Xi fête 70 ans de communisme chinois

70 ans après, le nouveau Mao enfile le costume de l’ancien : les évolutions de société intervenues entre temps en Chine le permettront-elles ?

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Xi fête 70 ans de communisme chinois

Publié le 8 octobre 2019
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Par Yves Montenay.

Un énorme défilé sur la place Tiananmen célèbre les 70 ans de la prise de pouvoir par le parti communiste chinois. L’objectif est d’afficher la puissance économique et militaire actuelle de la Chine, ce qui laisse indirectement entendre que ces 70 ans ont été bénéfiques. C’est se moquer des Chinois.

L’arrivée des communistes en 1949 a été le début d’une des pires époques de leur histoire, pourtant souvent sanglante. Ce n’est qu’en 1984 que Deng Xiaoping a lancé ses réformes dans une Chine ravagée par la famine et les violences.

Les démographes estiment qu’il y a eu des dizaines de millions de victimes, battant le record de Staline.

C’est donc 1984 qu’il aurait fallu en bonne logique célébrer, avec le formidable rattrapage de la Chine depuis lors.

Choisir 1949 signifie donc que ce n’est pas tellement le succès économique que l’on cherche à promouvoir, peut-être parce qu’il est évident, mais le pouvoir du parti.

C’est une illustration du recentrage politique sur ce dernier pour faire face aux multiples oppositions.

 

Des protestations très nombreuses et vigoureuses mais disparates

Le groupe le plus important des protestataires de moins en moins discrets est celui des migrants internes. Ces derniers quittent la campagne pour trouver un travail en ville, ou plus exactement près des villes, car leur passeport intérieur leur interdit l’accès à une bonne part des services publics urbains.

Dans un tout autre domaine, des émeutes éclatent souvent pour des raisons écologiques, notamment la pollution des eaux et les négligences industrielles.

Dans ce dernier cas les accusés bénéficient souvent de protections occultes qui accroissent encore le mécontentement. Ces émeutes sont réprimées violemment et parfois accompagnées de la punition de responsables locaux pour contribuer au retour au calme.

Les répressions plus purement politiques sont davantage suivies en Occident. Elles touchent parfois des peuples entiers comme les Ouïgours ou les Tibétains, ainsi que, dans l’ensemble du pays, les défenseurs des droits de l’Homme, dont les avocats.

Plus insidieusement la répression s’attaque aux religions : musulmans et chrétiens sont sommés de se « siniser ». Les mosquées doivent avoir une architecture à la chinoise, les églises enlever leurs croix trop voyantes, sans parler du contrôle politique de leurs responsables.

Après des décennies de discussions un compromis sur la nomination des évêques vient enfin d’avoir lieu entre le Vatican et Pékin, officialisant la participation du pouvoir dans ces nominations.

Des mécontentements plus diffus viennent des inégalités vertigineuses, hors de proportion avec celles que nous connaissons en France.

Les proches du pouvoir peuvent accumuler des fortunes immenses :

  • soit par les commandes publiques (TGV, autoroutes, aéroports, villes nouvelles), avec éventuellement des dettes non payées en cas d’échec,
  • soit par le soutien public à des entreprises privées qui deviennent gigantesques.

 

La conjonction de ces mécontentements et protestations pourrait être dangereuses pour le pouvoir, d’où sa réaction actuelle.

 

Renforcer le contrôle social par le parti

Le premier souci du pouvoir est donc d’éviter la contagion géographique et sectorielle. Pour cela il faut museler l’information et notamment contrôle de l’Internet.

Il est sans cesse répété aux cadres que ce qui a fait périr l’Union Soviétique c’est l’inconscience de Gorbatchev d’autoriser la transparence (glasnost).

La décision du président Xi a donc été de renforcer le rôle et le pouvoir du parti autour de sa personne. Cela passe notamment par la multiplication récente des séminaires de cadres glorifiant la pensée et les œuvres du président Xi… ce qui rappelle forcément de mauvais souvenirs de l’époque maoïste.

Nous avons donné d’autres exemples de cette reprise en main dans nos précédents articles sur la Chine : il y a notamment le contrôle facial menant au contrôle social où chaque individu est noté, en principe pour écarter les mauvais payeurs ou les trublions, et également la multiplication des cellules du parti dans les entreprises y comprises étrangères.

C’est donc le parti qu’il faut magnifier, d’où l’évocation de 1949, illustrée par le défilé avec des chants et danses des acteurs habillés en fermiers soldats et ouvriers de l’ère Mao, comme lors des campagnes des années 1950, 1960 et 1970.

Pour un Européen, cela rappelle des manifestations organisées par Hitler et Staline.

 

Un blocage qui conduira à l’explosion ou la stérilisation

Pour l’instant, l’objectif est atteint et les oppositions ne peuvent se fédérer ni dans l’espace ni d’une catégorie à l’autre.

Reste le scénario d’un coup d’État mené par des cadres effrayés :

  • les uns le sont pour leur propre sécurité, souvenez-vous de l’élimination de Robespierre par les survivants des épurations successives, qui pensaient que leur tour allait venir.
  • les autres le sont par réalisme, s’inquiétant de l’orgueil nationaliste envahissant économiquement de nombreux pays, voire menant à des aventures militaires.

 

Et s’il ne se passe rien, on retombe sur le risque de stérilisation, avec la chute des investissements étrangers, une fuite croissante de capitaux et l’inertie par prudence à tous les niveaux. Sans parler d’une lente dégradation de la créativité du fait de la difficulté des échanges intellectuels avec l’étranger.

On passerait alors de « ouvrir la fenêtre sans faire entrer les mouches » à « fermons la fenêtre, nous sommes assez grands pour nous débrouiller seuls ».

Bref, 70 ans après, le nouveau Mao enfile le costume de l’ancien : les évolutions de société intervenues entre temps en Chine le permettront-elles ?

Sur le web

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  • Zemmour récemment :

    « La perennité de la Chine est une claque absolument magnifique donnée à tous les théoriciens libéraux qui nous expliquaient depuis les années 80 que le capitalisme allait forcément de pair avec la démocratie ».

    Oui, une dictature peut être compatible avec le libre-échange et du capitalisme.

    Mais s’il y a absence de libre-échange et de capitalisme, c’est qu’on est dans une dictature.

    • quand il n’y a pas de libertés, on est au mieux dans le capitalisme de copinage…

    • Oui enfin Zemmour, qui a raison sur d’autres points, s’emballe quand même un peu en disant ça.
      Car comme le dit breizh ci-dessus, c’est au mieux du capitalisme de connivence, une hideuse caricature du capitalisme.
      … ce qui se traduit par un PIB par habitant (à parié de pouvoir d’achat) voisin de 15-16.000 dollars (pour rappel : USA environ 60.000 dollars), ce qui place la Chine entre la 80ème et la 100ème place mondiale, cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_(PPA)_par_habitant

      Rien ne vaut une vraie démocratie, avec l’économie de marché, la liberté d’entreprendre et toutes les autres libertés – et un État se cantonnant à ses missions régaliennes.

      • A la fin de Mao, le PIB par habitant étant bien inférieur que le niveau actuel.
        En 35 ans, la Chine a fait un énorme bon en avant concernant le libre échange, et l’augmentation des richesses de ses habitants, c’est un fait indéniable.
        Il est de plus en plus dit que la Chine n’est plus dans l’étape de copier les autres, mais de faire ses propres produits. Ca se voit au travers des nouveautés technologiques qu’ils sortent. Ils ont du chemin à faire, mais ils pourraient bien atteindre leur objectif qu’ils se sont fixés (je ne sais plus quelle année, 2039 ?).

        • « A la fin de Mao, le PIB par habitant étant bien inférieur que le niveau actuel. »

          Forcément, quand on part de plus bas que terre, on ne peut que monter… ceci ne constitue pas une démonstration de l’efficacité d’une dictature, que je sache.

  • c’est surtout qu’une dictature permet de faire travailler les masses sur des produits qu’elle ne peut pas acheter ..

    la france suit le systeme de la chine, elle veeut que ses habitants consomment moins d’électricité , pour vendre celle ci a l’allemagne..

  • il me semble que parmi les causes de la chute de l’URSS, il y a également le montant des dépenses militaires (que n’avait pas la Chine à l’époque, mais qu’elle semble rattraper aujourd’hui).

    Xi a le mérite de la clarté : le communisme reste le communisme pour le plus grand drame des Chinois.

    pour le reste, à suivre : https://institutdeslibertes.org/pourquoi-les-dictatures-ne-tombent-pas/

    • Il y a les raisons ponctuelles et il y a la cause fondamentale, l’exil intérieur de tout un peuple, qu’une phrase résume très bien : « Vous faites semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler. »

    • Voir au sujet des dictatures le très bon article de J.-B. Noé sur l’IDL

      « …des milliers d’anonymes qui ont osé se lever contre la dictature communiste en défendant leur langue, leur histoire, leur culture.[…] Voilà comment tombent les dictatures : par le réveil des hommes de bien, qui défendent leur culture et leur histoire. Une arme fragile, mais qui peut être plus redoutable qu’un fusil. »

      https://institutdeslibertes.org/pourquoi-les-dictatures-ne-tombent-pas/

  • L’autre problème est aussi démographique. La population vieillit et la politique de l’enfant unique n’a pas renouvelé les générations.
    http://lequidampost.fr/la-chine-va-t-elle-bientot-seffondrer-comme-cest-effondre-lex-urss/

  • 1949 a ete choisit car c est pour le pouvoir en place sa source de legitimité. C est le 01/10/49 que Mao proclame la republique populaire apres avoir gagne la guerre civile.
    C est a partir de cette date que le PCC regne et Mao est vu en chine comme le fondateur de la chine moderne et fait l objet d un culte populaire

    Je vois pas comment le PCC ou Xi pourait choisir une autre date sans saper le fondement de leur pouvoir.

    Sinon je signale a l auteur que Deng etait aussi un communiste. Il etait commissaire politique durant la guerre civile et s il a eut quelques problemes lors de la Revolution culturelle c etait parce qu il etait au pouvoir quand mao etait en disgrace (comme le pere de Xi d ailleurs)

    La chine communiste s effondrera t elle ? possible mais rien n est moins sur.
    A mon avis c est pas un cout d Etat Interieur qui est le risque principal pour Xi. Leurs initiateurs ont tout a perdre dans une telle aventure (ils sont tous tres riche et du pouvoir) et maintennat on n est plus execute d une balle dans la nuque comme sous staline.
    Une stagnation economique ? possible mais la chine forme enormement de chercheurs/scientifiques, et ceux ci sont motive car ils voient la progression (la chine ets passe de la misere crasse a un niveau presque occidental en 30 ans). Ils peuvent tres bien nous depasser. Surtout que chez nous, c est pas des carrieres de choix (franchement il vaut mieux faire medecine qu Ingenieur pour un francais). donc on va avoir une Equipe de 2eme division pas motivee en France face a une Equipe chinoise de 1ere division motivee… pas gagné

    A mon avis le principal risque est le pourrissement. Aucun chinois ne rejoint le PCC par ideal. C est au mieux pour faire carriere, au pire pour les pots de vin. Vous avez donc des dirigeants carrieristes et/ou corrompus. Pas forcement le meilleur choix pour affronter le challenge qui consiste a devoir developper une economie qui passe de la copie des autres a l innovation

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