Intelligence Artificielle, complexité et cobra

OPINION : sans prétendre résoudre la crise politique et sociale, l’IA trouve néanmoins sa place dans la résolution des problèmes complexes.

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Intelligence Artificielle, complexité et cobra

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 janvier 2020
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Seule l’Intelligence Artificielle (IA) saura gérer la complexité des problèmes auxquels nos sociétés font face toute en évitant l’effet Cobra.

L’effet Cobra

Cet effet tire son nom d’une anecdote exotique qui se serait déroulée en Inde. Pour vaincre la prolifération des cobras à New Delhi, les autorités ont décidé d’offrir une prime pour chaque serpent tué.

Ainsi pour une somme largement inférieure à l’organisation de battues géantes, et bien plus rapidement, le nombre de cobras a ainsi chuté. Certains habitants voyant là une source de revenus additionnels se tarir avec la diminution du nombre de serpents, décidèrent d’en élever pour les tuer.

Le gouvernement ne fut pas dupe et décida à son tour de couper les subventions. Sans subvention, une partie des cobras d’élevage se retrouva rapidement en liberté. Sans incitation à les tuer, ils purent se reproduire tranquillement. Et la situation est devenue pire qu’à l’origine, et tout cela au frais du contribuable bien évidemment.

La morale de cette histoire est qu’une solution a priori efficace, juste, équitable, moralement soutenable, financièrement redistributive et acceptée par tous peut avoir des effets contre-productifs au point d’être pire que le mal.

Sans doute que cette anecdote exotique vous fera penser à un nombre infini d’exemple de décisions politiques proche de chez nous. Si l’on y réfléchit bien, chaque décision possède ses effets pervers. On espère juste qu’ils soient moins importants que les effets bénéfiques. Mais ce n’est pas si simple.

L’effet de la complexité

Généralisons l’effet cobra à toutes les mesures ayant pour objectif de provoquer une altération de comportement d’une population, qu’elles soient politique, économique, sociale, etc. Dans le cas des cobras, on espère que la prime motivera les gens à les exterminer, ce qui fut bien le cas.

Le raisonnement à la base de ce type de mesure ne dépasse généralement pas le premier effet. Et encore, est-il déjà bien difficile de l’évaluer : quelle prime donner pour que ce soit efficace sans être ruineux sachant qu’il est difficile de trouver des actions similaires pour pouvoir comparer.

Comme effet secondaire, on aurait pu se poser la question de la dangerosité pour les chasseurs ou pour la population d’un développement de comportement agressif de la part des cobras, d’une baisse de productivité économique par transfert vers cette nouvelle activité de chasse, d’un trafic d’armes illégal, d’utilisation de poisons avec risque sanitaire, etc. La liste est sans fin.

En résumé, une incitation est lancée dans un système composé de milliers de personnes prenant quotidiennement des milliers de décisions et selon des raisonnements, en partie rationnels, et en partie en fonction de leurs biais cognitifs. Ces décisions s’influencent les unes les autres, d’un individu à un autre. Le tout montre une dynamique qui évolue dans le temps. D’autres facteurs entrent dans l’équation : les médias, les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille, etc.

Ce simple exemple suffit à montrer que la complexité d’un système empêche de prédire les effets d’une décision. Autant il est possible grâce à la science de prévoir avec une exactitude satisfaisante la position des planètes, car ces systèmes comportent finalement très peu de variables importantes (et encore, trois planètes suffisent à produire des instabilités), autant nos sociétés humaines sont beaucoup trop complexes pour être réduites à des modèles mathématiques.

La liberté comme stabilisateur

Pour être tout à fait honnête, on s’aperçoit que beaucoup de phénomènes sont antagonistes – certains sont favorables quand d’autres seront défavorables – et que si le système dérive trop fortement – par exemple le nombre de cobras dans les rues explosent – alors des mesures antagonistes se mettront en place.

Dans une société autorisant une certaine liberté, un équilibre se créera nécessairement autour d’un point d’équilibre satisfaisant pour le plus grand nombre – un nombre de cobras raisonnable, pour un coût acceptable, après quelques ajustements de politiques.

Un parallèle peut être fait avec la gestion des vélos ou trottinettes en libre partage qui a connu des dérives et a nécessité des ajustements pour trouver un équilibre qu’il était impossible de prédire à l’origine.

A contrario, les systèmes politiques autoritaires et liberticides ne permettent pas cette rétroaction de la société. Ainsi des politiques basée sur l’idéologie dominante seront imposées à la lettre, selon le Plan, menant le système à un point fatalement défavorable pour les citoyens. Je pourrais faire la liste de tous les communismes et autres dictatures dont aucun n’a tenu la promesse d’un avenir radieux, tous ayant fini par disparaître, figés dans leur dogme incapables d’ajuster leur politique.

L’argument souvent avancé par les tenants de ces systèmes est qu’ils sont bien plus efficaces si le Plan est parfait. Ils évitent ainsi toutes les dépenses d’énergie  nécessaires à la stabilisation d’un système plus libéral ; c’est-à-dire la concurrence, le marketing, les processus démocratiques, les hésitations…

Et ce n’est pas faux ! Mais pour être parfait, le Plan devrait tenir compte de toute la complexité du système – le comportement de chaque citoyen et de ses interactions avec les autres. Inutile de préciser que c’est impossible, même avec les moyens de simulation informatique les plus puissants, nous en sommes bien incapables.

L’impasse actuelle

Le système de démocratie représentative garantit un espace de liberté, permet de respecter les orientations majoritaires des citoyens et garantit que les décisions législatives, juridiques et exécutives seront prises par des personnes compétentes, du moins techniquement et du moins jusqu’à récemment.

Les dernières années montrent une dérive populiste, des dirigeants devenant inquiétants par leur inconstance, une méfiance grandissante envers les personnes porteuses de compétences ou d’autorité.

La revendication du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) est un élément qui montre que le citoyen ne souhaite plus être représenté, mais souhaite décider, ce refus de la représentativité étant très présent aussi chez les Gilets jaunes. Ceci conduira inévitablement à des frustrations, voire pire, sachant qu’on ne peut pas prendre en compte l’avis de tous lorsqu’une seule décision est attendue.

Très peu de pays pratiquent la démocratie directe : la Suisse et le Liechtenstein dans un contexte politique et social à l’extrême opposé de la France et dans les villes de la Nouvelle-Angleterre de manière assez anecdotique.

En parallèle, les discours écolo-catastrophistes nous demandent de passer à un régime autoritaire qui aura toutes les bonnes réponses puisqu’il a posé, selon eux, le bon diagnostic. Retour donc à l’idée du Plan qui répond à toutes les questions sans se préoccuper de la complexité du problème. Nous sommes là clairement entre deux dangereux extrêmes qui ont déjà montré leurs effets mortifères durant le XXe siècle et ceci à plusieurs reprises.

L’Intelligence Artificielle

Sans prétendre résoudre la crise politique et sociale, l’IA trouve néanmoins sa place dans la résolution des problèmes complexes. Elle pourra proposer des décisions et des orientations en tenant compte, non pas de modèles théoriques plus complexes que ceux possibles aujourd’hui, mais en tirant parti de la richesse des données comportementales que l’on commence à collecter.

En effet, les IA les plus utilisées actuellement basent leur apprentissage sur de très grandes quantités de données collectées auprès de chaque individu. Suite à l’intégration de ces données, ces systèmes peuvent prédire l’évolution du système et ainsi les conséquences d’une décision.

Aujourd’hui, ceci se fait à des échelles très étroites, pour des cas très précis, mais on peut imaginer à moyen terme avoir des dispositifs qui collectent et intègrent des données comportementales et sociales : achats, transports, formation, habitats, activités non rémunérées, etc. Et ainsi nous aider dans les décisions affectant nos sociétés. Ces technologies sont à portée de main. Les réseaux 5G et les objets connectés viendront renforcer ce modèle.

Le champ d’application de l’IA est très étendu : optimisation des transports de personnes et de marchandises, véhicules autonomes, optimisation de la production de biens et services, optimisation des logements, des formations professionnelles selon les besoins des entreprises, les compétences et potentiel des personnes, etc.

On retrouve lointainement l’idée du Plan, mais un Plan nourri de l’expérience réelle, intégrant toute sa complexité et évoluant sans cesse. Ainsi on adressera avec beaucoup plus de pertinence et de précision les grands problèmes que sont la répartition des richesses, du travail, la dépense et la production d’énergie, les déchets, le recyclage, les transports, l’exploitation des ressources naturelles, etc.

L’anonymat est un prérequis

La question de la protection de la vie privée devra se poser dans des termes beaucoup plus restrictifs que l’actuelle réglementation européenne RGPD.

Il ne s’agira pas de simplement s’assurer que les fournisseurs de services nous informent et ne libèrent pas nos données dans la nature.

Il s’agira de garantir l’anonymat total et absolu dans toutes nos interactions avec les fournisseurs de services, banques incluses. Seules certaines fonctions de l’État pourront lever l’anonymat dans le cadre de procédures judiciaires nécessitant de recouper des informations disparates. L’anonymat sera le prérequis d’une civilisation libre fondée sur l’IA.

Cette étape doit se préparer dès aujourd’hui. Elle fera l’objet d’un prochain article.

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  • On en arrive bien vite aux factoriels et je doute que « l’ersatzintellgency » » puisse avant longtemps donner des résultats autres qu’approximatifs y compris avec des fourchettes larges.

  • Je suis d’accord jusqu’à « l’impasse actuelle », après non. Les 2 parties de l’article ont-ils été écrits par la même personne ? LOL
    Tout d’abord le credo obligatoire sur les bienfaits de la démocratie qui fait que les décisions sont prises par des « personnes compétentes » … re – LOL.
    Puis c’est le pompon, le socialisme planiste ça ne marche pas (on le savait) mais grâce à l’IA tout va bien se passer désormais :
    – la répartition des richesses, sans doute par un puissant algorithme qui aurait lu tout Piketty sans planter;
    – la répartition du travail, très très socialiste ça;
    – la gestion des transports, là il y sans doute un bel avenir pour l’IA;
    – j’adore surtout, en tant que professionnel du domaine, l’optimisation de la formation professionnelle en fonction des compétences des personnes. Bon courage !

  •  » Le système de démocratie représentative garantit un espace de liberté, permet de respecter les orientations majoritaires des citoyens et garantit que les décisions législatives, juridiques et exécutives seront prises par des personnes compétentes, du moins techniquement et du moins jusqu’à récemment.  »
    Vraiment?
    Cela fait longtemps que la dérive a commencé, elle était même inscrite au départ dans le caractère représentatif de la démocratie. On a juste mis du temps à s’en rendre compte…
    La démocratie représentative ne garantit rien du tout. Aucun système d’ailleurs quand les dirigeants sont corrompus.

  • « une civilisation libre fondée sur l’IA »

    C’est que voyez vous je n’aime pas trop les tartes à la crème, surtout quand elles moisissent depuis près de cinquante ans.

  • Pourquoi faire appel à l’IA alors que le marché libre fonctionne très bien déjà ?

    « les grands problèmes que sont la répartition des richesses, du travail » : la répartition des richesses serait un problème ? La répartition du travail aussi, sans parler des ressources naturelles ? Ainsi, il faudrait répartir le travail ou les ressources ???

    On relève ici la confusion classique entre rareté et pénurie. Le marché libre gère efficacement la rareté. L’IA ne pourra jamais gérer que la pénurie qu’elle aura artificiellement créée, comme n’importe quelle planification, même (et surtout) la plus sophistiquée.

  • Quand on voit ce que fait une intelligence normale dans une organisation corrompue l’artificielle ne peut que rendre le contrôle des masses plus performante encore . Je doute que le mot liberté soit traduisible en un algorithme informatique !

  • D’abord l’effet « cobra ».
    En fait, l’état a voulu créer une activité en la rentabilisant par subvention. Le problème est la rétroaction négative évidente : moins de cobra = moins de revenu, ce qui va déclencher une « résistance » : les élevages clandestins. Je pense que le vrai effet pervers serait l’apparition des rats débarrassés d’un ennemi naturel…

    L’état aurait pu
    – soit subventionner une activité d’entretien, la présence des cobras (ou des rats) venant alors diminuer la marge sur la subvention, l’intérêt global étant leur diminution jusqu’à extinction.
    – soit sortir une réglementation imposant une charge d’entretien, ce qui revient alors à une subvention déguisée, puisqu’il y aura finalement un payeur.

    Franchement, dans le cas de cette nuisance, comment le marché « libre » peut – il être efficace ? C’est impossible, car ici, soit la population est trop pauvre, soit la zone n’a aucune activité rentable à défendre. Ou alors, on peut se référer à l’article d’hier sur la pensée positive et le « geste » conscientisé du gentil petit colibri qui va jeter une goutte d’eau dans l’oeil du cobra… Et pas question d’imaginer une sauce à base de serpent concoctée par la mama du coin.

    • Ni subvention, ni réglementation. Avant les errements de la puissance publique, la population gérait le problème à son niveau, sans en parler, sans faire de politique, et son action de régulation spontanée suffisait à cantonner le problème à un niveau acceptable pour le plus grand nombre. Mais non, c’était trop beau, il a fallu que les politiciens incompétents s’en mêlent.

      C’est cet équilibre naturel qui a été rompu par des subventions/réglementations. Parce qu’aucune politique ne pourra jamais égaler les résultats de l’ordre spontané, il n’y a pas de bonne solution politique. Ou plutôt il n’y en a qu’une : l’absence de toute politique.

    • « l’intérêt global étant leur diminution jusqu’à extinction. »

      Sans vouloir vous démontrez comment marche le libéralisme et le marché libre, voici un simple constat pratique:
      L’état français avec 57% du PIB est le plus gros au monde (hors dictatures): 7 millions de salariés du public (1 salarié sur 3) et 618’000 élus (record mondial) s’occupent de résoudre les problèmes au mieux de « l’intérêt général ».
      .
      C’est un naufrage total ! Le pays est plus que surendetté, les gens sont de plus en plus pauvres et plus rien ne marche correctement.
      .
      De l’autre coté de la frontière vous avez l’exacte antithèse: la Suisse qui est un pays très libéral avec un état qui est au même niveau que l’état français des 30 glorieuses soit 35%.
      Ce pays trust régulièrement les premières places dans tous les classements: très peu de chômage, de dette, de très bon salaires etc. etc.

  • complexité et cobra = résultat de notre démocratie représentative ….de mauvaise qualité. Pour être réélu il faut ouvrir les vannes de la générosité Démocratie représentative à deux tours (notre système ) = combinaisons entre copains , l’électeur est berné.

  • Merci pour l’effet Cobra que je ne connaissais pas.
    Par contre l’IA est un fantasme et une chimère. Les recherches sur le cerveau humain montrent que les émotions sont indissociables de « l’intelligence », sans émotions pas d’intelligence et avec vous aurez les mêmes limitations que l’intelligence humaine.
    .
    article: « Les dernières années montrent une dérive populiste, des dirigeants devenant inquiétants par leur inconstance, une méfiance grandissante envers les personnes porteuses de compétences ou d’autorité. »

    Là non, mille fois non !
    Le « populisme » c’est au contraire une réaction à l’incompétence et la corruption des élites.

  • Le meilleur système expert possible c’est la démocratie directe comme en Suisse.
    .
    Se basant sur les travaux du statisticien britannique Francis Galton qui montrait qu’une foule arrivait à estimer le poids d’un bœuf avec une précision de 99.91% James Surowiecki a écrit en 2004 un livre intitulé « la Sagesse des foules ».
    Il expliquait que sur des sujets précis l’agrégation de nombreux avis élimine les extrêmes, les incompétents voir ceux qui ont un intérêt pour un résultat ou un autre et que l’expertise est alors étonnante de justesse.
    .
    Or, la démocratie directe laisse justement la foule prendre des décisions sur des problèmes précis, une loi, une taxation. Les extrêmes, les parasites et les profiteurs minoritaires (comme les syndicats) sont out, il reste donc la meilleure décision possible.
    Cerise sur le gâteau: ça ralenti considérablement la diarrhée législative.
    .
    Ça ne met pas totalement à l’abri de mauvaise décisions mais comme on vote souvent et que les referendums sont nombreux, le système est auto-correcteur.

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