Ministre et candidat aux municipales : un cumul discutable

Comment les ministres peuvent-ils concilier leur activité ministérielle et une candidature aux municipales ?

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Gérald Darmanin by Jacques Paquier(CC BY 2.0)

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Ministre et candidat aux municipales : un cumul discutable

Publié le 3 février 2020
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Par Éric Verhaeghe.

Peut-on être ministre fictif ? L’engouement de l’équipe en place pour la campagne électorale le prouve. On peut être chargé d’un maroquin prestigieux en pleine période de tension politique et juger utile de battre la campagne des municipales pour se faire élire en province. Pas sûr que ce message envoyé aux Français fasse vraiment sérieux.

Jusqu’ici, on pensait qu’il était difficile d’être un ministre fictif. Mais cette prudence ou cette pudibonderie de l’ancien monde n’a plus cours dans la start-up nation, où il est désormais possible de détenir un maroquin ministériel sans l’occuper vraiment.

Darmanin ministre et candidat

La série a commencé avec Gérald Darmanin, ministre des Comptes Publics et à ce titre en charge de la sécurité sociale. Alors qu’un important texte pour son ministère est en discussion houleuse à l’Assemblée nationale, la réforme des retraites, le bouillonnant Darmanin a annoncé qu’il serait candidat à Tourcoing, sa ville d’origine.

Il y a donc des priorités dans la vie : bien plus que réformer un système vieux de 70 ans, le ministre de la Sécurité sociale (puisque la sécurité sociale relève de son portefeuille…) préfère chauffer les salles dans le Nord et préparer son éventuelle reconversion après son passage au gouvernement.

D’autres ministres ont cédé à la tentation, comme Didier Guillaume, Jean-Baptiste Lemoine ou Marlène Schiappa (qui s’installerait à Paris). On perçoit une paie de ministre, mais on s’absente deux mois pour faire campagne.

La palme revient à Édouard Philippe qui annonce être candidat au Havre, et prétend qu’il pourra cumuler une fonction connue pour être chronophage, à Matignon, en plein tangage de la majorité sur les retraites, et une campagne électorale annoncée comme difficile.

Édouard Philippe pousse la provocation jusqu’au bout

Édouard Philippe fait partie de ces élites parisiennes qui ont acquis un fief en province en jouant sur place la carte de la haine du Parisien, et en jouant à Paris la carte du mépris pour les bouseux.

Ainsi, lors de son premier meeting au Havre, Édouard Philippe a lancé cette phrase rapportée par Paris-Normandie :

« Vous pourrez dire qu’au Havre il fait chaud, même au mois de janvier. » Il insista sur l’évidence d’une candidature au Havre : « Il ne pouvait pas en être autrement. On m’a proposé Bordeaux, une belle ville. On m’a dit « tu t’y plairas ». Je ne sais pas. On m’a parlé de Paris, une ville magnifique. Certes, mais ce n’est pas la mienne », rappelant au passage que ses tripes ont le goût de l’eau salée.

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Paris ne serait donc pas la ville d’Édouard Philippe. Il fallait oser.

Un Premier ministre fictif pendant deux mois ?

De l’avis unanime de la presse et des participants, la campagne au Havre devrait être difficile. Dès le premier meeting, une manifestation devait d’ailleurs être repoussée, dans la violence, par les CRS. Selon les informations connues à ce stade, Édouard Philippe ne fait pas campagne pour lui mais pour le maire sortant qui compte bien être réélu grâce à ce subterfuge.

On s’étonnera de cette façon très plébiscitaire de traiter le suffrage universel. Déserter son bureau de Matignon en pleine crise sur les retraites pour briguer un mandat dont on annonce d’ores et déjà qu’on ne l’exercera pas est une façon assumée de fouler au pied le suffrage universel et son sens.

Mais… ce coup de canif donné au sens de la démocratie ne semble gêner personne. Et n’empêche pas la majorité de donner des leçons de vertu.

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  • je trouve lamentable qu’un membre de l’exécutif en poste aille a des élections municipales avec un objectif inavoué : se trouver un poste en cas d’imprévu..
    Lamentable et anti démocratique , dans le sens ou sa position lui donne immanquablement un avantage évident , ne serais ce que dans les moyens..
    notre société est définitivement bien malade

    • @chdc-
      « La politique est une affaire sale, une ruse, un cul-de-sac idéologique, un vaste pilleur de ressources intellectuelles et financières, un mensonge corrupteur, une tromperie, un moyen de répandre dans le monde un énorme malheur, d’une espèce inattendue et indétectée ; c’est le plus grand gaspilleur de productivité humaine jamais concocté par ceux qui ne croient pas à un authentique progrès économique et social. » – Jeffrey Tucker

  • Pourquoi être contre le cumul de petits boulots….maire ou ministre c’est un peu de l’emploi fictif ,ce sont tous les autres qui bossent ,guère plus difficile que d’avoir des jetons de présence dans de multiples conseils d’administration !

  • un bon recadrage de la part des électeurs qui renverraient tout ce petit monde à sa place , c’est pas compliqué quand même !

  • Je pensais pareil, que c’est pour préparer leurs sortie. Puis, après ça m’a rappelé Sarkozy ( il me semble) qui exigeait que ces ministres gagnent des élections locales pour rester au gouvernement.

    Mais ça revient au même. C’est si terriblement ancien monde…et les électeurs qui continuent de voter pour eux…désespérant.

    • Bah ,il est plus facile de voter pour des gens connus qu’inconnus . C’est comme ça que ça marche ,pareil que pour vendre un paquet de lessive

    • Avec les législatives à la proportionnelle (promesse Macron), vous aurez une partie des députés qui seront choisi par le parti plutôt que des électeurs. Vous trouverez çà aussi « ancien monde » ?

      C’est effectivement une tradition, des travers sont possibles, mais le « nouveau monde » ne nous a pas fourni de ministres de meilleur qualité (de la société civile, mieux consacrés à leurs tâches, …)

  • Très juste. Un avantage cependant: cela donne aux habitants des villes concernées l’occasion de sanctionner magistralement les incapables qui nous gouvernent.

  • Marrant.
    On parle encore de démocratie, de respect des électeurs, de vertu ( !) …

    Oui, Claude, “notre société est définitivement bien malade”. Non, La petite bête, cela ne donnera pas “aux habitants des villes concernées l’occasion de sanctionner magistralement les incapables qui nous gouvernent”. Comment voudriez-vous que ces bons électeurs, ennoyés dans un océan de mensonges officiels et de presse servile, distinguent la réalité du mirage ?
    Notre ripoublique n’est pas démocratique : ce qui supposerait une réelle neutralité de l’information.
    Notre ripoublique ne respecte pas les électeurs (pensons à 2005 !).
    Notre ripoublique n’a que la vertu de ces gens qui jurent “les yeux dans les yeux”… qu’on ne les reprendra pas (ce qui est exact d’ailleurs; car, pour nous tromper encore, ils deviennent malins, les bougres !)

    • Il ne faut pas désespérer. Le chaos dans lequel sombre notre société, ce que les électeurs qui ne vivent pas dans une bulle constatent, tout cela finira par provoquer une réaction.

  • Depuis une bonne quarantaine d’années, j’ai un peu de mal à voir quel travail positif pour les citoyens et la société a été insufflé et effectué par un ministre, fût-il le premier. C’est plutôt la foire uax idées et réalisations souvent inutiles, toujours coûteuses et assez régulièrement débiles. Donc, si on peut théoriquement estimer qu’un ministre devrait se consacrer à sa tâche exclusivement, en pratique, on ne peut que se réjouir qu’ils soient distraits par d’autres préoccupations qui, on l’espère, leur laissent moins de temps pour enfoncer avec une remarquable constance ce pauvre pays à qui ils doivent tout et qui ne mérite pas un tel traitement.

  • le retour des cumulards !!!

    si au moins, on ne pouvait être maire que dans la ville où l’on réside…
    car le premier ministre a son domicile à Paris et non au Havre !!!

  • Se faire élire c’est tellement gratifiant pour un politique, c’est la noblesse démocratique.

  • Je ne suis pas fondamentalement contre le cumul;
    en effet il pourrait parfois être utile, en tant que maire, de prendre dans la tronche les décisions prises en tant que ministre.
    Même si je ne doute pas qu’ils savent faire des exceptions les concernant…

  • par ailleurs, comme ministre et comme maire, le politique peut arroser la clientèle deux fois… Inégalité !!!

  • « Mais… ce coup de canif donné au sens de la démocratie ne semble gêner personne. »

    C’est la responsabilité des électeurs. Je rappelle que la primauté de la démocratie devrait être l’électeur, pas le juge, l’expert, le comité Théodule ou la vertu irresponsable.

  • C’ est super le dégagisme quand on se retrouve avec les mêmes, voir pires et qui en plus ne se cachent plus, ce qui fait toute l’originalité de Lrem.

  • Vous soulevez beaucoup de points justes mais je ne suis pas tellement d’accord avec votre conclusion. Quelqu’un comme Philippe a le mérite d’annoncer clairement la couleur. Si les Havrais décident malgré tout de l’élire en toute connaissance de cause, ma foi c’est eux que ça regarde, c’est le strict exercice de la volonté démocratique.

  • Un peu comme « Juge » et « Mur des cons »

  • Ils sont sous la sainte protection du dieu Jupiter.
    Ils ont donc des droits exorbitant du droits du commun des mortels!

  • Les commentaires sont fermés.

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