Syndicats : le flou financier et l’infantilisme français

Le financement des syndicats français est un sujet brûlant car la plus grande opacité a toujours régné. D’où vient leur argent et y-a-t-il des contrôles ?

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Syndicats : le flou financier et l’infantilisme français

Publié le 29 décembre 2019
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Par Patrick Aulnas.

Les cagnottes destinées à aider les grévistes font toujours la Une de l’actualité en cas de conflit de longue durée. Les interminables grèves de la SNCF et de la RATP de décembre 2019 n’échappent pas à la règle.

Ainsi, la CGT aurait recueilli plus d’un million d’euros de dons réalisés par presque 20 000 personnes. Ces chiffres apparaissant dans la presse sont à prendre avec d’infinies précautions. Personne ne connaît le mode de calcul ni la méthodologie de recueil de ces informations.

Ces cagnottes ne représentent pas grand-chose par rapport à l’ensemble des sommes dont disposent les syndicats. Le financement des syndicats français est un sujet brûlant car la plus grande opacité a toujours régné. D’où vient leur argent et des contrôles sont-ils effectués ?

Les ressources des syndicats

Le rapport Perruchot, élaboré en 2010-2011 par une commission d’enquête parlementaire, avait mis en évidence un phénomène connu des seuls spécialistes : les syndicats français sont financés par le patronat.

Ce rapport, chose exceptionnelle, n’a jamais été publié officiellement, mais il a été mis en ligne par L’Express et chacun peut donc aujourd’hui le consulter. Voici les chiffres synthétiques extraits de ce rapport :

Le financement annuel de l’activité syndicale en France

Les syndicats disposaient donc en 2011 d’environ 4 milliards d’euros, dont 90 % provenaient des employeurs. S’il paraît surprenant, ce chiffre s’explique.

Les syndicats de salariés français ont des effectifs faibles puisqu’ils ne regroupent que 7 à 8 % des salariés (2,6 millions). Les seules cotisations ne permettraient pas de les faire fonctionner. Mais les employeurs ont besoin d’interlocuteurs formés à la négociation et connaissant bien les problématiques sociales. Rien de plus catastrophique pour le DRH d’une entreprise que d’avoir en face de lui des salariés frondeurs sans aucune représentation.

Les Français ayant une mentalité de Gaulois contestataires et réfractaires au dialogue, il faut les aider un peu pour qu’ils acceptent les inéluctables compromis sociaux. Rien de plus efficace que l’aide financière. Le patronat est donc passé à l’acte, mais il ne faut pas le dire sous peine de fragiliser encore des syndicats ne jouissant pas d’une image très positive.

Quant aux cagnottes de grève, les syndicats en parlent beaucoup pour faire croire à un soutien massif de l’opinion publique. Il s’agit de communication pure. En réalité, un simple petit calcul montre leur caractère financièrement dérisoire. Le nombre de grévistes à la SNCF est actuellement (au 27 décembre) d’environ 9 % de l’ensemble du personnel, ce qui est faible. Les effectifs de la SNCF se situant autour de 270 000 salariés, il y a environ 24 300 grévistes. Le million d’euros de la cagnotte CGT représente donc un peu plus de 41 euros par gréviste SNCF.

L’audit financier externe et ses faiblesses

Lorsque les ressources d’un syndicat dépassent 230 000 euros, ses comptes doivent être certifiés par un commissaire aux comptes et publiés au Journal Officiel. On pourrait penser qu’un tel audit financier annuel assure la transparence. Il n’en est rien. L’organisation des syndicats est très décentralisée : unions locales, unions départementales, fédérations professionnelles. On estime à environ 18 000 le nombre de ces structures juridiques pour l’ensemble des syndicats de salariés.

Or le contrôle du commissaire aux comptes s’exerce sur chaque entité de base, mais jamais sur l’ensemble des comptes consolidés d’une confédération (CGT, CFDT, FO, etc.).

Pourquoi ?

Tout simplement parce que l’obligation de tenir des comptes consolidés s’appliquant aux groupes d’entreprises n’existe pas pour les syndicats. L’extrême complexité des structures syndicales rendrait d’ailleurs le coût d’une telle consolidation prohibitif.

On assure donc une relative transparence locale mais il est impossible d’agréger les données de milliers d’entités comptables de base pour avoir une vision d’ensemble des comptes de chaque grande confédération. Le flou règne toujours sur les comptes des syndicats.

Des enfants jouant à la révolution

Il n’existe pas de volonté politique de transparence des finances des syndicats. Il faudrait pour cela renforcer l’audit externe. Lorsque le rapport Perruchot précité a fourni une estimation de la partie immergée de l’iceberg, le scandale a été tel que le rapport a été enterré. Au diable donc la transparence !

La France aurait besoin de syndicats puissants, rassemblant la majorité des salariés et se finançant par leurs cotisations. Mais cela n’est possible qu’à deux conditions.

La première est le renoncement à la culture du conflit qui anime encore des syndicats comme le CGT, SUD et même parfois FO. La lutte des classes, c’est le XXe siècle. Il faut aujourd’hui négocier et savoir trouver des compromis.

La deuxième condition est le recul de l’interventionnisme étatique. L’État ne cesse d’intervenir dans les rapports entre les partenaires sociaux, probablement parce que les Français ont été conditionnés par leur histoire à tout attendre de l’État. Biberonnés à l’étatisme, refusant de défendre seuls leurs intérêts en appartenant à des syndicats financés par leurs cotisations, nos concitoyens restent des révolutionnaires en chambre se rencontrant périodiquement dans les rues pour manifester.

Ils se racontent de belles histoires de luttes révolutionnaires victorieuses. Évidemment, les révolutions, c’est fini depuis un certain temps déjà. Ce ne sont que des rêves puérils de révolutions, mais les Français adorent ça. Quand deviendront-ils adultes ?

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  • « nos concitoyens restent des révolutionnaires en chambre se rencontrant périodiquement dans les rues pour manifester. »
    et quand on sait que les syndicats ne représentent réellement que moins de 10% des travailleurs
    dont 8% sont dans la fonction publique, cela signifie que le patronat achète sa tranquillité par ses largesses et que les salariés restent donc sans véritables structures ..

    I serait grand temps de mettre un coup de pied dans la fourmilière afin d’assainir la situation!

    • Sans oublier qu’à partir de tant de salariés, l’employeur doit créer un CE et le financer avec l’argent de ses clients.

      • Bercy ne s’attaque qu’à ceux qu’il est facile d’abattre et c’est à dire les entreprises des secteurs privés. Il semblerait que le secteur de l’état et autres protégés soit exempté de tous contrôles . . . bizarre, non ?

      • En entreprise privée, OUI, l’employeur finance le CE, le CHSCT et les DP (Délégués du personnel) mais il est préférable pour lui de discuter avec un groupe réduit que d’avoir « une meute » à gérer…
        Et il est même intéressant pour les employeurs en général d’offrir une formation de « Finance des entreprise » à quelques uns de ces représentants, permettant de discuter intelligemment et d’éviter des demandes qui peuvent être dangereuse pour la survie de la boite.
        Et le problème c’est que la majorité des encartés aux syndicats sont dans la Fonction Publique et dont sans soucis de rentabilité (puisque qu’il n’y a qu’à ponctionner le contribuable) ce qui amplifie le phénomène CGTiste rétrograde qui est délibérément resté ancré dans les années 1940.

        • De toutes façons tout ceci est un faux problème et surtout un moyen faire perdurer un système qui permet à un état voyou de continuer à se nourrir sur la bête . Rétablir le droit du contrat et virer toute cette racaille rouge réglerai totalement le problème . Les régles de l’OIT ne sont pas faites pour les chiens et le code du travail est un maquis sans nom qui doit être réformé, et tant pis si les groupuscules qui ne survivent que par leurs pouvoirs de nuisances en crévaient, de toutes façons ils ne sont que les dernières pustules d’une vision du monde inacceptable

  • Ça ne doit pas être facile de négocier avec des employés de l’état a part taper du poing sur la table ,ils sont un peu obtus et puis , l’argent ne sort pas de leurs poches alors la motivation…
    On sait qui paie vraiment les syndicats , les boîtes privées ou les géants appartenant à l’état comme EDF ou la SNCF ?
    On finit toujours sur le même problème , le statut ,tant qu’il existera cela se passera comme maintenant ,mal.

  • pendant que les syndicats se gavent d’argent sur notre dos , les commerçants et les entreprises voient leur chiffre d’affaire se casser la gueule….et not bon gouvernement promet de débloquer 50 millions d’euros pour les aider ….à payer leurs charge et taxes et de reculer le paiement de celles ci de quelques semaines …..on tourne en rond dans ce pays ;

    • @vera, toute la politique consiste à créer et entretenir le plus de situations conflictuelles et non pas de les éviter, qui seront autant de levier pour entretenir la guerre entre les citoyens et qui ne dit pas son nom.
      Regardez dans une entreprise (pas une boite, car dans les boites ont y met des sardines et des THONS…) en cas de situation conflictuelle le DRH est en première ligne, et pas à Marrakech au frais du kon-tribuable, et sommé par sa direction de régler l’affaire toutes affaires cessantes dans un délais de 24h/36 heure sinon ….c’est l’anpe.
      s’il n’y a plus de conflits en france, les clowns de la répoublic se retrouvent cocus et assistent à leur inutilité.

  • Si ma mémoire est bonne, le rapport Perruchot pointait également le financement des syndicats patronaux, notamment l’UPA. Queque chose me dit que c’est pour cette raison qu’il a été enterré: les compromissions de la CGT, on savait déjà…

  • Ils ne veulent pas du système universel… SIMPLE :
    OK, Vous gardez votre système particulier… mais vous êtes autonome entièrement autonome et vous financez le contribuable n’a plus aucune raison de vous aider !

  • Les délégations du personnel au CSE peuvent très bien faire le travail des syndicats. Ces derniers sont redondants.

  • Au vu du rèsultat qui se chiffre en centaines de millions perdus à chaque grëve ,je ne suis pas si sùr que le calcul du patronat qui souhaite avoir des interlocuteurs (si tenté. Que l’on puisse nommer ainsi un cégétiste ) soit encore le bon . Çe concept me semble dépassé, les gilets jaunes ont mis en avànt la faiblesse des syndicats qui sont bien les seuls à croire encore à leur représentativité .
    Les gouvernements participent aussi à cette mascarade en leur donnant le rôle de l’idiot utile mais à quel coût là aussi ?Cette farce doit se terminer .

  • Qui peut me dire combien gagne par mois Philippe Martinez ?

  • « Les Français ayant une mentalité de Gaulois contestataires et réfractaires au dialogue »

    Là, vous faites injure aux Gaulois qui étaient loin d’être débiles comme le sont « certains français »!

  • Les Français sont pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour.

    • Perso je suis pour cette réforme bien qu’elle nécessite des aménagement quant à la pénibilité…
      Mais concernant celle des employés du spectacle… Qu’un danseur, un acteur ait des compensations d’accord mais un électricien (ayant un statut Intermittent du spectacle????) il peut être électricien lambda et se voir allouer une prime quand il est détaché à un spectacle…
      En fait le fait de travailler dans une boite d’électronique la moindre secrétaire ou le commercial d’une fabrique de clous se voient attribuer le statut de la métallurgie… Est-ce normal ?
      Pour en revenir aux danseurs oui retraite à la quarantaine… mais il pourraient pour certains être recrutés dans l’éducation nationale comme prof de danse ou d’EPS au même titre que les profs qui après un certain âge en ont ras le bol de ado (je peux comprendre) pourraient continuer dans la formation pour adultes (AFPA, CESI, GRETA, etc.)…

      • Quand comprendrez-vous que l’existence même des politiques est d ‘avoir des conflits !
        c’est leur oxygène leur raisons d’être et quand il n’y en a plus ils les créer afin de pouvoir dire « négocions négocions et voyez comme je suis indispensable vu que tout est judiciarisé et que nous sommes tellement plus intelligent que vous.
        Pour l’affaire, lors de l’élection de 2017, même mon chat eût pût être élu !
        AUCUN ….politique, jamais n’a eu la volonté de régler les problèmes sans contrepartie et je sais de quoi je parle.
        Quand il leur est fait appel pour des raisons de leur compétence, bien souvent la contre partie c’est la dame qui est invitée (champagne, petits fours et pas au bureau mais au salon dans de bien confortables fauteuils pour plaider son dossier ) à mérité le geste de l’état.
        Sur la question je peux prouver à n’importe qui la réalité de ce que j’avance.

    • Ils n’aiment pas Noël mais adorent le père Noël.

  • Moins les syndicats sont financés par leurs adhérents, moins ils ont de raisons d’être au service de leurs adhérents, donc moins ils auront d’adhérents. Autrement dit, leur choix de financement annonce leur disparition.

  • ceci encore, depuis aussi longtemps que je puisse me souvenir, les syndicats ont toujours obtenu ce qu’ils voulaient.
    pour quelles raisons voudriez-vous que cela change aujourd’hui et d’autant plus face à un gamin niais….! ah non ont me dit à l’oreillette il y a eu Alex ! on nous cache tout.

  • Les commentaires sont fermés.

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