Les cadres ne seront pas gagnants à la réforme des retraites

La polémique de la retraite des cadres souligne l’incohérence de cette gauche acariâtre rivée obsessionnellement aux vertus de la répartition comme à la beauté d’un mirage.

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Les cadres ne seront pas gagnants à la réforme des retraites

Publié le 22 janvier 2020
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Par Jean-Philippe Delsol.
Un article de l’Iref-Europe

Pour dissimuler le fait que leurs revendications en matière de retraite visaient essentiellement à préserver les privilèges des fonctionnaires et autres régimes spéciaux, les syndicats grévistes ont battu le pavé en conspuant les fonds de pension et les cadres qui allaient profiter de la réforme.

Leur raisonnement est que le plafond de cotisation étant abaissé d’environ 320 000 euros, soit huit fois le plafond de Sécurité sociale, à environ 120 000 euros, les cadres supérieurs seraient dispensés de cotisation sur la partie supérieure de leur salaire et pourraient cotiser auprès de fonds de pension pour s’enrichir aux dépens des autres salariés.

La future retraite des cadres

Les choses sont plus compliquées.

Dans le nouveau régime, les cadres supérieurs vont cesser de cotiser au-delà du montant susvisé de 120 000 euros alors que le régime des retraites continuera pendant sans doute environ 40 ans à payer, de manière dégressive, les pensions des retraités qui avaient cotisé selon l’ancien régime.

Il est encore heureux que le régime de retraite, qui dépend déjà du budget de la Sécurité sociale, assume ses engagements qui ne sont que la contrepartie des cotisations versées.

Mais bien entendu cet engagement va coûter très cher au nouveau régime de retraite.

Ce coût est estimé par l’AGIC-ARRCO à environ 4 milliards par an en 2025 et à 5 milliards en 2040, avec une moyenne de 4,8 milliards par an. Soit, en cumulé sur ces quinze années, quelque 72 milliards de pertes représentant un montant à peu près égal aux réserves de l’AGIRC-ARCCO.

Ce qui d’ailleurs servirait de prétexte à la captation de ces réserves par le nouveau régime, sans pour autant la justifier. Car ces « réserves » sont comptablement des provisions constituées en vue de faire face à d’éventuelles futures moins-values ou insuffisances de cotisations, et, payées par tous les cotisants, elles n’ont pas été constituées pour être affectées au seul service des 1 % de cadres aux revenus les plus élevés.

On peut d’ailleurs se demander si ce détournement ne sera pas remis en cause par les tribunaux.

Les nouveaux entrants dans le nouveau régime ne paieraient plus de cotisations au-delà de 120 000 euros, mais ils auraient des retraites moindres, réduites à due concurrence. Au surplus, ils seraient astreints au-delà de ce plafond de 120000 euros à une cotisation de 2,8 % de leur rémunération, sans plafond, qui serait de fait un nouvel impôt puisqu’elle ne serait corrélée à aucune prestation.

Certes, les titulaires de ces revenus supérieurs pourraient ainsi cotiser à des fonds de pension ou investir dans divers placements pour se constituer eux-mêmes leur propre retraite, ce qui est incontestablement un avantage tant l’avenir du nouveau régime de retraite tout entier fondé sur la répartition reste incertain.

Mais pour procéder à ces investissements, ils ne disposeraient, sauf nouvelle négociation avec leur employeur, que de l’économie de leur part salariale, diminuée de leur contribution au titre de l’impôt/cotisation susvisé de 2,8 %.

En effet sur les 28 % environ payés au titre des cotisations déplafonnées des cadres, ceux-ci n’en supportent que 40 % environ, le solde étant payé par l’employeur qui en sera donc exonéré. Les cadres ne retrouveront donc que la disponibilité de moins de 10 % de leur rémunération pour investir en vue de leur retraite et non 28 % comme certains le laissent entendre.

Seuls les employeurs y gagneront, sauf pour eux à reverser à leurs cadres des montants équivalents à ce qu’ils versaient jusqu’à présent par suite de négociations à venir et aujourd’hui hypothétiques.

L’incohérence de la gauche acariâtre

Au demeurant, cette polémique est relativement cocasse, ou triste, et souligne l’incohérence de cette gauche acariâtre rivée obsessionnellement aux vertus de la répartition comme à la beauté d’un mirage.

Ceux qui refusent de voir les dangers inéluctables de la répartition, eu égard à l’allongement de l’espérance de vie et à la réduction proportionnelle de la vie active, sont les mêmes qui jalousent ceux qui ont accès à la capitalisation.

Piketty ne cesse de critiquer les détenteurs du grand capital qui peuvent faire des placements inconsidérés desquels ils sont certains de retirer un rendement annuel supérieur à 5 % quand il n’est pas de 10 %, mais il refuse que les régimes de retraite profitent de tels avantages et veut imposer aux salariés ordinaires la « répartition » pour gouverner leurs retraites alors qu’au travers de caisses de capitalisation ils pourraient placer sur le long terme leurs fonds à des taux équivalents à ceux des grands capitalistes ! (Cf. Piketty, Le capital au XXIe siècle, Seuil, 2011, pp.784/785).

 

Écrit avec la collaboration de Thierry Benne

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  • On parle de cadres , + 120k€/an….ils ne doivent pas être nombreux hors copinages et professions libérales et chef d’entreprises !
    Bref ,ils ont les moyens de faire leur retraite individuelle hors retraite d’etat.
    Les mettons nous en avant pour masquer l’enorme groupe des perdants qui sont tous les autres ?

    • les cadres a ce prix là sont une poignée.. sauf dans la ponction publique

    • Une loi juste s’applique à tout le monde de la même façon.

    • Commentaire inutile, on pique quand même 4 milliards par an, donc à 1000€ de versation au dessus du plafond, ça ferait 300000 personnes. Ca semble quand même être une portion raisonnable de gens à qui on peut demander leur avis. De toute façon à plus de 5K par mois, t’es sensé investir ton argent largement avant la retraite, capitalisation ou pas.

  • Pourtant la gauche aime la capitalisation… pour les fonctionnaires (Prefon)

    • L’argument de la Préfon est limite contre-productif. La Préfon, c’est une capitalisation qui fait la part belle à la dette publique, donc qui capitalise sur la croissance … des impôts destinés à rembourser cette dette publique ! Environ 80% obligations, 12% actions, 5% immobilier, voilà le portefeuille de la Préfon, cette institution de prétendue capitalisation qui tire ses ressources non pas de la croissance de l’économie, mais de celle de la pression fiscale, ce qui plaît évidemment à gauche…

      • il est de toute façon anormal que la prefon existât pour les fonctionnaires
        et pas pour le privé.. c’est a se la mordre

        • Allons, vous n’avez pas suivi. La Préfon c’est juste le droit d’acheter de la dette publique en franchise d’impôts, et vous êtes jaloux ?

          • je ne suis pas jaloux, placer de l’argent DEFISCALISE dans des obligations d’etat dont les intérêts sont payés par le contribuable..
            je trouve çà un peu fort de café .. pas vous?

            • Bien sûr que si. Mais justement, ça ne peut que donner un mauvais symbole pour l’image de la capitalisation, alors que la capitalisation devrait reposer sur la croissance de l’économie privée, les obligations souveraines n’étant là que pour lisser les à-coups de cette croissance.

      • J’abordais ce sujet sous l’angle de la gestion financière…
        On a le même problème avec la montée de l’état au capital d’une entreprise. Le contribuable achète les actions, l’état perçoit les dividendes. (Pour ce qu’il en fait !)

  • les cadres ne sont pas non plus gagnants dans la retraite actuelle.. peu s’en faut..

  • Dans tous les cas, le procédé est malhonnête, au non d’une idéologie du début du siècle dernier , on impose a une société tous entière aucun choix de disposer du fruit de sa vie de son travail. C’est juste honteux malhonnête et le reste n’a plus d’intérêt.
    Parceque tous ces cadres et à ce niveau la financier, ils ont quand même intérêt à avoir des revenus autre qu’en France.

  •  » Les hommes faibles, préfèrent vivre des avances empruntées à l’avenir que des pensions certes modérées, mais sûres, du passé.  »

    Gutzkow, De l’arbre de la connaissance, 1869

  • 10% cela fait plus de 12000€ de plus par an a investir , c’est énorme !

  • Un cadre autour de 120K€ par an à en général une retraite chapeau et souvent s’expatrie sans liquider les régimes CNAVTS-ARRCO et AGIRC, coupant ainsi tout lien économique avec la France et son fisc.

  • A ce niveau de salaire les cadres sont évidemment des individus recherchés. Ils négocieront donc avec leur employeur pour récupérer la part patronale de cotisation dont celui-ci sera dispensé. Et cela ne changera rien pour l’employeur qui ne se soucie que de sa masse salariale qui inclut cette cotisation.
    Les seuls haut cadres qui seront perdants ce sont ceux à salaire élevé et que l’entreprise verrait partir sans déplaisir. Pour ceux-là l’entreprise n’accordera pas de supplément de salaire compensatoire et leur dira que s’ils ne sont pas contents ils peuvent aller voir ailleurs !

    On aurait évité toutes ces complications en faisant en premier lieu une réforme totalement neutre qui aurait été : pour le secteur privé basculer dans le salaire toutes les cotisations de l’employeur et à partir de là tout prélever (quel que soit le système) sur le salaire, pour le secteur public fusionner les lignes budgétaires des salaires et des pensions, tout donner à l’employé et ensuite lui prélever avec un taux qui laisse identique ce qui lui reste et ce qui va à l’enveloppe retraite. A partir de ce point de départ bien plus sain (et sans impact financier) on aurait pu ensuite faire évoluer le système en corrigeant les anomalies en commençant par les plus grosses.

  • Hier, sur LCI dans Perriscope, Bruno Chrétien dit clairement les choses sur cette réforme. Très instructif, à voir. B Chrétien parle clair!
    Les réserves des caisses complémentaires vont servir à l’Etat dès 2022. Le résultat, j’en ai bien peur est que même les retraités vont voir leur retraite diminuer car les réserves de l’AGIRC ARCCO par exemple vont être siphonnées.

    Cette réforme est dans le même esprit que celles de la formation, du chômage, etc., l’Etat, c’est à dire un haut fonctionnaire sorti de l’ENA sera le seul à gérer les retraites en France.
    https://www.lci.fr/replay/video-perri-scope-du-mardi-21-janvier-2020-2143359.html

    Le dernier enfumage de Macron sur cette réforme est la simulation sortie hier qui montre que cette réforme avantage tout le monde!!! C’est plus que grossier, qui peut le croire.

    • Disons le clairement : ils nous prennent pour des grands benêts.

      • A écouter les médias et les micros-trottoir, les grands benêts disposent d’une majorité écrasante en France. Je cherchais le mot, mais « écrasante » me paraît bien le bon…

    • C’est évidemment le vice majeur dont pourtant personne ne parle (il a vraisemblablement été sciemment dissimulé en focalisant sur des points plus mineurs). Si la réforme va jusqu’au bout les retraites seront totalement gérées par l’état c’est à dire par une poignée de haut fonctionnaires qui peuvent être à la fois incompétents et soumis aux directives des politiciens. Il va sans dire que dans un tel cas l’optimisation sera faite uniquement en fonction des intérêts électoraux. Ceux dont on est sur qu’ils votent mal n’auront rien (sauf s’ils ont un pouvoir de nuisance exceptionnel), ceux dont on est sur qu’ils ne peuvent que voter « bien » n’auront rien non plus. Et ceux qui sont à la charnière bénéficieront de toutes les attentions.

      • tout absolument tout est géré par les hauts fonctionnaires en france

      • Est-ce vraiment si grave ? On sait bien en France que quand l’État gère, tout se passe mieux et tout est fait dans le meilleur intérêt du peuple – au contraire d’une entreprise où tout sera systématiquement fait dans le meilleur intérêt du patron. Qui, vu qu’il est patron, est nécessairement un salaud d’exploiteur du bon peuple…

  • Dans un contexte où plus de 20% des retraites par répartition ne sont déjà plus financés (76 milliards de déficit budgétaire en 2019, pour environ 70 milliards de pensions publiques versées, sans compter les trous béants des régimes obligatoires du privé), quiconque prétend vouloir sauver la répartition affirme implicitement qu’il y aura des perdants.

    L’affaire est d’une cruelle simplicité. Pour résorber son déficit sans rien changer par ailleurs à son fonctionnement, l’Obèse se donne les moyens de réduire l’ensemble des pensions versées, publiques comme privées, de 20%. 1/5e des pensions perdues, c’est le prix à payer pour avoir cru aux promesses politiques intenables, promesses qui, chacun le sait bien, n’engagent que ceux qui les écoutent.

    • les retraites et e salaires du public devraient etre rabotées de 30% , ne serais ce que pour la garantie de l’emploi..
      on pourrait financiariser la garantie de l’emploi au choix , avec x% de moins , sans avec X% de plus

      • juste pour voir si vous connaissez votre sujet …un cat c qui travaille aux espaces verts ( c’est à dire qui passe l’année dehors à tailler des haies, tondre la pelouse, disposer des décorations et faire des plantations) gagne combien par mois?

    • j’avoue que le personne ne va perdre laisse songeur…

  • Le « bon » titre :
    Les cadres seront perdants à la réforme des retraites

  • De tous les gouvernements les Cadres ont toujours servis de « variable d’ajustement » à leur politique qui serait exemplaire comme ils le prétendent.

  • N’importe quoi, l’impôt EST un vol, même s’il y a une contrepartie….

    Je viens chez vous, je vide votre maison, un de mes collaborateur à pitié de vous et vous ramène votre lit, c’est pas du vol ?

    • A parti du moment ou il n’y a pas de choix et en plus il a coercition, toute soustraction à la propriété est un vol

    • Et a celui/ceux qui m’ont mis un -1, je vous défie de trouver une définition de l’impôt qui ne soit pas un vol.
      Même la DDHC n’accepte pas l’impôt mais just une participation volontaire, dans le plus pur respect du droit de de propriété

      • A croire que ce qu’on appelle couramment des libéraux classiques étaient en fait des vrais anarchistes.
        A part quelques contributeurs lucides, même sur contrepoints on se sent entouré de liberticides..

  • Il me semble que le problème essentiel n’est pas – pas encore – répartition ou capitalisation, mais la centralisation au niveau de l’Etat de toutes les retraites. Nous connaissons tous les qualités de gestionnaires de cet Etat peuplé de hauts fonctionnaires déconnectés, et qui sait si bien piocher dans certaines caisses annexes pour arranger ses affaires.

  • avec la répartition, personne ne peut gagner à terme.

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