L’entrepreneuriat pour tous : la belle histoire de madame Tao

La belle histoire de madame Tao est là pour nous rappeler que l’entrepreneuriat pour tous est bien souvent la façon la plus commune de faire des affaires : on commence de manière banale avant d’arriver au sommet.

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L’entrepreneuriat pour tous : la belle histoire de madame Tao

Publié le 2 novembre 2019
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Par Philippe Silberzahn.

L’histoire de madame Tao rappelle l’entrepreneuriat pour tous, c’est-à-dire qu’il n’est pas réservé à une élite d’héritiers. À l’heure des levées de fonds, des pitches, des startups, des incubateurs et de la frénésie de hackathons visionnaires, on oublie souvent que l’immense majorité du phénomène entrepreneurial est d’une banalité salutaire. Enfin banal, pas vraiment. Disons que l’héroïsme de certains entrepreneurs est loin des canons qu’on nous sert ad nauseam.

Rien ne l’illustre mieux que l’histoire de madame Tao qui semble sortie d’un conte de fées.

 

Seule, pauvre et à la rue

Tao Huabi est née pauvre, en Chine. Pauvre à la chinoise, c’est-à-dire vraiment très pauvre, tellement qu’elle a à peine appris à lire et à écrire. À 20 ans elle se marie et change de province. Après quelques années, son mari meurt brusquement. Elle se retrouve seule, à la rue, avec deux enfants en bas-âge. La seule chose qu’elle sait faire, c’est la cuisine. Pas de la grande cuisine.

Du riz, des légumes, avec un peu de sauce. Par chance, elle se trouve juste à côté d’un grand établissement scolaire. Pour survivre, à midi elle va donc cuisiner des bols de riz pour les étudiants. Et ça marche. Elle écrase les prix, n’hésite pas à donner du rab gratis et devient une star parmi les étudiants du coin qui l’appellent affectueusement marraine (Gan Ma).

Avec un peu d’argent, elle peut alors ouvrir un restaurant. Par restaurant, il faut entendre quelques tables sur un coin de parking. Elle ne sert qu’un plat de nouilles, qu’elle agrémente avec une sauce épicée, qu’elle fabrique à partir d’une vieille recette de sa région. Gros succès. Mais un jour elle manque de sauce. Ses clients refusent de manger les nouilles. C’est la sauce qu’ils veulent. Et d’ailleurs, de plus en plus de clients lui demandent de leur en mettre un peu dans un petit bol pour l’emporter et l’utiliser chez eux.

 

La sauce qui attire les clients

D’ailleurs elle découvre que certains viennent chez elle uniquement pour acheter la sauce, qu’elle se décide donc à vendre séparément. Elle en donne gratuitement aux chauffeurs routiers qui viennent manger chez elle, qui en parlent tout autour d’eux.

Madame Tao finira par fermer son restaurant et ouvrir une usine pour fabriquer sa sauce, qu’elle nommera Lao Gan Ma (vieille marraine). Aujourd’hui, après pas mal de péripéties, son usine produit pour le monde entier, et génère 190 millions de dollars de chiffre d’affaires. Elle est une star en Chine, et devrait l’être partout ailleurs. J’ai un pot de Lao Gan Ma dans mon armoire et c’est délicieux.

On peut tirer plein d’enseignements de cette histoire, qui illustre bien les principes de l’effectuation, la logique des entrepreneurs :

  • arrêtez de pleurer sur ce que vous n’avez pas ; regardez ce que vous avez, même pas grand-chose, et demandez-vous ce que vous pouvez faire avec ça (premier principe de l’effectuation, démarrez avec ce que vous avez).
  • faites des petites choses, parce qu’au moins vous pouvez les faire tout de suite sans demander la permission à personne (second principe, agissez en perte acceptable).
  • appuyez-vous sur les autres davantage que sur votre supposé génie : les étudiants et les chauffeurs routiers pour madame Tao (troisième principe, le patchwork fou).
  • tirez parti des surprises (les clients veulent la sauce, pas les nouilles) plutôt que d’essayer de tout planifier (quatrième principe).
  • enfin, ne laissez jamais les circonstances s’imposer à vous, soyez acteurs de votre environnement (cinquième principe, pilote dans l’avion).

 

Libération par l’entreprise

Un autre enseignement est que l’entrepreneuriat est un formidable outil de libération et d’émancipation, particulièrement pour les plus pauvres et les plus démunis, ceux qui sont abandonnés par le système. Ne sachant ni lire ni écrire, madame Tao n’avait aucune chance de trouver un job dans une entreprise.

Mais l’enseignement va au-delà : j’utilise souvent l’exemple de madame Tao auprès de managers confrontés à la difficulté de transformer leur organisation et qui m’expliquent que « à leur niveau ils ne peuvent rien faire ». Si madame Tao, qui a démarré dans les pires conditions qui soient, a pu faire autant, que dire de ce que peut faire un manager disposant de ressources tangibles et symboliques ?

Bien sûr les situations ne sont pas comparables, mais quand même. L’exemple de madame Tao, et de tant d’autres individus courageux, peut peut-être nous aider à sortir de cette impuissance apprise qui étrangle les organisations aujourd’hui. Madame Tao, en substance, nous dit : « ce ne sont pas les autres, c’est vous », et elle nous remet gentiment la balle de notre côté du filet en nous disant : « à vous de jouer. »

Pour reprendre une belle citation de ce conte philosophique qu’est… Ratatouille :

Tout le monde ne peut pas devenir un grand chef, mais les grands chefs peuvent surgir de n’importe où.

On peut appliquer cette formule à l’entrepreneuriat, mais aussi au leadership.

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  • Tout ceci est bel et bon mais dans notre charmant pays, essayez donc de faire ce qu’à fait Mme Tao… et c’est bien pour cela que nous n’avons pas ou peu de startup qui deviennent des dragons. La France hait les petits entrepreneurs ils menacent les « insiders »

    • Je pense que dans ce cas ça ne serait même pas une histoire d’outsider qui menacerait un insider. Ça commencerait par des contrôles d’autorisation administrative d’ouvrir un lieu destiné à la restauration, suivi par des contrôles sanitaires en cuisine, des contrôles sur les prix trop bas (le fait d’offrir des repas, est-ce vraiment bien légal…?), etc.
      Donc en France, cette brave dame aurait avec beaucoup de temps et d’énergie fait un petit traiteur asiatique du coin, mais pas sûr qu’elle aurait eu la possibilité d’aller au niveau suivant.
      Au passage, la nourriture de rue en Chine est juste excellente. À condition de ne pas être trop regardant sur la propreté de la vaisselle (il est recommandé par les locaux d’emmener la sienne).

      • Mon fils dirige un hôtel en Asie du Sud Est, de temps en temps il se trouvent des clients qui lui demandent pourquoi il devraient payer plus cher les mets préparés par le restaurant dédié ‘local’ que ceux, par ailleurs délicieux, servis dans la rue.

        Sa réponse est invariable:
        « Moi, j’ai des frigos… »

  • Principes à étendre à tous les domaines de la vie.

  • Chez nous avant de pouvoir ouvrir un negoce quelconque il faut tout un tas d’autorisations , reglements a respecter voire diplome a posseder et ensuite peut-etre commencer chichement sans appui bancaire …

  • Excellentes sauces, j’en ai teste 2, et j’en ai toujours d’avance dans mon placard, elle a même le nom de sauce magique par certain expatries. J’en consomme un pot toutes les 2 semaines, et je pourrais plus m’en passer.

  • Cette histoire est a d o r a b l e ..mais est elle vraie ?

    • c’est une bonne question..
      reste que les conseils qu’elle suppose illustrer sont de bon sens..
      mais bien sûr si on les suit il ne faut pas s’attendre à connaitre le succès de madame tao qui est exceptionnel mais juste vivre mieux.

      tout le monde ne peut pas faire un truc comme ça.. d’ordinaire les exceptions n’illustrent pas les règles de cette façon.

      • pour être complet monsieur silberzahn donne souvent des conseils pour les leaders.. ou ceux qui veulent le devenir..je serais intéressé par une analyse de ces conseils appliqués, ce qui n’est pas tout à fait chercher des structures dans les comportements observés..

        je me dis..si on connaissait des conseils ou un enseignement pour ‘faire des leaders » ou des entrepreneurs , on devait pouvoir trouver des cas où cet enseignement produit clairement un effet.
        j’accepte en général des conseils de la part de gens dont je sais qu’ils ont au moins réussi mais je sais aussi que il y a de la chance et des éléments hors controle dans la réussite donc j’y mets un grain de sel..

        • Si c’etait aussi simple que d’apprendre nous serions tous des leaders sauf que ca marche pas comme ca ,faut du courage ,de la tenacite et mettre une croix sur toute la moralite de soumission apprise ..et en plus , il faut le don , le charisme …le charisme suffit en general même en absence d’inventivité ,les autres inventent pour vous , le leader , le chef de meute.

          • Il faut aussi parfois avoir de la chance d’avoir … de la malchance.

          • Madame Tao, comme bien d’autres, n’a jamais eu l’intention d’intégrer la caste des leaders, mais simplement de vivre le mieux possible en recevant la juste rétribution des services qu’elle rend aux autres et du plaisir qu’elle leur procure. Vouloir devenir un leader, c’est très différent d’aspirer à la réussite. Ca rend aussi difficile de juger du succès des « méthodes », lesquelles sont en effet souvent focalisées sur le leadership. Les meilleurs chefs d’entreprise que j’ai vus étaient bien plus concentrés sur la réussite de leur boite que sur leur position personnelle.

            • caractère et hasard sont aussi des clefs de la réussite..sa sauce est bonne..

              on peut rappeler que dans une société occidentale le QI est un prédicateur assez bon du niveau sociale d’un individu si vous ajoutez le caractère travailleur du personnage c’est très bon…

              ce qui m’ennuie ( beaucoup) est la prétention à pouvoir enseigner le leadership et la réussite.. j’aimerais avoir quelques éléments de preuves que donner un enseignement là dessus conduit à plus de succès..par exemple à QI donné…

    • l’histoire est vrai.
      On peut rajouter que cette femme est décédée il y a peu de temps.

  • Oui c’est assez simple de créer soi-même son job quand on n’est pas harcelé par l’Administration.

    • D’ailleurs il n’y avait pas de chômage de masse avant que l’État français ne devienne tentaculaire et étouffe toute vie économique, depuis quelques décennies. Le problème, en France, est d’abord et avant tout là. Mais peut-être le message subliminal de l’auteur est-il d’encourager ses lecteurs à s’exiler, au pays de Mme Tao ou ailleurs ?

  • Impossible à faire en France : essayez de vendre de la bouffe sur le trottoir, je ne vous donne pas 5 minutes avant de voir débarquer les autorités pour vous demander de foutre le camp !

    Même dans les pays officiellement communistes comme la Chine, le Laos ou le Vietnam, les gens peuvent vendre de la bouffe dehors sans craindre les flics !

  • Les commentaires sont fermés.

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