Google contourne habilement l’article 11. Les politiciens, hébétés, fulminent.

Par la loi, on a encore une fois tenté de faire payer Google pour un service qu'il fournissait gratuitement. L'opération est une fois de plus un échec.
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Google contourne habilement l’article 11. Les politiciens, hébétés, fulminent.

Publié le 2 octobre 2019
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Lorsqu’on prévient que tout va mal se passer, on est forcément désolé de constater que tout se passe comme prévu, c’est-à-dire mal. C’est exactement ce qui se déroule avec l’intervention massive des pouvoirs publics dans le domaine de l’Internet.

Cet interventionnisme débridé s’est traduit, ces dernières années, par la mise en place d’un règlement (le RGPD) et d’une directive, dite Copyright.

J’avais ainsi, dans de précédents articles, détaillé la mise en place de ce règlement au départ destiné à protéger les petits internautes, bipèdes un peu idiots que seules les administrations semblaient capables de protéger des entreprises turbocapitalistes ultralibérales assoiffées de leurs données personnelles, et j’avais correctement noté que ces mesures aboutiraient fort probablement à une palanquée d’effets pervers imprévus. C’est sans surprise qu’on découvrait ensuite que ce règlement avait essentiellement défavorisé les petites entreprises et largement favorisé les grosses.

Soit exactement l’effet inverse de celui recherché.

De la même façon, j’avais noté que les agitations incontrôlées du législateur dans le monde de l’Internet, poussé aux fesses par les indéboulonnables lobbys des sociétés de droit d’auteur diverses et variées, aboutiraient plus que sûrement à des effets de bords désastreux lorsque fut introduite la directive européenne sur la gestion du droit d’auteur dans le monde numérique. Pour rappel, cette directive prétendait apporter une solution législative soi-disant opérationnelle d’encadrement des usages des biens numériques au regard du droit d’auteur, depuis les citations de presse jusqu’aux liens de page en page, en passant par les mèmes rigolos.

Là encore, sans la moindre surprise, on découvrit assez rapidement que les grosses entreprises s’adaptèrent rapidement à la nouvelle donne, au détriment des moins agiles et des plus petites qui, elles, durent soit changer de modèle économique, soit périr discrètement dans l’indifférence des médias. Parallèlement et là encore, en accord avec ce que les experts avaient clairement annoncé sans jamais avoir été entendus, différentes affaires s’accumulaient montrant les dérives rapides et inévitables que cette directive entraînait : mise en place de filtres massifs sur différents supports, montée en puissance d’une censure a priori – rebaptisée filtrage pour faire passer la pilule…

Bref, l’Internet, par le truchement d’une nouvelle bordée de lois mal boutiquées et contre-productives, poussées par les intérêts bien compris d’un ancien monde arc-bouté sur ses privilèges poussiéreux, prenait encore une fois un tournant détestable vers davantage de concentration, de connivence et moins de liberté.

C’est dans ce contexte déjà relativement agité qu’on apprend récemment que Google vient de changer la façon dont seront indexés et représentés les articles de presse dans son portail thématique.

Dès janvier, en réponse à la mise en place de cette nouvelle directive, Google avait clairement annoncé réfléchir à la possibilité de mettre fin, purement et simplement, à l’indexation des sites de presse pour éviter de tomber sous le coup de la loi qui lui imposait notamment une rémunération de ces sites en fonction du trafic ainsi généré.

Depuis, la transposition de la directive a progressé puisque son application dans le droit français pointe le bout de son nez : fin octobre, la France sera l’un des premiers pays à avoir transposé cette directive dans son droit et aura donc le plaisir de goûter, enfin, à la rémunération des sites de presse par Google à chaque fois que ce dernier en fait des citations.

Sauf qu’évidemment, Google n’entend certainement pas larguer des millions d’euros pour un service qu’il offrait gratuitement jusqu’à présent et permettait à cette presse de faire connaître sa production qui, bien qu’indigente, bourrée de fautes d’orthographes et de nouvelles pour la plupart lourdement biaisées, disposait ainsi d’une large publicité et d’une audience qu’elle ne méritait clairement pas, le tout, gratuitement jusqu’à présent.

Dès lors, pour éviter toute rémunération des éditeurs de presse, Google cessera d’afficher les extraits d’articles et les photos dans ses résultats concernant l’actualité. L’affaire, expliquée dans un billet de blog du vice-président de Google News, ne laisse aucun doute :

Lorsque la loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait.

Sapristi, voilà qui va quelque peu modifier la donne : par défaut, si l’éditeur souhaite avoir ses articles, ses vignettes et ses extraits référencés, il faudra qu’il le fasse savoir auprès de Google, ce qui veut dire par la suite que toute idée de rémunération supplémentaire de la part de Google sera à abandonner pour cet éditeur (ou parions que, même forcé, Google facturera alors, pour ce service de présentation, le montant exact de la rémunération qu’aurait souhaité l’éditeur de presse, annulant l’effort législatif entrepris).

Autrement dit, si aucun éditeur ne souhaite apparaître dans les nouvelles présentées par Google, la page Google News promet d’être un peu terne, seulement remplie de liens sans résumés. Heureusement, tous les éditeurs qui ne vivent que par le trafic et les gains publicitaires générés par celui-ci auront tout intérêt à accepter la nouvelle donne. Les autres éditeurs, minoritaires, verront plus probablement leur audience s’étioler. Quelques semaines après l’entrée en force de cette nouvelle loi, on peut donc parier à un retour (peu ou prou) à l’état actuel.

En attendant et devant la nouvelle stratégie de Google, à la fois légale et terriblement illustrative de l’imbécillité des législateurs incapables de comprendre les enjeux économiques réels, la réaction des politicards ne s’est pas faite attendre : Frank Riester, actuelle excuse placée à la tête du ministère de la Culture, a ainsi expliqué sur Twitter que, je cite, « la définition unilatérale des règles du jeu est contraire à la fois à l’esprit de la directive et à son texte. »

Très très chiffonné, le pauvre petit Frank a donc courageusement décidé de s’entretenir prochainement avec ses homologues européens, parce que, scrogneugneu, cette situation ne peut pas durer. Il faut faire quelque chose, voyons, c’est obligé, n’est-ce pas, non mais des fois et puis bon, hein, mffppfmmf.

On se demande bien comment notre ministre va concrètement obliger une société privée à faire de gros cadeaux publicitaires à des sites de presse et les rémunérer de surcroît. Le spectacle de sa déconfiture promet d’être amusant.

Ouf, Frank Riester n'a pas tout misé sur la politique
—-
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  • Nos élus sont des ténias. Aussi stupides, laids et parasites. Je n’arrive plus à comprendre leurs actions qui ne ressemblent qu’à dés vomissures qui entravent la vie des autres. Toutes leurs actions points du doigt vers leur caste, leurs privilèges. Ils ont besoin de plus d’argent, de plus de contrôle sur la société. Ils veulent croître et élargir leur capacité de nuisance le plus loin possible. Finalement ils se retrouvent isolés en EU où les autres les regardent gesticuler. Comme un ténia qui se noie dans une merde. Ce pays est pathétique.

  • ou parions que, même forcé, Google facturera alors, pour ce service de présentation, le montant exact de la rémunération qu’aurait souhaité l’éditeur de presse, annulant l’effort législatif entrepris

    Non, du tout : c’est dans l’espoir de faire rentrer du pognon dans caisse sans fond de l’état.Rémunération => TVA due à coup sur, bénéfice ou pas. Ce sera donc gratuit, ou presque, l’éditeur devant investir des ressources pour faire savoir à Google qu’il peut afficher des extraits et dans quelle mesure.

    Et je vous le fiche en mille, l’état insatiable cherchera à taxer ces ressources internes. Ce n’est qu’une question de temps, que le dinosaure se réveille.

    Le spectacle de sa déconfiture promet d’être amusant.
    Des cons fits, hue’…? ou dé.con.fit.ure?
    On va les reconnaître, les paris sont pris, aucune hésitation 🙂

  • la connerie de l’appareil d’etat est une source de joies inépuisable..

    elle fait la fortune de tous les humoristes , les auteurs de théâtre,
    et ce depuis le 19 eme siecle..

    l’etat travaille dur pour nous fournir la cocasserie nécessaire a la levée de l’impôt..
    Vous payez pour rire finalement

  • Bah google a autant besoin des journaux que les journaux ont besoin de google ,cela finira par s’arranger a l’amiable , chacun sauvant son honneur.

    • Désolé , je n’attaque plus l’etat ,l’etat n’existe plus ,les manettes sont dans les mains des lobbys et ils sont trop nombreux …d’ailleurs , si cela se trouve ,c’est une demande de google pour pouvoir monnayer ses services, attendons l’acte final !

    • Google a besoin des journaux ?
      Je ne serai pas aussi affirmatif, il y a tant d’autres sources de contenus sur Internet qui attendent sagement leur heure

    • PAs Vrai ! google a fermé son site de news en espagne et allemagne….qui ont vite modifié leurs réglementations pour permettre aux médias d’être de nouveau visibles !
      Google n’a pas besoin d’eux: Il n’y a aucune pub sur googlenews !

  • « la définition unilatérale des règles du jeu est contraire à la fois à l’esprit de la directive et à son texte. » Ce commentaire de Riester est hallucinant. Le mec vient de pondre un article qui n’est rien d’autre qu’une définition unilatérale des règles du jeu, mais lui ça va, c’est bon…

  • « C’est sans surprise qu’on découvrait ensuite que ce règlement avait essentiellement défavorisé les petites entreprises et largement favorisé les grosses.
    Soit exactement l’effet inverse de celui recherché. »
    Compte tenu de connivences qui ne sont plus à démontrer entre l’Etat et les grandes entreprises, la presse etc… je fais l’hypothèse que c’était l’effet recherché, ou plutôt que cet effet était connu mais ne gênait pas les saltimbanques qui nous gouvernent.

    • Si l’on en croit Ayn Rand et la Grève, si les grosses entreprises crèvent alors beaucoup de petites entreprises crèvent aussi. Et à la fin il y a un effet de bord obligatoire: l’Etat se retrouve avec ses idées géniales sur les bras sans personne pour les payer. Trouvons un Jesus pour le crucifier et oublions vite cette sordide histoire. Nos élus ne sont PAS des humains comme les autres. Ils n’accepteraient jamais ce qu’ils nous imposent.

  • Alors comme ça chez chez GOOGLE, il ne veulent même ^pas financer les médias inintéressants déjà largement perfusés d’argent public… Oh, les vilains GAFA!!
    Vite créons une commission !! et dotons la, largement de pleins de moyens pour faire se succéder un panel de pseudos experts biens choisis (parmi les copains) qui se feront grassement payer pour égrener des poncifs sur le sujet…

  • « imbécillité des législateurs incapables de comprendre les enjeux économiques réels »
    Comme cette nouvelle réglementation n’est pas tombée du ciel par l’opération du Saint-Esprit, j’ai tendance à penser que cette imbécillité est largement partagée par certains éditeurs de presse qui en sont à l’origine…
    Sauf que cette fois-ci, même les gros n’ont rien à gagner !

  • Comme d’hab , tous ce que touche l’état le pourris, en fait Google mine de rien tombe dans le piège à long terme en acceptant de devenir un monopole de diffusion moyennant finance ou pas. Du coup les ptits diffuseurs se trouvent écarté et la concurrence défaite. Et comme tous le monde le sait la concurrence c’est le mieux le plus dynamisant.
    Encore une fois au pays des soviet tous est possible

  •  » le pauvre petit Frank a donc courageusement décidé de s’entretenir prochainement avec ses homologues européens, parce que, scrogneugneu, cette situation ne peut pas durer.  »
    Cette réaction me fait penser à un gamin éconduit qui court chez « sa maman » pour avoir gain de cause… Pitoyable !

  • La bêtise n’explique pas tout: il y a aussi le complot. Historiquement liés au pouvoir macroniste, les médias « main streams » à fort support capitalistique ont donc grâce à cette habileté évincé pour toujours tous les lanceurs d’alertes et autres feuilles de choux qui n’auront plus les moyens d’informer…

    La vérité aura donc plus de chance d’être maintenue en place. Une seule solution: émettre depuis l’étranger. Contrepoints doit devenir un média irakien.

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