Le seul Dieu admis en Chine, c’est le parti communiste

La transformation fondamentale du message chrétien ne fait qu’étendre aux Églises chrétiennes l’esprit de la révolution conservatrice opérée par Xi Jinping.

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Soldier at Tian'anmen Square By: Richard Fisher - CC BY 2.0

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Le seul Dieu admis en Chine, c’est le parti communiste

Publié le 25 décembre 2019
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Par Frédéric Mas.

En mars 2018, le Conseil chrétien de Chine et le « mouvement patriotique » protestant se sont réunis à Nankin pour promouvoir le nouveau plan quinquennal visant à la « sinisation du christianisme ». L’ambition est claire. Il ne s’agit pas de parler du christianisme en Chine, mais d’adapter le christianisme au socialisme chinois.

Le document ne propose pas seulement d’adapter la liturgie et les formes d’expression de la foi aux coutumes locales. Il explique que la Bible devra être retraduite et les commentaires bibliques réécrits en conformité avec le socialisme 2.0 de Xi Jinping.

Que la persécution des Églises chrétiennes clandestines culmine avec la réécriture et la réinterprétation de la Bible n’est pas anodin : ce qui est attaqué frontalement, c’est la liberté de conscience aussi bien que la liberté religieuse. Or c’est la liberté de conscience qui est à l’origine de la modernisation occidentale et de la naissance des institutions libérales et démocratiques.

Protestantisme et liberté de conscience

L’esprit libéral des Lumières naît au XVIIe siècle, mais le sillon est creusé dès le XVIe siècle avec la Réforme, qui va introduire le scepticisme et préparer la liberté religieuse. La naissance du protestantisme est, comme le rappelle l’historien Richard Popkin1, le conflit qui oppose Martin Luther à la papauté porte essentiellement sur le critère de la connaissance religieuse.

Dans la dispute de Leipzig de 1519 et dans ses écrits de 1520, Luther rejette la règle de foi définie par l’Église et avance un critère radicalement nouveau. Dans ses affirmations à la Diète de Worms de 1521, il affirme qu’est vrai ce que la conscience est inévitablement conduite à croire en lisant l’Écriture sainte, et cela sans le secours des Conciles ou de l’autorité du Pape.

La conscience devient affaire d’adhésion individuelle d’un côté, et l’Église médiévale se voit contestée le monopole d’interprétation des textes bibliques. Pendant les siècles suivants, l’Europe va se déchirer pour tenter de concilier les termes du problème théologico-politique posé par Luther.

L’esprit réactionnaire du totalitarisme

Le libéralisme moderne, pénétré de philosophie des Lumières, répond au problème théologico-politique posé par la Réforme en faisant de la religion une affaire privée2. La vie spirituelle est de l’ordre de la liberté de conscience, liberté qui appartient à chaque individu et que l’État se doit de protéger. Le corollaire de la liberté de conscience est bien entendu la liberté religieuse, dont la Hollande du XVIIe siècle fut le vivant symbole.

Le parti communiste chinois du XXIe siècle a décidé de répondre au problème théologico-politique posé par la Réforme en faisant exactement l’inverse de la philosophie des Lumières. La conscience individuelle est niée, et l’interprétation du texte biblique se voit désormais monopolisée par la Nouvelle Église socialiste, le PCC. Dans sa démarche même, le gouvernement chinois se fait réactionnaire.

La transformation fondamentale du message chrétien ne fait qu’étendre aux Églises chrétiennes l’esprit de la révolution conservatrice opérée par Xi Jinping depuis la 19e conférence nationale du Parti communiste chinois, visant à revenir sur des années d’ouverture et réaffirmant la toute-puissance de la bureaucratie communiste à la tête du pays.

La résistance à Hong Kong, qui s’appuie à la fois sur les organisations pro-démocratiques, mais aussi les Églises protestantes, ne s’y est pas trompée. Elle sait que les persécutions des chrétiens comme celle de la minorité musulmane Ouighours, est un prélude à ce qui les attend.

 

  1. Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen-Âge à l’aube du XIXe siècle, Agone, 2019.
  2. Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Hachette, 1997.
Voir les commentaires (17)

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  • On aimerait aussi qu’on réécrive le coran pour l’adapter a notre monde , non ?
    Laissez donc les chinois a leurs chinoiseries !

    • Mais le Coran, tout comme la Bible d’ailleurs, a déjà été écrit. Si les croyants les plus zinzins soutiennent que les livres saints ont été dicté par Dieu en personne, il n’en est rien. En fait le problème n’est plus de les écrire mais de les lire.

      • La forme écrite n’est pas un problème bloquant. Le sens des mots peut évoluer, etc. Le vrai blocage est qui peut changer le texte du premier « rédacteur ». La Bible est écrite mais pas par Dieu.

      • @Synge, ou de s’en affranchir après lecture (cad donner du sens à ce que l’on lit et non pas seulement avaler du texte ) et dès lors se responsabiliser en ne voulant masquer ses ignorances par des propos de comptoires de bistrots de propagandes. Cela veux dire »je veux dire, j’exige, que les textes que je ne comprends pas se mettent à mon niveau d’ignorance plutôt que l’inverse, s’élever vers UNE….amélioration de la connaissance métaphysique.

        • Je vais préciser mes propos. Ce qui serait donner dans la religion « de comptoir », ce serait de lire les livres saints tels quels, en tenant pour divin tout ce qui y est écrit. A ce compte, tant la Bible que le Coran peuvent justifier les pires errements. Pourtant, on y trouve aussi des trésors de sagesse. C’est parce que ces livres on été écrits par des hommes. Si l’histoire du Coran semble plus simple (rédaction sur ordre des 1ers califes, mais je ne suis pas un expert), celle de la Bible est passablement complexe, s’étale sur des siècles et occupe les exégètes depuis toujours. Alors, en effet, la lire demande une dose d’humilité et pas mal d’efforts. Il ne s’agit pas pour autant de s’en affranchir mais il faut bien admettre que des textes destinés à galvaniser des peuples du 1er millénaire avant JC ne peuvent plus être lus avec le même esprit 3000 ans plus tard dans nos sociétés bien plus paisibles.
          C’était le sens de ma réaction au message de Reactitude2.0. Je ne demande pas aux musulmans de réécrire le Coran, quel blasphème, mais de le lire différemment? Beaucoup le font me semble-t-il mais on les entend moins que les braillards fanatiques parce que ces derniers crient plus fort.

      • Et que ce soit la Bible ou le Coran, les croyants ne les lisent pas de la même façon. Quant aux incroyants …
        https://www.yvesmontenay.fr/2012/08/28/les-musulmans-sont-de-plus-en-plus-protestants/

  • Le Marxisme (socialisme/communisme) est l’aboutissement des formes de prise du pouvoir totalitaire le plus abouti à ce jour. Il suffit de se dire communiste, distribuer les bonnes places (y compris police, armée) et tisser sa toile patiemment pour faire régner l’ordre, sans oublier d’éliminer/abattre ses opposants avec ou sans les formes légales.

    • Éliminer abattre ces opposants ,il n’y a pas que les chinois et en France cette pratique est courante et partout dans le monde. je dois dire que si on pouvait éliminer certains politiques français ,on s’en porterait sans doute mieux, les melenchon et autres de droite de gauche et du centre ,et certains journalistes , faisons les choses en grand.

  • Votre article m’amène une interrogation (pour moi tout au moins) fondamentale.
    Lorsque vous dites « c’est la liberté de conscience qui est à l’origine de la modernisation occidentale et de la naissance des institutions libérales et démocratiques », vous parlez bien d’un passé révolu, n’est-ce pas ? Ou, si c’est de nos jours, de quel pays ? dans quel pays ?
    Où existe-t-il encore la liberté de pensée et de parole ? Et la démocratie non contrôlée et s’exerçant réellement ?

    Ni en France (depuis 2005 même !), en tout cas. Ni non plus dans de nombreux pays européens, où le citoyen lambda n’a plus le droit à la liberté de ne plus adhérer ouvertement (et sans être placé au pilori ) au dogme du réchauffement anthropique.

    Vous pouvez dire où, dans quel pays, on a encore le droit de penser ET de s’exprimer publiquement, hors de la normalité bisounoursienne ? C’est à dire de la parole officielle relayée par vous confrères devenus des cireurs de godasses.

    Je ne vois pour ma part aucune différence, si ce n’est dans l’échelonnement chronologique (quoique, à bien y réfléchir, il y a une quasi simultanéité…), entre la Chine peste rouge de la pensée (l’adaptation du christianisme au socialisme chinois) et l’UE peste verte de la pensée (l’adaptation de la “Science” à la doxa verte occidentale).
    Avec un avantage pour les chrétiens chinois : l’ouvrage de base est (au moins ailleurs) régulièrement réédité.

    • La démocratie et la liberté parfaites n’ont jamais existé.
      Cela étant posé, les pays s’en rapprochant le plus, aujourd’hui, ne sont sans doute pas, effectivement, en Europe, mais en Amérique, en particulier les USA et leur Constitution fondée sur la liberté (1er Amendement, 2ème Amendement…), et sans doute même si je connais moins, des pays comme l’Australie ou la NZ.
      On peut aussi faire des approches au travers d’index des libertés par pays, par exemple :
      https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/human-freedom-index-2019.pdf
      ou : http://worldpopulationreview.com/countries/freest-countries/
      ou encore : https://prosperity.com/rankings
      D’autres index existent, et en les recoupant on peut déjà avoir une idée des pays offrant le plus de libertés à leurs citoyens.

    • @Gj Il ne faut tout de même pas exagérer. Quand on s’exprime en France le seul risque est de se fâcher avec ses amis ou sa famille pas d’aller en camp ou de voir sa carrière brisée. Peu de professions nécessitent d’être « encartés » .

      • En France, on n’a pas le risque d’aller en camp ni de voir sa carrière brisée. Mais ne nous y trompons pas non plus, pour faire carrière il est nécessaire d’afficher des opinions et un comportement qui ne sont pas sans effet. Les non-conformistes sont jugés sur leurs idées plus que sur leurs résultats, dès qu’on dépasse la taille d’une PME. Et pour les fonctionnaires, n’en parlons pas !

  • Le seul Dieu admis en Chine, c’est le parti communiste

    Presque comme en france où c’est le socialisme

    • La Chine a eu des empereurs , la France des rois , le parti communiste chinois est plus démocratique pour élire son dieu que la France pour élire son président !

  • Au moins, l’internaute Reactitude2.0 est cohérent dans sa connerie : non seulement il approuve les lois liberticides instaurées par le gouvernement Chinois contre les Ouighours/musulmans, mais il approuve aussi les persécutions que le gouvernement Chinois commet contre les Chrétiens.
    .
    Moi, je suis cohérent dans mon libéralisme : je fustige les persécutions contre les Ouighours pacifiques tout comme je fustige le silence médiatique qui entoure les persécutions dont sont victimes les Chrétiens pacifiques, tel que le prouve un de mes anciens messages : « les progressistes occidentaux (le terme correct est : régressistes/Gauche régressive) n’évoquent jamais le harcèlement dont sont victimes en Chine les chrétiens (surtout ceux n’appartenant pas aux communités d’expatriés.) »

  • Quand l’état sait la vérité,
    quand l’état sait ce qui est bon pour vous,
    vous pouvez encore essayer de vous cacher,
    mais quand en plus il voit tout vos faits et gestes, votre pensée n’est plus que le privilège révocable qu’il vous accorde: le dissident hors-norme n’est plus qu’un « bug » à faire piétiner.
    On aurait tort de croire que cela ne concerne que l’état-PCC chinois.

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