L’amour ? C’est dans le regard !

Selon une étude, le premier regard est déterminant dans l’évaluation d’une relation amoureuse éventuellement durable ou d’une relation sexuelle spontanée et fugitive.

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L’amour ? C’est dans le regard !

Publié le 28 décembre 2019
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Par Jacques Henry.

« L’amour est dans le regard », c’est le titre (Love Is in the Gaze) d’un article très sérieux paru dans le dernier numéro du périodique scientifique Psychological Science. Lire dans les yeux des autres est en quelque sorte une compétence précieuse pour explorer une interaction interpersonnelle.

Quand on a rendez-vous avec quelqu’un qu’on connaît à peine ou pas du tout (une situation qui m’est arrivée il y a de nombreuses années quand je m’étais inscrit dans une agence matrimoniale pour tenter de retrouver une compagne que je n’ai d’ailleurs jamais trouvée), comment évalue-t-on par un simple regard les intentions de cette personne en termes de relation durable ou de courte durée ?

Les belles envolées verbales romantiques pour séduire l’autre sont un classique d’une banalité affligeante quand une femme et un homme se rencontrent pour la première fois car il est tellement facile de dissimuler ses intentions ou de prendre le contrôle de l’autre dans la conversation que le jeu est faussé d’avance. Nous disposons de plusieurs sens nous permettant de communiquer avec l’environnement humain comme dans le cas d’un rendez-vous (galant ou non) et c’est surtout le regard qui importe, le toucher et l’odorat interviendront plus tard.

Quelques études ont montré une différence entre l’amour et le désir sexuel, et cette distinction est en tout premier lieu effectuée par le regard, parfois un « cliché » n’ayant souvent duré qu’une fraction de seconde, enregistré dans le cerveau qui va effectuer le classement entre ces deux catégories d’approches entre deux individus, classement consistant à différencier l’« amour romantique » du simple et parfois banal « désir sexuel ».

Il faut préciser que l’étude, réalisée à l’Université de Chicago sous la direction du docteur Stephanie Cacioppo, comprenait 20 volontaires, 13 femmes et 7 hommes, tous hétérosexuels, d’une moyenne d’age de 22 ans, 18 droitiers et 2 gauchers pour plus de précisions, qui se sont pliés à l’observation de photographies sur un écran d’ordinateur, dans des conditions expérimentales telles qu’un système électronique permettait de calculer et enregistrer la direction précise de leur regard spontanément orienté vers ces photographies. L’étude a abouti à quelques précisions intéressantes.

Toutes les analyses statistiques du mouvement des yeux ultérieures aux tests ont permis de confirmer quel était le regard porté sur ces illustrations, codifiées selon un protocole bien précis utilisé dans les études psychologiques (voir le lien). Les images présentées aux sujets participant à l’étude représentaient des personnes inconnues de ces derniers et issues d’une banque de données de photos variées.

Les regards ont été classés en trois catégories : le premier coup d’œil, durant parfois moins d’une seconde, sa durée donc, et la durée totale de tous les parcours et fixations du regard sur les images.

Dans la première partie de l’étude, les stimuli consistaient en 120 images de couples hétérosexuels présentés dans diverses attitudes, à l’exclusion de toute image explicite de nu ou à caractère érotique. On demandait aux participants de déterminer aussi vite que possible, tout en regardant les images, s’ils classaient ces dernières dans la catégorie érotique ou sexuelle ou au contraire dans la catégorie de l’amour romantique.

Dans la deuxième partie de l’étude, les stimuli visuels étaient constitués de 80 prises de vues de visages ou de silhouettes d’hommes ou de femmes photographiés individuellement. Les femmes devaient regarder des photos d’hommes et vice versa.

Au cours de l’étude 1, les sujets passaient plus de temps à regarder le visage plutôt que le reste du corps quand on leur demandait s’ils ressentaient un désir sexuel plutôt qu’un amour romantique en regardant ces photos de couples ; et les zones scrutées étaient très précises, essentiellement le visage et en particulier les bouches comme dans le cas d’un couple échangeant un baiser :

regard_1

Si l’image était classée comme entrant dans la catégorie de l’amour romantique, le regard se portait presque exclusivement vers les visages, alors qu’avec la même photographie classée dans la rubrique désir sexuel par un des participants à l’étude, le regard se répartissait entre visage et reste du corps.

De plus la durée de fixation du regard sur un point donné des photographies était près de trois fois plus longue pour les clichés classés « amour romantique » que pour ceux classés « désir sexuel », comme si l’évocation d’un amour romantique requérait l’accumulation d’une plus large information et d’une interprétation plus complexe, donc plus lente, par le cerveau.

regard_2

Dans la partie 2 de l’étude, aucune différence ne put être décelée de manière significative entre les « genres » – c’est-à-dire les sexes, pour parler concrètement – et la plupart des sujets, hommes ou femmes, dispersaient leur regard autant sur le visage que sur le reste du corps sans pouvoir décider de manière significative s’ils penchaient pour un amour romantique ou un simple désir sexuel.

Il ressort de cette étude que, contrairement à ce qu’affirmait la chanteuse de soul Betty Everett – « si vous voulez savoir s’il vous aime, c’est avec ses baisers » –, c’est plutôt le premier regard qui est déterminant dans l’évaluation d’une relation amoureuse éventuellement durable ou au contraire d’une relation sexuelle spontanée et fugitive.

La science de l’amour ou du désir naissant au premier regard était inconnue jusqu’à cette étude, qui a le mérite de préciser le mécanisme visuel transmettant au cerveau les informations, qui sont d’ailleurs traitées très rapidement dans des régions distinctes du cortex, que ce soient les perceptions érotiques et sexuelles ou celles relatives à l’amour romantique. Ce résultat a été précisé par ailleurs par les mêmes auteurs de la présente étude par imagerie fonctionnelle.

La classification visuelle « amour romantique » se concentre donc sur les visages et les lèvres alors que le même processus de classification dans le registre « désir sexuel » se disperse en partie sur le reste du corps. Il faut rappeler qu’il s’agit de réactions visuelles rapides durant souvent moins d’une seconde. On peut constater avec ces résultats, résumés par les deux illustrations tirées de l’article, que le désir sexuel est évoqué très rapidement puisqu’il entre dans une boucle de stimuli hormonaux eux-mêmes très rapides.

A contrario, formuler que le cliché d’un couple évoque un amour romantique est plus complexe et plus abstrait car le processus de récompense au niveau du cerveau est alors plus aléatoire à atteindre. Les études relatives aux mécanismes de mise en place de l’amour, le coup de foudre par exemple, sont très limitées.

Ce que l’on a pu prouver par le type d’étude relatée dans cet article est que l’échange de regards entre un homme et une femme, même très rapide, est suffisant comme élément déclenchant un coup de foudre et le début d’un amour romantique. Le regard que l’on porte sur l’autre est indubitablement analytique et effectue un classement en deux catégories de personnes dont les frontières ne sont pas clairement définies, car qui dit amour sous-entend sexe et la réciproque ne peut être exclue.

Notre perception de l’autre semble donc en grande partie inconsciente et nous classons tout aussi inconsciemment dans les catégories amour éventuellement durable ou relation sexuelle fugitive et éphémère les personnes que nous rencontrons fortuitement.

L’amour est le résultat d’une chimie très sophistiquée que nous ne pouvons pas contrôler et le désir sexuel entre dans une catégorie du comportement sur laquelle nous avons encore moins d’emprise consciente. En définitive, nous sommes soumis à des processus complexes qui nous échappent totalement et qui sont initiés par la vision.

Source : University of Chicago et DOI: 10.1177/0956797614539706. Article aimablement transmis par le Docteur Stephanie Cacioppo.

 

Article initialement publié en août 2016.


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  • et la poésie dans tout ça??!
    L’étude est intéressante c’est vrai, le regard révèle bcp à ceux qui y sont attentifs dans l’instant, comme les autres sens d’ailleurs.
    Du coup on porte le regard sur l’autre soit c’est amour romantique, soit attirance sexuelle soit les 2 soit rien du tout. Il est intelligent notre cerveau, il catégorise en quelques secondes!

    • Gare aux malentendus !
      Si au royaume des aveugles les borgnes sont rois ; au royaume des amoureux, les myopes dépourvus de leurs lunettes on les regards les plus insistants…

    • D’une femme dont je fus épris durant ..quelques mois.., il y a de cela 20 ans, j’entendis le propos suivant :
      (ELLE, docteur en biologie moléculaire, très bien faite et sentimentale) : « TOUT en nous est bio-chimie ».
      Je tentai bien de la détromper en invoquant (p.ex. la Pyramide de Maslow et qq autres dimensions).

      Tout ceci avait débuté sur un premier regard, doublé d’expression verbale de ma part face à un vsate groupe (sur un sujet de débat « social » ne la concernant pas directement).
      Au-delà d’harmonie physique, nos chemins s’écartèrent pourtant après le double constat :
      a) de sa psy …troublée par un passé… de femme fragile ?
      b) de nos divergences quant à des valeurs sociétales (elle, gauche-écolo ; moi, droite et dirigeant)
      Allons-y comprendre l’écart entre AMOUR (durable?) et SENTIMENT AMOUREUX ?
      Sans regrets, l’avenir est devant nous.

  • Partant du préjugé qu’il n’y aurait que deux modalités du regard… Sur 20 cobayes… Bonjour le sérieux!

  • il faudrait d’abord définir ce qu’on entend pas « amour »
    on peut apprécier quelqu’un mais vouloir s’en rapprocher sans attirance « sexuelle »
    a t il un sens? a mon avis non..
    Je pense que « l' »amour » est un mélange subtil de désir et de possession.. et çà évolue avec le temps..

  • Echantillon de 20 volontaires? Et c’est statistiquement significatif? Sans double aveugle?

    Ce n’est pas sérieux de publier un tel article quand on sait que les tests médicaux statistiquement fiables requièrent des cohortes. (10 000 individus).

    J’attends un échantillon d’au moins 1000 individus et en double aveugle pour y croire.

    Et c’est un peu insultant pour les aveugles et les malvoyants sans parler de ceux qui se rencontrent en ébriété avancée.

  • Des recherches on doit passer a des choses concrètes, une application de reconnaissance faciale détecteur d’amour ..ça marche aussi sur les chiens et chats ?

  • Rhoo, j’ai donc raté la femme de ma vie cette semaine. Visitant un site archéologique romain, j’ai repéré une gardienne anormalement souriante. Je lui ai dit bonjour, elle a continué à sourire. Finissant la visite, j’ai eu l’intention d’aller la voir et éventuellement l’inviter, elle avait été remplacée par une collègue. ?

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