Précarité étudiante : le gel des loyers des résidences n’est pas la solution miracle

Si le gouvernement veut réellement agir pour résoudre la crise du logement étudiant, seul le secteur privé est de nature à relever le défi.

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Précarité étudiante : le gel des loyers des résidences n’est pas la solution miracle

Publié le 4 décembre 2019
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Par Clément Pitton.

Le gouvernement a récemment annoncé son intention de réduire les loyers des résidences étudiantes ou en tous cas, c’est l’effet d’annonce qu’il a voulu créer.

Malheureusement et précision oblige, le gouvernement a annoncé réduire uniquement les loyers des résidences universitaires. C’est assez logique in fine puisque ce sont les seules résidences que l’État gère réellement mais cela réduit diablement l’effet d’une telle décision.

Le système des résidences universitaires ne représente que 175 000 logements soit à peu près autant que les résidences privées (entre 140 et 150 000 logements) mais surtout à peine 10 % du parc de logements étudiants (1,5 million d’étudiants). De ce point de vue là, il convient de garder en tête que les résidences universitaires ne répondent positivement qu’à environ 5 % des demandes de logements qui lui sont faites.

 

Un geste politique qui se réduit à un effet d’aubaine

Si le symbole est fort, la faible proportion des résidences universitaires dans le parc de logements étudiants démontre à elle seule que ce geste, pour aussi louable qu’il soit, ne concernera qu’une infime part d’étudiants.

La portée symbolique de ce geste pose d’autant plus question que les étudiants concernés sont déjà finalement assez avantagés par rapport aux autres puisqu’ils ont déjà la chance d’être logés dans des résidences universitaires dont les tarifs, fortement subventionnés, sont déjà très avantageux.

Cette mesure revient donc à accroître les avantages de certains mais sans aucunement changer le sort de la majorité des étudiants.

Effet d’aubaine pour ceux qui en profiteront, effet d’annonce pour le gouvernement mais surtout coup d’épée dans l’eau du point de vue de l’efficacité des politiques publiques.

 

Le mythe de l’État nounou contre la précarité étudiante

Derrière cet effet d’annonce, se cache un mythe solidement ancré dans l’imaginaire collectif français, celui de l’État nounou.

Nombreux sont ceux qui sont persuadés que les résidences étudiantes constituent une sorte de service public assuré par l’État et les bailleurs sociaux.

Si cette croyance fleure bon la collectivisation des moyens de production, elle est aussi datée que la philosophie politique qui la sous-tend.

Cela fait en effet de nombreuses années que l’État et le CROUS n’ont plus les moyens de répondre aux besoins de logements des étudiants ; et quand bien même ils les auraient, tout le monde a conscience que ce n’est pas son rôle ni une bonne solution.

Gérer des logements est un métier de terrain qui nécessite une grande réactivité, des équipes motivées et beaucoup de pragmatisme, qualités qui coïncident rarement avec une organisation de type administrative.

Le logement étudiant est donc depuis longtemps un secteur largement privé sur lequel une mesure de « fixation administrative des prix » à la mode plan quinquennal des années 1960 n’a que peu d’effets.

 

La fixation des loyers, une illusion qui ne fait plus illusion

Si la fixation administrative et autoritaire des prix avait fonctionné, cela ferait longtemps qu’il n’y aurait plus d’inflation au Vénézuela.

Si cela est valable au niveau macro-économique, cela l’est tout autant pour les loyers. Les acheteurs n’étant pas masochistes et les vendeurs poursuivant leur intérêt individuel de vendre toujours plus, la montée des prix s’explique dans l’écrasante majorité des cas par un manque d’offres.

Dans ce contexte, bloquer les prix a un double effet pervers.

  • d’une part, il ne répond en rien aux besoins de ceux qui ne sont pas servis et profite in fine uniquement à ceux qui avaient déjà la chance de l’être. Cet effet d’aubaine devient pervers à partir du moment où ceux qui profitent ainsi de conditions très avantageuses n’ont pas intérêt à réguler leurs consommations et continuent à consommer de grandes quantités d’un produit alors que, si le prix avait été « juste », leur consommation se serait réduite. C’est ici l’exemple typique du locataire âgé occupant un logement social qui reste dans un appartement devenu trop grand pour lui mais dont il ne veut pas se départir, son loyer étant très avantageux. Ces comportements individuels conduisent indubitablement à accentuer une situation de sous offre ;
  • d’autre part, cela limite le profit d’éventuels nouveaux entrants et restreint l’intérêt d’investir pour accroître les capacités de production alors même que les acteurs en place n’ont eux pas intérêt à renouveler ou améliorer leur offre, l’absence de nouveaux entrants leur garantissant une situation monopolistique. Dans le domaine du logement, il faut se souvenir que la principale loi de fixation des loyers (loi de 1948) a conduit à un sous investissement chronique des bailleurs avec des appartements qui se dégradaient au point de devenir insalubre tandis que les investisseurs fuyaient le secteur du logement.

Il est rageant et dommage de constater que cette analyse simple et de bon sens, confirmée par des décennies d’étude de l’action des politiques publiques continue à être envisagée sérieusement alors qu’il ne fait illusion à personne qu’il s’agit là uniquement d’effets de manche à des fins purement politiques.

 

Le secteur privé, véritable levier d’action

Si le gouvernement veut réellement agir pour résoudre la crise du logement étudiant, seul le secteur privé est de nature à relever le défi. Seul le secteur privé dispose de la capacité de mobilisation de fonds, de la dynamique et de la puissance d’exécution nécessaires pour inverser durablement la tendance.

Le développement important et en à peine dix ans des résidences privées qui représentent aujourd’hui un parc presque équivalent aux résidences universitaires beaucoup plus anciennes est un exemple frappant de l’efficacité de l’initiative privée.

 

La libération du marché et des relations bailleurs/locataires comme clé de voûte

Agir sur le marché  du logement étudiant peut se faire assez simplement.

D’abord en agissant sur l’offre afin que le secteur privé mette sur le marché des logements supplémentaires à destination des étudiants :

  • réduction des contraintes de construction de nouveaux logements,
  • réduction des recours contre les permis de construire,
  • incitation des propriétaires à louer leurs logements en sécurisant mieux les relations bailleurs/locataires …

Au-delà de l’offre, l’État doit aussi veiller à une correcte distribution des logements. Nombreux sont les étudiants exclus des locations car ils ne fournissent pas suffisamment de garantie pour les bailleurs dans un système qui rend très complexes les expulsions des locataires indélicats.

À trop encadrer les relations contractuelles entre bailleurs et locataires, l’État et les gouvernements successifs ont obtenu une situation où les locataires les plus fragiles sont les premières victimes d’un système censé les protéger car les bailleurs refusent tout simplement de leur louer des logements.

 

La nécessaire fin du mythe de l’étudiant assisté

S’il ne s’agit pas de négliger les difficultés quotidiennes de nombreux étudiants, il convient quand même de se rappeler que les études constituent un des meilleurs investissements qu’il soit possible de faire dans sa vie.

Accomplir des études de haut niveau procure généralement une meilleure position sociale, de forts gains salariaux sur l’ensemble de sa carrière professionnelle et permet d’occuper des postes plus confortables.

Opter pour une vision des études comme celle d’un investissement sur l’avenir permettrait de sortir de ces discussions sans fin consistant à critiquer constamment un des systèmes universitaires les plus généreux et les moins chers de la planète.

Cela permettrait de justifier de réaliser des emprunts, faire des sacrifices et de consentir un investissement conséquent.

Cela permettrait aussi de poser la question de la fixation du prix des études alors qu’il est indéniable que le système de gratuité incite à une sous efficience du système avec des formations maintenues malgré l’absence de débouchés.

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  • es etudiants ont des parents! qu’ils se démerdent!

  • J’ai consulté les étudiants que je connais. Ils ont été choqués, mais pas de la façon attendue.

    Je résume : « Voilà quelqu’un qui triple sa deuxième année de licence, et qui a eu une bourse pour les deux premiers essais, quelle chance !
    Je n’ai pas été éligible, mes parents gagnant quelques centaines d’euros de trop. Je travaille le dimanche, c’est bien payé »
    L’une des étudiantes travaillait même 60 heures par semaine, et a obtenu néanmoins un Master deux avec mention en l’étalant sur deux ans.

    Une autre remarque : « dans sa lettre, cet étudiant reprend les termes des revendications de l’UNEF, qui a donc une part de responsabilité dans son geste »

  • @ Clément Pitton
    Je serais d’accord avec votre analyse, si elle n’était le fait d’un professionnel du logement, connaissant mal les réalités universitaires.
    Votre propos « les études constituent un des meilleurs investissements qu’il soit possible de faire dans sa vie » est complètement décalé de la réalité.
    D’une part, nombre d’étudiants (puisqu’il faut bien leur accorder ce qualificatif) ne viennent en université que dans la suite logique du lycée. Sans objectif, sans envie de travailler, mais pour continuer à profiter des avantages du système. Je passerai sur leur absentéisme (qui permet au moins de ne pas supporter leurs perturbations) pour rappeler que bien souvent ils sont issus de milieux modestes et bénéficient en priorité des cités U, ainsi que des bourses. Quant à leurs familles, @ Claude Henry, ils s’en f… complètement.
    D’autre part, les présents, ceux qui veulent réussir en théorie, pèsent sur le corps professoral ; lequel a depuis longtemps abandonné les exigences de niveau. D’abord, pour avoir la paix : vous n’imaginez pas les problèmes engendrés par une notation qui bouleverse ces chérubins, habitués à la démission intellectuelle des collègues depuis l’école primaire, sans interruption ni barrage. Ensuite, pour une raison mercantile : si nos collègues du Supérieur veulent des crédits et des postes, il faut bien qu’ils démontrent qu’ils ont des étudiants… Donc ils donnent aisément les diplômes. Lesquels ne servent à rien : combien de caissières de supermarché sont titulaires d’une licence voire d’un master… !
    Non, les études ne sont plus un investissement : elles sont pour la majorité le moment de bien s’amuser et d’exiger parallèlement un diplôme.
    Bien entendu, il existe aussi, venant de toutes les classes sociales, des étudiants sérieux. Mais vous les trouverez soit dans les BTS, soit dans quelques filières de qualité.
    La masse estudiantine coûte inutilement.
    Mais …
    1. C’est tout un système, depuis le primaire, qu’il faudrait rendre sérieux et responsable. Je pense que c’est devenu irréaliste et irréalisable, du fait même de la formation des enseignants.
    2. Un peu d’humour : que diraient les bailleurs si la masse estudiantine était réduite de 80 %, ce qui correspond à la réalité des vrais étudiants ?…

  • C’est pénible de vivre dans une société où l’on s’acharne à trouver sans cesse des catégories à plaindre et donc, à assister, sous prétexte que quelques-uns ont des difficultés.
    La route de la servitude passe par les bons sentiments…

  • Excellent … dernier paragraphe.
    Un nouveau concept : la précarité des étudiants, en plus de la précarité des familles, des retraités, des agriculteurs, … ces derniers exemples plus facilement compréhensibles.

  • On pourrait aussi revenir sur l’interdiction de louer les chambres de bonne de moins de 9m². Cette loi a mis pas mal de monde a la rue et favorisé les regroupements de chambres de bonne en appartements dont le loyer n’a plus rien a voir avec celui des composants.

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