Ce qui se cache derrière la réglementation « anti-Airbnb »

L’enchaînement des étapes contre Airbnb fleure bon la démagogie, mais a également un relent de prohibition.

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airbnb by Scott Lewis (CC BY 2.0)

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Ce qui se cache derrière la réglementation « anti-Airbnb »

Publié le 16 décembre 2019
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Par Pierre Tellep.

Depuis le 1er décembre, nouveauté dans le monde de l’investissement locatif type Airbnb : l’obligation pour toutes les plateformes d’annonces de location saisonnière en ligne, c’est-à-dire outre Airbnb, Booking.com, Abritel, et autres Gîtes de France, de fournir à toutes les mairies qui le demandent la liste des propriétaires qui louent en courte durée sur leur commune et même la liste des incidents ayant pu se produire entre les propriétaires et locataires.

Déjà, petite incohérence territoriale, les mairies n’ont pas la compétence tourisme, contrairement aux agglomérations, départements et régions. Mais les maires ont posé des questions sur Airbnb, il ne fallait pas, bien fait pour eux…

Mais ce qui est vraiment intéressant c’est la petite histoire que l’on soupçonne à l’origine de cette décision et ses conséquences.

Décryptage du dernier psychodrame en trois actes autour de Airbnb.

 

C’est quoi Airbnb et à quoi ça sert ?

Airbnb, c’est cette plateforme qui permet aux gens normaux d’améliorer un petit peu et légalement leur niveau de vie en louant soit leur résidence principale soit un logement aux touristes et autres personnes de passage dans leur ville.

Ils rendent service à ceux qui n’ont pas les moyens d’aller à l’hôtel, ont envie d’avoir un petit espace à eux disposant d’une cuisine.

En échange de cela, de leur hospitalité, les hôtes Airbnb sont rémunérés à la nuitée.

Cette façon de gagner de l’argent semble fonctionner, il fallait donc la réguler…

De plus, c’est médiatique de taper sur Airbnb, pourquoi s’en priver ? On ne va quand même pas favoriser le tourisme dans le premier pays touristique au monde. Ce serait trop facile.

Cela donne une petite histoire en trois actes.

 

Acte un : les sénateurs sortent les crocs contre Airbnb

C’est le Sénat qui a dégainé le premier en déposant un amendement permettant à chaque maire de choisir librement la durée des locations de type Airbnb dans sa ville.

Une mesure choc mais sans aucun risque pour nos parlementaires qui savent très bien qu’un amendement voté par le Sénat n’a aucune chance d’être mis en œuvre dans la vie réelle puisqu’il peut être détricoté par l’Assemblée nationale où le parti gouvernemental bénéficie d’une large majorité.

Et c’est l’Assemblée nationale qui a toujours le dernier mot.

Cela ne coûte donc absolument rien au Sénat de proposer en sachant que de toute façon le projet ne sera pas adopté mais permet de montrer les muscles, s’adresser à un certain électorat sans avoir jamais à en subir la moindre conséquence.

C’est une pratique complètement classique des parlementaires. Elle est également sans risque car le gouvernement, garant de l’économie du pays et désireux que la croissance reparte afin d’être réelu sur son bilan est plutôt favorable à l’économie collaborative qui génère justement de l’argent que les ménages peuvent dépenser et qui contribue donc à faire tourner les entreprises, locales qui plus est.

Par ailleurs, les maires qui sont sur le terrain subissent les récriminations des lobbys hôteliers qui se sentent lésés par Airbnb et celle des copropriétaires de résidences huppées qui se sentent agressés par l’arrivée de touristes.

Or ce sont les élus locaux qui élisent les sénateurs.

Pourquoi les sénateurs se priveraient-ils de faire plaisir aux élus locaux en proposant des mesures choc, qui de toute façon n’ont aucune chance d’être adoptées puisqu’elles contreviennent à la philosophie générale de l’État ?

 

Acte deux : l’Assemblée nationale détricote le système et renvoie la patate chaude

Nous retrouvons notre petit amendement anti-Airbnb du Sénat qui arrive à l’Assemblée nationale.

Et là, que se passe-t-il ? Oh ! Surprise ! La proposition est rejetée.

Les médias en sont restés pantois, quel coup de théâtre…

Plus sérieusement, les députés aussi ont envie de faire plaisir aux élus de terrain.

Pas parce qu’ils sont élus directement par eux mais parce qu’ils les croisent tous les jours… et souhaitent parfois prendre leur place.

Il faut donc trouver une mesure compensatoire qui satisfasse tout le monde ; et si au passage cela peut mettre quelques maires dans l’embarras, pourquoi pas. Ce sont eux qui ont demandé, non ?

Et hop, résultat.

On sort du chapeau une obligation pour Airbnb de transmettre les coordonnées des propriétaires à toutes les villes qui le souhaitent.

Plus grand-chose à voir avec la proposition de départ du Sénat mais ce n’est pas grave, on parle quand même de Airbnb.

D’une pierre deux coups : d’un côté le gouvernement montre qu’il est à l’écoute des élus locaux et d’un autre côté, comme de plus en plus souvent, il leur renvoie la patate chaude.

Le message aux maires est assez limpide : si vous voulez restreindre les activités de Airbnb, pas de problème, vous allez vous en occuper et vous allez tout gérer seuls.

 

Acte trois : Airbnb compte les points

En réponse, Airbnb a bien entendu fait savoir qu’il allait respecter la loi, qu’il fournirait les données en temps et en heure. Des données brutes bien sûr, à charge pour les municipalités de les exploiter, ce qu’elles feront difficilement, par manque de temps et de moyens1.

Nous voilà donc revenus à la case départ.

Mais ce n’est pas un problème, les médias ont relayé la mesure à grands renforts de moyens, l’opinion publique est informée qu’il y a une volonté de lutter contre les méchants propriétaires, c’est tout ce qui compte.

 

Quelles conséquences ?

Cet enchaînement d’étapes fleure bon la démagogie mais a également un relent de prohibition.

À force de vouloir interdire de manière directe détournée des activités économiques qui bénéficient aux individus normaux, le risque est de créer des activités parallèles aux mains d’individus beaucoup plus glauques.

La France a-t-elle besoin de propriétaires qui investissent et rendent service aux touristes ou alors de petits malins qui cherchent à contourner les règles pour s’engraisser sur le dos du mammouth ?

  1. Les données tant convoitées que Airbnb est obligé de transmettre désormais sont des données publiques que la plateforme n’a jamais cachées.
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  • les élus ne sont pas des purs jouets de leur ambition, il est indéniable qu’ils pensent pour beaucoup bien faire..donc il y a en bien quelque part qui pensent que c’est une bonne chose..

    en outre… si la taxation et la réglementation des hôteliers fait sens, autremtn dit sert l l’intérêt commun, il n’y aucune raison de ne pas l’appliquer à rB and b…

    les hôteliers devraient demander un alignement sur rb and b…!!!

  • Je vais tester airbnb ce dimanche à Rome si tout ce passe bien. Une belle chambre toute équipée m’attend pour 20 et quelques euros par jour contre 80 dans un hôtel. Je vais économiser 400 euros avec lesquels je vais bien manger, me cultiver et payer de jolis souvenirs à mes amis. Mais cela, les sénateurs ne peuvent pas le comprendre.

    • Je ne peux qu’approuver. J’ai moi-même trouvé une chambre à ce prix en Islande, à Keflavik. La taille de l’île et son calme relatif ont rendu mon budget beaucoup plus souple pour mes visites. J’ai ainsi pu me payer une nuitée dans un gîte (beaucoup plus cher), dans le cadre d’une excursion dans la partie sud de l’île.

      Et c’est effectivement ce que ces sénateurs ne veulent pas comprendre : on est typiquement dans le cas de la « vitre cassée » de Bastiat.

      • C’était plutôt 40 euros que 20, mais je me comprends. 🙂

      • De mon expérience, 700€ à Tokyo pour une dizaine de jours, il y a quelques mois. Et récemment, 300€ pour 4 nuits à Helsinki.

        Très bien, toutes les deux.

        A titre de comparaison, je vous laisse découvrir le prix des nuitées d’hôtel dans ce genre de capitale …

  • C’est peut être quand même un peu plus compliqué que « je vais à Rome pour pas cher » ce qui en soi est fort agréable, je le reconnais. Dans les grandes villes Airbnb est devenu un métier, des « investisseurs » rachètent des studios, appartements pour les louer à la journée (à l’année) ce qui est bien plus rentable (surtout dans les villes où les loyers sont bloqués : Paris par exemple) et le tout bien souvent au « Black ». Alors ? Echange de services : oui, j’arrondis mes fins de mois et je peux me payer un voyage. Par contre, j’exerce une profession et je transforme en local commercial des locaux d’habitation ni vu ni connu j’t’embrouile… Il y a peut-être moyen de moyenner.

    • dans un village touristique du SO de la France, les locations à l’année ont presque totalement disparu. Résultat : les personnes qui souhaitent s’y installer pour y travailler, préférant la campagne à la ville par choix de vie, ne trouvent pas à se loger. Aibnb a beaucoup d’effets pervers, alors que le principe de base est plutôt intéressant.

      • C’est compliqué. A Paris : certains louent à l’année un studio ou un appartement (loyers bloqués je répète) pour le sous louer ensuite en Airbnb. Hé! oui. Vous avez également beaucoup de propriétaires étrangers qui ne viennent qu’épisodiquement donc ils louent en airbnb pendant leur absence. Pourquoi pas, c’est mieux que des appartements vides .. J’observe qu’en règle générale ce ne sont pas les propriétaires habitants qui arrondissent leur fin de mois (côté sympathique de l’affaire). Par ailleurs, il est vrai que le système hôtelier peine à s’adapter à une demande différente moins aisée et aussi avec des chambres placards qui imposent restaurant matin, midi et soir sans espaces de « repos »etc …Moralité pour sauver le principe d’Airbnb il va falloir malheureusement le limiter ou l’encadrer.

        • Je me repete mais les seuls qui sont legitimes à limiter ou encadrer cette activité sont les coproprietaires au titre des problemes de jouissance et des coûts induits par cette activité commerciale dans des locaux d’habitation. Le droit est assez mauvais et les reglements de copropriété souvent pas assez précis.

          En dehors de ce cas, chacun devrait pouvoir faire ce qu’il veut de son bien et en tirer le meilleur rendement si c’est son objectif.

          • Vous avez raison mais effectivement le droit français oblige la copropriété à prouver les nuisances à coup de constats accumulés d’huissiers qui doivent être appelés au bon moment etc . Ce n’est pas de la tarte et il y en a pour un bon bout de temps. Celà étant dit ce n’est pas réellement un problème de airbnb mais de locataires éphémères qui viennent faire la fête et goûter les vins français. Rien à foutre des voisins.

            • Je ne comprend pas que l’on cite que Airbnb pour les nuisances.
              Pour certaines locations à la semaine, agences, site de l’agence touristique régionale, j’ai des types qui rentrent à 2h du matins et qui tapent leurs godasses sur le sol, ou entre elles.
              Le sans gêne semble être général. Et certains locataires à l’année font aussi de belle âneries qui gênent toute la copro. Sans compter les copros agressifs qui jettent leurs petits détritus de salade par dessus le balcon.

              • Bien sur il sagit de toutes forme d’utilisation qui n’entre pas dans le cadre de l’utilisation prévue dans le reglement de copropriété. L’usage en bon père de famille est je crois parfois mentionné mais elle ne garantit pas forcement le gain juridique.

                Pourquoi pas imaginer la possibilité pour une copropriété de voter a une majorité ou une autre sur la possibilité de faire des locations de courte durée.

                Il y a d’autres problemes de copropriete mais ce n’est pas le sujet.

    • Le plus drôle c’est qu’à Paris, la mairie a fustigé Airbnb au motif qu’il retirait des biens du marché locatif privé. Soit. Il paraît que cela représente environ 5 % des logements.
      Mais qui retire en réalité le plus grand nombre d’appartements du marché privé ? C’est justement la mairie de Paris avec 30 % de logement social !
      Comme quoi…

  • Un nième avatar de l’anti-americanisme primaire. On a en France des sites français qui proposent exactement la même chose et personne ne leur tape dessus.
    Idem pour Amazon. Personne n’a jamais cherché le moindre pou dans la tête de Price Minister. Bon, faut dire que son patron était le frère d’une ancienne ministre. Ça aussi, ça doit aider.
    Ce qui m’inquiète le plus dans les restrictions imposées à Airbnb, c’est qu’elles traduisent un net recul de la propriété privée dans les métropoles. A Paris et quelques autres grandes villes on n’est plus libre de disposer de son logement comme on l’entend (interdiction de louer plus de 120 j par ex).

    • Airbnb est un bienfaiteur de l’économie française !

    • comparer price minister et amazon, c est comme comparer une 2CV et une formule 1 … ils jouent pas vraiment dans la meme categorie

      PS: price minister appartient a des japonais depuis des annees

    • Les autres sont moins connus et ne sont pas présent partout.
      Et à ma connaissance seul AirBNB a proposé de verser la part du loueur sur des cartes Visa à Gibraltar. C’est clairement une manoeuvre de filou. Ils ne veulent pas trop que l’on sache qui loue quoi, et l’importance de leur concurrence déloyale sur les hoteliers.

  • Airbnb est une possibilité pratique mais qui comporte des risques souvent ignorés.
    – La possibilité d’avoir affaire à un squatteur
    – Les déprédations des appartements et des parties communes
    – Le sans gène des gens en particulier au niveau du bruit
    – l’illégalité de cette pratique par des locataires à l’insu du propriétaire.

  • « [l’auteur de l’article] essaye de faire du h16 mais tombe dans la demagogie de base. »

    Si l’auteur est démago alors dans ce cas il réussit parfaitement à faire du h16. Pour rappel, malgré son indéniable savoir libéral et talent humoristique, h16 est un mec qui, en parlant au nom du libéralisme, laisse entendre par exemple :
    – Que la police doit se montrer plus sévère contre les racailles… du moins celles qui ne portent pas un gilet jaune ! (La vraie position libérale est la suivante : la police doit cesser d’emmerder les innocents, qu’ils portent ou non un gilet jaune, et doit lutter contre les criminels, qu’ils portent ou non un gilet jaune.)
    – Que la presse surmédiatise les bavures policières. (En réalité elle tend à ne surmédiatiser que celles qui peuvent lui être bénéfique / augmenter son pouvoir / consolider ses privilèges.)
    – Que le terroriste de Christchurch est un espèce d’écolo bobo gaucho maoïste n’ayant rien à voir avec l’extrême droite. (En réalité, selon wikipédia, le but du terroriste de Christchurch, qui compte Anders Breivik parmi ses inspirations, qui est imprégné par la « culture alt right », et qui se revendique « ethno-nationaliste » par opposition aux « nationalistes civiques » jugés trop bisounours, est d’accélerer les sentiments anti-musulmans et anti-immigrés dans les pays «majoritairement blancs» afin de provoquer une « race war/guerre raciale. » C’est donc clairement un terroriste d’extrême droite malgré son fort penchant écolo.)

    Bref, les exemples où h16 tombe dans la demagogie sont hélas nombreux. Ce n’est néanmoins pas impossible qu’il parvienne à rectifier le tir et demeurer un libéral digne de ce nom.

  • Les commentaires sont fermés.

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