Le mammouth de l’Éducation nationale broie la bonne volonté de ses employés

La prolifération bureaucratique, le mammouth, met en place des règles obsolètes au détriment de la motivation individuelle. Et pompe des moyens budgétaires colossaux au détriment de l’augmentation du salaire des enseignants.

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Le mammouth de l’Éducation nationale broie la bonne volonté de ses employés

Publié le 10 janvier 2020
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Par Éric Verhaeghe.

Le mammouth de l’Éducation nationale est-il le premier ennemi de l’enseignant, et son principal producteur de frustrations et de hargne, bien au-delà des conditions salariales souvent dénoncées par les impétrants ? Toute revalorisation salariale est-elle par avance condamnée à échouer tant que le mammouth lui-même n’aura pas été terrassé comme en avait la conviction Claude Allègre ?

Plusieurs indices laissent à penser que la réforme la plus urgente en matière d’éducation ne porte ni sur le salaire enseignant, ni sur les contenus d’enseignement, mais sur l’organisation même de ce ministère pléthorique, tentaculaire, suradministré à coups de circulaires bureaucratiques et d’injonctions paradoxales produites par une caste coupée des réalités.

 

Le mammouth de l’Éducation nationale ne cache pas ses dysfonctionnements

On relèvera simplement cette affaire sidérante : le 23 septembre dernier, une directrice d’école s’est suicidée sur son lieu de travail en Seine-Saint-Denis.

Dans un courrier envoyé deux jours avant son suicide à de multiples destinataires, cette femme de 58 ans mettait en cause l’Éducation nationale et ses conditions de travail, détaillant « son épuisement », la solitude des directeurs ou encore les réformes incessantes et contradictoires.

On apprend par l’intermédiaire du SNES que le ministère, c’est-à-dire l’employeur, a reconnu sans barguigner sa responsabilité dans ce décès.

L’explication donnée à cette décision par le ministère laisse sans voix : ce serait une « décision coutumière de l’administration dans ce genre de circonstances, car elle permet d’assurer une protection maximale aux ayants-droit ». Autrement dit, voilà un employeur qui reconnaît sans se poser de question, de façon « coutumière » sa responsabilité dans le suicide de l’un de ses employés pour que sa famille soit la mieux indemnisée possible. Point. Fermez le ban ! circulez, il n’y a plus rien à voir.

Imagine-t-on ici un mécanisme analogue chez France Télécom, en son temps, chez Renault aujourd’hui, ou dans n’importe quelle entreprise privée ? Le scandale serait immense et les pleureuses attitrées de la gauche socialiste défileraient devant les micros et les caméras pour dénoncer les méfaits du capitalisme et pour exiger une loi répressive contre ces méchants exploiteurs que sont les patrons.

Au contraire,  à l’Éducation nationale le suicide d’un salarié épuisé par son travail est une situation « coutumière » qui ne choque manifestement plus personne et qui n’impose à aucun ministre, à aucun recteur, à aucune directeur d’administration centrale un examen de conscience immédiat en place de grève.

Deux poids, deux mesures !

 

Ah… les réformes incessantes et contradictoires

La directrice d’école qui s’est suicidée a invoqué les réformes incessantes et contradictoires pour justifier son geste et son épuisement.

Mieux que le mot « réformes », elle aurait pu utiliser la formule « décisions administratives absurdes ». Car il est un fait que l’école publique en France est d’abord un espace où le rond-de-cuir content de sa psychorigidité et de son petit entre-soi est tout-puissant.

Le grand public n’imagine pas le nombre de circulaires que chaque fonctionnaire désœuvré dans un bureau (mais qui se croit très occupé) est susceptible de rédiger pour s’occuper et justifier son emploi. Et des fonctionnaires désœuvrés, l’Éducation nationale en compte un volume considérable. Nous l’indiquions récemment, ils sont près de 30 000 à posséder cette arme de destruction massive qui s’appelle « rédiger une circulaire ».

Et comme nous l’indiquions, la France est recordman mondiale de cette part de l’administration dans la dépense éducative.

À tous les niveaux, ces individus peuvent s’illustrer par des initiatives procédurières sans limite. Il y a les inventions que les Français connaissent, comme « admission post-bac », qui autorise le « système » à condamner un passionné d’histoire à faire des études de biologie et un passionné de biologie à faire des études d’histoire.

Mais il existe bien d’autres de ces procédures, de ces décisions, de ces usines à gaz, inventées dans un labyrinthe de bureaux hors de contrôle qui se terminent toutes par un poison administré quotidiennement à chaque enseignant.

 

Le poids des corps d’inspection est une vraie mise à mort de l’éducation en France

En réalité, l’école en France est d’abord menacée par un corps qui n’a pas d’équivalent dans les autres pays industrialisés : les inspecteurs.

Qu’ils soient chargés des écoles primaires, des collèges ou des lycées, ces inspecteurs ont un pouvoir de nuisance largement passé sous silence mais dont les Français ont bien tort de sous-estimer les dégâts. Le meilleur de l’inspection réside souvent dans des décisions pédagogiques ineptes, hors sol, imposées au forceps aux enseignants.

Comme ce pays compte encore de belles intelligences, les enseignants les plus brillants sont souvent les plus rapides à mettre en cause des décisions prises d’en haut et sans préparation véritable. Et ces rétifs aux régressions sont volontiers pénalisés, sanctionnés, ralentis, pendant que les thuriféraires vides de sens et d’amour propre bénéficient de promotions rapides. L’histoire de l’évaluation par les compétences et du « pédagogisme » n’a pas fonctionné autrement.

Il reste à écrire l’histoire de ce suicide méthodique du pays par des professeurs Nimbus qui pratiquent souvent une sorte de polpotisme éducatif moderne. Par exemple, l’épreuve de français au baccalauréat obéit à des règles d’évaluation que dans la machine éducative, plus personne n’est capable d’expliquer.

Les empoignades ineptes sur ce sujet entre inspecteurs, tous plus byzantins les uns que les autres, ont anéanti l’enseignement de notre langue. Combien de ceux qui se sont indignés de ce délabrement scandaleux ont été sanctionnés par de petites ou moins petites vexations dans leur carrière ? On serait heureux qu’une étude transparente soit menée sur ce sujet.

Et pendant ce temps, l’enseignant dans sa classe est chargé, c’est vrai, de réparer les dégâts d’un système dont les décideurs ne savent plus à quoi il sert, ni où il va.

On peut comprendre la hargne, la lassitude de certains, même si cette démotivation ne justifie pas tout, loin de là.

 

Le dégraissage du mammouth est inévitable

La prolifération bureaucratique dans notre système éducatif est une sorte de la loi de la nature, de phénomène scientifiquement prévisible dont on peut tracer les grandes étapes de l’évolution.

À la base, il y a bien ce transfert de la fonction éducative opéré à la serpe par la Troisième République : ce qui relevait du clergé régulier devient brutalement une mission publique. Sans qu’ils n’en prennent conscience alors, les barbus de la République forgent un nouveau clergé, un clergé républicain, avec ses fantasmes de gestion nationale des corps et d’établissements tous organisés sur le même modèle, tous encadrés de la même façon.

De la règle de Saint-Benoît à la règle de Jules Ferry, les mots changent mais les fantasmes persistent.

La massification de l’éducation a fait le reste. Il faut accueillir bon an mal an dix millions d’élèves avec des personnels appartenant à une seule armée, celle de la rue de Grenelle, avec son statut unique et son droit illusoire de pouvoir retourner enseigner à Brive-la-Gaillarde le plus tôt possible, près de sa famille, quand les besoins sont ailleurs, à commencer par ces espaces mystérieux où l’on procrée à tour de bras, appelés les banlieues difficiles.

Cette logistique immense est un Moloch-Baal affamé de ronds-de-cuir et de bureaucrates à foison tous investis d’un petit pouvoir : parfois simplement celui de faciliter une mutation près d’une vieille mère ou d’un oncle en fin de vie, parfois celui d’attribuer un bout de budget ou un poste supplémentaire, ou un petit quelque chose qui donne une prééminence jouissive sur le quidam enseignant.

L’idée que l’éducation soit « nationale » et donc d’un seul tenant, contrairement à ce qui existe ailleurs, en Allemagne par exemple, où elle est fédéralisée, a une contrepartie : le mammouth fait du gras, et pris d’une boulimie permanente, s’organise pour s’engraisser toujours davantage.

Pour trois enseignants, on recrute un non-enseignant… Celui-là est chargé de faire vivre cette projection fantasmatique selon laquelle la République aurait besoin, pour prospérer en 2019, d’avoir une école qui s’organise de la même façon qu’en 1919, avec des rectorats tous bâtis sur le même modèle, des inspections académiques, des corps enseignants nationaux, des établissements aux ordres, et des enseignants qui enseignent comme au bon vieux temps.

Ce fantasme-là, cet impensé radical des temps modernes, a un coût. Il oblige à une superstructure administrative coûteuse, consommatrice de main-d’œuvre et d’énergie, impossible à contrôler et destructrice de bonne volonté. D’où ce spectacle d’une somme d’intelligences individuelles qui produit une immense bêtise collective.

 

Pourquoi les enseignants sont les artisans de leur propre malheur

Les solutions à ce mal sont bien connues.

Contre une gestion obsolète des ressources humaines, il faut donner aux chefs d’établissement un vrai pouvoir et de recrutement et de détermination des salaires. Mais il est un fait que l’Éducation nationale a volontiers considéré que le corps des chefs d’établissement permettait de gérer la pénibilité du métier de professeur de sport et ne s’est guère souciée de faire monter ces personnels en compétence une fois devenus chefs d’établissement. D’où une intense résistance des enseignants et de leurs syndicats à l’autonomie des établissements.

Et c’est ainsi que l’enseignant organise son propre malheur.

Dans un univers où son chef d’établissement aurait le pouvoir d’augmenter le salaire des meilleurs et de sanctionner les casse-bonbons, la démotivation serait moins forte.

Mais il faudrait accepter de forger de vrais projets d’équipe et de perdre les avantages de la solitude devant sa classe (entendez sans patron pour s’assurer chaque jour que le travail est fait, et sans collègue pour s’enquérir de ce que vous faites avec les élèves au jour le jour). Et puis il faudrait accepter que la mission première de l’Éducation nationale soit de former les enfants et non d’offrir un emploi sûr dans sa région d’origine ou près de la maison de vacances.

Autrement dit, l’amélioration de la condition enseignante passe par deux étapes dont les enseignants ne veulent majoritairement pas :

  1. La fin des corps nationaux
  2. L’autonomie des établissements

 

Tant que ces deux étapes n’auront pas été franchies, il faudra se satisfaire d’une immense machine administrative qui met en place des règles obsolètes au détriment de la motivation individuelle. Et qui pompe des moyens budgétaires colossaux au détriment de l’augmentation du salaire des enseignants.

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  • Que dire de la collusion du SNES et du Mammouth qui font tout pour faire croire qu’ils ne sont pas complices ?
    Une décimation rue de Grenelle permettrait d’y voir plus clair et surtout renouvelée si ces gens ne comprennent pas . . .

  • ah enfin un article qui décrit clairement ce cancer administratif national , clergé de la republique et usine a crétins..
    Tant que les syndicats gauchistes co-géreront l’éducation nationale , rien ne sera possible , on s’en doute bien..
    Il est évident qu’il faut un « manager » d’établissement!
    Un vrai manager pas un enseignant recyclé , comme les milliers qui peuplent les académies ou qui sont « détachés » (au fait combien d’enseignants sont détachés dans des associations? mystère).. qui donnera des « descriptions de postes » claires et adaptées
    Ce manager devra gérer les carrières de « ses » enseignants, et le budget de son établissement défini par le nombre d’élèves..
    il aura capacité a gérer les augmentations de salaire et a éjecter les nuls et assurer la formation continue ..
    Il reportera au instances regionales, point!
    Fini les inspections a la mords moi l’haineux , les circulaires et l’organisation kafkaïenne administrative.. terminé..
    Le responsable d’établissement applique les directives du ministere , point

    • si vous avez un instance politique qui gère l’éducation obligatoire vous aurez toujours une tentation de l’utiliser politiquement.

      les organismes locaux produisent une littérature « d’information »… qui n’est que propagande..

      certes localement les gens auront plus de controle, ce serait un mieux indéniable.
      mais il ne faut pas se leurrer..

      si nous avons deux communautés culturellement distinctes vivant côte à côte, la solution on conflictuelle est deux établissements et le choix…

      il y a un présupposé de valeurs communes qui ne va plus de soi..

      • non conflictuelle est le choix entre deux établissements au moins..
        car les communautés font souvent le choix de transmettre leur culture…

        ok il y a le problème actuel de l’islam.. mais n’oublions pas que l’ed nat a souvent imposé le français..et n’ a pas joué un rôle mineur dans la disparition des cultures locales..

      • le probleme des contenus et des programmes d’acquisition des connaissances peut et doit rester au ministere

        • sans blague???

          vous dites cela car vous voulez utiliser ce moyen pour empêcher par exemple des écoles islamiques…

          mais cela reste un mauvais moyen moyen de régler un vrai problème..

          d’ailleurs qu’est ce qui va empêcher des islamistes d’organiser un enseignement parallèle de nature religieuse tout en incitant les mômes à ne pas se préoccuper de enseignement d’état voire de le déstabiliser?

          • on , je dis cela car il serait logique que les programmes soient nationaux..
            Quand a l’islam , il est là.. il faudra faire avec

        • @c h de chasse à la condition qu’ils sachent de quoi il est question et que leur promotion le soit exclusivement due à leur maitrise du sujet.
          Souvenez vous du ministre dont toute la compétence se résumait à un col mao et de sa disponibilité à accompagner le neveu à Marrakech.

      • Il y aura toujours un ministère de l’instruction publique et il y aura toujours des professeurs fonctionnaires.
        Mais il n’y a qu’en France que l’on retrouve un politburo soviétique qui décide depuis leur rue du 7è de ce que chaque élève étudie de Valenciennes à Ajaccio, de Strasbourg à Bordeaux, en passant par les antilles. Et qui interdit aux professeurs de faire leur travail, et qui décide de qui doit enseigner où ( !!! ), et qui décide quels élèves un établissement doit accepter ou non.

        • peut être …mais si vous ne précisez pas quelle sera les prérogatives de ce ministères… ça n’éclaire pas beaucoup…

          la centralisation programmatique pose question..
          si il n’y pas de limite.. alors pourquoi ne pas apprendre aux enfants à chanter les louanges de macron tous les matins…

          je remarque que désormais m^me les menus de cantines sont politisés..!!!!!

          et se met en place un culte de l’environnement parfois complètement idiot sinon mortifère…

    • Un manager, comme à l’hôpital, en quelque sorte. L’article de M. Veraeghe a ceci d’intéressant qu’il pourrait être entendu sur un échiquier large. Il le sera, mais il y faut du temps. Voyez Macron et son trop de hâte. Mais, de tous les bords, il existe des esprits obtus, incapable d’analyser en dehors de leurs lunettes grillagées. La facilité, c’est la réflexion aux extrêmes. Etonnant d’ailleurs qu’on n’ait pas vu encore les muzz, si pratiques pour expliquer tous nos maux !

  • et beaucoup de professeurs de l’ed nat prennent les critiques envers le système comme des critiques contre leur professionnalisme..
    fondamentalement l’éducation est un marché..
    parce que les individus ont des désirs différents concernant l’éducation de leurs enfants.
    assez curieusement la diversité culturelle est une idée qui plait à gauche mais force est de constater qu’elle entre en collision frontale avec la centralisation programmatique!!!

    en fait les profs ont souvent les éléments qui leur permettrait de « dire » le problème.. mais ils refusent , à mon opinion au moins pour des raisons de blocage idéologique et de foi dans l’etat qui les nourrit et les a formés, de franchir le pas..

    • Le blocage idéologie est sans doute un des fondements. Je me souviens encore il y a env. 40 ans d’une prof commençant son discours devant les élèves et parents d’élèves par « camarades »…

      • j’ai eu une prof de philo qui était activiste communiste
        c’était rigolo , elle essayait de nous convertir en nous offrant des cigarettes

      • Oui, c’était 40 ans, et vous avez UN exemple… Si cela vous permet de généraliser à l’ensemble d’une profession, libre à vous.

    • Personnellement je conseille aux profs de se taire. Les jeunes peuvent partir, les anciens ont intérêt à rester furtifs. C’est pas comme si montrer les problèmes était un geste récompensé, hein…
      Rappel: on ne peux pas baisser ton salaire (ni le monter), on ne peux pas te virer, mais on peux « t’aider ». Et pour un professeur, se faire « aider » par l’inspecteur et ses assistants, c’est extrêmement pénible.

      • Perso je conseille aux prof(e)s d’avoir trois enfants et de cumuler les congés maternités de l’éducation nationale avec un mi-temps même payé au smic.

        • beaucoup de couples de l’Ed nat font çà .. madame prend un mi-temps , ce qui lui permet d’élever ses enfants tranquille..
          3 enfants 2 fois les allocations familiales, çà paye ! en plus

          • @ c h de chasse ceux qui vous mettent moins ….. sont ceux précisément qui se reconnaissent dans votre description et qui par conséquence le confirme.
            Pour infos 25 ans avec une prof….directeur ! et qui Elle aurait pu écrire ce que vous écrivez car vu de l’intérieur.
            Cordialement.

  • Cet article dresse un constat implacable qui laisse entrevoir un avenir bien sombre pour notre pays. Car la suradministration produit quelque chose de terrible dans un métier fondé sur l’humain: respecter les procédures devient plus important que la mission d’origine. C’est d’ailleurs la même chose, avec les mêmes causes, pour le système de santé.
    Mais vu le centralisme macronien autoritaire dans bien des domaines (en fait tous ceux qu’il peut faire plier à sa volonté jupitérienne), ce n’est pas près de s’arranger.

    • « comment faire les choses », plutôt que « pourquoi faire les choses »…

      Toutes les administrations françaises sont touchées !

      Quand on lit « servir » du général de Villiers, à aucun moment, il ne se pose la question du « pourquoi » ?

    • Effectivement, cela n’est pas près de s’arranger.
      La différence peut-être est que de plus en plus de gens semblent l’avoir compris, au moins confusément. Même si peu ont vraiment conscience de l’origine profonde du problème, le français n’étant conceptuellement pas équipé pour remettre en cause le rôle de l’Etat… Pour preuve de ce changement, l’augmentation croissante des demandes d’inscription dans l’enseignement privé et la montée progressive de l’enseignement hors contrat.

  • Excellente analyse.
    Dans la catégorie « enseignants artisans de leur propre malheur », il ne faut pas oublier le rôle des syndicats, Snes et Fsu en tête.
    Nombre de professeurs sont persuadés que ces syndicats les défendent et s’opposent aux décisions ineptes de la rue de Grenelle.
    Alors que ce sont ces mêmes syndicats qui gèrent de facto les carrières et nombre des orientations idéologico-éducatives de l’EN.
    Leur responsabilité dans la situation actuelle est écrasante. Le jour où les enseignants l’auront compris….

  • Très bon article. Les solutions proposées ne sont pas suffisantes, pour les raisons suivantes.
    -Les chefs d’établissement sont choisis par les inspecteurs, en fonction de leur obéissance, et pas de leur capacité managériale. Et ils n’ont aucune formation pour cela…
    -Ces chefs d’établissement n’ont aucune incitation pour améliorer l’éducation. Dans ce genre de petites structures, les augmentations ne vont pas aller aux « meilleurs », mais aux copains.
    Il faut aller plus loin directement:
    -Changer tous les chefs d’établissements (qui sont de simples enseignants). Le choix doit être fait sur leur capacités de comptabilité et managériales.
    -Il doit y avoir une incitation à améliorer le niveau. Qui ne doit pas être basé sur le nombre de conseils de discipline (rassurez vous, il est en chute libre!). La fin de la carte scolaire, libre choix de l’école par les parents, et budget proportionnel au nombre d’élèves.

    • « Les chefs d’établissement sont choisis par les inspecteurs, en fonction de leur obéissance, et pas de leur capacité managériale. » : D’expérience, c’est la même chose pour la sélection des enseignants : pour réussir l’examen, il faut une extraordinaire capacité à ne pas remettre en question l’existant et à remplir des cases. Aucune personne saine d’esprit ne pourrait supporter le formatage et la passivité requise pour passer cet examen !

      Ce formatage rejaillit évidemment sur les élèves, et ce n’est pas un hasard : quel gouvernement prendrait le risque de former des esprits libres qui seront capables de prendre du recul et remettre sans cesse les choses en question ?

      Excellent article au passage, cela fait vraiment du bien de voir que tout le monde n’est pas complètement aveugle et abruti. Merci !

      Je me permets de partager quelques réflexions et résultats de recherche pour améliorer l’école https://theonlymaxblog.wordpress.com/2017/03/26/l-ecole-est-finie/

    • Oui, Titi, vous avez raison.
      La solution proposée, donner plus de pouvoirs aux chefs d’établissements, est inepte dans l’état actuel de ce corps.
      Un chef d’établissement est dans l’immense majorité des cas un enseignant raté, qui a été propulsé sur ce poste pour son obéissance. Dans l’immense majorité de cas, il pratique le clientélisme local, le petit favoritisme de pacotille, lié à de multiples connivences. Et vous n’imaginez pas lesquelles ! Politiques, évidemment ; mais également liées aux loisirs, aux lobbies, à la flatterie, aux “relations personnelles” (et oui, ce ne sont que des êtres humains).
      Un bon chef d’établissement est rare, trop rare.
      Oui, Titi, « Dans ce genre de petites structures, les augmentations ne vont pas aller aux « meilleurs », mais aux copains » : c’est déjà le cas. Lorsque le petit cheffaillon local octroie des heures de décharge, des primes, des avantages multiples, les “bonnes classes” aux copains ; et laisse aux autres le gros du travail, les élèves difficiles, l’absence de perspectives.
      Donner du pouvoir tant aux inspecteurs (nommés pour leur obéissance politique) qu’aux chefs d’établissements (nommés pour leur servilité), c’est vouloir imaginer appliquer au service public les règles du secteur privé, sans le dynamisme de ce dernier.
      Pour connaître les deux systèmes, je peux affirmer qu’un chef d’établissement dans l’enseignement privé, parce qu’il est responsabilisé (et qu’il peut être viré s’il échoue), présente bien d’autres qualités que son homologue du public.

      Je ne connais pas la solution, car vouloir privatiser le mammouth, ce qui serait la solution, est tout bonnement impensable.
      Mais il y aurait tant de choses simples à mettre en place…. Au moins pour essayer !
      – diminuer le poids des syndicats, notamment tout puissants dans le processus des mutations, pour appliquer des règles simples, identiques pour tous, sans ces “dérogations” qui ne sont que l’expression du favoritisme
      – abandonner le pédagogisme pour recentrer les études sur des finalités tangibles
      – diminuer les centaines d’heures perdues pour des “journées” dédiés à une cause sans intérêt, afin de, là encore, recentrer les études sur des finalités tangibles
      – arrêter de modifier les programmes afin de complaire à telle ou telle coterie bêlante qui a l’oreille des services du ministère
      – etc…

      Oui, vous avez raison, Titi, mais…
      – « Il doit y avoir une incitation à améliorer le niveau » Mais comment ?
      – « La fin de la carte scolaire » Impossible dans les zones rurales, le foutoir ailleurs
      – « le libre choix de l’école par les parents » Mêmes remarques
      – « Un budget proportionnel au nombre d’élèves » Chiche ! Mais on manquera alors d’établissements privés…
      – « Personnellement, je conseille aux professeurs de se taire ». Mais c’est ce qu’ils font ! Il vont en classe comme à l’usine, et organisent leur vie ailleurs.

      Comment voudriez-vous que ces gens, qui ont consacré des milliers d’heures à étudier, à se frotter aux jurys de concours, conservent la foi en leur métier quand ils sont sous-payés, sous-estimés (voire méprisés), traités comme des numéros, soumis à une hiérarchie médiocre et servile, et à des syndicats omnipotents ?

      • @Gjirokaster : Bravo pour votre commentaire ! Tout est dit ! Et une mention spéciale pour votre pseudo… Une ville superbe dans mes chers Balkans…

      • « vouloir privatiser le mammouth, ce qui serait la solution, est tout bonnement impensable. »
        c’est ce que se disaient les religieux la veille de la revolution

    • Vous allez peut-être être surpris, mais on trouve cette phrase dans le programme de MLP de 2017: « Garantir la liberté de scolariser ses enfants selon ses choix, tout en contrôlant plus strictement la compatibilité avec les valeurs de la République des enseignements dispensés dans les établissements privés hors-contrat. »

  • Privatisation , c’est tout

  • Je trouve très triste cet article. Il ne fait que ressasser les mêmes thèmes, idées et solutions que l’on a pu lire dans Contrepoints à de nombreuses reprises. Ce n’est pas ainsi que l’on pourra dégraisser le mammouth. Un peu d’imagination que diable et surtout des suggestions pratiques qui pourraient être mises en œuvre facilement sans révolutionner la rue de Grenelle et offusquer les syndicats !

    • J’espère que c’est du second degré, mais avec l’enseignement, il semble bien qu’on ne dépasse plus aujourd’hui le primaire…

    • Le mammouth mange beaucoup mais ne fait pas de gras, le dégraissage procède d’un mauvais diagnostic. Un solide vermifuge serai sûrement un remède plus approprié, mais le mammouth est un animal disparu qui ne saurait trouver de partenaire pour assurer une descendance ; les éléphants cherchent les endroits marécageux qui soulageront leur poids quand vient la fin. Laissons construire à coté cela sera suffisant.

  • Très bon article. Il faut lire le livre de René Chiche, La désinstruction nationale. Voir ici : https://www.marianne.net/societe/crise-l-ecole-ne-forme-plus-penser-alors-les-eleves-se-contentent-de-croire?_ope=eyJndWlkIjoiNzhkZGQ1OTJiZDRiOTgzNjYxMTllM2RkNDZjMGZlMzAifQ%3D%3D#
    Par contre, les solutions proposées sont illusoires dans le contexte actuel. Ce n’est pas une question de corps nationaux ou pas, mais de mélange absurde de statuts qui avaient autrefois leur cohérence, mais que la gauche a complètement perverti (Ex. forcer des agrégés à enseigner en collège, donner un pouvoir quasiment hiérarchique à des CPE sur des professeurs en matière d’orientation, un corps d’inspecteurs composés de gens à l’échine souple et moins diplômés que certains professeurs, etc.)
    La seule réforme valable est celle sue je proposais il y a déjà près de 40 ans : Dynamiter le ministère et tous les établissements scolaires. tout le monde à la truelle le matin et l’après-midi, on fait cours pour apprendre des choses…

    • Finalement, la révolution culturelle, les profs à évacuer le lisier des porcheries et à comprendre l’utilité de trucider les pestes, ça aurait son utilité en dehors du communisme aussi…

  • L’autonomie des établissements… une vieille antienne. La solution n’est pas là, elle est beaucoup plus simple: le chèque éducation et la facilitation des vraies écoles privées. Autrement dit: une vraie concurrence. Et l’Ednat sera obligée de se réformer de l’intérieur, sous peine de disparition. La concurrence rend intelligent.

  • La sélection, vous n’y pensez pas.
    Traiter les profs au mérite (« augmenter le salaire des meilleurs et […] sanctionner les casse-bonbons »), vous n’y pensez pas.

    Privatisation de l’enseignement : ce n’est pas une mission régalienne.
    Sinon le mammouth continuera encore et toujours à engraisser et à abaisser le niveau des petits Français.
    Il faut savoir ce que l’on veut.

  • Bah, quand on a peu de bouteille dans ce métier de fous, on sait relativiser. Tout d’abord on ne voit pas beaucoup son inspecteur. Je ne connais même pas le nom du mien, il faut dire que le système fait que je n’ai plus besoin de sa visite pour avancer en grade, ça aide. C’est quand même vous dire que ses recommandations pédagodingos ne me troublent guère. On peut être très libre dans ce métier, très seul mais aussi très libre. Quand à mon chef d’établissement, il affirme carrément que l’essentiel de son rôle est de nous protéger du rectorat ! Je l’adore pour ça.
    Un détail à ajouter à l’analyse : la double sujétion. Un établissement dépend du Ministère pour l’aspect scolaire et de la collectivité locale concernée (Marie, département ou région) pour l’aspect matériel. Croyez moi, cela ajoute beaucoup de complexité à un tableau déjà passablement kafkaïen. Pensez-y en promouvant des solutions.
    Solution qui ne peut être que la liberté, bien entendu. Alors plutôt que de prendre de grands airs et de vouloir TOUT changer, ce qui est d’essence socialiste en diable comme manière de penser, back to basics.
    L’EducNat est un monopole, qui survit par l’interdiction de tout projet éducatif qui ne dépende pas d’elle. « Haine, haine au monopole », écrivait Gustave de Molinari. Supprimons le monopole en levant les interdictions. Il se passera ce qui se passe sur tous les marchés quand on les libère : la qualité augmente et les prix baissent sous l’effet de la concurrence. Les collègues vont se mettre en grève, bien sûr mais les meilleurs auront vite fait de comprendre leur intérêt en rejoignant les meilleurs projets au succès desquels ils contribueront (cercle vertueux). Les autres ? Question sans intérêt.
    L’aspect financier est plus délicat. Le chèque éducation est une bonne idée mais ressemble quand même foutrement à une nouvelle usine à gaz, ou du moins ça tournerait rapidement à ça avec les baltringues qui nous gouvernent et ne savent faire que ça. Une réduction d’impôt serait préférable mais comme la moitié des français n’en payent pas … A creuser.

    • Vous avez un super chef d’établissement ! Le seul que j’ai connu de ce calibre, c’était dans les années 70… Paix à ses cendres !

    • le système marche encore..en partie parce que ceux qui l’aiment ou aiment l’idée qu’il existe un système passent leur temps pourtant à le « combattre » ..

      mais bon..il y a des choses qui manquent dans l’article, notamment les buts de toute éducation.

      si vous voulez un consensus, vous direz apprendre à lire et à écrire..à partir de là… on peut remarquer que le système dépense une énergie considérable pour enseigner des trucs à des gosses avec pour seul interet que d’avoir fait marcher leur méninges… en clair la majeure partie des gens ne bitent rien aux math tant soit peu abstraites et ne s’en serviront plus..on peut penser aux heures d’anglais…et de langues étrangères en général..des tas d’éléments d’histoire et de géographie..

      ce serait des éléments de culture générale…qui seraient indispensables à la réalisation d’une vie de citoyen …il y a sans doute du vrai là dedans..mais…c’est aussi diablement critiquable.

      mais j’insiste encore sur la diversité culturelle éventuelle dans le pays…l’ed nat est d’abord un outil de normalisation « culturelle »…

      donc que doit on attendre de l’éducation d’un enfant? si on ne sait pas répondre à cette question autrement que sur le plan individuel…l’ed nat devrai arrêter de se prendre au sérieux..

      enfin un problème…beaucoup de gens qui interviennent sur le sujet sont des gens qui ont plus ou moins réussi à l’école.. les gens qui ont réussi en dépit d’un échec scolaire patent intervienne juste pour le rappeler et lâcher un simple..on peut réussir sa vie sans l’école.. lire écrire et compter…

      je ne peux pas m’empêcher de penser que les avis sont biaisés..il y a malgré tout un attachement à un système qui leur a « légitimée leur statut social..

      évidemment que quand ces personnes expriment un avis sur led nat, ils ne peuvent pas admettre qu’elles oit totalement « inefficace »..

      elle ne l’est sans doute pas…mais je ne sais pas pourquoi.. je ne pense pas non plus que ça fasse sens collectivement.

      100% d’une classe d’age doit avoir le bac…pourquoi? ben voyons …parce que euh les exigences du monde moderne etc..

  • L’éducation nationale utilise principalement ses ressources à d’infructueuses tentatives de régler les problème qu’elle crée en interne…

    Evidemment ça serait plus facile si les français ne persistaient pas envers et contre tout à envoyer leurs rejetons à l’école…

    Mais un simple panneau ‘fermeture pour travaux’ suffirait il ?
    J’en doute…

  • Article intéressant, jusqu’a sa conclusion qui fleure bon le paradoxe.
    Les enseignants sont soumis aux injonctions des inspecteurs et administratifs et ceux qui relèvent la tête ou font connaître les incohérences du système se voient freinés dans leur avancement. Je souscris plutôt à cela.
    En revanche, penser que le chef d’établissement (qui au passage, est lui aussi devenu un administratif, souvent ancien enseignant qui ne voulait plus enseigner – les raisons de cela sont nombreuses et variées) ne favorisera pas les thuriféraires et écoutera ceux qui renâclaient contre l’inspection, laisse songeur…

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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