourcentage.

Leur analyse fait ressortir que les pays de l’OCDE qui ont réduit leur taux effectif d’impôt sur les sociétés dans les dernières années ont bénéficié d’une augmentation des investissements dans les années suivantes dont l’impact a été particulièrement positif sur une période de cinq ans.

Au surplus, ils notent que la baisse des taux d’impôt sur les sociétés a été importante depuis 30 ans dans un grand nombre de pays -soit par exemple dans les pays de l’Europe à 15 une baisse entre 1998 et 2017de 14,8 % du taux nominal de l’impôt et de 7,8 % du taux effectif -, sans que le montant des revenus de l’impôt en ait été affecté en pourcentage du PIB. Sur la période, la part du produit de l’impôt sur les sociétés est resté stable en moyenne autour de 2,5 % du PIB.

Et même, dans six pays, la baisse des taux a entraîné une augmentation du produit de l’impôt. La réduction des taux effectifs d’IS peut donc conduire à une augmentation globale des recettes fiscales car la baisse des taux favorise l’économie et la croissance dont tous profitent, y compris l’État.

La justice commande donc de limiter l’impôt sur les sociétés et son uniformisation

Pour éviter les dommages causés par l’augmentation de l’impôt sur les sociétés, il faut conserver aux États leur souveraineté fiscale et éviter l’uniformisation des taux d’impôt.

La concurrence force les États à rester raisonnables ; mais s’ils s’assemblaient en cartel pour décider des taux d’impôt, ils ne seraient plus freinés dans leur rage taxatrice par le risque de voir les entreprises fuir leur territoire pour aller chez le voisin. Il faut l’éviter d’autant plus que cette hausse des taux d’impôt serait préjudiciable aux États eux-mêmes autant qu’à leurs citoyens et à leurs entreprises.

Sur le web

  1. Source : OECD-Taxation Working Papers No. 32 – Milanez (2017) and additional studies.
  2. Fuest, Peichl, Siegloch : « The incidence of corporate taxation and its implications for tax progressivity » (2017), 1993-2012 : 51 % ; Felix & Hines (2009) : « Corporate Taxes and Union Wages in the United States » (2009), 2000 : 54 % ; Arulampalam, Devereux & Maffini : « The Direct Incidence of Corporate Income Tax on Wage » (2012), 1996-2003 : 49 % ; Mckenzie & Ferede (2017) : « Who pays the corporate tax ? Insight from the literature and evidence for Canadian provinces », 1981-2014 : 152 %-385 % ; Desai, Foley & Hines : Labor and Capital Shares of the Corporate Tax Burden International Evidence (2007), 1989 ; 1994 ; 1999 ; 2004 : 45 %-75 % ; Felix : « Passing the Burden : Corporate Tax Incidence in Open Economies » (2007), 1979-2002 : 400 % ; Ebrahimi & Vaillancourt : « The Effect of Corporate Income and Payroll Taxes on the Wages of Canadian Workers » (2016), 1998-2013 : 75 % ; Carrol : « Corporate Taxes and Wages : Evidence from the 50 States » (2009), 1970-2007 : 250 % ; Suarez Serrato & Zidar : « Who Benefits from State, Corporate Tax Cuts ? A Local Labour Markets Approach With Heterogeneous Firms » (2014), 2000-2010 : 30-35 %, 1980-1990 ; 1990-2000 ; Felix : « Do State Corporate Income Taxes Reduce Wages ? » (2009), 1977-2005 : 360 % ; Liu & Altshuler : « Measuring the Burden of the Corporate Income Tax Under Imperfect Information » (2013), 1982 ; 1992 ; 1997 : 40-80 %.
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  • Cette uniformisation est à replacer dans le cadre de l’idéologie post nationale qui vise à la suprresion des frontières et des nations. Elle supprimera, non seulement la concurrence, mais aussi la démocratie.

  • Ce que l’on attendrai de l’OCDE, c’est qu’elle fixe alors aussi un taux maximum d’imposition des sociétés pour respecter la liberté d’entreprendre et la propriété.

    • Même pas, surtout que tous ses fonctionnaires qui vivent de l’impôt n’y touche plus, ils ont suffisamment fait de mal comme cela. L’impôt n’est pas un investissement c’est une perte pour celui-ci.

      • L’augmentation ds impôts nuit gravement à la santé économique d’un pays fusse-t-il le nôtre !

        • c’est aussi l’aveu flagrant d’un quarteron de ministre et président en tête incapables de prendre les bonnes mesures d’économies à commencer par eux mêmes et leurs cohortes de fonctionnaires

  • Article hautement subversif dans un pays comme la France mais, heureusement pour nos élus, inintelligible pour 90% de la population française…

  • « permettre de réduire la concurrence fiscale entre les états » ne consiste pas a augmenter les impôts de 100 milliards. On voit bien qu’il s’agit de « ne pas faire les affaires des pays qui pratiquent une fiscalité alléchante », c’est donc possible, il faudrait y penser, non il faudrait le faire.

  • ça a commencé à 0%, puis maintenant ce serait 12,5 % et demain ? 1984, Atlas Shrugged c’est pour bientôt

  • Où partiront ces 100 milliards une fois retirés du circuit économique ? Directement dans des dépenses insoupçonnées, insoupçonnables enfin, dans le tonneau des danaïdes. Mais une fois constaté cette perte économique, impossible de faire marche arrière. Ces organisations administratives sont puissantes puisque vivent de nos impôts, nous sommes les esclaves des temps modernes

  • Si Airbus est imposé dans chaque pays où il fait une vente, cela diminuera l’argent rapatrié en France. Qui plus est, en raison de l’interdiction de la double imposition, ces revenus ne seront plus imposables. 🙂 Donc in fine, il y aura bcp moins d’argent versé à l’Etat par Airbus en France.
    Et même si l’Etat met en place un mécanisme lui permettant de percevoir le différentiel d’imposition entre l’étranger et ce qu’aurait du payer l’entreprise en France, cela engendrera une baisse des rentrées fiscales françaises sur toutes les entreprises françaises qui exportent! 🙂 :-).

    Tout cela pour essayer de faire casquer les « méchants » GAFAs qui produisent un bien immatériel, un service dont la structure émettrice peut très bien être délocalisée dans un pays tiers créant un bel imbroglio juridico-administrativo-fiscal dont l’Etat a peu de chance de sortir vainqueur, les meilleurs avocats fiscalistes internationaux ne travaillant pas pour l’administration française…

    L’OCDE nous montre, une fois de plus, un bien bel exemple de gauchisme et de constructivisme, avec une proposition à la fois liberticide, taxatrice, étatiste et hors-sol. Comme d’habitude… 🙂

  • Recettes de l’IS 2019 : 69 milliards
    Subventions aux entreprises 2019 : 65 milliards

    L’Etat obèse, c’est d’abord le règne de l’absurde.

    Son slogan : « prouve que tu existes ».

  • Baisser les impôts devrait inciter l’Etat à réduire ses dépenses. Il s’en fiche, car ce qu’il ne reçoit plus sous forme d’impôts il l’emprunte à taux zéro grâce à la complicité des Banques Centrales.

    • Taux à 10 ans : -0,34% le 6 mars 2020. Plus l’Obèse s’endette, plus il fait d’économies budgétaires. Le règne de l’absurde…

      • Quand le train de la stupidité entrera en contact avec la mur de la réalité on sais qui volera en éclat…

  • c’est plus simple que ça : moins de capital = moins de travail c’est aussi simple que cela. Sans même parlé de la gabegie généralisé des dépenses des états.

  • Le raisonnement est simple: 1 euro réinvesti par une entreprise bénéficiaire contribue à la croissance de l’économie, alors que le même euro dépensé par la sphère publique a toutes les chances de finir dans le puits sans fond des gaspillages de l’Etat. Augmenter les impôts, c’est toujours plus de socialisme, et on voit où cela nous mène depuis 40 ans.

  • Il me semble qu’en France, ce sont surtout les nombreuses taxes sur la production qui posent problème. En effet, vous payer bien souvent beaucoup avant même d’avoir le premier client.

    De plus, imposer les entreprises, c’est comme imposer une vache: ce n’est pas cette dernière qui va payer. Au final, c’est toujours le consommateur qui paie l’entièreté de la facture.

  • Les commentaires sont fermés.

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