Sans la liberté, de François Sureau

Un vibrant plaidoyer pour le retour aux libertés fondamentales, face aux restrictions croissantes imposées par l’État.

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Sans la liberté, de François Sureau

Publié le 1 novembre 2019
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Par Johan Rivalland.

François Sureau, avocat et écrivain, est un ardent défenseur des libertés publiques.

Face au constat des restrictions croissantes qu’entraîne la loi, il en appelle à en revenir à ce qui avait fondé la société politique. Et met en garde contre les dérives de la « démocratie moderne », qui conduit l’État à réduire abusivement la liberté d’aller et venir, de manifester, de s’exprimer librement, voire même de penser.

S’inspirant de Chateaubriand, selon qui « sans la liberté il n’y a rien dans le monde », il pointe du doigt l’idée insidieuse selon laquelle la liberté serait comme « une vieillerie tombée en désuétude avec l’honneur ». Son propos est relativement accablant, partant d’un constat effroyable pour qui a vécu, avec quasiment toute une génération, dans l’idée que la liberté faisait partie de l’esprit du temps :

« J’ai vu changer cet esprit-là. Chaque année un peu plus depuis vingt ans, les plaques tectoniques de notre société politique se déplacent dans une mesure telle que j’ai fini, comme bien d’autres, par me demander si l’amour de la liberté, ou celui de l’État de droit qui vise à le garantir, n’étaient pas un simple vernis, une référence morte, un propos de fin de banquet. Je parle moins ici des coups de canif, bientôt de scie égoïne, portés à la Constitution, que des raisonnements produits en nombre pour les justifier, et qui semblent passer sans obstacle de la police aux procureurs, des procureurs aux parlementaires, personne ne paraissant s’aviser de l’étrangeté d’un ordre où on laisserait aux chiens de garde le soin de redessiner la maison. »

 

Nous nous sommes habitués à vivre sans la liberté

Dépité par ce qu’il observe, François Sureau déplore que les politiques, face aux inquiétudes des populations à l’égard du terrorisme, les politiques mettent en cause sans vergogne les fondements de l’ordre politique et de la liberté, y renonçant sans sourciller, cédant ainsi aux sirènes de la propagande sécuritaire. Et cédant face à « ceux qui ne nous aiment pas parce que nous aimons la liberté ».

Issu d’une génération où on avait conscience du prix de la liberté chèrement acquise, après que les grands totalitarismes eurent été vaincus, il dit avoir « compris qu’il dépend de très peu de monde que notre société se corrompe » et écrit :

« Ma surprise tient à la manière dont j’ai vu depuis dix ou vingt ans les meilleurs caractères se corrompre comme dans un bain d’acide. »

Se disant pessimiste mais pas résigné, il tient pour vaine l’indignation et constate que « nous nous sommes déjà habitués à vivre sans la liberté ». D’où sa volonté de réagir avec force, pour tenter de réveiller les consciences et conduire à ce que l’on reformule le projet politique fondé sur la liberté, consubstantielle à l’Homme, et de s’y tenir. Il observe ainsi qu’il s’en est fallu de peu pour que le délit cognitif ne soit introduit dans le droit français, ou que l’on condamne quelqu’un sur la vague intention du passage à l’acte, ou que l’on assigne à résidence de simples suspects, comme du temps de la Terreur.

« Gouvernements et parlements de droite et de gauche ayant cédé sous la vague, par lâcheté, inculture ou démagogie, il n’a dépendu que du Conseil constitutionnel que ces errements soient arrêtés. »

… Et encore, peut-être seulement temporairement, craint-il, chaque attentat étant susceptible de mener au retour à de telles considérations, la manie étant depuis longtemps déjà de légiférer à chaque incident.

« Tout se passe comme si, depuis vingt ans, des gouvernements incapables de doter, de commander, d’organiser leurs polices, ne trouvaient d’autre issue que celle consistant à restreindre drastiquement les libertés pour conserver les faveurs du public et s’assurer de leur vote, dans une surprenante course à l’échalote qui nous éloigne chaque année un peu plus des mœurs d’une véritable démocratie. »

 

Un État répressif, plutôt que garant des libertés

Loi anti-casseurs, loi sur les fake news, loi visant à réprimer les discours de haine sur Internet… de plus en plus l’État s’engouffre de manière intrusive, maladroite et préoccupante dans des formes de contrôle social plus poussées. Au mépris des droits fondamentaux des individus et de la liberté d’expression.

Des formes de censure qui se rapprochent de plus en plus du système chinois de condamnation de citoyens à la mort sociale. À la fois une trahison et une régression vers le pire de l’ancien monde, celui que nous pensions décrier.

« Et nous qui nous moquions du substitut Pinard, qui poursuivait Flaubert ou Baudelaire, nous en sommes les héritiers. Notre bonne conscience se compare à la sienne. Nous partageons avec lui, sans même y avoir pensé, comme d’instinct, l’idée que l’ordre moral vaut par lui-même en tant qu’ordre, à raison des valeurs qu’il promeut, et non parce qu’il garantit l’existence de la liberté. »

François Sureau insiste ensuite sur le fait que notre système de droits a été pensé de manière à ce qu’il n’y ait pas à choisir entre sécurité et liberté.

Fondé sur les droits naturels, tels que définis dans l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, il garantit que le respect des libertés fondamentales est au cœur du projet politique et qu’aucun gouvernement ne doit y déroger. D’où la séparation, en principe, des pouvoirs exécutif et judiciaire. Principe mis à mal dans les circonstances récentes de l’état d’urgence. Et, à ce stade, selon François Sureau, la réaffirmation des « droits de l’Homme » au sens classique ne suffit plus. Se référant à Tocqueville, il constate les dérives de notre système démocratique.

« Une génération de politiques formés par l’administration, serviteurs devenus maîtres, aura renoncé à l’action véritable tout en diminuant nos libertés. »

Mais selon lui, les gouvernants ne sont pas seuls en cause. Les parlementaires, la presse, et même la société civile par son manque de réaction et en quelque sorte sa servitude volontaire, se sont tous fourvoyés. Pour autant, il n’est pas trop tard – même si, nous dit-il, il devient difficile d’être optimiste – pour que les plus convaincus tentent de convaincre que la liberté est une manière d’être. Sans pour autant devoir passer pour de doux rêveurs.

« Car je ne suis pas assez naïf ni assez démocrate pour croire que les institutions, par leurs vertus propres, rédiment ceux de nos congénères qui se sont cru le droit d’en diriger d’autres. La politique a ses règles et doit être pensée dans son ordre. Son exercice pourtant ne devrait jamais conduire à oublier cet homme que la société organisée doit servir et non pas asservir : l’homme qui rêve, qui invente, accepte ou se refuse selon son seul gré. L’homme pour lequel Baudelaire a écrit que l’on avait oublié deux droits dans la déclaration, le droit de se contredire et celui de s’en aller. »

 

— François Sureau, Sans la liberté, Tracts Gallimard, septembre 2019, 64 pages.

 

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  • Il n’y a pas de liberté sans responsabilité .
    l’etat s’étant emparé de tout , pour régner au nom de la solidarité , il ne reste que des gens dépendants.
    La com remplaçant les faits et les actes, le tout relayé avec des médias serviles nourris a la mamelle
    de l’etat.; une constitution indigne, une justice politisée,des lois électorales bananières…
    ou voyez vous la liberté dans un pays écrasé par les prélèvements au service de castes?
    les français ont renoncé a leur liberté contre des allocations pour les uns et des salaires garantis pour les autres..

  • Pour qui a le cul dans du coton, la liberté des autres est une insulte.

  •  » Alle Menschen zerfallen, wie zu allen Zeiten so auch jetzt noch, in Sklaven und Freie; denn wer von seinem Tage nicht zwei Drittel für sich hat, ist ein Sklave, er sei übrigens wer er wolle: Staatsmann, Kaufmann, Beamter, Gelehrter. »

    ( Aujourd’hui comme hier, tous les hommes finissent esclaves ou hommes libres, car quiconque n’a pas les deux tiers de son temps pour lui même est un esclave: qu’il soit homme d’état, commerçant, employé ou érudit. )

    Nietzsche
    Menschliches, Allzumenschliches. Ein Buch für freie Geister, 1878-1880. Erster Band. Fünftes Hauptstück. Anzeichen höherer und niederer Kultur

  • Le problème c’est la gauche, puisque on constate les mêmes attaques contre la liberté en France et aux USA où ceux non politiquement corrects sont bannis des universités et des media, refuges du gauchisme! Elle a recréée l’Inquisition chargée de punir toute déviance!

  • J’ai bien peur qu’une majorité de français auraient peur d’une vraie liberté, et ne sauraient pas quoi en faire.

    • Rendez vous compte, devoir prendre des décisions sur sa vie et devoir en assumer les conséquences, toutes les conséquences. Manquerait plus qu’on soit obligé de se comporter en adultes.

  • Livre salutaire.
    Je passe moins pour un paranoïaque dans les « dîners en ville » quand j’explique qu’il y a un recul grave des libertés.
    Et que la présidence Macron est plus qu’inquiétante sur ce point, ce qui montre bien que ce Monsieur n’est en aucun cas libéral.

    • Macron est dans la droite ligne de Hollande et son premier ministre franquiste Valls. Je vis à l’étranger depuis 2016 et je suis la vie politique française moins dans le détails qu’avant. Je vous assure vu de loin, on fait pas la différence entre sous Hollande et sous Macron. La similitude et la continuité sont frappantes.

      Quant au recul des libertés, ça fait au moins depuis Sarkozy qu’il est en oeuvre. Hollande ayant ajouté sa pierre à l’édifice, Macron ajoutant la sienne désormais.

      Mais vous et moi sommes en effet paranoïaque. Ça fait pourtant deux décennies qu’on nous explique que le danger à un visage humain en la personne des Le Pen et de l’extrême droite qui n’attend que de se faire élire démocratiquement pour rouler sur le pays et sa Constitution.

  • La liberté est la grande victime de l’Etat tel qu’il est en France alors qu’elle est le premier terme de notre devise.
    L’économie est freinée pour ne pas dire entravée par ledit Etat et son administration avec toutes les conséquences pour l’emploi, la création d’activité et la croissance que nous connaissons.
    Pourquoi plusieurs mois seulement hors de nos frontières pour utiliser le méthane ou créer des entreprises de pisciculture alors qu’il faut plusieurs années dans la patrie de Courteline?
    Le mal français si bien analysé par Alain Peyrefitte est toujours d’actualité et même aggravé.
    La majorité de nos maux ont pour source l’Etat qu’il faut réformé profondément et qui le refuse.
    Faudra-t-il une révolution en espérant qu’elle ne se termine pas en bain de sang?

  • Bonjour,

    Je pense qu’il y a une donnée qui n’est pas beaucoup analysée pour expliquer le déclin de la liberté.

    Celui du déclin de la capacité des gens à raisonner.

    Je suis de la génération des Millenials et c’est très dur d’avoir des conversations et de débats avec eux.

    Je suis sidéré de voir que beaucoup, beaucoup trop d’entre eux ne sont tout bonnement pas capables de tenir une argumentaire basé sur la RAISON et la LOGIQUE. Ils sont beaucoup trop souvent ancrés dans l’ÉMOTION. Et ceci aussi de la part de gens qui ont pourtant fait des études!

    On en vient à ne plus converser de peur de heurter leur petits sentiments chéris.

    Ajouter à cela que l’on vive dans une société de l’immédiateté où il faut réagir dans la minute par un tweet à un évènement qui vient de se passer et où on attend une action des gouvernants tout aussi rapide.

    Ajoutons encore le « virtue signaling » que l’utilisation des réseaux sociaux a fait s’emplifier, c’est-à-dire soutenir des causes ou mesures n’ont pas pour leur intérêt ou résultat mais pour se montrer en bien et se sentir bien (syndrome du chevalier blanc).

    Tout ceci ne faisant que renforcer l’emprise de l’émotion sur la raison.

    Vous imaginez bien que dans ces conditions, la prise de recul n’existe plus ni le débat démocratique consistant en la recherche sinon de la vérité, d’un compromis, et amenant à respecter et mieux connaitre son adversaire.

    On a plus que des factions qui s’opposent chacune se pensant détentrice de la vérité, se « gueulant » leur arguments à la face des autres et diabolisant l’adversaire.

    Si vous pensez que le niveau des dernières élections des deux côtés de l’Atlantique étaient d’un niveau inacceptable. Vous n’avez sans doute encore rien vu. Aux USA, les coqueluche des Millenials qui votent sont Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders. En France, ce sont Mélenchon et Le Pen.

    Vous avez probablement été témoins des beaux jours de la liberté…

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