« J’étais juste venu soigner… »

Le docteur Jérôme Marty s’adresse aux politiciens responsables de la dégradation inéluctable du système de soins.

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« J’étais juste venu soigner… »

Publié le 3 février 2020
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Par Jérôme Marty.

J’avais bossé le concours le plus dur, j’avais échoué, je m’étais relevé, j’avais bossé encore bossé toujours, j’étais juste venu soigner.

Entre la fac et l’appart, l’appart et la fac, la B.U1, l’appart, la fac, l’hôpital, la B.U, l’appart, mes années étudiantes sont passées.

Rapidement j’ai donné plus que j’ai reçu, les manques à l’hôpital débutaient, et n’allaient que s’aggraver. J’étais juste venu soigner…

J’ai vu s’étendre le poids du papier, s’épuiser les équipes, augmenter les costards gris, diminuer les blouses blanches, et au-delà des heures, j’ai vu les internes remplacer les docteurs. J’étais juste venu soigner…

J’ai vu se multiplier les ARS2, grandir l’HAS3, fermer les maternités, les cliniques, les petits centres hospitaliers. J’ai vu grandir les hôpitaux usines et les fonds de pensions tout acheter. J’ai vu l’économie supplanter le soin, et transformer les maîtres d’un savoir en paramètres. J’étais de ceux là, j’étais juste venu soigner.

Médecin de ville, j’ai vu mes tarifs ne plus progresser, mes charges augmenter, j’ai dû faire face. J’ai augmenté mes cadences alors que déjà nombres de confrères partaient. J’ai vu l’Assurance maladie se transformer en censeur absurde et les ARS me considérer déconsidéré, dégradé et simple relais. J’ai fait face, j’étais juste venu soigner.

J’ai vu les déserts médicaux augmenter et les politiques me désigner coupable de leurs actions, j’étais devenu une conséquence vivante, je les ai vus faire de moi une cause. J’étais juste venu soigner…

J’ai vu les patients ne plus trouver de médecin, les distances et les délais de soin augmenter, j’ai vu grandir la catastrophe, j’ai vu la santé s’effondrer. J’ai vu ma profession attaquée : « incapable de s’organiser », « prescrivant trop », « coûtant trop », « égoïste, ingrate et corporatiste »… J’étais juste venu soigner…

Il fallait l’organiser, la rendre plus efficiente, changer ses modes de rémunérations, renforcer l’administration, augmenter ses cadences, l’obliger, l’obliger, l’obliger… J’étais juste venu soigner…

Et puis j’ai vu s’annoncer une réforme des retraites qui lui enlevait son dernier domaine d’indépendance, qui retirait les réserves qu’elle avait accumulées parce qu’elle s’était adaptée. J’ai vu l’État promettre que « tout allait bien se passer, c’était normal de tout mettre dans le même panier ». Un système où tout le monde cotise ne pouvait être déficitaire et ne pouvait servir de banque où piocher… J’étais juste venu soigner…

J’avais vu la Sécu s’enfoncer, de politique sanitaire en politique sanitaire. J’avais vu mes tarifs êtres encadrés par l’Objectif des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) dont la progression était votée par le parlement dans le cadre de la Loi de Financement de la Sécurité sociale…

J’étais juste venu soigner et j’avais été au centre du sabotage. Je connaissais dès lors tous les travers d’un système étatique, basé sur des points à la valeur votée chaque année par le parlement et liée à l’état économique du pays.

Ils répétaient la même erreur. Après avoir cassé mon exercice, ils brisaient ma retraite. J’étais juste venu soigner.

Vous avez ignoré jusqu’à l’existence même de mes consœurs et de mes confrères et leur capacité de s’opposer. Nous étions là avant vous, nous serons là après vous, vous ne ferez pas, quoi qu’en dise vos minables gourous, de médecine sans médecins et de soin sans soignants.

Nous sommes l’indispensable… Nous étions venus soigner.

Il suffisait de presque rien pour que l’on s’arrête, il suffisait de vous…

Arrêt d’activité de la profession, à partir du 3 février 2020.

j'étais juste venu soigner

  1. Bibliothèque universitaire.
  2. Agences Régionales de Santé, chargées de mettre en œuvre la politique de santé décidée par le gouvernement et de rationaliser l’offre de soins.
  3. Haute Autorité de Santé : évalue, recommande et certifie les actes médicaux et les bonnes pratiques en vue de la validation de leur remboursement par l’Assurance maladie.
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  • Ce que vous n’avez pas vu, c’est que les autres professions médicales, qui travaillaient pourtant à vos côtés, ont été attaquées bien avant vous, depuis le début des années 80.

    Mais vous avez laissé faire, et avez même été complices de la sécu aux dépens de ces professions, croyant être à l’abri de votre indépendance de prescripteurs.

    Mais eux savaient qu’un jour ce serait votre tour.

  • « Augmenter les costards gris, diminuer les blouses blanches » cela résume bien la dérive technocratique de la santé, dérive que l’on retrouve un peu partout mais dont les conséquences se font plus cruellement sentir dans les métiers de l’humain (santé, enseignement).
    Après avoir accepté une lente dérive dont certains – minoritaires – voyaient cependant dès les années 90 qu’elle menait à une fonctionnarisation de la santé, il est bien tard.
    L’Etat obèse ne se contente plus de pomper toutes les forces vives du pays, il est devenu l’ennemi de sa propre population.

  • Ils veulent à tout prix casser la médecine libérale depuis 40 ans. Ils ont presque réussi.
    Plus de généraliste dans les départements ruraux…

  • Nous avions une excellente médecine, nous avions des légumes et des fruits qui avaient du goût, un certain état nous foutait à peu près la paix, Notre industrie marchait bien et n’avait rien à envier à l’Alelmagne.
    Les idées socilaiste et étatiste ont réussi à mettre tout cela par tere en un peit demi-siècle.
    Et dire qu’il a des crétins finis qui en redemandent!
    Ce pays s’écroulera sous la bêtise d’une trop large pajorité qu’une minorité de gens brillanst de plus ne plus

  • Dans ce domaine comme dans tant d’autres, la question est de savoir ce que l’on veut. Avoir le beurre et l’argent du beurre est complètement utopique et ne peut que susciter des déboires….Ici les médecins, là les agriculteurs, là bas les artisans, etc…..
    Hurler contre l’étatisation générée par des utopistes ne sert à rien. Il faut sortir du système et fédérer les bonnes volontés en dehors des politiciens qu’ils soient de droite ou de gauche.

  • Se rassembler pour chercher des idées de solutions puis les mettre en œuvre ensemble par solidarité aurait pu être un objectif pour les gilets jaunes ou pour les marcheurs.
    Dommage de les avoir vu dériver et se laisser phagocyter !

    • Et vous faites comment pour ne pas vous faire phagocyter ?

      • On peut quand même essayer de résister. Finalement, il y a beaucoup de petites résistances au quotidien et multipliées par xxx personnes. Il est vrai qu’il faut être tenace et patient. Même si c’est parfois fatiguant, on en retire quand même une certaine satisfaction. Le fond du problème est que les « individus » et malheureusement encore plus les jeunes, ont baissé les bras et ne pensent plus pouvoir jouer un rôle en tant que » personne ». Il y a certes des montées d’adrénaline sporadiques mais sur le fond, ils n’ont plus le réflexe de se battre (au sens noble du terme), et encore moins pour des principes tout simplement.

  • qu’on libéralise l’hôpital, vous pourrez soigner

  • Les médecins en France sont quand même les spécialistes de la pleurniche. Certes ils ont une profession réglementée encadrée mais ils bénéficient d’une rente perpétuelle due au fait que l’Etat socialiste a organisé la pénurie médicale. Par rapport aux professions libérales, aux cadres sups d’HEC/Essec qui doivent s’exiler à l’étranger pour espérer gagner plus que 2500/mois. Bien sûr la situation est administrativement gênante et la société gagnerait à plus de transparence et moins de torpeur administrative mais les médecins sont des membres de la nomenclatura, du politburo, ils constituent une caste à l’Assemblée qui défend leurs petits privilèges. Les médecins « libéraux » pestant contre le système sont en infime minorité : la majorité est très contente de ce système soviétique car ça leur assure un excellent revenu à vie.
    Ensuite, et c’est malheureux d’écrire cela, mais les médecins français sont les plus incompétents d’Europe. Si l’Etat fait venir des roumains et des algériens pour pallier le manque de médecins français c’est parce qu’ils sont au niveau des natifs : aucun médecin allemand ou néerlandais ou britannique n’accepterait de venir travailler en France même en bénéficiant de la manne socialiste. Si les charlatans « médicaux » ont de plus en plus de succès en France (les antivax, les Thierry Casanova, les profs de Yoga-hindou je ne sais quoi ) c’est parce que les médecins français sont lamentables. Le but du médecin français n’est pas de soigner/prévenir mais simplement de remplir la fiche de soin de la sécu. La première question que pose un médecin français ce n’est pas « décrivez-moi votre mal, si vous en avez parlé à vos proches » mais bien « avez-vous votre carte vitale ? ». Les médecins français se moquent totalement de la santé des patients. Pour preuve : il y a des milliers de français frontaliers de l’Allemagne et de la Suisse qui partent se soigner en Allemagne ou en Suisse. Il y a environ 0 allemand ou suisse qui vient se soigner en France malgré la sécu que le monde nous envie et nos médecins fonctionnaires si soucieux de l’intérêt général.

    • (parce que les accords remboursent les soins effectués en europe)

    • Je vous trouve un peu dur avec « les » médecins français. On ne peut pas généraliser.

    • Ce qui me gêne aussi dans cet article est qu’il met les fonds de pension au même niveau que la bureaucratisation.

      On pourrait ajouter que bien des jeunes qui font médecine ne choisissent pas cette voie « pour soigner », autrement dit par générosité désintéressée, mais pour le statut social et financier (merci le système verrouillé) qu’il procure : une enquête nationale publiée dans un grand journal il y a quelques années – dont je n’ai malheureusement pas conservé le lien – le montrait très bien.

      • @Jacques je connais beaucoup de jeunes médecins et aucun l ont fait pour le statut et la situation. Ils savent que les études sont très très longues et que l argent sera modique . C est plutôt auparavant que les jeunes choisissaient médecine pour le statut et l argent. Les médecins d aujourd’hui sont mieux formés, issus d une sélection sans pitié et motivés (les autres ne passaient pas la 1ère annee) mais ils se retrouvent internes payés au lance pierre avec des horaires de dingues et des conditions de travail dégradées et là les illusions et leurs bras tombent avec … je ne donne pas 10 ans pour que les jeunes fuient le métier comme cela a été le cas pour les profs .

        • Je ne retrouve pas le lien.
          Je connais ou ai connu pas mal de médecins, et s’il est difficile de généraliser parmi eux il s’en trouve « un certain nombre » dont soit les compétences, soit encore plus la moralité/motivations ne m’inspirent pas vraiment confiance… je reconnais toutefois que le système (socialiste) n’est pas fait pour leur faciliter les choses.

          • Et si c’était un phénomène général ? Plus envie de se sacrifier pour les autres. (Les médecins généralistes de « Campagne », les vrais, ainsi que les chirurgiens d’ailleurs, ont une vie d’enfer, jamais tranquilles -jour, nuit, week-end – En plus bien souvent les patients considèrent que c’est un dû. Et encore en plus on voudrait qu’ils gagnent très moyennement leur vie !. (On peut mettre également dans le même panier les infirmières libérales.)). Et pourquoi ?

        • Avant la fuite, ils exerceront tous en secteur non conventionné ou secteur 3 ce qu’ils font déjà d’ailleurs pour la plupart (surtout les spécialistes). Tant qu’ils le pourront….?? Finalement, à vouloir réduire leurs honoraires, on les a fait exploser pour le patient en tout cas.

    • @scipionrex vous confondez les causes et les conséquences. Nous avions un des meilleurs systèmes de santé ( et educatif) et sa sovietisation l a flingué. Il reste des médecins (des profs) qui gardent le sens de la mission mais la prégnance et la nocivité du système les conduira à être de plus en plus rares .

    • Il m’est arrivé de lire des conneries mais là c’est le pompon..Un ramassis d’idioties qui ne peut qu’émaner d’un troll…Les Suisses sont confinés dans un secteur de soins dont ils ne peuvent pas s’échapper…Le canton c’est le canton ..nos voisins allemands rouspètent autant que nous..Quant aux anglais , cette grande nation libérale , Margaret a si bien réussi qu’ils se précipitent en France et sont ravis d’être pris en charge par des médecins roumains sous payés mais parlant français deuxième langue du pays.. Juste une question ..mais que faites vous encore dans ce pays…??? Il ne vous mérite pas …Et réciproquement..!!

  • Entre les abstentions, les votes blancs, la presse rouge d’état (3 milliards pour la nébuleuse France Télévision) et le flinguage systématique de toute réforme libérale par le 5% des français communistes de la CGT et de l’ednat, on ne peut vraiment pas dire que les français ont « choisis » quoi que ce soit.
    Lire à ce sujet « Pilleurs de voix » de Philippe Pascot qui montre chiffres et statistiques à l’appui que tout le système politique français repose sur une petite minorité et un énorme tas de mensonges et de manipulations.

    • 24,01% l’ont choisi au premier tour, 43% au deuxième il a 36% d’approbation et continue de passer des lois.
      La démocratie (le « pouvoir du peuple ») c’est une majorité qui peut choisir la trajectoire à chaque virage (lois, taxe) comme en suisse et pas confier le volant et un chèque en blanc a un type tous les 5 ans surtout quand il a des syndicats marxiste et une presse de gauche qui ont la manif et la grève pointés sur sa tempe en permanence.
      .
      Les suisses ont votés 600 fois en 40 ans (276 référendums et 354 autres votations (ex initiatives) sans compter les élections, les français… 4 fois.

  • ça ne nous dit pas vraiment ce que vous voulez..

  • quid de la responsabilité du conseil de l’ordre et des syndicats de médecins… ?

    pour le reste, cet article ressemble à un résumé de « la Grève » d’Ayn Rand !

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