La France compte parmi les États les plus moralisateurs d’Europe

Sont appelés « États moralisateurs » les États qui incitent à mettre en place des cadres législatifs visant à réglementer de nombreux aspects de la vie privée des citoyens, notamment les comportements jugés « à vice » (tabac, alimentation et boissons, alcool…)

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La France compte parmi les États les plus moralisateurs d’Europe

Publié le 23 novembre 2019
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Un article de l’Institut Molinari

En dixième position dans le classement annuel des États moralisateurs de l’UE, la France multiplie les interdits sur le tabac, l’alimentation et l’alcool.

L’Institut économique Molinari publie la troisième édition1 de l’indicateur des États moralisateurs2 au sein de l’Union européenne (UE).

Ce classement présente la spécificité de prendre le pouls de l’inflation réglementaire sur le tabac, les cigarettes électroniques, l’alcool, l’alimentation et les boissons, avec 1000 mesures dans l’UE.

Il permet de suivre l’évolution des interdits et des fiscalités particulières destinées à réduire la consommation en imposant des contraintes et des coûts aux consommateurs.

CLASSEMENT 2019 DES ÉTATS MORALISATEURS DE L’UE

Sont appelés « États moralisateurs » les États qui incitent à mettre en place des cadres législatifs visant à réglementer de très nombreux aspects de la vie privée des citoyens, notamment les comportements jugés « à vice » (tabac, alimentation et boissons, alcool…)

La France en dixième position, figure parmi les pays les plus moralisateurs

La France se place en dixième position, un score indiquant un niveau de tolérance faible à l’égard des produits dits « à vice ». L’écart est grand entre l’aphorisme lancé par Jean Yanne « Il est interdit d’interdire ! », devenu un des slogans de Mai 68, et la tendance réglementaire actuelle.

La réglementation française est particulièrement contraignante en matière de tabac (troisième position sur 28), d’alimentation et boissons (cinquième position) et d’alcool (huitième position).

La France est le troisième pays le plus moralisateur à l’égard des fumeurs. Au cours des dix dernières années, à coups d’augmentations régulières des taxes sur le tabac, la France est devenue le deuxième pays de l’UE pour les taxes sur les fumeurs et le troisème en termes de recettes fiscales. Elle est l’un des quatre pays de l’UE à avoir adopté le paquet neutre.

Il existe une interdiction totale de publicité sur le tabac. L’interdiction de fumer dans les bars, les restaurants et sur le lieu de travail est presque totale. Fumer est interdit dans les voitures qui transportent des passagers mineurs et, en 2018, Paris et Strasbourg ont commencé à prohiber les cigarettes dans les parcs publics.

Des discussions portent sur l’opportunité d’interdire la représentation de la cigarette dans les films. Pourtant, en dépit de ces nombreuses mesures fiscales et réglementaires, le taux de fumeurs en France est plus élevé que dans les pays privilégiant une approche plus tolérante, comme l’Allemagne et le Luxembourg.

La France est le cinquième pays le plus moralisateur pour l’alimentation et les boissons. Début 2017, elle a interdit les fontaines à soda en libre-service. En juillet 2018, elle a décidé d’imposer plus lourdement les boissons sucrées en fonction de leur teneur en sucre. Une boisson contenant 5 g de sucre pour 100 ml est désormais imposée à hauteur de 0,055 euro par litre, tandis qu’une boisson ayant une concentration en sucre égale à 10 g pour 100 ml est taxée à 0,135 euro.

Depuis quelque temps, on parle d’étendre cette démarche à la charcuterie, pour pénaliser les entreprises et les consommateurs de jambons, rillettes ou sous vide contenant des nitrites.

La France est le huitième pays plus moralisateur en matière d’alcool. La consommation d’alcool en France par habitant a drastiquement baissé depuis les années 1970 mais les Français restent parmi les plus gros consommateurs au monde.

Les taxes sur le vin sont relativement clémentes. Parmi les 14 pays membres de l’UE qui taxent le vin, la France impose le taux le plus bas (0,03 euro par bouteille). En revanche, les réglementations sur l’alcool sont particulièrement strictes.

La France a un des cadres les plus restrictifs au monde concernant la publicité sur l’alcool. La publicité est interdite totalement à la télévision et sur d’autres médias (réseaux sociaux…), certaines publicités étant autorisées à la radio à des horaires tardifs.

Ces mesures ont été adoptées dans le but de diminuer la consommation d’alcool par les mineurs ainsi que les binge drinking (beuveries express). Les résultats n’ont pas été au rendez-vous, aussi le gouvernement a fixé l’âge légal minimal pour l’achat d’alcool à 18 ans tout en instaurant en 2016 une interdiction des encouragements aux binge drinking.

Le niveau de tolérance à l’égard des modes de vie différents diminue dans l’UE

Qu’il s’agisse d’alimentation, de cigarettes électroniques ou de tabac, les réglementations comportementales ont le vent en poupe. Si certaines réglementations ont été assouplies depuis la précédente édition, on assiste globalement à une inflation de réglementations visant les comportements jugés « à vice. » Cette dynamique provient davantage des gouvernements nationaux que de l’Union européenne.

S’agissant du tabac tous les pays, à l’exception de l’Allemagne, possèdent une interdiction quasi-totale de la publicité sur les cigarettes. Plusieurs d’entre eux imposent désormais des interdictions de fumer totale dans les espaces publics à l’image de la République Tchèque, le pays historiquement le plus libéral en matière de tabac. Suite à la Directive européenne sur les produits du tabac (DPT), chaque membre de l’Union européenne a imposé le placement d’images de prévention sur les paquets de cigarettes.

Un seul pays, la Hongrie, a rejoint la France, l’Irlande et le Royaume-Uni dans la mise en place d’un paquet neutre depuis 2017. La Lituanie et la Slovénie pourraient suivre dans les prochaines années.

S’agissant des cigarettes électroniques, onze pays ont une taxe sur les liquides, soit trois pays de plus qu’en 2017. Les montants vont de 8 centimes d’euros en Italie à 21 centimes en Suède. Si les réglementations sur les e-cigarettes ont été assouplies dans des pays comme le Danemark ou la Belgique depuis 2016, les interdictions ont continué de s’étendre ailleurs, et notamment en Suède.

Dans vingt pays, il existe des restrictions légales concernant l’utilisation des e-cigarettes. Quatorze d’entre eux interdisent le vapotage là où la cigarette est elle aussi prohibée. Quinze pays interdisent quasi totalement la publicité sur les cigarettes électroniques.

S’agissant de l’alcool, la réglementation a été durcie en Lituanie, Écosse, Estonie et Irlande. La Lituanie a, par exemple, passé l’âge légal d’achat d’alcool à 20 ans en janvier 2018, ce qui constitue un précédent au sein des pays membres de l’UE.

L’Écosse a mis en place des prix planchers. L’Estonie a procédé à une augmentation drastique des taxes sur la bière et le vin entre 2016 et 2018. Le dynamisme du commerce transfrontalier qui en résulte amène les pouvoirs publics à reconsidérer leurs intentions concernant de nouvelles hausses en 2019 et 2020.

L’Irlande prévoit d’instaurer des prix planchers voire de dupliquer l’approche pratiquée pour le tabac avec une obligation de vente sous le comptoir de l’alcool, l’imposition d’avertissements sur les contenants et l’interdiction totale de publicité.

S’agissant de l’alimentation et des boissons non alcoolisées, neuf pays taxent désormais les boissons sucrées et édulcorées. Les taxes vont de 5 centimes d’euros par litre en Hongrie à 30 en Irlande. La taxe en Belgique a quadruplé depuis son introduction en 2016.

Une réglementation génératrice d’effets pervers

Les réglementations et taxes « comportementales », loin d’être neutres, créent des distorsions et des surcoûts. Les taxes sur les « vices » augmentent le coût de la vie ce qui pénalise particulièrement les plus pauvres. Des règles trop drastiques et des prix trop élevés alimentent le marché noir et la corruption. Les interdictions favorisent la croissance de la bureaucratie et consomment des ressources administratives. Dans le même temps, elles restreignent la concurrence et étouffent l’innovation.

Ces effets pervers sont parfois reconnus, mais certains considèrent qu’ils sont un moindre mal compte tenu des enjeux. Les bénéfices des mesures comportementales seraient supérieurs à leurs coûts. Il n’y a cependant pas de preuve claire que cela soit le cas. D’une part, l’expérience montre que les mesures paternalistes ne sont jamais assez efficaces, ce qui alimente une surenchère réglementaire. D’autre part, les pays les plus paternalistes n’affichent pas nécessairement les meilleurs scores en longévité ou prévalence. On observe notamment :

  • une absence de corrélation entre les scores de l’indicateur et l’espérance de vie ;
  • une absence de corrélation entre la réglementation du tabac et taux de tabagisme ;
  • une absence de corrélation entre la réglementation sur l’alcool et consommation d’alcool.

Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari (Paris-Bruxelles) :

« L’élargissement du champ d’application des réglementations comportementales est une tendance de fond inquiétante. Les pouvoirs publics ne se contentent plus d’encadrer le tabac ou l’alcool. Ils développent de plus en plus de réglementations particulières dans l’alimentaire, les boissons ou la cigarette électronique.

Pourtant l’analyse montre que ces interventions sont loin de produire systématiquement les effets escomptés. On sait que la réglementation est de nature à favoriser l’essor du marché parallèle. Il s’agit d’un phénomène bien documenté dans les domaines où l’interventionnisme public est ancien, tel le tabac ou l’alcool.

Mais les effets pervers des réglementations comportementales ne s’arrêtent pas là. Un nombre croissant de recherches montre que l’essor des réglementations comportementales ne réduit pas nécessairement les risques encourus par les consommateurs. L’interventionnisme peut dans certains cas favoriser ou retarder de façon contreproductive les phénomènes de substitution. »

Christopher Snowdon, Directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs (Londres) :

« Il n’y a pas de gloire à être parmi les pays les plus moralisateurs de l’UE. Trop de politiciens semblent convaincus qu’il faut traiter les citoyens comme des enfants.

L’indicateur des États moralisateurs montre d’importantes différences entre les pays les plus tolérants comme l’Allemagne et la République Tchèque et les pays les plus moralisateurs comme la Finlande et la Lituanie. Pour autant, la tendance est au durcissement. C’est regrettable, car ces politiques moralisatrices réduisent drastiquement nos libertés individuelles sans montrer une réelle efficacité. »

Sur le web

  1. Cette étude a été réalisée par Christopher Snowdon. Christopher est Directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs à Londres. Il est spécialiste des questions réglementaires liées aux modes de vie. Son travail a été réalisé en partenariat avec plusieurs think tank européens, dont l’Institut économique Molinari.
  2. Avec plus de 40 notations pour les 28 pays de l’Union européenne, soit plus de 1000 points de comparaison, l’indicateur des États moralisateurs est un baromètre particulièrement utile pour suivre, d’année en année, l’évolution des politiques comportementales dans l’UE. Il est le plus exhaustif en la matière.
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  • http://www.economiematin.fr/news-tabac-vente-marche-noir-illegal-contrebande-paquet-cigarettes-france : « Dans aucun autre pays en Europe on ne fume autant de cigarettes volées et contrefaites qu’en France »

  • Le problème des comportements à risque, c’est que c’est la secu qui paient (donc tous les cotisants) pour les comportements de certains.

    Avec une liberté de contrat de santé (salaire complet et liberté de choix de son assurance santé), il me semble que la question ne se poserait même pas.

    • C’est des betises leur fin de vie est plus rapide ils coutent moins cher a la secu et au pays.mourir à 90 ans a un cout astronomique par rappprt a un fumeur qui tres rapidement monte au ciel !

      • ce n’est pas parce que l’on meure plus jeune que cela coût moins cher : on peut être en très bonne santé au delà de 90 ans et être très lourdement soigné pendant des années voire des décennies dès la naissance !

        • On parle des comportements « à risques » et toutes les études s’appuient là-dessus : un fumeur ou un obèse a une espérance de vie plus courte = économie sur la retraite. La personne en bonne santé à 90 ans coûte cher, car non seulement elle touche la retraite depuis un bail mais en plus elle a des examens médicaux réguliers du fait de l’âge (et des cures certainement).

          • Un argument de plus pour la retraite par capitalisation, afin que la dite retraite ne coûte plus à la collectivité mais découle de la seule prévoyance de la personne concernée.

    • Ces comportements catalogués « à risques » le sont-ils vraiment ? Il y a davantage de décès de personnes minces par cancer que de personnes obèses par maladie cardio-vasculaire. Et la théorie du bon ou mauvais cholestérol est une grosse arnaque.

  • Les pays moralisateurs sont aussi immoraux ,ils tapent sur les pauvres sans verser une larme

  • C’est pas si mal 10ème dans le fond. Je nous aurais vu premier sans difficulté x)

  • A voir les gondoles kilométriques des hypermarchés replies de vins, bières et autres alcools ainsi que les nombreux commentaires tv sur les « bienfaits du vin » on ne dirait pas!

    • Paradoxe, les gondoles sont aussi remplies de plastique, le bio étant encore plus emballé que le reste, on peut multiplier les exemples, les écolos n’étant pas les derniers à consommer.

    • Les commentaires TV sont encore plus nombreux sur les bienfaits de la modération… !

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