Allons-nous regretter l’Organisation mondiale du commerce ?

L’ouverture d’un pays au commerce international est davantage une question de politique locale et intérieure qu’une question de participation à des organisations multilatérales.

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Allons-nous regretter l’Organisation mondiale du commerce ?

Publié le 9 janvier 2020
- A +

Par Ferghane Azihari.
Un article de l’Iref-Europe

Depuis le 11 décembre 2019, l’Organisation mondiale du commerce tourne au ralenti. Mettant en œuvre une menace brandie depuis l’administration Obama, l’administration Trump bloque la nomination des arbitres nécessaires au bon fonctionnement de l’instance d’appel de l’organe de règlement des différends (ORD).

Pièce maîtresse de l’Organisation mondiale du commerce, l’ORD est l’institution que les États saisissent pour intimer les gouvernements à respecter les traités multilatéraux qui régulent le commerce international.

L’administration américaine émettait plusieurs griefs contre l’ORD. La lenteur des procédures, sa tendance à outrepasser son rôle concernant le protectionnisme défensif occidental ainsi que son incapacité à remettre en question les distorsions de concurrence induites par le modèle économique chinois et ses entreprises d’État.

L’hebdomadaire The Economist s’inquiète de ce blocage.

« Avant 1995 [date de naissance de l’OMC, ndlr], le commerce international était moins stable et moins juste. »

Selon certains, le risque lié au dépérissement de l’OMC est donc de voir le commerce international basculer à nouveau dans une sorte d’anarchie.

Si l’OMC peut se targuer de quelques victoires en matière d’ouverture commerciale, on peut se demander si elle a le monopole de ce processus.

Par exemple, un rapport établi par la Banque mondiale en 2005 rappelle que, sur les 21 points de droits de douane éliminés en moyenne dans les pays en voie de développement entre 1983 et 2005, deux tiers de ces réductions ont été portés par des initiatives unilatérales.

Autre considération qui devrait nous conduire à relativiser l’importance de cette institution multilatérale, la croissance du commerce international précède largement les accords de Marrakech qui ont donné naissance à l’Organisation mondiale du commerce (figure 1).

Figure 1 : Valeur des exportations mondiales depuis 1938

Figure 1 : Valeur des exportations mondiales depuis 1938

De plus, un examen du top 20 des pays mettant en œuvre les plus faibles restrictions douanières montre qu’ils ne font pas nécessairement partie de ceux qui ont adhéré le plus tôt aux accords commerciaux multilatéraux, dont le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, l’ancêtre de l’OMC).

Ce classement suggère ainsi que l’appartenance à l’OMC a une faible incidence sur le degré d’ouverture commerciale d’un pays.

Tableau 1 – Top 20 des pays mettant en oeuvre les politiques commerciales les moins restrictives et date de leur entrée dans le GATT et l’OMC
Classement du pays en fonction de leur indice d’ouverture commerciale (source : Heritage Foundation, 2019) Date d’adhésion au GATT et à l’OMC
1. Hong Kong 1986 ; 1995
2. Singapour 1973 ; 1995
3. Nouvelle-Zélande 1948 ; 1995
4. Macao 1991 ; 1995
5. Chilie 1949 ; 1995
6. Georgie 2000 (OMC)
7. Albanie 2000 (OMC)
8. Australie 1948 ; 1995
9. Maurice 1970 ; 1995
10. Swaziland 1993 ; 1995
11. Canada 1948 ; 1995
12. Islande 1968 ; 1995
13. Oman 2000 (OMC)
14. Suisse 1966 ; 1995
15. Taiwan 2002 (OMC)
16. Etats-Unis 1948 ; 1995
17. Autriche 1951 ; 1995
18. Belgique 1948 ; 1995
19. Bulgarie 1996 (OMC)
20. Croatie 2000 (OMC)

À l’inverse, parmi les membres fondateurs du GATT, certains pays sont mal positionnés dans le classement des politiques commerciales les moins restrictives de l’Heritage Foundation.

Tableau 2 : Pays fondateurs du GATT et position dans le classement des politiques commerciales les moins restrictives de l’Heritage Foundation 2019
Nom du pays fondateur Classement Heritage (sur 178 pays)
Australie 8
Belgique 18
Brésil 122
Birmanie 113
Canada 11
Ceylan britannique (Sri Lanka) 97
Chilie 5
Chine 106
Cuba 145
Tchécoslovaquie 22 (Rép. tchèque) et 39 (Slovaquie)
France 62
Inde 111
Liban 79
Luxembourg 32
Pays-bas 34
Nouvelle-Zélande 3
Norvège 52
Pakistan 141
Rhodésie du Sud (Zimbabwe) 121
Syrie 177
Afrique du sud 96
Royaume-Uni 43
États-Unis 16

Ces données suggèrent une fois de plus que l’ouverture d’un pays au commerce international est davantage une question de politique locale et intérieure qu’une question de participation à des organisations multilatérales.

Ainsi que l’IREF l’a déjà écrit, il ne tient donc qu’aux pays de s’ouvrir, de prendre les devants sans subir les incertitudes du contexte géopolitique mondial.

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  • de toutes façons et je le dis fort vertement, les échanges internationaux sont à proscrire, économie local et circulaire décroissance toussa.
    sérieusement ne faut il pas malgré tout une forme ou une autre d’organisme international devant lequel un engagement est tenu…pour faire respecter un contrat international?

    comme il vaille mieux avoir un organisme qui proscrit la violence entre états…

    • Jusqu’à présent votre smartphone n’en faisait qu’à sa tête avec la syntaxe, il se met maintenant à écrire n’importe quoi avec des phrases entières ?

    • Je me moque, mais sérieusement faites gaffe avec le 2d degré, on ne le perçoit pas forcément en première lecture …

    • Qu’il y ait des règles qui proscrivent la violence entre Etats, c’est l’équivalent d’une sorte de pouvoir régalien.
      Imposer des accords multilatéraux est d’un autre ressort, cela ne sert pas la subsidiarité et donc la liberté des Etats.
      J’ai apprécié cet article qui montre qu’on n’a pas attendu l’OMC pour commercer.
      Et cela pose la question des buts réels de certains organes supranationaux.

      • Le « blocage » des Etats-Unis n’est pas un hasard, D. Trump veut redonner au pouvoir politique – au niveau des Etats – la primauté sur un pouvoir économique et financier supranational.

        • @la petite bête :
          « un pouvoir économique et financier supranational »
          c’est rassurant pour vous d’avoir un raisonnement complotiste ?
          En gros, soi tout va mal, c’est la faute à la finance mondialisée (c’est qui, c’est quoi ?) et si on l’éradique, tout ira bien ?
          Cela vous rassure ? vous y croyez réellement vous même ?
          expliquez nous ce qu’est exactement  » le pouvoir économique et financier supranational » et comment cela fonctionne avec des exemples concrets et pas d’autres réifications svp.

          • ONU, OMC, UNESCO, etc. sont des organismes supranationaux, non ?
            Dès lors qu’en tant qu’État (ou Nation) vous vous soumettez à ces organismes, vous abdiquez une partie de votre liberté. L’article l’explique pourtant bien, qui montre que le commerce international se fait avant tout de façon bilatérale, et n’a pas attendu la création d’entités comme l’OMC pour exister.
            Rien de complotiste là-dedans.

            • @Jacques : Quel est le pouvoir réel de l’ONU, de l’OMC ou de l’UNESO ???? ils n’existent pas, ce n’est que le pouvoir des états derrière, et encore (tout est tjrs bloqué à l’ONU par le conseil de sécurité). donc ce n’est pas à cela que la bête fait référence…

      • @ La petite bête
        Exact, ce sont des entreprises et des individus qui commercent, les états devraient en principe n’avoir rien à dire sur le sujet.

    • Cela ne sert à rien puisque les états font ce qu’ils veulent et se fichent complètement des accords qu’ils ont signés, voir la Chine!

      • Cela montre aussi qu’on doit toujours faire attention avec qui on signe des contrats.
        Personnellement le libre-échange entre nations démocratiques me paraît une bonne chose ; entre une nation démocratique et une nation gouvernée de façon autoritaire voire totalitaire, beaucoup moins.

  • L’OMC ou le FMI se sont déconsidérés en accueillant la Chine comme si de rien n’était alors qu’elle ne respecte aucune des règles internationales.

    L’ONU s’est déconsidérée en acceptant des représentants de dictatures dans les instances en charge des droits de l’homme.

    C’est tout le cycle du multilatéralisme qui meurt aujourd’hui sous le poids de ses compromissions inacceptables.

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Deniz Unal est économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPII. Laurence Nayman est économiste au CEPII.

 

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