Le gigantisme n’est pas au service de l’humain mais du pouvoir

Une course éperdue à la croissance, au gigantisme, peut-elle devenir délétère ?

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Le gigantisme n’est pas au service de l’humain mais du pouvoir

Publié le 1 décembre 2019
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Geert Noels est ce qu’il est convenu d’appeler en Flandre, een bekende Vlaming, un Flamand influent. Licencié en sciences économiques appliquées de la Haute École de Commerce d’Anvers et titulaire d’un MBA de la K.U. Leuven (la section flamande de l’Université catholique de Louvain), en 2009, à la suite de la crise, il a fondé et dirige la société de gestion de patrimoine Econopolis. Il s’est fait connaître du public grâce à un premier livre, Econochoc, vendu à plus de 100 000 exemplaires, et en tant que leader d’opinion dans différents médias. Plus de cent mille personnes le suivent sur Twitter.

Dans Gigantisme, De ‘too big to fail’ vers un monde plus durable et plus humain, il avance que ce qui s’est produit en 2008 n’est pas une crise financière, mais le symptôme d’un mal plus profond du système économique, sa course éperdue à la croissance.

Cette propension à grandir se manifeste au travers du nombre croissant de très grandes entreprises, que ce soit en termes de capitalisation boursière, de valeur ajoutée ou de personnel employé, et que ce soit dans le secteur de la technologie, de la banque, de l’industrie pharmaceutique, mais aussi dans d’autres. Ces entreprises y trouvent un double avantage : leur taille augmente leur « pouvoir de marché » et, en fin de compte, leurs bénéfices.

Le rendement des méga-entreprises américaines, par exemple, ne cesse d’augmenter par rapport à celui des entreprises situées dans le 25e percentile, la médiane, voire le 75e percentile.

Faut-il se réjouir de ce que les plus grandes entreprises européennes cotées en Bourse accusent un retard de taille sur leurs consoeurs américaines ? Les trois plus grandes capitalisations boursières européennes – Nestlé, Shell et Roche – combinées sont plus petites qu’Apple, dont la capitalisation atteint près de 1200 milliards de dollars. Encore faut-il s’étonner de ce qu’aucune entreprise du top 10 européen n’appartient au secteur d’activité des GAFA et s’inquiéter de ce que l’Europe compense cette relative modestie de la taille de ses plus grandes entreprises par son gigantisme au niveau des pouvoirs publics !

Geert Noels rappelle ce propos de la chancelière allemande Angela Merkel :

« Si l’Europe ne représente aujourd’hui que 7 % de la population mondiale, elle produit près de 25 % du PIB mondial, mais elle représente 50 % des dépenses sociales mondiales. Il est alors évident qu’elle devra travailler très dur pour maintenir sa prospérité et son mode de vie. »

Peu d’aspects du monde moderne échappent à la course au gigantisme. Que l’on songe aux grands rendez-vous sportifs (J.O., Coupe du Monde), mais aussi à ces ONG qui sont devenues en quelques décennies de véritables multinationales. En 2015, l’ONG Médecins Sans Frontières occupait 30 000 employés et gérait un budget de deux milliards de dollars, rapporte l’auteur ; Oxfam est active dans plus de cent pays et gère un budget d’un milliard de dollars ; Greenpeace compte 50 000 bénévoles et dispose d’un budget de 300 millions de dollars.

Noels écrit :

« Le gigantisme a des conséquences sociétales, et nous devons en être conscients. […] Aux États-Unis, le pouvoir est surtout aux mains des grandes entreprises, tandis qu’en Europe il se situe dans les plus grandes bureaucraties. »

Pourtant, les effets des économies d’échelle, dont on fait tant cas, s’inversent à partir d’une certaine taille.

Qui plus est, comment ne s’apercevrait-on pas, même en dehors des États-Unis, de la convergence d’intérêts (mal compris) entre pouvoirs publics et grandes entreprises ? Les réglementations, dont les pouvoirs publics sont si friands, favorisent les grandes entreprises qui s’y adaptent sans problème alors que leur complexité décourage les PMI/PME.

En témoignent la facilité des premières à éviter l’impôt et à capter subsides et autres avantages et la baisse du nombre de nouvelles entreprises, tant aux États-Unis qu’en Europe, sans même parler des effets dont profite le big business du capitalisme de copinage, du syndrome too big to fail, du big data, de la politique de la porte tournante dans les deux sens, des marchés d’État, de l’argent bon marché, de l’affaiblissement des dispositions sur les abus de position dominante et sur les ententes…

Dans Gigantisme, illustré de nombreux graphiques, bénéficiant d’une traduction irréprochable du néerlandais en français et d’une composition impeccable aux Éditions Racine, ce qui ne gâche rien et rend ce livre d’autant plus agréable à lire, Geert Noels ne se contente toutefois pas de poser un diagnostic. Il préconise aussi des remèdes. Nous y reviendrons.

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  • « Les réglementations, dont les pouvoirs publics sont si friands, favorisent les grandes entreprises qui s’y adaptent sans problème alors que leur complexité décourage les PMI/PME. En témoignent la facilité des premières à éviter l’impôt et à capter subsides et autres avantages et la baisse du nombre de nouvelles entreprises, tant aux États-Unis qu’en Europe, sans même parler des effets dont profite le big business du capitalisme de copinage […] »


    Exact. Les grandes entreprises ne sont pas en soi problèmatiques (si elles sont « grandes » c’est parce qu’elles parviennent à satisfaire les besoins de leurs clients), cependant plus les lois, les réglementations et la fiscalité deviennent complexes plus les grandes entreprises se retrouvent injustemment privilégiés, car contrairement aux petites entreprises les grandes entreprises disposent des relations, du temps et de l’argent pour trouver et exploiter toutes les failles du système ( failles = niches fiscales, subventions/subsides, renflouements, marchés d’État, immunités/passe-droits, etc..) Or plus le système est complexe plus il comporte des failles. Qui est à l’origine de toute cette complexité ? La classe politique et administrative. C’est elle la source du problème, elle seule dispose réellement du pouvoir de privilégier injustemment les « grandes » entreprises, c’est à cause d’elle que les petites entreprises peuvent difficilement concurrencer les plus grandes, par conséquent c’est elle qu’il faut critiquer en priorité.

    • donc ce n’est pas la taille le problème, l’augmentation de taille peut être vu comme un symptôme de la réglementation abusive.

      ou pas..le problème est la pertinence de la réglementation.. qui appelle un examen détaillé.

      la taille n’est pas un vrai sujet. le monopole à la rigueur , et encore.

      c’est un peu comme le lobbyisme…

      et je dois dire que la notion de pouvoir sans plus de précision…
      j’ai du pouvoir, nous avons du pouvoir..
      le pouvoir est parfois légitime, parfois non…

      connivence..c’est ce qu’il y a a dénoncer.

    • Votre constat est exact, mais il n’est pas certain que le pouvoir politique soit à l’origine du problème. Les pouvoirs monétaire et économique sont plus puissants, ils ne dépendent pas des élections…

  • Tout à fait: les grandes entreprises, comme les grandes administrations, sont l’exact opposé du libéralisme. Quant au fait qu’elles soient grandes parcequ’elles seraient plus efficaces, il faut être profondément ignorant de la manière dont les affaires se mènent. On devient grand en écrasant les concurrents par tous les moyens possibles: c »est la base de la réussite des Hersant, Musk, Jobs, Gates. C’est également mon expérience personnelle. Ensuite (le premier million engrangé), il n’y a plus de libéralisme, plus de concurrence, le capital privé se comporte comme le capital d’Etat. Oublier le libéralisme, non miscible dans l’oligopole.

    • « le premier million engrangé » : seuil qui n’a pas de sens.

      Peu importe comment les affaires se mènent. Ce qui importe, c’est la captation de la puissance étatique par certains, riches ou pas d’ailleurs. Capitalisme de connivence, corruption, socialisme, écologisme… Il n’y a qu’un moyen de remédier au phénomène : le minarchisme, limiter fermement la taille de l’Etat à ses fonctions régaliennes. Ainsi, il n’y aura pratiquement rien à capter et le coût de captation du peu restant sera trop élevé pour être jamais rentable.

      « N’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité, et bien voir qu’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième. »

      On note que la plupart des dictateurs n’étaient pas riches avant d’embrasser leur vocation, mais le sont devenus ensuite. Dictature : toujours une juteuse affaire. Les démocraties ne sont pas épargnées. On pourrait par exemple regarder du côté d’Obama, dont la présidence lui a été particulièrement profitable. Pas mieux que son voisin Maduro, dont la fille est milliardaire.

  • Le slogan: vers un monde plus durable et plus humain est trop socialiste à mon goût !

    • @ Virgile
      Le socialisme n’a pas le monopole du coeur. Abandonner les mots « durable » et « humain » au socialisme est une faute de sens ( et de goût aussi pour vous? ;-))
      Au contraire je pense qu’il est temps que les libéraux aillent aussi sur le terrain du durable et de l’humain.

    • Ce qui durable est nécessairement profitable. Pas d’avenir sans profit.

  • Le problème à l’origine du gigantisme c’est l’abandon des lois anti-trust en rase campagne.
    Les administrations étant peuplées de fainéants en sont devenues collectivement fainéantes et préfèrent par économie de leurs ressources traiter avec un plus faible nombre d’entreprises qu’avec une multitude.
    La conséquence des grandes concentration est qu’on obtient des monopoles qui sont néfastes aux consommateurs.

    • Un monopole est nécessairement public. Directement ou indirectement, un monopole est l’Etat ou une excroissance de l’Etat.

      Un monopole s’impose par la loi. Sans loi pour l’imposer, un monopole ne peut pas exister.

      Ne pas confondre monopole et position dominante. Cette dernière est légitime si c’est le choix des consommateurs.

      • Une position dominante qui étouffe la concurrence ne finit-elle pas par nuire au consommateur?

        • une position dominante n’empêche pas un concurrent d’émerger.

          • Si. Un ami qui fait des sites internet m’a expliqué comment son travail pour une toute jeune entreprise prometteuse avait été par deux fois saboté. Ce n’est pas une preuve, mais cela interroge.
            On peut aussi empêcher une entrepris de grandir. Par des moyens pas très légaux, je vous l’accorde. Mais c’est le monde réel…

            • Non, par définition. L’existence de pratiques délictueuses ne change rien au raisonnement, sauf à prouver qu’elles seraient systématiques.

    • le monopole privé n’est pas néfaste au consommateur..parce que dans le privé on est libre de ne pas échanger.

      le monopole privé est en général la conséquence d’une situation de domination « technologique » , ils sont monopolistiques car ils sont les meilleurs..
      l’idée qui gouverne au rejet du monopole privé est qu’il est nécessairement associé à la corruption.. soit , luttez contre la corruption, car elle peut aussi exister sans monopole privé, et être aussi néfaste au consommateur..
      avec un monopole privé la concurrence n’est pas interdite..

      • Pas interdite… en théorie. Mais si ce monopole agit sur lEtat pour préserver sa position dominante?
        Un Etat en principe chargé d’édicter et de faire respecter des règles qui interdisent le vol, la tromperie ou l’abus de pouvoir. Mais quand les hommes de l’Etat se laissent eux-mêmes aller à de tels comportements…

        • L’Etat est donc le problème, pas l’entreprise en position dominante.

          Si vous voulez combattre réellement le phénomène, choisissez la bonne cible.

      • S’il y a concurrence, il n’y a pas monopole.

  • Lors du premier forum de Davos, en 1971, les plus hauts responsables occidentaux, ont décidé que « d’ici à l’an 2000, nous ne serions plus que deux cents ou trois cents multinationales à contrôler sur la planète tout ce qui est recherche, exploitation, production, répartition des matières premières qui sont les éléments clés de notre époque ».
    Dans quel but?

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