ETF : la supercherie de la gestion passive

Ne vous leurrez pas : quoi que vous fassiez, investir, c’est choisir, et choisir, ce n’est pas une démarche passive. Vive les ETF mais attention à la gestion passive !

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ETF : la supercherie de la gestion passive

Publié le 3 février 2020
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Par Régis Yancovici.

J’ai récemment choqué mon auditoire qui m’attendait, en tant que spécialiste ETF (Exchange Traded Fund), sur le sujet de l’intérêt de la gestion passive en affirmant : « La gestion passive ? Ça n’existe pas ! ».

Explications.

Les ETF connaissent un succès qui ne se dément pas. Les actifs investis en ETF dans le monde ont atteint plus de 6000 milliards de dollars en 20191. Cela représente maintenant 12 % des 50 000 milliards de dollars investis dans les fonds ouverts. C’est une progression annualisée d’environ 20 %. Et le potentiel demeure important.

Pourtant un danger pourrait guetter les investisseurs non avertis, qui par trop de raccourcis, pensent pouvoir être pleinement satisfaits de leurs investissements sans avoir à les sélectionner. L’intérêt de la gestion passive se nourrit trop souvent d’un raccourci potentiellement funeste. Il suffirait de se laisser porter par le marché pour réaliser des performances conformes à ses attentes. La croyance serait : grâce à la gestion passive, il est inutile de faire des choix pour atteindre mon objectif. Et les chiffres seraient là pour le démontrer.

C’est vrai pour un investisseur institutionnel qui a un objectif de performance relatif à un indice de référence. Mais quels sont les objectifs d’un investisseur particulier ? Reproduire l’EuroStoxx50 ? Le MSCI World ? Cela n’a jamais été le but des clients que je rencontre depuis plus de 25 ans. Leur objectif, quel que soit le niveau de risque souhaité, est un subtil mélange de performance relative avec une dose plus ou moins forte de performance absolue.

Les fervents défenseurs de la gestion passive argueront du fait que les marchés d’actions ont réalisé une performance d’environ 7,5 % à 8,5 % annualisés sur le long terme. C’est exact et effectivement susceptible de satisfaire une immense majorité de clients. Mais, quelles garanties avons-nous que cela se reproduise ? Elles sont à mes yeux très limitées.

Qu’est-ce que le long terme ? Est-ce le même pour un analyste averti ou pour un particulier ? Sans doute pas. Le premier, afin d’englober plusieurs cycles économiques, se basera sur au moins 50 ans, ne serait-ce que pouvoir intégrer d’autres périodes que celles de baisse des taux que nous connaissons depuis le début des années 1980 et qui arrive à son terme.

Le particulier estime plutôt le long terme à l’aune des 8 ans de son contrat d’assurance-vie. Hélas, sur une période de 8 ans, les performances peuvent être fréquemment inférieures à 7,5 %. Si sur les 8 dernières années (2011-2019), l’EuroStoxx 50 a réalisé une performance brute annualisée de 9,2 %, cela s’explique par un point de départ qui se situe au sortir de la crise des  subprimes. Mais d’autres périodes de 8 ans ont produit des performances annualisées bien différentes :

  • 2000-2008 : – 5,8 %
  • 2003-2011 : + 0,8 %
  • 2007-2015 : – 0,5 %

Prenons un cas extrême, mais pas tout à fait innocent (cf. ci-dessous).

Les investisseurs qui auraient acheté le Dow Jones en 1928 ont attendu 23 ans pour récupérer leur investissement (27 ans si l’on ajuste de l’inflation). Est-ce satisfaisant ? Avec un horizon de 8 ans, le point d’entrée a donc une réelle importance.

Par ailleurs, choisir un ETF, donc un indice, est-ce vraiment un acte passif ? Mettons d’ores et déjà de côté la problématique du choix de l’émetteur, du mode de la réplication, de la liquidité, du traitement des dividendes… qui impactent clairement la performance. Choisir un ETF, même sur un indice très large, est-ce vraiment un non-choix ? L’achat d’un ETF MSCI World serait le summum du non-choix. Il est d’ailleurs souvent précédé de la phrase « ben, je ne me casse pas la tête ».

Pourtant, ce n’est pas neutre. C’est le choix d’avoir opté pour un indice qui n’intègre pas les pays émergents. Pour cela, il aurait fallu se tourner vers le MSCI ACWI Index. Il y avait donc un choix à faire entre les deux. C’est le choix d’un indice pondéré par la capitalisation. Ce qui revient à faire l’inverse de ce que ferait un bon père de famille : plus les valeurs montent, plus leur poids dans l’indice augmente, donc plus vous achetez.

C’est aussi s’exposer à hauteur de 70 % au dollar américain, à moins que vous ne choisissiez un ETF couvert du risque de change. Encore un choix. Enfin, c’est le choix de pondérer les États-Unis à 64 % alors que son PNB représente 24 % du PNB mondial et que les valorisations2 du marché américain se situent à un niveau supérieur à celles de 1929…

Alors ne vous leurrez pas : quoique vous fassiez, investir, c’est choisir et choisir, ce n’est pas une démarche passive.

Vive les ETF mais attention à la gestion passive !

  1. Source ETFGI
  2. Sur la base Price Earning ratio de Shiller.
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  • L’auteur n’évoque pas le choix primordial, le choix de ne pas être investi, le choix de la liquidité. L’individu qui gagne en bourse sur le long terme n’est pas celui qui choisit entre deux placements, car tout le monde paraît intelligent quand le marché monte, en oubliant que personne ne peut battre les indices. L’investisseur avisé est plutôt celui qui se retire à temps des marchés baissiers, pour n’accumuler que des gains de long terme, l’exercice étant infiniment plus difficile que le choix de titres ou d’ETF.

    Ceci dit, la liquidité est aussi un placement supportant le risque de change, qu’on devrait plutôt appeler le risque de l’Etat.

  • La question qui se pose en réalité, pour savoir ou va la France, est celle ci
    Macron est il plutôt Actif, ou Passif ?

  • Ce n’est effectivement pas le sujet traité dans l’article. Cependant, c’est un sujet d’importance, je vous l’accorde.
    Mais il me semble voir une contradiction à votre propos. Si vous estimez « que personne ne peut battre les indices » alors pourquoi rechercher à sortir et entrer du marché ?

  • Les commentaires sont fermés.

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