Black Friday, littérature, prostitution : faut-il tout interdire ?

Pour une partie de nos concitoyens, leur supériorité morale leur donne le droit d’interdire toute explication morale concurrente.

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Sens interdit ou sens de l'interdit à Rome By: empanada_paris - CC BY 2.0

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Black Friday, littérature, prostitution : faut-il tout interdire ?

Publié le 28 novembre 2019
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Par Frédéric Mas.

Au nom de la lutte contre la « surconsommation », des députés écologistes ont déposé un amendement lundi soir pour interdire les campagnes de promotion du Black Friday, cette période de soldes intenses qui parfois dérape en mouvements de foules incontrôlables.

Il y a quelques semaines, c’est la romancière Emma Becker qui était la cible du collectif « Osons le féminisme » lors de sa venue à l’Université de Grenoble Alpes. Son livre La Maison est dans le collimateur des militantes féministes car il ferait la promotion de la prostitution en la glamourisant et en la banalisant :

« Promouvoir son livre sans donner d’éléments contextuels […], c’est encenser la prostitution et le système prostitueur auprès du jeune public, qui est susceptible d’être la cible du lobby pro-prostitution. »

En conséquence, la venue d’Emma Becker sur le campus constituait un « vrai danger », et méritait sa déprogrammation.

On pense aussi à François Hollande, qui a dû déprogrammer une nouvelle séance de dédicace à Toulouse car là encore, une multitude de militants politiques en colère estimait qu’il n’avait pas le droit de la tenir.

Ce florilège de comportements liberticides n’est hélas qu’un petit échantillon de ce qui est en train de se passer partout en France, dans les assemblées, les universités, les librairies ou encore les écoles.

Envie de Pénal

Il y a comme un appauvrissement général du langage politique commun en France. Pour exister médiatiquement, les groupes de pression et les factions idéologiques réclament de plus en plus de censure, et de moins en moins d’espaces de débat. Comme gagnés par la lassitude, ils n’argumentent plus, et se prétendent offensés quand le discours d’en face ne s’aligne pas complètement sur le leur. Se joue comme une compétition entre eux pour le contrôle de la parole publique et pour imposer leurs vues morales à la majorité, la plupart du temps grâce à l’intervention publique.

Paternalisme généralisé et ligues de vertu

Toutes ces tribus politiques et idéologiques qui se battent pour vous censurer le font au nom de la morale. La leur, pas la vôtre. Le Black Friday est une atteinte à la nouvelle morale écologique et anticapitaliste professée par la classe politique d’aujourd’hui. Peu importe que les trois quarts des Français considèrent que c’est une bonne chose, en particulier parmi les jeunes et les femmes selon un sondage BVA du 26 novembre 2019. Si le spectacle des attroupements dans les centres commerciaux ne vous plaisent pas, pourrait-on leur dire, n’y allez pas, et ne regardez pas les vidéos sur youtube qui sélectionnent les passages les plus gênants.

Emma Becker s’est écartée de la ligne morale du parti féministe officiel, qui estime que la prostitution doit être abolie, et non normalisée. Ça devrait pouvoir se discuter rationnellement, mais non, pour certains, il n’y a aucune discussion possible, il faut faire taire les déviants. Peu importe si les prostituées elles-mêmes sont majeures et savent très bien ce qu’elles font. Pour certains féministes, elles ne sont pas moralement majeures, et doivent être mises sous tutelle moralo-étatique.

François Hollande devait se taire face à l’émotion, nécessairement juste et morale puisque réagissant à la « précarité étudiante », des manifestants l’ont empêché de parler à Lille.

Pour une partie de nos concitoyens, leur supériorité morale leur donne le droit d’interdire toute explication morale concurrente.

Le mauvais exemple de l’État

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les explications sont multiples, mais l’une saute aux yeux de tout observateur de la politique française de ces dernières décennies : gouvernants et gouvernés se sont entendus pour donner à l’État un rôle d’instituteur moral. L’État français ne prétend pas seulement assurer la sécurité, l’éducation et la redistribution des richesses (avec le succès qu’on lui connaît).

Il se veut aussi le gendarme moral qui contrôle la liberté d’expression, interdit les comportements jugés déviants à grands coups de taxes comportementales, de législation restrictive sur l’enseignement libre et de campagnes de vivre-ensemble.

C’est donc l’État qui montre l’exemple : il autorise ou interdit en fonction des préférences de ses clientèles, et nous voyons aujourd’hui qu’une partie de ses administrés se comporte comme lui. Au lieu de fabriquer des citoyens autonomes, il crée des tyranneaux assoiffés de domination.

Comment faire pour s’écouter de nouveau ? Comment desserrer l’étau qui condamne à terme la liberté d’expression à n’être plus qu’un vague souvenir dans notre pays ? La première étape passe sans doute par l’abandon de cette culture -trop- commune du paternalisme moral encouragée par l’étatisme omniprésent.

 

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  • david bélliard , candidat à la mairie de Paris , conteste les illuminations de fin d’année sur les champs Elysée par le sponsor Férrerro au nom de l’emprunte écologique et environnemental et de l’impact alimentaire du groupe….les champs Elysée bientôt éclairé à la bougie ?….ou par les poubelles et les bagnoles en feu ?….

  • Je pense qu’il faudrait interdire l’Etat de s’exprimer…en dehors de ses compétences régaliennes.

    • Comme c’est lui qui décide de ce qui est régalien ou pas… Je pense qu’il faudrait apprendre aux citoyens à prendre très sélectivement en compte les propos de l’Etat, et à traduire dans ses votes ce qu’il en déduirait quant aux compétences de ses gouvernants.

      • peut-être que des élections législatives à mi-mandat comme cela se pratique presque partout au monde seraient de nature à ne plus être que dans l’incantation mais de poser UN act de nature à renvoyer sur la planète mars cette population d’hystériques, M.B.
        d’autre part quel crédit reste t’il à cette bande de bras cassé comme autorité? En effet, depuis un an les G.J. ne sont toujours pas dissout et ce sont TOUS ces supérieurement intelligents qui prétendent nous dire comment penser. Leur unique politique se fondant sur la délation quel autorité???

  • Pour ce qui est des étudiants et des comportements ahurissants contre Hollande, Sifaoui et autres, un trait de caractère me frappe particulièrement.
    Je suis absolument sidéré par le manque d’appétence au débat des jeunes générations. Ils se sentent choqués, offensés, outrés voire blessés, dès qu’une opinion ne va pas dans leur sens. On voit d’ailleurs ce phénomène poussé à son paroxysme avec les fameux « safe spaces ».
    Je suis peut être trop vieux et j’ai conscience également que je fais une généralisation mais ça me semble particulièrement inquiétant.
    Manque d’ouverture aux idées des autres, incapacité à la confrontation argumentée, registre émotionnel poussé à son paroxysme : je ne m’étonne plus que des interdictions puissent pleuvoir ici et là.

  • Le totalitarisme, bientôt à votre porte.
    Fuyez tant que vous le pouvez.

  • Bonne analyse…
    Il faut ajouter que l’amplification médiatique donne l’illusion d’un immense pouvoir à chaque groupe de pression.

  • C’est malheureusement se qui se passe quand on lit ici ou là que des paroles peuvent faire mal ou même tuer. C’est débile, mais c’est partager par une bonne majorité et donc, à partir de là : il ne faut pas s’étonner de la place du curseur…

  • Vous pourrez lire mon commentaires (peut-être) dans quelques heures, ce n’est pas de la censure, juste un petit différé…

  • Ces Écologistes commencent sérieusement à nous emmerder .

  • Je ne suis pas favorable au black friday mais je suis résolument contre son interdiction. Une belle fumisterie démagogique de première !

  • Toute concentration et centralisation des pouvoirs d’action tendra inévitablement vers une forme d’impossibilité de satisfaire la diversité des tendances présentes dans une société : la seule solution est moins d’État (cf. Education Nationale avec un moule qui se veut unique).
    C’est la concurrence des solutions et le libre choix des agents qui seul peut résoudre (imparfaitement) les questions soulevées ici.

  • Sans être contre tout, le Blackfriday me saoûle ,on entend que cela ,sms et mails qui inondent mon téléphone de marques diverses et variées que je n’ai jamais achetées ni de près ni de loin .
    Les français passent leur temps à pleurer avant d’avoir mal,GJ,retraites,agriculture,transports…mais les centres de paiement par CB ont renforcé leurs moyens techniques et s’attendent à un record de transactions…

    • Je suis curieux que nos féministes de gauche nous expliquent comment elles comptent faire pour supprimer la prostitution?

      • En pratiquant la gratuité des passes.!!!!!!

      • Et bien par la loi, comme d’habitude. Vous ne saviez pas que tous les problèmes possible et imaginables en France sont résolus par la loi, même si ceux-ci sont tout bonnement inapplicables et bien souvent inutiles, voir même idiotes.
        Ces crottes de chien qui ont l’indécence de venir se loger sous nos souliers, il faudrait vraiment faire une loi contre elles, mille sabords !

  • À tous les ayatollahs, allez vous faire….

  • Les commentaires sont fermés.

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